2. Assurer aux laboratoires de recherche des moyens humains et budgétaires suffisants
A ce retard s'ajoutent des difficultés matérielles qui nuisent au bon déroulement des activités de recherche sur le territoire français.
La première d'entre elles concerne le manque de moyens humains , devenu crucial depuis quelques années avec la nécessité de remplacer les nombreux chercheurs et enseignants-chercheurs qui partent à la retraite.
Ainsi que l'observaient Maurice Blin, Henri Revol et Jacques Valade, rapporteurs de la commission spéciale pour le projet de loi de programme sur la recherche, « non seulement la part des chercheurs dans la population active en Europe, de 6 pour mille, est inférieure à celle des Etats-Unis (8 pour mille) ou du Japon (10 pour mille), mais de plus notre communauté scientifique connaît un phénomène de vieillissement : 51 % des chercheurs français ont plus de cinquante ans .
« Dans le même temps, la désaffection pour les études scientifiques perdure. C'est ainsi qu'en France, le nombre d'inscriptions en sciences à l'université baisse et que les perspectives pour les mathématiques sont également inquiétantes. Enfin, beaucoup de ces diplômés abandonnent le secteur scientifique pour des carrières plus lucratives. » 11 ( * )
D'après les données de l'Observatoire des sciences et des techniques (OST), les seuls départs à la retraite vont conduire à un renouvellement du potentiel humain de la recherche de 29,6 % pour la période 2001-2010. Pourtant, les postes de titulaires offerts par les laboratoires de recherche publics sont encore très insuffisants.
De fait, les chercheurs rencontrés par votre rapporteur se sont émus de ce que de nombreux doctorants en sciences du vivant quittent la France pour travailler à l'étranger , notamment dans les laboratoires des universités américaines.
Votre commission a pu constater cette réalité à l'occasion de sa rencontre avec l'équipe de biologie des cellules souches humaines du laboratoire d'oncologie virale du CNRS à Villejuif, dirigé par le docteur Jacques Hatzfeld. Avec le départ à la retraite des deux directeurs de recherche, qui ne seront pas remplacés, l'unité fermera à la fin du premier semestre de 2006. Les jeunes chercheurs de l'équipe ne se sont vu proposer aucun poste de titulaires dans le cadre du CNRS et, de ce fait, plusieurs d'entre eux partiront travailler à l'étranger, aux Etats-Unis et à Singapour notamment, dans les semaines à venir.
En outre, les difficultés financières demeurent pour de nombreuses équipes, même si des efforts considérables ont été faits en la matière lors de deux dernières lois de finances . Le budget 2005 a ainsi accru d'environ un milliard d'euros les sommes engagées en faveur de la recherche et la loi de finances pour 2006 a prévu une nouvelle augmentation de même ampleur. Mais ces sommes ne sont pas, loin s'en faut, intégralement consacrées à la recherche académique.
Enfin, il apparaît que la lourdeur des démarches administratives - même si elles ont pour vocation d'assurer le respect de la législation sanitaire par les laboratoires - constitue un frein à l'efficacité de la recherche, le temps de travail des équipes étant trop souvent obéré par des tâches bureaucratiques.
Les chercheurs s'étonnent également de trouver une administration si tatillonne au moment de l'examen de leurs dossiers, alors que les activités des laboratoires sont déjà strictement encadrées et surveillées. Ainsi, alors que les équipes françaises attendent leurs autorisations de recherche pendant parfois près d'un an, après avoir été confrontés à de multiples tracasseries administratives, la Food and Drug Administration (FDA) américaine traite en quelques semaines des dossiers de demande d'autorisation de recherche de plusieurs milliers de pages et les deux laboratoires britannique qui ont demandé une autorisation de recherche sur le clonage l'ont obtenue de leur administration en moins de six mois.
Il conviendrait donc de renforcer les services chargés d'expertiser ces dossiers à l'ABM afin de permettre aux équipes françaises qui le souhaitent, et qui réunissent les conditions nécessaires de compétence et de sécurité, de travailler rapidement sur des lignées de cellules souches embryonnaires, dès lors que la recherche est enfin autorisée.
* 11 Projet de loi de programme sur la recherche. Maurice Blin, Henri Revol et Jacques Valade au nom de la commission spéciale. Rapport Sénat n° 121 (2005-2006).