II. ETAT ACTUEL DES FACTEURS D'INTEROPERABILITE DES SYSTEMES D'INFORMATION EN SANTE

Les obstacles à l'interopérabilité ne sont plus d'ordre technologique, même s'ils ont pu l'être jusque dans les années récentes. Les technologies de la communication, associées aux évolutions majeures des techniques multimédia, ont en effet provoqué l'émergence de normes et standards qui se sont imposées sous l'influence d'une concurrence acharnée entre les grands opérateurs industriels au niveau mondial.

En matière de systèmes d'information les difficultés se situent dorénavant au niveau des applicatifs eux-mêmes, pour des raisons techniques, mais aussi en raison de facteurs sociologiques, sans exclure les considérations de coût.

1. Les obstacles techniques à l'interopérabilité

Il existe des secteurs capables d'inter opérer en s'appuyant sur les normes et standards du marché.

C'est le cas des applicatifs sectoriels où les acteurs disposent d'un langage et de référentiels communs et interviennent dans un univers restreint, conditions qui favorisent le dialogue et l'adoption de standards communs - par exemple dans les domaines spécialisés, comme la cancérologie ou la diabétologie. Tel est également le cas des applicatifs spécialisés qui ont imposé leurs standards, comme SESAM-Vitale, pour la communication des FSE.

Cependant, dès l'instant où l'on étend le champ de l'interopérabilité à la diversité des acteurs, le potentiel d'interopérabilité permis par les techniques se heurte aux difficultés à assurer une gestion unifiée de l'information sur les structures et à l'absence de normalisation des concepts. Ainsi :

L'absence d'identifiant commun du patient constitue en soi un obstacle majeur à l'interopérabilité orientée « patient ». La diversité des systèmes d'identification pouvant, en outre, être génératrice d'ambiguïtés aux conséquences redoutables.

Il en est de même, mais dans une moindre mesure, de l'identifiant unique des professionnels de santé (aujourd'hui, un même professionnel dispose d'autant de cartes d'identification que de situations différentes d'exercice de sa profession).

La gestion des annuaires ne paraît pas suffisamment avancée, pas plus que la refonte des répertoires d'entreprises et d'établissements de santé.

La cour constate que l'interopérabilité des systèmes d'information en santé ne peut être pleinement satisfaite dans la situation actuelle, en l'absence de référentiels communs et d'unicité des identifiants.

Sans mésestimer les difficultés, elle note que des travaux destinés à améliorer la situation présente sont en cours, et qu'un projet de décret en Conseil d'État relatif à l'identifiant unique du patient est en préparation.

Le rapport déposé par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale sur la mise en application de la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie 28 ( * ) en précise le contexte en ces termes :

« La mise en oeuvre des articles de la loi relatifs aux données de santé est rendue très complexe par trois considérations : la technicité de la matière, le respect nécessaire des normes nationales et internationales relatives à la protection de la vie privée et enfin les avis et consultations nécessaires.

La loi prévoit donc la mise en oeuvre différée des dispositions visées à l'article 3 [de la loi du 13 août 2004]. Il s'agit principalement de la mise en place du dossier médical personnel (DMP). La loi prescrit l'avis préalable de la CNIL et de l'ordre des médecins [...]. L'objectif est une mise en place du DMP à la mi-2007. S'agissant de l'identifiant santé unique (art. 5), un décret en Conseil d'État, pris après avis de la CNIL, devrait intervenir en décembre 2005. » En fait, ce décret sur l'identifiant patient n'a pas encore vu le jour.

La DHOS confirme l'importance des référentiels communs pour assurer l'interopérabilité des systèmes d'information en santé. Elle reste dans l'attente de la livraison de certains de ces référentiels, dont elle n'a pas la responsabilité 29 ( * ) mais dont elle devra assurer le bon déploiement dans les établissements de santé.

Par ailleurs la DHOS indique, sans en donner d'autres précisions, avoir lancé une étude sur les nomenclatures décrivant les activités des établissements assurant la tarification des soins dans les systèmes d'information hospitaliers. Cette étude devrait déboucher sur des pistes d'amélioration pour le pilotage et de la diffusion des nomenclatures.

2. Les obstacles sociologiques à l'interopérabilité

La pratique de l'interopérabilité suppose que les acteurs de santé concernés adoptent une attitude volontariste pour échanger de l'information. Mais l'appréciation par ces derniers du degré d'utilité de l'interopérabilité est à rapprocher du coût qu'ils sont prêts à y consentir et du profit qu'ils en attendent.

Le jeu « gagnant - gagnant », entre émetteurs et récepteurs d'information, n'est semble t-il pas assuré, ni au plan pécuniaire, ni au plan des avantages espérés dans l'exercice de leur activité.

L'identification des contraintes qui pourraient s'opposer à l'interopérabilité semble d'ailleurs assez largement partagée par les différents organismes rencontrés.

Par ailleurs, le degré de sécurisation des données, qui conditionne en grande partie la confiance des acteurs dans le système, exige de recourir à des technologies dont le coût global pour la collectivité ne semble pas totalement appréhendé.

3. Le rôle de l'État

Pour améliorer l'interopérabilité des systèmes d'information, de nombreux travaux pluridisciplinaires sont encore à mener que l'insuffisante coordination inter administrative en la matière pourrait freiner.

En outre, elle ne peut être isolée des progrès à accomplir dans l'interopérabilité des systèmes d'information d'ordre administratif en général.

Dans cet esprit, la direction générale de la modernisation de l'Etat (DGME) promeut la mise en oeuvre du RGS : référentiel général de sécurité et du RGI : référentiel général d'interopérabilité.

Ce Référentiel Général d'Interopérabilité (RGI) s'appliquera aux acteurs publics et aux organismes gérant des régimes de protection sociale. L'interconnexion des systèmes, favorisée par le RGI, ne devant pas se faire au détriment de la sécurité, le Référentiel Général de Sécurité (RGS) apportera des méthodologies permettant de renforcer la sécurité. Il définira les niveaux de sécurité auxquels doivent répondre les applications et les dispositifs afin d'assurer la cohérence des systèmes amenés à interagir.

Ces référentiels reposent sur la généralisation de pratiques internationales tant du point de vue de l'interconnexion physique des réseaux que du cadre sémantique conduisant à l'élaboration de vocabulaires communs. Cette modélisation conduit également à l'élaboration de référentiels métier. Certains acteurs des systèmes d'information de la Santé sont impliqués dans l'élaboration de ce cadre méthodologique (la CNAMTS notamment).

Cette activité devrait être encouragée et l'utilisation généralisée de ces référentiels devrait être une condition à remplir pour tout projet relevant du domaine de la santé.

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En tout état de cause, les entretiens menés au cours de l'enquête ont montré que la volonté de partage de l'information n'est pas suffisamment admise, ni au niveau des principes, ni, a fortiori, au niveau de la nature des informations qu'il serait utile d'échanger.

La cour constate que l'interopérabilité des systèmes d'information en santé ne peut être pleinement satisfaite dans la situation actuelle, en l'absence de référentiels communs et d'unicité des identifiants.

En matière de référentiels, les annuaires et les répertoires sont des éléments indispensables à l'interopérabilité.

La gestion des annuaires partagés est en soi un applicatif particulier, mais on ne peut pas concevoir qu'il soit établi de manière isolée au sein du seul système de santé. Par ailleurs, compte tenu de leurs finalités respectives, il serait hasardeux de considérer qu'un répertoire peut également jouer le rôle habituellement dévolu à un annuaire.

En ce qui concerne les identifiants, l'interopérabilité entre les acteurs concernés par le dossier patient, notamment dans la relation entre médecine de ville et médecine hospitalière, suppose que soit résolue au préalable la question de l'unicité de l'identifiant du patient entre tous les acteurs sur l'ensemble du territoire national.

La Cour considère, en outre, que l'interopérabilité des systèmes d'information ne peut échapper à une coordination, globale et inter administrative, fondée sur les normes internationales et, à défaut, sur les standards universellement admis. Normes et standards conditionnent, en effet, la capacité des systèmes d'information à inter opérer et constituent des enjeux de pouvoir tels, qu'ils justifient que l'État intervienne d'une manière plus directive que dans la situation présente.

Dans le domaine des systèmes d'information en santé, l'existence d'une structure chargée de suivre l'évolution des standards et des normes est indispensable. En effet, l'interopérabilité des composants technologiques n'est pas un acquit définitif. Elle se définit par référence aux normes et standards du moment. Il s'agit donc d'un enjeu de long terme qui rend d'autant plus délicats les choix des maîtres d'ouvrages à un instant donné. En outre, ces choix impliquent de leur part, une certaine prise de risque.

Dans le domaine technique, la Cour considère qu'il serait souhaitable que les recommandations émises par l'ADAE, relatives aux conditions de l'interopérabilité des systèmes d'information, soient généralisées à l'ensemble du domaine de la santé.

À titre conservatoire, il serait également utile de prendre systématiquement en considération les standards de présentation des données 30 ( * ) dans les échanges d'information de gestion entre les acteurs de la santé ayant à en connaître, notamment pour les échanges entre médecine de ville et médecine hospitalière. Cette précaution favoriserait l'interopérabilité en rendant, en principe, les applications de gestion indépendantes les unes des autres, et par voie de conséquence, des éditeurs de logiciels.

* 28 Rapport N° 2208, présenté par M. J-M. DUBERNARD, Député, enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 23 mars 2005.

* 29 Sauf pour le répertoire des établissements et celui des professionnels de santé (RPPS), ce dernier devant voir le jour à partir de 2007.

* 30 Les EDI (Échanges de Données Informatisés) en sont une application, mais le standard XML aura tendance à s'y substituer à terme.

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