2. A la concurrence sociale s'ajoute la concurrence fiscale
Il existe un biais fiscal spécifique au secteur du BTP , qui tend à favoriser les entreprises étrangères intervenant sur un chantier en France. Cet effet est sensible pour l'ensemble des impôts.
a) Un avantage légal en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe professionnelle
La combinaison des dispositions du code général des impôts 54 ( * ) et des conventions fiscales internationales 55 ( * ) aboutit à n'imposer sur le territoire français que les chantiers de construction ou de montage étrangers qui constituent des établissements stables, c'est-à-dire dont la durée excède douze mois.
En deçà de cette durée 56 ( * ) , l'activité de l'entreprise étrangère ne donne lieu ni au paiement de la taxe professionnelle, ni à celui de l'impôt sur les sociétés. Ce dernier est payé dans le pays d'origine de l'entreprise où, s'agissant des dix nouveaux Etats membres de l'Union, son taux est en moyenne deux fois inférieur au taux français : 33, 3% en France pour 16 % en moyenne dans ces pays (19 % en Pologne).
b) Des règles de TVA traditionnellement vulnérables aux fraudes
Le principe posé par le droit communautaire est que les prestations se rattachant à un immeuble doivent être soumises à la TVA du pays dans lequel l'immeuble est situé 57 ( * ) . Toutefois, il a pu arriver, en particulier dans le bâtiment, que des entreprises étrangères, identifiées de façon douteuse, facturent la TVA à leurs clients sans jamais la reverser à l'administration fiscale, en particulier depuis qu'en 2002 la France a dû supprimer, pour les entreprises européennes, l'obligation de disposer d'un représentant fiscal. La fraude se traduisait alors par une perte définitive pour le Trésor ainsi que par un dumping par les prix vis-à-vis des concurrents français, d'autant plus qu'en matière de construction neuve, le taux de TVA est de 19,6 % et non de 5,5 %.
Hors des cas caractérisés de travail illégal, ces fraudes devraient toutefois commencer à prendre fin. En effet, le 1 er septembre 2006 est entré en application le mécanisme d'autoliquidation de la TVA 58 ( * ) , selon lequel il revient désormais aux clients professionnels et non plus aux prestataires de collecter la TVA et de la verser aux services fiscaux.
c) Des différences connues s'agissant de l'impôt sur le revenu
Sans qu'il soit ici question d'un biais propre au secteur du BTP, il convient de rappeler que les taux d'impôt sur le revenu applicables aux salariés dans les nouveaux Etats membres sont eux aussi très sensiblement plus bas que ceux pratiqués en France. Ainsi le taux d'impôt maximal en Pologne est de 35 %, soit 13 % de moins qu'en France, un différentiel de 15 % environ se retrouvant pour l'ensemble des tranches.
En définitive, la concurrence nouvelle à laquelle sont confrontées nos entreprises de BTP apparaît pour partie déloyale , dans la mesure où une de ses composantes tient à des fraudes ou à des abus venant s'ajouter à un écart de coût déjà très sensible.
Face à cette situation, votre commission des affaires économiques estime que le fatalisme ou la résignation ne sont pas de mise.
* 54 Principalement son article 209-I.
* 55 Qui sont basées sur le modèle de convention établi par l'OCDE, dont l'article 7 traite du cas des chantiers de construction.
* 56 En vertu du principe de « réalisme » du droit fiscal, l'administration n'hésite cependant pas à imposer les entreprises qui découpent une même grande opération en plusieurs chantiers de onze mois ou qui, sans disposer d'un siège social officiel en France, y possèdent toutefois leur siège de « direction effective ».
* 57 Article 9.2.a de la directive n° 77/388/CEE en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, dite « sixième directive TVA ».
* 58 Prévu par l'article 94 de la loi de finances rectificative pour 2005.