2. Des évolutions souhaitables dans le domaine de l'embryologie et de la procréation
a) Confirmer l'autorisation de recherche sur l'embryon ?
L'autorisation des recherches sur l'embryon suscite aujourd'hui de nombreux espoirs. Elle devrait en effet permettre d'améliorer les thérapies pour cet âge de la vie, qui reste jusqu'à présent le seul à ne pas être étudié, mais elle constitue également un atout pour la recherche fondamentale, notamment génétique 13 ( * ) , et une promesse thérapeutique pour les années à venir. Les cellules souches embryonnaires peuvent en effet être multipliées facilement en culture et la maîtrise de leur différenciation a fait de réels progrès.
Face à ce constat, votre rapporteur fait sienne la réflexion du professeur Axel Kahn : « La loi du 6 août 2004 n'est pas adaptée à la réalité de la recherche. En effet, la fixation d'un moratoire de cinq ans à l'interdiction des recherches sur l'embryon ne constitue pas une durée suffisante pour obtenir des résultats probants . En outre, il est difficile d'établir une séparation stricte entre la recherche fondamentale sur la différenciation des cellules et la recherche thérapeutique. » 14 ( * )
Il souhaite donc que la troisième loi de bioéthique autorise officiellement, en continuant à les encadrer comme elles le sont aujourd'hui, les recherches sur les cellules souches embryonnaires, et ce même si les résultats obtenus à l'issue du moratoire ne sont pas encore probants.
Cette autorisation devra s'accompagner d'une définition plus précise de l'embryon qui, rappelons-le, n'a pas de véritable statut juridique en France, mais aussi de l'inscription dans le Code civil de la notion de « pré-embryon » , plus appropriée pour qualifier embryons surnuméraires dont seront dérivées les lignées de cellules embryonnaires. De cette façon, la recherche pourrait être interdite sur le seul embryon, c'est-à-dire passé le stade de l'implantation.
Considéré en droit civil, comme une « personne conditionnelle », c'est-à-dire susceptible de bénéficier d'une protection juridique proche de celle reconnue aux individus, à condition de naître vivant et viable, la dimension biologique de l'embryon a été prise en compte par la loi Veil de 1975 relative à l'interruption volontaire de grossesse et par les lois de bioéthique de 1994. Dans le débat actuel, il n'est perçu ni comme une personne ni comme une chose, puisque les atteintes à l'embryon sont tolérées uniquement dans l'intérêt médical d'autrui, mais comme un être vivant que le droit pourrait consacrer comme « personne humaine potentielle » . Se pose alors la question de la condition juridique des embryons surnuméraires qui ne feront pas tous l'objet d'un projet parental, et qui ne peuvent donc pas être considérés comme des êtres humains en devenir. Au stade préimplantatoire, ils pourraient donc être définis comme des pré-embryons.
La séparation sémantique entre les deux termes existe déjà dans de nombreux pays, notamment en Grande-Bretagne. Pour Etienne-Emile Beaulieu, professeur honoraire au Collège de France, l'Académie des Sciences devrait définir l'embryon comme celui qui est définitivement unique. Or, le pré-embryon n'a, s'il est implanté, qu'une chance sur dix de devenir un embryon et seulement une chance sur deux de donner une lignée cellulaire pour la recherche.
La recherche sur les cellules souches embryonnaires ne devra toutefois pas se faire au détriment de celle sur les cellules souches adultes , dont la compatibilité immunologique est parfaite et le risque de transformation maligne bien moindre. Les essais cliniques menés jusqu'à présent sont encourageants, notamment ceux portant sur les maladies du coeur et du foie, même si l'utilisation des cellules souches adultes à des fins thérapeutiques n'est pas exempte de difficultés, dans la mesure où leur plasticité est inférieure à celle des cellules souches embryonnaires. De fait, ces recherches ne devraient pas donner de résultats probants avant au moins deux ans.
b) Relancer le débat sur l'autorisation de l'implantation post mortem et du double don de gamètes ?
Votre rapporteur souhaite également que la prochaine révision de la législation sur la bioéthique soit l'occasion de poser la question de l'implantation post mortem d'embryons pour permettre à une femme dont le conjoint est décédé de porter son enfant.
Dans le droit actuel, cette faculté n'est pas ouverte. Aux termes de l'article 24 de la loi du 6 août 2004, « font obstacle à l'insémination ou au transfert des embryons le décès d'un des membres du couple, le dépôt d'une requête en divorce ou en séparation de corps ou la cessation de la communauté de vie, ainsi que la révocation par écrit du consentement par l'homme ou la femme auprès du médecin chargé de mettre en oeuvre l'assistance médicale à la procréation. »
Le transfert post mortem d'embryon, s'il était autorisé à l'avenir, devra intervenir après un examen médical et psychologique approfondi de la future mère, afin de s'assurer que l'enfant naîtra dans un climat favorable à son épanouissement, et s'accompagner ensuite d'un suivi prolongé.
Par ailleurs, votre rapporteur est favorable à ce que soit étudiée l'éventuelle autorisation du double don de gamètes pour les couples dont les deux membres sont atteints d'une maladie pouvant être transmise à l'enfant.
A l'heure actuelle, celui-ci est interdit par le même article 24 qui dispose que l'embryon « ne peut être conçu avec des gamètes ne provenant pas d'un au moins des membres du couple ». Or, cette restriction peut sembler singulière dès lors que la possibilité existe déjà pour un couple d'accueillir un embryon surnuméraire issu d'une autre union, donc dénué de tout lien biologique avec les parents bénéficiaires du don 15 ( * ) .
Enfin, il souhaite qu'une réflexion intervienne dans le domaine du statut du foetus , notamment pour permettre aux parents qui le souhaitent d'offrir une sépulture à leur foetus après un avortement médical.
* 13 La fonction d'un tiers des gènes est encore inconnue selon Jacques Hatzfeld, directeur de recherche au laboratoire du CNRS de Villejuif.
* 14 Table ronde organisée par la commission des Affaires sociales le 8 février 2006 sur l'application de la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique, p. 36.
* 15 Table ronde organisée par la commission des Affaires sociales le 8 février 2006 sur l'application de la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique. Cf. intervention de Marie-Hélène Mouneyrat, p. 38.