II. UNE GESTION DU RISQUE DE TSUNAMI CONTRASTEE SELON LES BASSINS

Alors que le système d'alerte aux tsunamis dans l'océan Pacifique a été mis en place depuis plus de quarante ans, il a fallu attendre le tsunami de Sumatra en 2004 pour que la communauté internationale décide de doter les autres bassins d'un système équivalent.

A. UN RISQUE PRIS EN COMPTE DEPUIS PLUSIEURS DÉCENNIES DANS LE PACIFIQUE

Comme il a été indiqué précédemment, l'océan Pacifique est la région touchée le plus fréquemment par les tsunamis. C'est donc logiquement dans ce bassin que le premier système d'alerte a été mis en place.

1. L'existence d'un système d'alerte international...

a) L'historique

La mise en place d'un système international d'alerte aux tsunamis dans l'océan Pacifique est la conséquence directe de la multiplication des télétsunamis dans cette zone entre 1946 et 1964 : en vingt ans, pas moins de 5 télétsunamis ont traversé le Pacifique, faisant plusieurs milliers de victimes et des dégâts considérables.

Après le tsunami du 1 er avril 1946 en provenance des îles aléoutiennes qui dévasta l'île Hilo, les Etats-Unis décidèrent la création d'un centre d'alerte national au tsunami (Tsunami Warning Center) sur le site de l'observatoire géomagnétique de Honolulu.

Après le tsunami du 4 novembre 1952 au large de la péninsule de Kamchatka, le Japon créa son propre centre d'alerte national dont la responsabilité fut confiée à l'agence météorologique JMA (Japan Meteorological Agency). Une coopération entre les deux centres d'alerte japonais et américain s'instaura sous la forme d'échanges de données sismiques.

Le 22 mai 1960, un télétsunami dévasta le Chili et plusieurs îles du Pacifique. Quelque mois plus tard, l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) créait en son sein la commission océanographique internationale (COI) chargée de développer la coopération entre les Etats dans le cadre des recherches sur l'océan. Dès sa création, la COI se fixa comme mission la prévention des risques liés à l'océan, dont les risques de tsunami.

Le tsunami du 28 mars 1964 en provenance d'Alaska accéléra la mise en place du système d'alerte aux tsunamis dans le Pacifique : dès 1965, un groupe international de coordination du système d'alerte aux tsunamis dans le Pacifique (surnommé GIC/Pacifique) 9 ( * ) fut créé.

La COI accepta l'offre des Etats-Unis d'Amérique d'élargir les services de leur centre national d'alerte aux tsunamis à Hawai qui fut désormais utilisé comme centre d'alerte opérationnel pour tous les Etats du Pacifique.

Parallèlement fut créé le centre international d'information sur les tsunamis (CITT), dont le mandat initial consistait à prévenir les effets des tsunamis en :

- aidant les Etats membres du GIC/Pacifique à développer et améliorer leurs politiques de prévention des tsunamis ;

- améliorant le système d'alerte aux tsunamis dans le Pacifique ;

- stimulant la recherche sur les tsunamis ;

- informant les Etats non membres de l'existence dudit système d'alerte et en encourageant leur adhésion ;

- conduisant des enquêtes post-tsunami à des fins de documentation et de meilleure compréhension des désastres.

En 1968, l'observatoire d'Honolulu devint officiellement le centre pacifique d'alerte aux tsunamis (PTWC, Pacific Tsunami Warning Center).

b) La situation actuelle

Aujourd'hui, le groupe intergouvernemental de coordination du système d'alerte et d'atténuation des effets des tsunamis du Pacifique regroupe 30 pays : le Canada, le Chili, l'Equateur, le Salvador, les îles Fidji, la France, le Guatemala, l'Indonésie, le Japon, la Malaisie, le Mexique, la Nouvelle Zélande, le Nicaragua, la Papouasie - Nouvelle Guinée, le Pérou, les Philippines, la Corée du Sud, la Russie, Samoa, Singapour, la Thaïlande, Tonga, les Etats-Unis et le Vietnam.

Le premier Plan Directeur (Master Plan) a été publié en 1989. La version actuelle date de 1999. Elle décrit la situation du système d'alerte à cette date, signale les insuffisances et propose des pistes pour y remédier. La stratégie du système d'alerte y est décrite et comprend quatre composantes principales :

- l'évaluation de l'aléa et des risques (données historiques, enquête sur le terrain, modélisation numérique) ;

- l'alerte (centres d'alerte, réseaux de surveillance, transmission) ;

- la prévention (éducation, évacuation, aménagement du territoire) ;

- la recherche.

Concernant les aspects liés à l'évaluation de l'aléa et à la recherche, le GIC/Pacifique maintient depuis les années 90 une coopération étroite avec la commission « tsunami » de l'International Union of Geodesy and Geophysic (IUGG) avec lequel il a organisé 6 ateliers internationaux sur le thème tsunami. Le GIC/Pacifique a financé la réalisation d'une base de données recensant les tsunamis ayant eu lieu dans le Pacifique et les autres régions du monde ainsi que la création d'un logiciel de modélisation des tsunamis mis à la disposition de tous les états membres de l'Unesco.

Trois centres d'alerte internationaux sont actuellement en place : le PTWC à Hawaii, le centre d'alerte aux tsunamis en Alaska pour la côte ouest des Etats-Unis et l'Alaska (WC-ATWC) et le centre international d'avis pour le Pacifique Nord-Ouest (NWPTAC) géré par JMA 10 ( * ) . Ces trois centres ont chacun leur zone de responsabilité, comme l'indique la carte ci-après.

(1) Le rôle du centre pacifique d'alerte aux tsunamis (PTWC)

Le PTWC, qui dépend administrativement et financièrement de l'administration nationale océanographique et atmosphérique des Etats-Unis (NOAA, National Oceanic and Atmospheric Administration) sert de centre opérationnel pour le système d'alerte aux tsunamis dans le Pacifique. Actuellement, 12 personnes y travaillent et une permanence est assurée 24h sur 24, 7 jours sur 7. Le PTWC a un accès direct et en temps réel à plus de 150 stations sismiques réparties dans le monde entier qui l'informent lorsque la magnitude d'un séisme dépasse 5,5. Il a également accès aux données de près de 100 marégraphes et 26 tsunamimètres installés dans le Pacifique qui vérifient si un tsunami a été généré et estiment son ampleur.

L'installation de tsunamimètres depuis 1997 a considérablement amélioré l'efficacité du système en réduisant de façon significative le nombre des fausses alertes. En effet, jusqu'à cette date, l'évaluation du risque de tsunami reposait essentiellement sur les stations sismiques : dès qu'un séisme dépassait 7,5 de magnitude, l'alerte était donnée. Certes, les stations marégraphiques près de l'épicentre étaient requises pour vérifier si un tsunami avait été généré, mais pour ces zones, l'information arrivait en même temps que le tsunami. Il fallait donc évacuer ces dernières par précaution . Or, tous les séismes, même de forte magnitude, ne génèrent pas des tsunamis. En outre, le nombre de pays potentiellement concernés va dépendre de la formation du tsunami et de sa propagation, information que les données sismiques sont actuellement incapables de fournir avec suffisamment de précision. Les tsunamimètres permettent donc d'affiner l'analyse, de suivre la progression du tsunami et de déclencher ou d'annuler l'alerte auprès de la population au dernier moment.

Actuellement, trois sortes de bulletin sont émis par le PTWC, l'ATWC ou le NWPTAC. Le contenu de ces messages est revu régulièrement et une réflexion est en cours pour en revoir le contenu afin de les rendre plus précis.

Si la magnitude est comprise entre 6,5 et 7,5, un message d'information est envoyé à toutes les autorités civiles qui précise l'heure à laquelle est survenu le séisme, sa localisation et le fait qu'aucun tsunami n'a été généré.

Exemple de message d'information

PACIFIC TSUNAMI WARNING CENTER/NOAA/NWS

TSUNAMI BULLETIN NUMBER 001

ISSUED AT 2117Z 16 OCT 2007

THIS BULLETIN APPLIES TO AREAS WITHIN AND BORDERING THE PACIFIC

OCEAN AND ADJACENT SEAS...EXCEPT ALASKA...BRITISH COLUMBIA...

WASHINGTON...OREGON AND CALIFORNIA.

... TSUNAMI INFORMATION BULLETIN ...

THIS BULLETIN IS FOR INFORMATION ONLY.

THIS BULLETIN IS ISSUED AS ADVICE TO GOVERNMENT AGENCIES. ONLY

NATIONAL AND LOCAL GOVERNMENT AGENCIES HAVE THE AUTHORITY TO MAKE

DECISIONS REGARDING THE OFFICIAL STATE OF ALERT IN THEIR AREA AND

ANY ACTIONS TO BE TAKEN IN RESPONSE.

AN EARTHQUAKE HAS OCCURRED WITH THESE PRELIMINARY PARAMETERS

ORIGIN TIME - 2106Z 16 OCT 2007

COORDINATES - 25.5 SOUTH 179.6 EAST

DEPTH - 411 KM

LOCATION - SOUTH OF FIJI ISLANDS

MAGNITUDE - 6.6

EVALUATION

A DESTRUCTIVE TSUNAMI WAS NOT GENERATED BASED ON EARTHQUAKE AND

HISTORICAL TSUNAMI DATA.

THIS WILL BE THE ONLY BULLETIN ISSUED FOR THIS EVENT UNLESS

ADDITIONAL INFORMATION BECOMES AVAILABLE.

THE WEST COAST/ALASKA TSUNAMI WARNING CENTER WILL ISSUE PRODUCTS

FOR ALASKA...BRITISH COLUMBIA...WASHINGTON...OREGON...CALIFORNIA.

Source : PTWC

Les temps de réaction du PTWC sont très courts, toujours inférieurs à 20 minutes : dans l'exemple précédent, le séisme a eu lieu à 21h06 et le message d'information a été délivré à 21h17.

Si la magnitude du séisme est comprise entre 7,5 et 7,9, il y a risque d'un tsunami regional. En fonction de la direction supposée prise par le tsunami et, par conséquent, du risque couru par les pays, seront émis un bulletin d'alerte (pour les pays jugés les plus à risque) et un bulletin de veille (pour les pays pour lesquels le risque de tsunami est jugé moins fort). L'alerte sera annulée si les données des marégraphes ou des tsunamimètres constatent l'absence de tsunami. Dans le cas contraire, de nouveaux bulletins d'alerte pourront être émis complétant les informations diffusées dans le premier bulletin.

Exemple de bulletin d'alerte/de veille

WEPA40 PHEB 081908

TSUPAC

TSUNAMI BULLETIN NUMBER 001

PACIFIC TSUNAMI WARNING CENTER/NOAA/NWS

ISSUED AT 1908Z 08 MAY 2007

THIS BULLETIN IS FOR AREAS WITHIN AND BORDERING THE PACIFIC

OCEAN AND ADJACENT SEAS...EXCEPT ALASKA...BRITISH COLUMBIA...

WASHINGTON...OREGON AND CALIFORNIA.

... A TSUNAMI WARNING AND WATCH ARE IN EFFECT ...

A TSUNAMI WARNING IS IN EFFECT FOR

JAPAN / RUSSIA / MARCUS IS. / N. MARIANAS

A TSUNAMI WATCH IS IN EFFECT FOR

GUAM / WAKE IS. / TAIWAN / YAP / PHILIPPINES / MARSHALL IS. /

CHUUK / POHNPEI / BELAU / MIDWAY IS. / KOSRAE / INDONESIA /

PAPUA NEW GUINEA / NAURU / KIRIBATI / JOHNSTON IS. / HAWAII

FOR ALL OTHER AREAS COVERED BY THIS BULLETIN, IT IS FOR

INFORMATION ONLY AT THIS TIME.

THIS BULLETIN IS ISSUED AS ADVICE. ONLY NATIONAL OR LOCAL

GOVERNMENT AGENCIES HAVE THE AUTHORITY TO MAKE DECISIONS

REGARDING THE OFFICIAL STATUS IN EACH AREA AND ANY ACTIONS TO

BE TAKEN IN RESPONSE.

AN EARTHQUAKE HAS OCCURRED WITH THESE PRELIMINARY PARAMETERS

ORIGIN TIME - 1848Z 08 MAY 2007

COORDINATES - 38.2 NORTH 143.1 EAST

DEPTH - 47 KM

LOCATION - OFF EAST COAST OF HONSHU JAPAN

MAGNITUDE - 8.2

EVALUATION

IT IS NOT KNOWN THAT A TSUNAMI WAS GENERATED. THIS WARNING IS

BASED ONLY ON THE EARTHQUAKE EVALUATION. AN EARTHQUAKE OF THIS

SIZE HAS THE POTENTIAL TO GENERATE A DESTRUCTIVE TSUNAMI THAT CAN

STRIKE COASTLINES NEAR THE EPICENTER WITHIN MINUTES AND MORE

DISTANT COASTLINES WITHIN HOURS. AUTHORITIES SHOULD TAKE

APPROPRIATE ACTION IN RESPONSE TO THIS POSSIBILITY. THIS CENTER

WILL MONITOR SEA LEVEL DATA FROM GAUGES NEAR THE EARTHQUAKE TO

DETERMINE IF A TSUNAMI WAS GENERATED AND ESTIMATE THE SEVERITY OF

THE THREAT.

ESTIMATED INITIAL TSUNAMI WAVE ARRIVAL TIMES. ACTUAL ARRIVAL TIMES

MAY DIFFER AND THE INITIAL WAVE MAY NOT BE THE LARGEST. THE TIME

BETWEEN SUCCESSIVE TSUNAMI WAVES CAN BE FIVE MINUTES TO ONE HOUR.

LOCATION COORDINATES ARRIVAL TIME

-------------------------------- ------------ ------------

JAPAN HACHINOHE 40.5N 142.0E 1932Z 08 MAY

KUSHIRO 42.5N 144.5E 1933Z 08 MAY

KATSUURA 35.1N 140.3E 1934Z 08 MAY

SHIMIZU 32.5N 133.0E 2047Z 08 MAY

OKINAWA 26.2N 127.8E 2148Z 08 MAY

RUSSIA URUP IS 46.1N 150.5E 2016Z 08 MAY

PETROPAVLOVSK K 53.2N 159.6E 2123Z 08 MAY

SEVERO KURILSK 50.8N 156.1E 2130Z 08 MAY

UST KAMCHATSK 56.1N 162.6E 2148Z 08 MAY

MEDNNY IS 54.7N 167.4E 2150Z 08 MAY

MARCUS IS. MARCUS IS. 24.3N 154.0E 2055Z 08 MAY

N. MARIANAS SAIPAN 15.3N 145.8E 2159Z 08 MAY

GUAM GUAM 13.4N 144.7E 2216Z 08 MAY

WAKE IS. WAKE IS. 19.3N 166.6E 2223Z 08 MAY

TAIWAN HUALIEN 24.0N 122.0E 2234Z 08 MAY

YAP YAP IS. 9.5N 138.1E 2252Z 08 MAY

PHILIPPINES PALANAN 17.1N 122.6E 2253Z 08 MAY

LEGASPI 13.5N 124.0E 2312Z 08 MAY

DAVAO 6.5N 126.0E 2339Z 08 MAY

MARSHALL IS. ENIWETOK 11.4N 162.3E 2256Z 08 MAY

KWAJALEIN 8.7N 167.7E 2341Z 08 MAY

MAJURO 7.1N 171.4E 0010Z 09 MAY

CHUUK CHUUK IS. 7.4N 151.8E 2258Z 08 MAY

POHNPEI POHNPEI IS. 7.0N 158.2E 2312Z 08 MAY

BELAU MALAKAL 7.3N 134.5E 2316Z 08 MAY

MIDWAY IS. MIDWAY IS. 28.2N 177.4W 2325Z 08 MAY

KOSRAE KOSRAE IS. 5.5N 163.0E 2340Z 08 MAY

INDONESIA GEME 4.6N 126.8E 2346Z 08 MAY

BEREBERE 2.5N 129.0E 2356Z 08 MAY

PATANI 0.4N 128.8E 0022Z 09 MAY

WARSA 0.6S 135.8E 0022Z 09 MAY

MANOKWARI 1.0S 134.5E 0032Z 09 MAY

JAYAPURA 2.4S 140.8E 0042Z 09 MAY

SORONG 0.8S 131.1E 0045Z 09 MAY

PAPUA NEW GUINE KAVIENG 2.5S 150.7E 0025Z 09 MAY

MANUS IS. 2.0S 147.5E 0029Z 09 MAY

VANIMO 2.6S 141.3E 0040Z 09 MAY

RABAUL 4.2S 152.3E 0044Z 09 MAY

WEWAK 3.5S 144.0E 0053Z 09 MAY

AMUN 6.0S 154.7E 0109Z 09 MAY

KIETA 6.1S 155.6E 0112Z 09 MAY

MADANG 5.2S 145.8E 0112Z 09 MAY

LAE 6.8S 147.0E 0150Z 09 MAY

PORT MORESBY 9.3S 146.9E 0308Z 09 MAY

NAURU NAURU 0.5S 166.9E 0043Z 09 MAY

KIRIBATI TARAWA IS. 1.5N 173.0E 0056Z 09 MAY

KANTON IS. 2.8S 171.7W 0224Z 09 MAY

CHRISTMAS IS. 2.0N 157.5W 0337Z 09 MAY

MALDEN IS. 3.9S 154.9W 0412Z 09 MAY

FLINT IS. 11.4S 151.8W 0506Z 09 MAY

JOHNSTON IS. JOHNSTON IS. 16.7N 169.5W 0059Z 09 MAY

HAWAII NAWILIWILI 22.0N 159.4W 0153Z 09 MAY

HONOLULU 21.3N 157.9W 0207Z 09 MAY

HILO 20.0N 155.0W 0228Z 09 MAY

BULLETINS WILL BE ISSUED HOURLY OR SOONER IF CONDITIONS WARRANT.

THE TSUNAMI WARNING AND WATCH WILL REMAIN IN EFFECT UNTIL

FURTHER NOTICE.

THE JAPAN METEOROLOGICAL AGENCY MAY ALSO ISSUE TSUNAMI MESSAGES

FOR THIS EVENT TO COUNTRIES IN THE NORTHWEST PACIFIC AND SOUTH

CHINA SEA REGION. IN CASE OF CONFLICTING INFORMATION... THE

MORE CONSERVATIVE INFORMATION SHOULD BE USED FOR SAFETY.

THE WEST COAST/ALASKA TSUNAMI WARNING CENTER WILL ISSUE BULLETINS

FOR ALASKA - BRITISH COLUMBIA - WASHINGTON - OREGON - CALIFORNIA.

Source : PTWC

Lorsque le séisme est d'une magnitude supérieure à 7,9, il y a alors risque de tsunami traversant tout le Pacifique. Pour la zone pacifique, le PTWC envoie ses bulletins dans plus de 100 endroits différents.

A ce stade, il apparaît clairement que le dispositif ne peut être efficace sans une bonne coordination internationale. Certes les Etats-Unis disposent de leurs propres stations sismiques et marégraphiques et de la plupart des tsunamimètres, mais les données recueillies proviennent également des appareils de mesure d'autres pays. Il est donc indispensable que toutes les données puissent être échangées rapidement et librement. Le PTWC est donc amené à travailler en étroite collaboration avec d'autres centres internationaux régionaux et nationaux qui disposent de leurs propres données et les mettent à sa disposition. Notamment, le WC-ATWC 11 ( * ) est sensé suppléer le PTWC en cas de souci technique.

Par ailleurs, l'amélioration du dispositif est tributaire de l'équipement de chaque sous-zone en marégraphes et en tsunamimètres en nombre suffisant.

La carte ci-dessous montre par exemple les efforts à faire dans le Pacifique Sud qui apparaît sous-équipé, aussi bien au large des côtes chiliennes qu'autour des îles Tonga.

Source : centre international d'information sur les tsunamis

(2) Les actions du centre international d'information sur les tsunamis (CIIT)

Le centre international d'information sur les tsunamis (CIIT) continue à jouer un rôle fondamental dans le système d'alerte aux tsunamis : en tant que secrétaire du groupe intergouvernemental de coordination du système d'alerte aux tsunamis du Pacifique, il coordonne les activités liées aux actions de prévention et préconise les améliorations nécessaires dans le domaine de l'acquisition et de la dissémination des données. Il a organisé 3 réunions du GIC/Pacifique depuis 2004, ainsi que le premier exercice d'alerte globale de l'océan Pacifique qui s'est tenu les 16 et 17 mai 2006, dont il a publié le bilan.

Il aide également les Etats membres à mettre en place des systèmes nationaux et régionaux d'alerte aux tsunamis.

Le rôle des systèmes nationaux et régionaux

D'une part, ils ont vocation à mieux protéger les populations de certaines zones mal couvertes par le système d'alerte aux tsunamis dans le Pacifique. En effet, le centre d'alerte d'Honolulu a comme mission, à l'origine, de protéger Hawaï des télétsunamis. Or, les simulations numériques ont montré que les zones sismiques susceptibles de déclencher un tsunami menaçant Hawaï sont le Pacifique Nord (Alaska et Russie), le large du Chili et les Mariannes. Les îles Salomon, les îles Loyautés et les îles Tonga ne présentent pas de danger pour Hawaï. Par conséquent, les Etats-Unis n'ont pas déployé de bouées DART dans ces deux régions. Or, d'autres simulations numériques ont démontré qu'un tsunami déclenché par un séisme dans les îles Salomon ou les îles Loyautés pourrait affecter l'Australie, la Nouvelle Calédonie et la Polynésie française. Ces territoires ont donc intérêt à instaurer un centre régional d'alerte aux tsunamis qui prendra en compte leurs spécificités géographiques.

D'autre part, les centres nationaux et régionaux complètent le dispositif international et le rendent plus efficace en multipliant le nombre d'instruments de mesure et de données à sa disposition, ainsi que les capacités d'analyse et d'expertise.

Le CIIT publie également un bulletin d'information et des brochures éducatives, dont « Les Grandes vagues » et le « Glossaire sur les tsunamis » réalisés et publiés en France. Il mène des campagnes de sensibilisation auprès des populations et a même développé, en coopération avec le Chili, des programmes éducatifs pour les enfants qui sont intégrés dans les programmes scolaires. Il organise également chaque année à Hawaii ou dans un autre pays des cours de formation pour le personnel amené à gérer les centres d'alerte nationaux des Etats membres.

Enfin, ses missions ont été élargies depuis le tsunami de Sumatra en 2004 puisqu'il est désormais chargé d'aider les pays dans les autres bassins à développer leur propre système d'alerte. Le CIIT est particulièrement impliqué dans l'océan Indien où il joue un rôle de conseil en matière de communication des informations, d'interopérabilité des réseaux sismiques et marégraphiques ou encore de méthodes de prévision des tsunamis. Il organise également des visites d'évaluation 12 ( * ) , des cours de formation, des symposiums ainsi que les réunions des groupes de travail.

Globalement, le système d'alerte dans le Pacifique fonctionne bien et représente le dispositif le plus sophistiqué et le plus opérationnel. C'est pour cette raison que le PTWC a été chargé d'assurer l'alerte pour la zone de l'océan Indien en attendant la mise en place d'un dispositif similaire dans ce bassin.

De même, il assure l'intérim dans les Caraïbes et pour les pays autour de la mer de Chine du Sud (Chine, Macao, Hong-Kong, Taiwan, Philippines, Malaisie, Brunei, Indonésie, Singapour, Thaïlande, Cambodge et Vietnam) 13 ( * ) .

Pour autant, certaines améliorations sont souhaitables pour renforcer l'efficacité du dispositif dans le Pacifique. Ainsi, plusieurs centres d'alerte régionaux mériteraient de voir le jour afin de mieux tenir compte des risques représentés par les tsunamis régionaux. Les régions concernées sont le Pacifique Sud Ouest, l'Amérique centrale, l'Amérique du Sud et la Mer de Chine.

Par ailleurs, l'absence de tsunami transpacifique dévastateur depuis plus de 40 ans peut entraîner des difficultés de financement à long terme du dispositif. Comme il a été indiqué précédemment, la maintenance des bouées DART est particulièrement coûteuse et les Etats-Unis sont les principaux contributeurs au dispositif d'alerte. Les décisions prises au Congrès américain sont donc suivies avec attention par tous les pays membres du groupe de coordination intergouvernemental.

Les dernières réunions du GIC/Pacifique ont mis en avant deux priorités :

- améliorer les messages d'alerte afin que ces derniers comportent une information sur l'amplitude attendue des tsunamis le long des côtes du Pacifique ;

- Adapter le dispositif d'alerte pour le rendre opérationnel en cas de tsunamis locaux.

2. ... Qui s'appuie sur des systèmes nationaux performants

Les trois systèmes nationaux qui vont être présentés constituent les modèles les plus aboutis de dispositifs d'alerte. S'ils ne sont pas exempts de tout défaut, ils s'efforcent de respecter les trois conditions nécessaires à la mise en place d'un dispositif d'alerte efficace : un centre d'alerte opérationnel, un plan d'action en cas de crise défini au préalable et testé sur le terrain, enfin une population sensibilisée.

a) Le modèle des Etat-Unis
(1) L'existence de deux centres d'alerte

Sans revenir sur l'historique du centre d'Hawaï, déjà abordé précédemment, il faut insister sur le fait que ce dernier a conservé sa mission d'alerte pour les Etats-Unis. Ainsi, en tant que centre national d'alerte aux tsunamis (US National Tsunami Warning Center), il émet des bulletins d'alerte en cas de télétsunami pour Hawaï, Guam, les Samoa américaines, l'île de Wake, l'île de Johnston, les îles Mariannes du Nord et pour tous les intérêts des Etats-Unis dans le Pacifique non couverts par le centre d'alerte de l'Alaska.

Par ailleurs, en tant que centre régional d'alerte aux tsunamis pour Hawaï, le PTWC émet rapidement des bulletins d'alerte en cas de tsunami local généré dans les eaux hawaïennes.

Selon les informations obtenues par votre rapporteur, il existe 70 stations sismiques à Hawaï. Il faut 10 secondes au PTWC pour détecter un tremblement de terre, 15 secondes de plus pour connaître sa localisation et une minute et demi pour déterminer sa magnitude. Toutefois, compte tenu des délais très courts entre la génération du tsunami et son arrivée sur les côtes (10 minutes pour le tsunami local du 29 novembre 1975), la formation de la population aux bons réflexes reste la prévention la plus efficace : si quelqu'un ressent une forte secousse et se trouve près du rivage, il doit s'éloigner immédiatement, sans attendre l'alerte officielle.

Outre le PTWC, les Etats-Unis ont créé un deuxième centre d'alerte pour l'Alaska en 1967 après le télétsunami du 27 mars 1964 en provenance de cette région 14 ( * ) .

En 1982, la zone géographique pour laquelle le centre émet des bulletins d'alerte a été étendue aux Etats de la Californie, de l'Oregon, de Washington et de la Colombie britannique en cas de séismes tsunamigènes ayant lieu dans leurs zones côtières.

En 1996, le centre d'Alaska a encore vu ses missions élargies puisqu'il est désormais chargé d'alerter les quatre Etats mentionnés précédemment en cas de tsunami provenant de tout point du Pacifique.

Après le tsunami dévastateur de Sumatra le 24 décembre 2004, le WC/ATWC est également susceptible d'alerter la côte atlantique des Etat-Unis ainsi que la région du Golfe du Mexique, Porto Rico, les îles Vierges et la côte atlantique du Canada.

Les Etats-Unis disposent donc de deux centres d'alerte aux tsunamis qui assurent la protection de leurs côtes et qui peuvent se suppléer en cas de besoin, soit parce qu'un centre connaîtrait des difficultés techniques qui l'empêcheraient de fonctionner correctement, soit parce que plusieurs tsunamis seraient générés à différents endroits au même moment.

L'aléa tsunami sur les côtes des Etats-Unis : tsunami local ou tsunami transocéanique ?

Les zones les plus menacées par des tsunamis locaux et transocéaniques sont les îles Hawaï ainsi que les côtes pacifiques de la Californie, de l'Oregon et de Washington. L'Alaska et les îles des Caraïbes (Porto Rico et les îles Vierges) sont surtout menacés par des tsunamis locaux.

(2) Un plan national pour limiter les effets des tsunamis

Si les risques courus par Hawaï en cas de tsunami sont connus depuis longtemps, la prise de conscience de la vulnérabilité des Etats de Washington, d'Oregon et de la Californie est assez récente.

Le déclenchement d'un tremblement de terre dans la zone de subduction de Cascades 15 ( * ) en avril 1992, qui provoqua un tsunami dans le Nord de la Californie, souligna les lacunes du dispositif d'alerte aux tsunamis. Le 4 octobre 1994, une alerte au tsunami au niveau du Pacifique fut émise après un fort tremblement de terre tsunamigène aux Kouriles. Cet événement provoqua au Etats-Unis d'énormes confusions entre les responsables des secours et l'évacuation coûteuse d'Hawaii qui en résulta suscita de sévères critiques car elle s'avéra infondée.

Pour remédier à cette situation, le Congrès décida de lancer en 1995 un programme national de limitation des effets de l'aléa de tsunami (NTHMP : National Tsunami Hazard Mitigation Program) piloté par la NOAA et impliquant les Etats côtiers ainsi que les îles rattachées aux Etats-Unis.

Ce programme repose sur trois axes :

- l'évaluation de l'aléa : une meilleure connaissance des tsunamis historiques doit permettre de produire des cartes d'inondation plus fines basées sur les prévisions de tsunami à long terme ;

- la qualité du système d'alerte à travers l'amélioration de l'acquisition et du traitement des données sismiques, le déploiement d'un réseau de bouées de détection des tsunamis et une meilleure transmission des informations concernant l'alerte aux autorités compétentes ;

- les politiques de prévention à travers l'élaboration en amont de plans de prévention et d'évacuation ainsi que le développement de matériel éducatif pour sensibiliser la population.

Compte tenu des règles de subsidiarité liées au fédéralisme, un partenariat étroit a été développé entre les administrations fédérales, étatiques et locales.

Par ailleurs, la NOAA a lancé un programme intitulé « TsunamiReady 16 ( * ) » : il s'agit d'encourager les collectivités et les Etats concernés par l'aléa tsunami à adopter les mesures nécessaires pour une prévention efficace.

Basé sur le principe du volontariat, ce programme fixe les critères qui doivent être respectés pour pouvoir prétendre à cette dénomination tels que :

- disposer d'un point d'alerte 24h sur 24 et d'un centre des opérations d'urgence ;

- pouvoir recevoir les messages d'alerte et les transmettre au public à travers au moins deux canaux différents ;

- sensibiliser la population par la distribution d'informations et l'éducation des citoyens ;

- développer un plan formel de prévention des tsunamis comprenant des exercices d'entraînement périodiques.

A ce jour, 47 sites 17 ( * ) (villes, comtés, plages, ports) ont reçu ce label dans 10 Etats différents. Hawaï est le seul Etat à avoir été distingué comme « prêt à affronter un tsunami ».

Par ailleurs, après le tsunami dévastateur de Sumatra, le Président des Etats-Unis a proposé une enveloppe de 37,5 millions de dollars pour améliorer les systèmes d'alerte nationaux. En mai 2005 fut voté le « Emergency Supplemental Appropriations Act 18 ( * ) » qui accorda 17,24 millions de dollars supplémentaires à la NOAA afin d'étendre et d'améliorer ses capacités de détection des tsunamis, de rendre les centres d'alerte plus performants, de produire des cartes d'inondation et d'étendre la participation au programme « TsunamiReady » à tous les états côtiers. Une nouvelle loi fut votée en août 2006 pour faire passer les crédits de la NOAA de 25 millions de dollars en 2008 à 29 millions de dollars en 2012.

Le programme national de limitation des effets de l'aléa tsunami 19 ( * ) : un bilan mitigé dressé par le Government Accountability Office (GAO )

Le GAO est une agence non partisane et indépendante qui travaille pour le Congrès américain. Avec 3260 employés, un budget de 484,7 millions de dollars et 11 bureaux répartis dans tous les Etats-Unis, elle a vocation à contrôler l'utilisation des fonds publics et à évaluer les programmes et les politiques lancés au niveau fédéral. Entre avril 2005 et mars 2006, le GAO s'est intéressé au programme national de limitation des effets de l'aléa tsunami (NTHMP) et a dressé un bilan plutôt mitigé de ses actions.

1. Une évaluation des risques très partielle

Le GAO a constaté que dans les Etats et territoires à risque (Alaska, Washington, Oregon, Californie, Hawaï pour le Pacifique ainsi que Puerto Rico et les îles Vierges pour la Caraïbe), de nombreuses régions soit n'ont pas établi de cartes d'inondation, soit disposent de documents qui ne sont pas fiables, alors même que le NTHMP prévoyait la réalisation desdites cartes pour toutes les communautés à risque d'ici 1999. Le GAO a également regretté l'absence de prévision fine concernant les pertes humaines et les dégâts touchant les infrastructures, les administrations ainsi que les équipements vitaux (centrales électriques, hôpitaux, réseaux de télécommunications...). Il a fait remarquer que des logiciels permettant de quantifier les dommages existaient pour d'autres aléas (inondations, tornades, tremblements de terre) et a exhorté la NOAA à en développer un pour l'aléa tsunami.

2. Un dispositif d'alerte mal calibré

Par ailleurs, le GAO a critiqué le nombre de fausses alertes émises par les centres d'Hawaï et d'Alaska. Tout en se félicitant de la réduction des délais d'émission des bulletins d'alerte, il a constaté que depuis 1982, les 16 alertes annonçant un tsunami destructeur sur les côtes des Etats-Unis s'étaient révélées erronées. Or, ces fausses alertes décrédibilisent le dispositif et s'avère très coûteuse : l'évacuation des côtes hawaïennes en 1994 aurait coûté 58,2 millions de dollars (en dollars courants). Il a également estimé que la liste des régions destinataires du message d'alerte initial était trop large et ne tenait pas compte de l'éloignement géographique qui permet d'affiner les prévisions au fur et à mesure de la propagation du tsunami.

3. Des lacunes dans le système de transmission de l'alerte

Le GAO a relevé des dysfonctionnements techniques dans la transmission des messages. Il a rappelé que les centres d'alerte transmettent les messages aux services de prévision de l'agence météo fédérale (National Weather Service) qui les diffuse à travers la radio météo de la NOAA et le « système d'alerte d'urgence ». La radio météo de la NOAA est un réseau de radios sur tout le territoire diffusant en continu et 24h sur 24 des informations météorologiques, dont les alertes liées aux risques naturels. Quant au système d'alerte d'urgence, il s'agit d'un moyen de communication à l'origine réservé au Président des Etats-Unis afin d'entrer directement en contact avec la population en cas d'urgence. Ce système peut en outre décoder et retransmettre les messages d'alerte diffusés sur la radio météo de la NOAA à travers le réseau de radios et télévisions et par câble. Or, le GAO a constaté que certaines villes côtières n'étaient pas en mesure de recevoir les informations de la radio météo de la NOAA ou/et du système d'alerte d'urgence. Il a donc recommandé d'effectuer des tests permettant de contrôler l'ensemble de la chaîne de transmission des informations.

4. Des failles dans le dispositif de prévention des tsunamis

La GAO s'est interrogé sur l'effectivité des dispositifs de prévention dépendant du réseau téléphonique tels que les sirènes sans transmission satellitaire et les messages d'alerte basés sur internet. En cas de forts séismes, ces infrastructures seront hors d'usage. L'expérience montre qu'elles seront de toute façon saturées dès le premier message d'alerte, ce qui peut compromettre les communications entre les différents services chargés de la sécurité civile s'ils ne disposent pas de téléphones par satellite. En outre, le GAO a insisté sur la nécessité de réaliser des exercices d'entraînement pour déceler les faiblesses du dispositif en citant en exemple la sous-évaluation régulièrement constatée des temps d'évacuation et des difficultés afférentes à la gestion du trafic (certains voies d'accès pouvant être inondées et donc inutilisables).

5. Une information contrastée de la population

Le GAO a constaté que peu de régions à risque s'étaient assurées que la population ait eu connaissance de l'existence de plans d'évacuation à travers soit leur distribution généralisée, soit leur insertion dans l'annuaire. De même, la sensibilisation des écoliers et l'organisation d'exercices d'évacuation est très variable d'un Etat à l'autre.

6. Des plans d'aménagement urbains négligeant l'aléa tsunami

LE GAO a regretté l'absence de prise en compte de l'aléa tsunami dans l'aménagement urbain des régions à risque. L'Oregon serait le seul Etat à avoir adopté des limitations en matière de construction de structures à forte occupation dans les zones inondables.

7. Une extension du champ d'application du programme national de prévention des effets de l'aléa tsunami contesté

Le GAO s'est interrogé sur l'utilité d'étendre ledit programme de prévention à des régions peu ou pas concernées par l'aléa tsunami telles que la côte atlantique et le Golfe du Mexique et a craint un saupoudrage des crédits aux dépens des zones réellement à risque. Après avoir constaté que les tsunamis locaux constituaient les risques les plus forts pour la plupart des régions aux Etats-Unis, il s'est montré dubitatif sur la stratégie de la NOAA visant à étendre le réseau des bouées DART et à améliorer les performances des centres d'alerte alors que la sensibilisation de la population aux bons réflexes (comme aller chercher refuge dans une zone surélevée en cas de fort séisme) devrait être une priorité.

En conclusion, le GAO a regretté que l'efficacité dudit programme n'ait jamais été évaluée avant d'en décider son extension. Ainsi, aucune étude n'a été réalisée sur l'efficacité des programmes d'éducation et de sensibilisation du public et aucun bilan n'a été dressé sur les forces et les faiblesses du dispositif.

Source : Government Accountability Office

(3) Une politique de prévention permanente

L'Etat de Hawaï est certainement le plus avancé dans la politique de limitation des effets des tsunamis. Lors de son déplacement à Hawaï, votre rapporteur a pu constater la mobilisation des acteurs impliqués à tous les niveaux dans la protection des populations en cas d'alerte aux tsunamis. Ainsi, la ville d'Hilo sur Big Island, particulièrement touchée par les tsunamis de 1946, de 1960 et de 1975, s'est dotée d'un dispositif d'alerte très complet sous l'impulsion de son maire.

D'abord, les plans d'alerte son arrêtés à l'avance : les cartes d'évacuation sont déjà préparées et distribuées à toutes les administrations. Elles figurent également dans l'annuaire. Il existe un seul donneur d'ordre (le maire) et les missions de chacun sont clairement définies.

Ensuite, pour s'assurer que tous les agents donnent la même information, les messages à diffuser sont réalisés à partir de textes pré-imprimés dans lesquels il suffit de remplir les cases manquantes (date de l'événement, heure et localisation du séisme, date prévue d'arrivée du tsunami, heure limite pour l'évacuation des zones à risque).

Pour une diffusion rapide de l'information, un accord a été passé avec les radios qui interrompent leurs programmes et lisent les messages transmis par les services de la protection civile.

Par ailleurs, un réseau de sirènes a été installé afin de prévenir la population en cas d'alerte aux tsunamis.

En outre, sous l'autorité du maire, les leçons des précédents tsunamis ont été retenues en matière d'urbanisme : après le tsunami de 1946, une grande partie de la zone inondée avait été convertie en parc. Après le tsunami de 1960, la zone « tampon » fut élargie et les décombres furent utilisés pour établir une barrière naturelle entre le littoral et l'intérieur des terres. En outre, la construction d'hôpitaux, d'écoles et de maisons de retraite a été interdite dans les zones inondables tandis que les structures en bord de mer sont soumises à d'importantes normes de sécurité (édifice capable de résister à un tsunami, interdiction d'aménager des chambres au rez-de chaussée).

Enfin, en souvenir du tsunami dévastateur du 1 er avril 1946, le mois d'avril est utilisé comme mois de la sensibilisation au risque de tsunami. Un exercice d'entraînement simulant l'arrivée d'un tsunami est réalisé dans tout l'Etat d'Hawaï auquel participent le PTWC, les autorités civiles de l'Etat, les ministères de l'éducation et des transports, les autorités portuaires et des associations d'hôtels. Il est procédé à des évacuations en grandeur nature dans certaines écoles implantées dans des zones à risque.

Toutes les personnes entendues par votre rapporteur ont insisté sur la nécessité de nouer des contacts étroits et durables avec les médias, à la fois pour éviter la diffusion d'informations partielles, voire erronées en cas de tsunami et pour sensibiliser la population à cet aléa et aux gestes qui sauvent.

b) Le modèle japonais
(1) Un système particulièrement bien adapté aux tsunamis locaux

Avec 2000 tremblements de terre par an susceptibles d'être ressentis par la population (soit près de 5 par jour), le Japon est le pays le plus sismique au monde. Beaucoup de ces séismes se produisent en mer, ce qui explique que le Japon est également le pays au monde le plus touché par des tsunamis. Le tableau suivant dresse une liste des tsunamis historiques les plus destructeurs depuis le début du siècle.

Liste des tsunamis au Japon

depuis le début du XXème siècle

Année

Localisation de l'épicentre

Profondeur (km)

Magnitude

Amplitude maximale du tsunami mesurée par un marégraphe

Dommages (selon la classification japonaise)

(*)

1933

Off Sanriku

0

8.1

143

6

1944

Off Kii peninsula

40

7.9

115

5

1946

Off Kii peninsula

24

8.0

280

5

1952

Off Kushiro (Hokkaido)

54

8.2

100

1

1960

Near coast of northern Pen

0

8.5/9.5

305

4

1964

Off Nigata pref.

34

7.5

140

2

1968

Off east of Kyushu

30

7.5

116

2

Off Sanriku

0

7.9

295

2

1969

Off east of Hokkaido

30

7.8

130

2

1973

Off SE of Nemuro (Hokkai)

40

7.4

>280

2

1983

Off Akita pref.

14

7.7

194

4

1993

Off SW Hokkaido

35

7.8

>175

5

1994

Off east of Hokkaido

28

8.2

168

2

1996

Near Irian Jaya (Indonesia)

33

8.1

104

1

2003

Off Kushiro (Hokkaido)

45

8.0

255

3

2004

Off Kii peninsula

38

7.1

66

1

Off Kii peninsula

44

7.4

101

(*)

Classification des dommages (au Japon)

1.

Dégâts légers observés sur des bateaux et des fermes d'élevage

2.

Dégâts légers observés sur des maisons et des routes

3.

Victimes/destructions de maisons (moins que la classe 4)

4.

Victimes (moins de 20) ou destructions de maisons (moins de 1 000)

5.

Plus de 200 victimes ou plus de 10 000 destructions de maisons

6.

Plus de 2 000 victimes ou plus de 100 000 destructions de maisons

7.

Plus de 20 000 victimes ou plus de 1 000 000 destructions de maisons

Source : Japan Meteorological Agency

En outre, si le Japon est concerné par les télétsunamis transpacifiques, il doit surtout affronter des tsunamis locaux souvent dévastateurs. Aussi, ce pays a mis en place un système capable d'alerter la population en quelques minutes.

L'agence météorologique japonaise (JMA), sous la tutelle du ministère des infrastructures et des transports, constitue le centre d'alerte multirisque au niveau national. C'est elle qui collecte les données sur les phénomènes naturels et déclenche l'alerte auprès des autorités et de la population en cas de nécessité.

Dans la mesure où les tsunamis locaux ne laissent que peu de temps pour réagir, le dispositif d'alerte japonais privilégie l'émission rapide d'un message d'alerte, quitte à ce que celui-ci s'avère infondé. Dans les trois minutes suivant la détection d'un séisme, la JMA émet un message sur l'heure prévisible d'arrivée du tsunami, les côtes concernées et la hauteur de vague estimée.

Les messages de prévision des tsunamis locaux sont de deux types : les messages d'alerte (la hauteur de la vague doit être supérieure à un mètre) et les messages d'information lorsque la hauteur de la vague est inférieure ou égale à 50 centimètres.

Les messages d'alerte sont eux-mêmes divisés en deux catégories : les messages en cas de tsunami pouvant atteindre deux mètres de haut et les messages pour les tsunamis majeurs de trois mètres et plus.

Prévision de tsunami et information

Prévision de Tsunami

Réalisée dans les 3-5 minutes après le tremblement de terre

Répartie selon la hauteur du tsunami

Catégorie

Hauteur du tsunami mentionnée dans le message de prévision

Alerte au tsunami

Tsunami important

« 3 m », « 4 m », « 6 m », « 8 m », « 10 m ou plus haut »

Tsunami

« 1m », « 2m »

Avis de tsunami

Tsunami

« 0.5m »

Information sur l'heure d'arrivée prévisionnelle et la hauteur du tsunami pour chaque région côtière

Information sur l'heure d'arrivée de la marée haute et du tsunami sur les côtes

Information sur l'heure réelle d'arrivée du tsunami et sur sa hauteur

Source : Japan Meteorological Agency

Par ailleurs, la JMA a divisé les côtes japonaises en 66 régions qui sont récipiendaires des messages d'alerte et d'information lorsqu'elles sont concernées.

Répartition des côtes japonaises en 66 régions

La JMA dispose d'un réseau très dense de stations sismiques (182) et de marégraphes (80) dont les données sont complétées par celles en provenance des instruments de mesure des gouvernements locaux, du NIED 20 ( * ) ou encore des garde côtes. Ces informations sont transmises par voie satellitaire en temps réel à la JMA où elles sont traitées par ordinateur afin de déterminer au plus vite l'hypocentre et la magnitude du séisme et d'évaluer si un tsunami a été déclenché.

Pour autant, le délai extrêmement bref imposé à la JMA pour émettre un éventuel message d'alerte (3 minutes) ne permet pas de vérifier si le séisme détecté a véritablement provoqué un tsunami (le réseau de stations de mesure du niveau de la mer n'est pas suffisamment dense pour enregistrer un tsunami dans les 3 minutes). En réalité, la JMA utilise des simulations de tsunami déjà réalisées à partir de 100.000 tremblements de terre tsunamigènes potentiels et utilisent le scénario dans lequel les caractéristiques du séisme simulé sont les plus proches de celles du séisme détecté. Parallèlement, une fois les informations sur le tremblement de terre observé connues, une simulation est lancée pour affiner les informations données sur le tsunami potentiel.

Les messages d'alerte font l'objet d'une diffusion très large.

D'une part, ils sont envoyés aux gouvernements locaux et aux agences chargées de la gestion des désastres.

D'autre part, la JMA a passé un accord de coopération avec la télévision publique NHK pour la dissémination des messages d'alerte. NHK gère 10 chaînes de télévision et 3 radios qui sont mobilisées en cas de risque de tsunami. Lorsqu'une alerte est déclenchée, les émissions sont interrompues et un message est diffusé, accompagné d'une carte du Japon avec les zones côtières à risque coloriées en jaune, orange ou rouge selon l'amplitude du tsunami prévu.

Lors du tremblement de terre de Kobbé le 17 janvier 1995, de graves dysfonctionnements avaient été constatés, notamment en raison du manque de diffusion des informations sur le séisme. C'est pourquoi le dispositif d'alerte aux tsunamis privilégie désormais la multiplication des canaux d'information et des récipiendaires capables de prendre des décisions. Ainsi, dans la préfecture de Wakayama, au moins trois organismes différents reçoivent les messages de la JMA et sont susceptibles de déclencher les sirènes pour avertir la population du danger.

(2) Une bonne préparation de la population

Les tsunamis locaux exigent des délais de réaction très brefs. Dans les zones à risque, les collectivités locales ont mis en place des plans d'évacuation précisant les routes à utiliser, les bâtiments pouvant servir de refuge et les zones à atteindre pour être en sécurité. Une attention particulière a été portée à la signalétique et plusieurs types de panneaux ont été créés :

- des panneaux indiquant la direction à suivre pour rejoindre les zones sécurisées et les distances à parcourir ;

- des panneaux avertissant que la présente zone est susceptible d'être inondée en cas de tsunami ;

- des panneaux mentionnant les zones « sûres » car hors de portée du tsunami ainsi que les bâtiments « refuges ».

L'utilisation quasi exclusive de dessins permet une compréhension desdits panneaux par tous.

Des sirènes ont également été installées le long des côtes d'une portée de 1 à 2 kilomètres afin de prévenir les personnes sur les plages et en bordure du littoral.

Par ailleurs, de nombreuses mesures sont prises pour informer et sensibiliser la population. Par exemple, l'agence de la gestion des catastrophes et des incendies placée auprès du ministre des affaires intérieures et des communications a développé un CD Rom à l'attention des habitants du bord de mer. Ce dernier explique le mécanisme du tsunami et sa propagation jusqu'aux rivages puis décrit les mesures à prendre en cas de déclenchement des sirènes ou de perception d'un fort tremblement de terre.

Dans certaines communes, les habitants sont impliqués dans l'élaboration des plans d'évacuation. L'objectif est à la fois de les informer sur les dommages engendrés par les tsunamis précédents, de les convaincre de l'utilité desdits plans et d'utiliser leurs connaissances des lieux pour sélectionner les meilleurs itinéraires.

Des exercices d'entraînement sont également réalisés pour tester les voies choisies et remédier aux éventuelles insuffisances constatées. Votre rapporteur a ainsi appris qu'une association de résidents s'était mobilisée pendant deux ans pour la construction, à l'aide de rails de chemin de fer, d'une route de secours permettant d'atteindre rapidement une zone située à 10 mètres au-dessus du niveau de la mer.

Pour autant, le Japon n'est pas à l'abri d'une démobilisation de sa population face à un aléa dont l'occurrence est rare. Plusieurs interlocuteurs se sont inquiétés que lors des dernières alertes de novembre 2006 et du 13 janvier 2007, la plupart des résidents étaient restés chez eux malgré les consignes d'évacuation. L'une des explications, outre l'évolution de la société japonaise, réside dans le fait que l'émission de nombreuses fausses alertes réduit la crédibilité du système.

(3) Des moyens considérables engagés dans la construction d'ouvrages d'art et dans l'amélioration du dispositif d'alerte

Le Japon est le seul pays à multiplier la construction d'ouvrages d'art pour lutter contre les tsunamis 21 ( * ) . Ainsi, la municipalité de Tokyo chargée de la sécurité des îles au large de la métropole a cherché à réduire la vulnérabilité de certaines côtes en installant des tétrapodes et des récifs artificiels.

Selon les informations recueillies par votre rapporteur, plus de 15.000 km de digues ont été construits le long des côtes japonaises.

Lorsqu'il n'existe pas de bâtiment de refuge à proximité et que le relief ne permet pas de rejoindre rapidement une zone située à plusieurs mètres de hauteur par rapport au niveau de la mer, les Japonais ont construit des plafeformes en acier reliées au sol par un escalier. Ces plateformes répondent aux normes parasismiques et sont capables de résister aux vagues d'un tsunami. Elles peuvent accueillir entre 70 et 100 personnes et sont parfois équipées d'une sirène.

De même, des « murs ou digues terrestres » en béton sont parfois installés dans les ports menacés par les tsunamis. Ces murs, dont la hauteur peut être modulée en fonction de l'amplitude prévue du tsunami, ont pour but de « casser » les vagues et de limiter les zones inondées.

Par ailleurs, le Japon continue d'investir massivement dans l'amélioration de son dispositif d'alerte. Ainsi, la JAMSTEC 22 ( * ) a lancé un programme nommé DONET 23 ( * ) qui a pour but d'équiper la zone de Tonankai d'un réseau de 20 sismomètres reliés par câble faisant également capteurs de pression afin de repérer plus rapidement les séismes et les tsunamis en provenance de cette région. Il faut dire que l'étude des séismes historiques montre que la zone comprise entre la baie de Suroga et l'île de Shikoku est touchée par un tremblement de terre d'une magnitude égale ou supérieure à 8 tous les 100-150 ans à trois endroits différents : dans les régions de Tokai, Tonankai et Nankai.

Les forts séismes susceptibles de toucher
les régions Tokai, Tonankai et Nankai

Source : Japan Meteorological Agency

En outre, il est déjà arrivé que dans cette zone, deux séismes de forte amplitude se produisent soit au même moment, soit à un ou deux jours d'intervalle. Un tel événement produirait d'énormes dégâts. C'est la raison pour laquelle cette zone est sous haute surveillance.

Le Japon est enfin largement impliqué dans l'amélioration globale des dispositifs d'alerte grâce à une politique de coopération très active, notamment en direction des pays d'Asie et du Pacifique.

Ainsi, depuis 1960, l'IISEE 24 ( * ) organise une formation d'une année pour une dizaine d'ingénieurs de pays en voie de développement sur la sismologie et les techniques de prévention et de limitation des effets des tremblements de terre. Jusqu'en 1972, cette formation constituait un projet commun entre le Japon et l'UNESCO. A partir de 1973, le Japon, à travers la JICA 25 ( * ) a poursuivi seule ce programme en le transformant en 2005 en « master » de prévention des catastrophes naturelles. En 2006, un module sur les tsunamis a été introduit qui, lorsque votre rapporteur s'est rendu au Japon en janvier 2007, était suivi par 5 étudiants, soit la moitié des participants à cette formation.

Par ailleurs, le NIED et la JICA se sont engagés dans la mise en place d'un réseau sismique en Indonésie (projet JISNET) : 23 stations sismiques « large bande » ont été installées.

Dans le Sud Ouest Pacifique, la JICA a financé un programme de mise à niveau des réseaux sismiques des îles Fidji et Tonga (projet SPANET 26 ( * ) ) : South Pacific broadband seismic NETwork). 6 stations sismiques « large bande » ont ainsi été installées.

c) Le modèle français de Polynésie
(1) Le CEA au coeur du dispositif d'alerte en Polynésie

L'instauration d'un centre national d'alerte aux tsunamis en Polynésie est directement liée aux activités nucléaires de la France dans le Pacifique.

Implanté par le CEA au début des années soixante, le laboratoire de géophysique (LDG) de Tahiti a été dès 1964 chargé de fournir des informations sur les tsunamis susceptibles d'affecter les côtes de la Polynésie française. Il a pour cela mis en place le réseau sismique polynésien et développé des méthodes de plus en plus perfectionnées pour évaluer le potentiel tsunamigène des séismes.

Aujourd'hui, les activités du laboratoire de géophysique de Pamatai sont triples.

D'abord, dans le cadre du traité d'interdiction complète des essais nucléaires, le LDG/Pamatai participe au système de surveillance international des explosions nucléaires.

Ensuite, le réseau sismique polynésien du LGD/Pamatai est chargé de surveiller 24h sur 24 la sismicité de la Polynésie française : sont visés les séismes, mais également les volcans sous-marins, les éboulements ou encore les ondes de tempête. Dans ce cadre, le LGD/Pamatai exploite depuis 1962 9 stations sismiques réparties sur Tahiti, Rangiroa, Tubuai et Rikitea.

Enfin, le LGD/Pamatai gère le centre polynésien de prévention des tsunamis qui assure l'alerte opérationnelle aux tsunamis 24h sur 24 dans le Pacifique en relation avec le PTWC.

Le traité d'interdiction complète des essais nucléaires

Ce traité, adopté le 10 septembre 1996 et signé par 71 membres, dont les 5 puissances nucléaires officielles, le 24 septembre 1996, interdit les essais nucléaires. Il complète le traité du 5 novembre 1963 qui avait prohibé les essais nucléaires sous l'eau, dans l'espace et dans l'atmosphère en étendant l'interdiction aux essais sous-terrains.

Ce traité instaure un système de surveillance international de l'air, de l'eau et des océans à travers des stations réparties dans le monde entier.

Des stations de détection des radionucléides (éléments radioactifs contenus dans l'air) et des infrasons sont utilisées pour l'atmosphère.

La détection des ondes sismiques générées par les tremblements de terre ou les explosions souterraines est faite à l'aide de sismomètres. Ces capteurs permettent également de surveiller le milieu marin en détectant et identifiant les ondes hydroacoustiques (ondes T) qui s'y propagent.

Le DASE 27 ( * ) , dont dépend le LDG/Pamatai, est responsable de la contribution française à l'exploitation du système de surveillance international (SSI) dans les différentes technologies (sismologique, radionucléides, infrason et hydroacoustique).

Le réseau géophysique polynésien comprend des stations du SSI dont les données sont envoyées au DASE et au centre international des données à Vienne.

La station sismique de Tahiti, du fait de sa situation centrale dans le Pacifique, est un site primordial pour la détection sismique et hydroacoustique. La station d'analyse des radionucléides est installée sur le site de Pamatai. Deux stations infrason sont installées à Taravao, dans la presqu'île de Tahiti, et dans l'archipel des Marquises.

Source : DASE

Lorsque le LGD/Pamatai détecte un séisme dont le foyer sous-marin est à moins de 60 km de profondeur et dont la magnitude est égale ou supérieure à 7, il en informe le Haut-Commissariat et le service de la protection civile.

A cet égard, il convient de mentionner que le LDG/Pamatai a développé un système automatique de détection et de localisation en temps réel des séismes tsunamigènes très performant appelé TREMORS® 28 ( * ) (Tsunami Risk Evaluation through seismic Moment from a Realtime System).

La magnitude d'un tremblement de terre mesure l'énergie libérée lors d'un séisme. Plus la magnitude est élevée, plus le séisme a libéré d'énergie. Il s'agit d'une échelle logarithmique, c'est-à-dire qu'un accroissement de magnitude de 1 correspond à une multiplication par 30 de l'énergie. Si l'échelle de Richter (Ms) est la plus connue, elle a l'inconvénient de saturer en cas de fort séisme : la magnitude rencontre un plafond qu'elle a du mal à dépasser alors que l'énergie des séismes continue de croître. Pour remédier à cet effet de saturation, une échelle d'énergie, nommée Mw, a été développée dans les années 80. Cette échelle, calée sur Ms, en est son prolongement pour les forts séismes afin d'éviter l'effet de saturation. Par exemple, le séisme du 22 mai 1960 du Chili avait une magnitude de 8,4 sur l'échelle de Richter et de 9,5 en magnitude Mw. Il était donc 30 fois plus puissant que ce que les instruments de mesure annonçaient.

Si l'échelle de Richter est utilisée en cas de fort séisme, les prévisions concernant les tsunamis provoqués peuvent se révéler très sous-évaluées. C'est la raison pour laquelle une connaissance précise de la magnitude du séisme est primordiale. Toutefois, selon les informations obtenues par votre rapporteur, la magnitude Mw exige de nombreuses stations sismiques et des moyens de calcul considérables.

Pour pallier ces difficultés, le LDG/Pamatai a introduit une nouvelle échelle de magnitude Mm (magnitude de manteau) qui évite l'effet de saturation connu de l'échelle de Richter et n'exige qu'une station sismique pour son utilisation. Au-delà d'un certain seuil de magnitude (fixé actuellement à 7), une alarme est émise par téléphone GMS au géophysicien de service.

Le LDG/Pamatai exploite en outre quatre marégraphes installés à Papeete (1), aux îles Gambier (1) et aux îles Marquises (2). Une seule de ces stations a été financée par la France via un projet FIDES (Fonds d'investissement pour le développement économique et social). Il reçoit également les données d'une vingtaine de marégraphes installés essentiellement dans le Pacifique Sud sur des îles situées entre les zones tsunamigènes et la Polynésie française.

Ces activités sont complétées par des études et simulations destinées à mieux évaluer l'aléa tsunami en Polynésie (cf. supra).

Aussi n'est-il pas étonnant que le CEA soit le représentant de la France au groupe intergouvernemental de coordination du système d'alerte aux tsunamis dans le Pacifique (GIC/Pacifique) dont il a assuré la vice-présidence puis la présidence et qu'il ait participé activement à la mise en place du plan de secours spécialisé en cas de tsunami (PSS) pour la Polynésie française 29 ( * ) .

(2) Un dispositif d'alerte basé sur une connaissance approfondie de l'aléa

Comme il a été constaté précédemment, l'efficacité de tout dispositif d'alerte dépend d'une bonne connaissance préalable de l'aléa. C'est la raison pour laquelle plusieurs études ont été confiées au CEA afin d'établir une carte de l'aléa tsunami.

L'analyse des séismes historiques dans le Pacifique entre 1837 et 2005 laisse penser qu'au moins 15 tsunamis ont touché les côtes polynésiennes dont 11 ont fait des dommages et 2 des victimes.

Le danger qu'un séisme génère un grand tsunami transpacifique avec un risque pour l'ensemble de la Polynésie n'intervient que pour les séismes de subduction de magnitude exceptionnellement forte (magnitude Mm supérieure à 9). Les principales zones de subduction capables de produire de tels séismes sont celles de la côte Sud-Américaine (Chili, Pérou), celle de l'arc des Aléoutiennes et celle du Pacifique Nord-Ouest (l'arc des Kouriles - Japon - Kamchatka). En ce qui concerne cette dernière zone, le risque semble toutefois moins grand dans la mesure où la Polynésie n'est pas dans la zone géographique où le tsunami a son rayonnement maximal.

Trois zones sismiques susceptibles de générer les tsunamis les plus dévastateurs sont donc retenues :

- la zone de la côte Sud-Américaine (Chili, Pérou). Il convient de noter qu'il existe une lacune sismique au Nord du Chili : dans les 20/30 années prochaines, il est attendu un séisme d'une magnitude 9 dans cette zone qui générera un tsunami particulièrement dévastateur dans les îles Marquises puisque les simulations tablent sur une vague de 11 mètres avec des pénétrations jusqu'à 1000 mètres dans l'île d'Hiva Oa ;

- la zone de l'arc des Aléoutiennes;

- la zone Tonga-Kermadec à l'Ouest. La sismicité historique de cette région est mal connue et ce sont les simulations numériques qui laissent penser qu'un tsunami dévastateur en provenance des Tonga pourrait toucher la Polynésie française. En outre, une zone de lacune sismique a été observée aux Kermadec, qui suggère qu'un fort séisme est à attendre dans cette zone.

Par ailleurs, les observations sur le terrain ainsi que les simulations révèlent une forte variation de l'aléa en fonction des îles comme le montre la carte ci-après élaborée par le CEA.

Carte des niveaux d'exposition à l'aléa tsunami de la Polynésie française

Source : CEA/DASE

Ainsi, les Marquises apparaissent particulièrement exposées aux tsunamis puisqu'elles peuvent être affectées par des tsunamis majeurs plus de 4 fois par siècle. En outre, elles font l'objet d'amplifications importantes pour les séismes en provenance de la côte Sud-Américaine. Lors du séisme de magnitude 7,3 au large du Pérou le 21 février 1996, un tsunami de 2 à 3 mètres a été observé dans les îles Marquises contre moins de 10 cm à Papeete. Cet effet d'amplification est lié à la bathymétrie locale : ces îles ont des reliefs sous-marins en pente douce et ne sont pas protégées par un récif corallien.

Dans les îles Australes, l'île de Rurutu est également susceptible d'être touchée deux fois par siècle par des tsunamis. Les autres îles sont protégées par la barrière récifale, les conséquences des tsunamis sont donc moindres.

En ce qui concerne Tahiti, celle-ci est relativement protégée par son récif corallien sauf pour la côte Nord et Nord-est.

La carte des zones susceptibles de générer les tsunamis les plus dévastateurs pour la Polynésie française et la carte des niveaux d'exposition à l'aléa tsunami ont servi de référence pour la mise en place du dispositif d'alerte.

Tout comme aux Etats-Unis et au Japon, l'alerte est graduée en fonction du risque. Trois codes couleur ont été définis, en fonction de la gravité du danger.

L'alerte de niveau 2 (de couleur jaune) est déclenchée lorsque la magnitude Mm du séisme détecté est supérieure à 8 et que l'arrivée prévisible du tsunami sur les côtes polynésiennes n'est pas annoncée avant 9 heures. Le LDG/Pamatai prévient alors la protection civile et le Haut-Commissaire.

L'alerte de niveau 3 (de couleur orange) est déclenchée lorsque la magnitude Mm du séisme détecté est comprise entre 8,7 et 9 et que l'arrivée prévisible du tsunami sur les côtes polynésiennes n'est pas annoncée avant 6 heures. Dans ce cas, le danger de tsunami est confirmé et toutes les autorités locales sont informées.

Enfin, l'alerte de niveau 4 (de couleur rouge) est déclenchée soit lorsque la magnitude Mm du séisme détecté est supérieure à 9, soit lorsque l'arrivée du tsunami sur les côtes polynésiennes est annoncée dans un délai de moins de 3 heures. Concrètement, cela signifie qu'un séisme de magnitude supérieure à 8 dans la zone des îles Tonga entraîne automatiquement une alerte maximale. L'alerte générale est alors donnée afin d'évacuer la population le long des côtes, de faire sortir les bateaux des ports et d'évacuer l'aéroport. En effet, une étude de site a montré que l'aéroport de Faa sur Papeete serait alors inondé et rendu inutilisable.

Les niveaux d'alerte

Origine

Tonga

Amérique du Sud

Toutes les zones sauf Tonga

Magnitude

Mm > 8

(Mw > 7,9)

Mm > 7

(Mw > 7,2)

8 < Mm < 8,7

(7,9< Mw < 8,3)

8,7 < Mm < 9 (8,3 < Mw < 8,7)

Mm > 9

(Mw>8,7)

Archipel

Polynésie française

Marquises

Polynésie française

9 h

2

2

2

3

6 h

2

2

3

4

3 h

4

4

4

4

4

Annulation

1

1

1

1

1

Niveau 1

Situation normale

Niveau 2

Alerte autorités

Hautes autorités (Etat et Territoire)

Niveau 3

Alerte autorités locales

Communes et municipalités (Maire)

Niveau 4

Alerte globale

Evacuation de la population

Compte tenu de la forte exposition des îles Marquises à l'aléa tsunami, une alerte de niveau 2 est déclenchée en cas de séisme au large de l'Amérique du Sud et d'une magnitude supérieure à 7.

(3) Un type d'alerte adapté aux caractéristiques de la Polynésie française

Comme il a été indiqué à plusieurs reprises, un dispositif d'alerte n'est efficace que s'il touche la population et que cette dernière réagit en connaissance de cause. Or, les particularités de la Polynésie française rendent la mise en place d'un dispositif d'alerte difficile.

D'une part, ce territoire a une superficie de 4 200 km² éparpillés sur 5 millions de km² pour 256.000 habitants répartis sur des dizaines d'îles. Certes, 80 % de la population se concentrent sur Tahiti et Moorea, mais 8000 personnes peuplent les 5 îles des Marquises et 5000 habitants vivent sur les 44 îles des Tuamotu. L'alerte doit donc toucher une population très éparpillée en peu de temps.

D'autre part, les interlocuteurs sont multiples. Ainsi, la sécurité civile est une compétence partagée entre l'Etat français, chargé de l'organisation des secours, et l'Assemblée de la Polynésie française responsable de la prévention. En outre, les communes n'ont pas de ressources propres et les maires sensés prendre le relais en cas d'alerte ne sont pas toujours joignables ni même présents dans leurs communes, beaucoup parmi eux résidant à Tahiti.

Compte tenu de ces contraintes, il a été décidé d'instaurer un système d'alerte centralisé et automatique.

D'ici la fin de l'année, 144 sirènes auront été installées en Polynésie française qui pourront être déclenchées à distance par les services du Haut-Commissariat ou localement. Afin de ne pas être tributaires du réseau téléphonique ou internet local ou international 30 ( * ) , chaque sirène est équipée d'un déclencheur par satellite « mini-C » du réseau Inmarsat.

Le réseau Inmarsat

Le réseau Inmarsat est le premier réseau satellitaire pour terminaux fixes ou mobiles à couverture mondiale. Il est utilisé par tous les navires du monde pour la transmission de message de détresse, d'urgence ou pour les communications commerciales.

Il est constitué pour la zone Pacifique d'un satellite géostationnaire et de deux satellites de secours. En cas de nécessité, Inmarsat peut passer du satellite en exploitation à un des deux satellites de secours sans nécessité de reconfiguration ou de repointage des terminaux Inmarsat-C. Cette opération est donc transparente pour l'utilisateur et quasiment instantanée.

Par ailleurs, l'émission et la réception des terminaux fixes ou mobiles ne sont pas perturbées par les événements météorologiques tels que les cyclones.

Enfin, les antennes incorporées aux terminaux Inmarsat C ne nécessitent aucun pointage, elles reçoivent sur 360° depuis la verticale jusqu'à 5° en dessous de l'horizontale.

Les sirènes peuvent être déclenchées individuellement, mais aussi par groupe (île, archipel, totalité des sirènes de Polynésie française). L'envoi du message pour déclencher les sirènes se fait dans les deux minutes et le message de confirmation arrive dans les 4 minutes (cf. schéma ci-après).

Description du système de déclenchement manuel

Source : Assystem

Par ailleurs, les municipalités disposent d'un téléphone portable satellitaire (également Inmarsat) permettant de joindre les services du Haut-Commissariat même en cas de coupure des liaisons téléphoniques locales.

Les services de la protection civile ont également passé une convention avec RFO (Réseau France Outremer) : en cas d'alerte au tsunami, un message est diffusé à la télévision.

Si la prévention revient théoriquement à l'Assemblée de la Polynésie française, le Haut-commissariat est également impliqué. Ainsi, au moment où votre rapporteur s'est rendu à Tahiti, une brochure d'information sur « l'alerte au tsunami en Polynésie française » venait d'être éditée. Enfin, dans les îles Marquises et les îles Australes, des exercices d'entraînement en grandeur nature sont organisés, accompagnés de l'évacuation et du déplacement de la population.

* 9 Depuis cette date, ce groupe est chargé d'apporter des recommandations sur les programmes de prévention contre les tsunamis mis en place par les Etats-membres dont les côtes sont menacées par des tsunamis et d'en assurer la coordination. Pour atteindre ces objectifs, le groupe se réunit à peu près tous les 2 ans, invité par l'un des Etats-membres. Le Groupe dresse le bilan des mesures prises et des insuffisances constatées et établit un programme d'action pour y remédier. Des groupes de travail sont créés le cas échéant.

* 10 Le WC-ATWC et le NWPTAC seront étudiés dans le détail dans les parties consacrées respectivement au modèle américain et au modèle japonais.

* 11 Le centre d'alerte aux tsunamis en Alaska pour la côte ouest ( WC/ATWC :West Coast/ Alaska Tsunami Warning Center).

* 12 Il s'agit de dresser un bilan sur les capacités d'un Etat à mettre en place un système d'alerte aux tsunamis.

* 13 Pour cette zone, le PTWC partage cette responsabilité avec la JMA.

* 14 C'est le centre d'alerte aux tsunamis en Alaska pour la côte ouest (WC/ATWC :West Coast/ Alaska Tsunami Warning Center).

* 15 Cette zone est située au large des Etats de Washington, Oregon et Californie.

* 16 Il pourrait être traduit « prêt à affronter un tsunami ».

* 17 500 sites sont potentiellement concernés.

* 18 Loi de dotations supplémentaires d'urgence

* 19 NTHMP : national tsunami hazard mitigation program

* 20 National Research Institute for Earth Science and Disaster Prevention (Institut national de recherche pour les sciences de la terre et la prévention des catastrophes).

* 21 La plupart des ouvrages ont un objectif multirisque puisque le Japon doit également lutter contre les houles cycloniques et les typhons.

* 22 JAMSTEC : Japan Agency for Marine-Earth Science and Technology, qui correspond à l'IFREMER en France.

* 23 DONET signifie Dense Oceanfloor Network System for Earthquakes and Tsunamis, et correspond à un système de réseaux denses au fond de la mer pour les séismes et les tsunamis.

* 24 IISEE : International Institute of Seismology and Earthquake Engineering

* 25 Japon International Cooperation Agency, à savoir l'agence japonaise de coopération internationale.

* 26 South Pacific Broadband Seismic Network

* 27 Département Analyse, Surveillance, Environnement du CEA (centre de l'énergie atomique).

* 28 Cette marque a été déposée à l'Institut national de la propriété intellectuelle (INPI) en 1994 et a été renouvelée en 2004 pour 10 ans.

* 29 Ce plan définit les missions et les responsabilités de tous les services concernés en cas d'alerte aux tsunamis et arrête les mesures à prendre pour, le cas échéant, évacuer la population.

* 30 L'expérience montre que dès qu'un sinistre est annoncé, le réseau téléphonique est saturé. En outre, l'Office des Postes et Télécommunication de Papeete est situé en bord de mer : en cas de vagues de 1,5 mètre, il serait hors d'usage et les communications téléphoniques seraient interrompues.

Page mise à jour le

Partager cette page