B. UN RISQUE QUI A COMMENCÉ À ÊTRE PRIS EN COMPTE DANS LES AUTRES BASSINS APRÈS LE TSUNAMI DU 26 DÉCEMBRE 2004

Si la communauté scientifique et certaines organisations internationales 31 ( * ) n'ont pas attendu la catastrophe de Sumatra pour s'intéresser au phénomène des tsunamis, il faut reconnaître que l'opinion publique a découvert cet aléa ce jour là.

1. Le « choc » de Sumatra

Plusieurs facteurs expliquent que le tsunami qui a ravagé l'océan Indien le 26 décembre 2004 ait provoqué un véritable choc dans la communauté internationale :

- son caractère exceptionnel, à la fois par son ampleur et par le nombre de victimes. Avec une magnitude de 9,3, le séisme à l'origine du tsunami est le deuxième plus violent tremblement de terre jamais enregistré avec une zone de fracture de 1200 kilomètres. En outre, il a entraîné la mort de près de 250.000 personnes et contraint le déplacement de plus d'un million et demi de personnes réparties sur les côtes de douze pays ;

- la date à laquelle cet événement s'est produit et son immense médiatisation : la période de Noël est considérée comme festive et joyeuse. Cette catastrophe naturelle a donc particulièrement marqué les populations qui ont réagi à travers un élan de générosité sans précédent : plus d'1,5 milliard d'euros ont été versés aux organisations humanitaires par des particuliers. Les médias ont certainement influencé cette générosité en diffusant quelques heures seulement après le tsunami des films pour la plupart réalisés par des particuliers sur leur appareil photo numérique ou sur leur portable dans lesquels on pouvait voir les images de cette vague submergeant les plages et les stations balnéaires. Cet événement a donc pris rapidement une dimension planétaire, d'autant plus qu'un nombre non négligeable de touristes occidentaux ont fait partie des victimes.

En outre, le fait que l'océan Indien était considéré comme une zone à faible risque tsunami a réveillé les consciences.

a) La prise de conscience de la vulnérabilité de tous les bassins

Statistiquement, l'océan Indien est considéré comme le bassin le plus sûr au regard du risque de tsunami puisqu'il ne comptabilise que 4 % des tsunamis générés au XXème siècle. Pourtant, le tsunami du 26 décembre 2004 a fait plus de victimes que l'ensemble des tsunamis connus depuis l'Antiquité.

En outre, il a été l'occasion de rappeler que certaines régions qui n'ont pas connu de tsunami de mémoire d'homme, ont été complètement dévastées dans un passé lointain : l'exemple de l'explosion volcanique à Santorin est révélateur.

b) La mise en lumière des insuffisances du système de prévention du risque de tsunami

Le tsunami de Sumatra a surtout mis en lumière les énormes insuffisances en matière de prévention du risque de tsunami.

D'abord, les images diffusées montrant les touristes jouant dans les zones où la mer s'était retirée ont révélé une ignorance complète de l'aléa et de ses manifestations par la population.

Ensuite, la violence du séisme ayant provoqué le tsunami a surpris les scientifiques et force a été de constater qu'à l'exception de la zone Pacifique, l'aléa tsunami était mal connu en l'absence de programmes de recherche suffisants dans ce domaine. Par exemple peu de catalogues des tsunamis historiques par bassin ont été publiés et les sources potentielles de tsunami n'ont pas été répertoriées de manière systématique et encore moins analysées pour pouvoir établir des cartes d'exposition à l'aléa.

Enfin, de nombreuses voix se sont élevées pour constater que si un système d'alerte avait existé, des milliers de vies humaines auraient été épargnées. La communauté internationale, sous l'égide de l'Unesco, a donc décidé de se mobiliser pour compléter le dispositif d'alerte aux tsunamis existant et l'étendre à tous les bassins.

2. L'aspiration à un dispositif d'alerte et de prévention des tsunamis efficace et couvrant tous les bassins

La communauté internationale a estimé que la mise en place d'un dispositif d'alerte efficace dans l'océan Indien, dans les Caraïbes et dans la Méditerranée nécessitait d'une part la création de groupes intergouvernementaux par bassin, à l'instar du GIC/Pacifique et, d'autre part, une relance des recherches scientifiques pour mieux connaître l'aléa tsunami dans ces régions.

a) La création de trois nouveaux groupes intergouvernementaux

Après le tsunami du 26 décembre 2004, la coopération internationale s'est considérablement renforcée dans l'objectif d'établir un système global d'alerte et de prévention des tsunamis. L'impulsion fut donnée lors de la 3ème conférence mondiale sur la prévention des catastrophes naturelles, qui s'est déroulée à Kobé (Japon) en janvier 2005 : une séance plénière a été consacrée à la création d'un mécanisme d'alerte contre les tsunamis dans l'océan Indien.

Compte tenu de son expérience dans le Pacifique, l'Unesco a été mandaté pour coordonner la mise en place du système d'alerte aux tsunamis dans l'océan Indien. La COI a organisé deux réunions au niveau ministériel en février et en mars 2005 auxquelles la plupart des Etats de l'océan Indien ont participé.

Par ailleurs, une « unité tsunami » a été mise en place au sein de la COI dès janvier 2005, destinée à soutenir les actions des groupes intergouvernementaux de coordination nouvellement créés. Elle a notamment organisé les premières réunions préparatoires ainsi que les visites d'évaluation dans plus de 18 pays de l'océan Indien.

En juin 2005, la 23 ème assemblée générale de la commission océanographique internationale adopta trois résolutions visant à créer trois groupes régionaux de coordination :

- le groupe intergouvernemental de coordination du système d'alerte aux tsunamis de l'océan Indien (GIC/SATOI) qui regroupe 28 Etats, dont la France présente dans ce bassin à travers La Réunion et Mayotte ;

- le groupe intergouvernemental de coordination du système d'alerte aux tsunamis, de l'Atlantique Nord-Est et de la Méditerranée (GIC/SATANEM) composé de 64 Etats dont la France;

- le groupe intergouvernemental de coordination du système d'alerte dans les Caraïbes et les mers adjacentes (GIC/Caraïbes), formé de 27 Etats dont la France présente dans ce bassin à travers la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et Saint-Martin.

L'architecture retenue pour ces trois systèmes d'alerte devrait être identique et s'inspire largement du dispositif d'alerte dans le Pacifique.

L'architecture du système d'alerte aux tsunamis

Source : COI

Chaque Etat est responsable de la collecte et du traitement des données nationales en provenance des stations sismiques et des marégraphes. Chaque Etat doit également s'assurer que ces données sont accessibles en temps réel pour tous les membres du système d'alerte. En outre, Les Etats sont chargés de réaliser toutes les simulations numériques nécessaires pour mieux connaître l'aléa, pour établir les zones d'exposition ainsi que les cartes d'aléa et d'inondation.

Les données ainsi collectées sont transmises en temps réel soit directement, soit par les Etats à un ou plusieurs centres régionaux d'avis des tsunamis 32 ( * ) . Ces derniers sont chargés de l'analyse des données sur les séismes (localisation du tremblement de terre et estimation de sa profondeur, magnitude, date et heure du séisme) pour déterminer si un tsunami risque d'avoir été généré. Dans l'affirmative, les centres régionaux enverront un message d'alerte précisant l'heure d'arrivée et les zones concernées aux points focaux des Etats membres. Les centres régionaux se serviront également des données relatives au niveau de la mer pour confirmer le tsunami et affiner leurs prévisions ou, au contraire, pour annuler l'alerte.

Point focal et point de contact national dans le système d'alerte coordonné par la commission océanographique internationale

* Point focal du groupe intergouvernemental de coopération pour l'alerte aux tsunamis

Le point focal est la personne à contacter, joignable 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 et désignée par le gouvernement d'un Etat membre du GIC pour recevoir et diffuser rapidement les informations relatives aux tsunamis. Le COI conseille la nomination d'un ou plusieurs organismes plutôt que de personnes. Le point focal reçoit les bulletins et alertes envoyés par les centres d'alerte régionaux et les notifie aux autorités chargées de faire face aux situations d'urgence (en règle générale les services de la protection civile). En ce qui concerne la France, Météo France sert de point focal dans les Caraïbes et dans l'océan Indien et le LDG/Pamatai assure cette responsabilité dans le Pacifique. En revanche, elle n'a pas de point focal officiel en Méditerranée même si le CEA a vocation naturelle à occuper ce rôle.

* Point de contact national du GIC pour les tsunamis

Le point de contact national du GIC pour les tsunamis est la personne désignée par le gouvernement d'un Etat membre du GIC pour représenter son pays au niveau de la coordination des activités internationales d'alerte aux tsunamis et de prévention. Cette personne est un des acteurs principaux du programme du système national d'alerte. Il peut s'agir du point focal pour l'alerte aux tsunamis ou d'une autre personne appartenant à l'organisme national chargé de la gestion des catastrophes, d'un membre d'une institution technique ou scientifique ou de tout autre entité ayant des responsabilités en matière d'alerte aux tsunamis. Dans l'océan Indien, dans les Caraïbes et dans le Pacifique, cette responsabilité est assurée respectivement par un représentant de Météo France, un représentant de l'Institut de Physique du Globe de Paris (IPGP) et un représentant du CEA. En Méditerranée, la France n'a plus de contact national depuis juin 2007.

Source : UNESCO/COI

Enfin, les points focaux sont chargés de la transmission du ou des bulletins d'alerte des centres régionaux aux autorités nationales afin que ces dernières prennent les mesures nécessaires : mise en oeuvre du plan de secours spécialisé en cas de tsunami (cf. infra l'analyse du dispositif d'alerte en Polynésie française) qui mobilise tous les acteurs susceptibles d'intervenir dans la prévention du tsunami et la gestion de crise de l'après-tsunami ; alerte de la population ; évacuation des plages et des bords de mer.

A ce stade, votre rapporteur souhaite attirer l'attention sur le fait que ce dispositif ne sera réellement efficace que si les services nationaux de la protection civile disposent d'informations précises sur les effets à attendre du tsunami annoncé. Comme il a été expliqué précédemment, ces derniers sont très difficiles à prévoir dans la mesure où ils dépendent de nombreux facteurs : la position de la source, la directivité du tsunami, la bathymétrie à l'approche des côtes, la topographie du littoral. Par conséquent, le message du centre régional sera général et devra être affiné par une instance nationale. Cela suppose donc qu'un organisme en France soit capable d'analyser les bulletins émis et de comparer l'événement en cours avec des scénarios de simulation déjà réalisés afin de préciser quelles zones sont réellement exposées. Sinon, les autorités nationales seront confrontées à deux types de risque : la fausse alerte ; la sous-évaluation du risque si les effets d'amplification du tsunami dans certaines zones ne sont pas pris en compte (cf. la forte exposition des îles Marquises comparativement à celles de la Société dont Tahiti).

Par ailleurs, les tsunamis susceptibles d'affecter les côtes françaises en Méditerranée et dans les Caraïbes sont des tsunamis locaux ou régionaux : les délais pour réagir seront très brefs (entre quelques minutes et une demi-heure). Il est donc indispensable que l'organisme scientifique chargé de conseiller les autorités publiques sur le niveau de danger et sa localisation assure une permanence 24h sur 24, 7 jours sur 7 et ait accès en temps réel aux données sismiques et de mesure du niveau de la mer.

Les trois groupes intergouvernementaux de coordination se sont engagés à établir les bases du système d'alerte d'ici la fin 2007 (nomination des points focaux et des contacts dans tous les Etats membres, désignation des centres régionaux et nationaux d'alerte). D'ici 2010, les systèmes d'alerte devraient être opérationnels et tous les bassins devraient être couverts.

Chaque groupe intergouvernemental a établi un plan d'action et créé des groupes de travail chargés d'une problématique particulière censés se rencontrer régulièrement. Par exemple, le GIC/Caraïbes a créé les quatre groupes suivants :

- connaissance de l'aléa ;

- surveillance et système de détection. Ce groupe est divisé en deux sous-groupes spécialisés en sismologie et marégraphie ;

- alerte et communication ;

- secours et formation.

Suivant les régions, une réunion est organisée annuellement ou semestriellement, pour constater les progrès accomplis par les Etats membres et par les groupes de travail ainsi que pour définir les actions à mener.

D'autres initiatives de la communauté internationale devraient renforcer l'efficacité des systèmes d'alerte et de prévention des tsunamis.

Ces derniers devraient s'appuyer à moyen terme sur la mise en commun des moyens d'observation de la terre : le 3ème sommet de l'observation de la terre de février 2005 a consacré ainsi l'adoption du plan d'action décennal du système de systèmes mondiaux d'observation de la terre (GEOSS 33 ( * ) ).

Au niveau européen, ledit système pourra s'appuyer sur l'initiative GMES (Global monitoring of environment and security).

Initiative GMES

Initiateur

Agence spatiale européenne, Union européenne

Participants

Agence spatiale européenne, Union européenne (Commission et Etats membres)

Statut

En cours de développement

Objectifs

Créer une capacité européenne autonome de surveillance à différentes échelles (locales, régionales, globales) pour l'environnement et la sécurité, en support des politiques européennes (environnement, agriculture etc.) et des engagements internationaux de l'Union.

Mise en place des premiers services

2008

Source : CNES

Selon les informations obtenues par votre rapporteur, la dernière assemblée générale de la COI en juin 2007 a consacré l'idée de coopération entre les quatre systèmes régionaux d'alerte aux tsunamis et la nécessité d'inclure le système d'alerte aux tsunamis dans un dispositif plus global qui engloberait l'alerte et la prévention de tous les risques liées à l'océan (tempêtes, houles cycloniques, typhons, cyclones, élévation du niveau de l'océan).

Par ailleurs, la politique de sensibilisation et d'éducation des populations au risque tsunami a vocation à être menée dans le cadre de la Stratégie internationale de prévention des catastrophes naturelles (SIPC).

Stratégie internationale de prévention des catastrophes naturelles (SICP)

Cette action, soutenue par l'Organisation des Nations Unies (ONU), a pour objet d'aider les communautés à mieux résister aux catastrophes naturelles en considérant la réduction des risques comme une composante essentielle du développement durable. Quatre axes d'action sont privilégiés :

- attirer l'attention des populations sur les notions de risque, de vulnérabilité et de réduction des catastrophes naturelles ;

- inciter les décideurs à tous les niveaux à prendre des mesures visant à prévenir et limiter les effets des catastrophes naturelles ;

- encourager les partenariats interdisciplinaires et intersectoriels à travers le monde pour une meilleure connaissance des risques et des actions à envisager ;

- faire progresser les connaissances scientifiques pour réduire les risques

Pour mener son action, la SIPC s'appuie sur deux organismes.

L'équipe spéciale est l'organe de la SIPC qui tient le premier rôle dans l'élaboration des politiques de prévention des catastrophes. Cette équipe, dirigée par le secrétaire général adjoint de l'ONU aux affaires humanitaires, rassemble 25 organismes de l'ONU, des organisations internationales et régionales et des organisations de la société civile. Elle débat deux fois par an à Genève des problèmes d'intérêt commun et mondial liés à la prévention des catastrophes (variabilité climatique, systèmes d'alerte rapide, analyse des vulnérabilités et des risques, incendies en milieu sauvage, sécheresse, etc.).

Le secrétariat « interorganisations » sert de centre international d'échange d'informations sur la prévention des catastrophes, il organise des campagnes de sensibilisation et publie des articles, revues et autres outils « "promotionnels sur la prévention » des catastrophes naturelles.

Source : ONU

Enfin, la transmission de données rapides et fiables dans le cadre des systèmes d'alerte aux tsunamis exige une coopération étroite avec l'organisation météorologique mondiale (OMM). Institution des Nations Unies spécialisée dans la météorologie, elle gère le système mondial de télécommunications (SMT), destiné à assurer rapidement la collecte, l'échange et la diffusion des données d'observation météorologique. Le SMT est utilisé pour la transmission des données marégrahiques et des messages d'alerte 34 ( * ) .

b) Une forte augmentation des crédits de recherche concernant les tsunamis

Aussi bien au niveau national qu'au niveau de la commission européenne, le tsunami de Sumatra a entraîné le financement de nombreux projets de recherche touchant l'aléa tsunami.

En 2005, l'agence nationale pour la recherche (ANR) a lancé le programme CATTELL (Catastrophes Telluriques et Tsunamis) afin de développer les recherches fondamentales sur les phénomènes à l'origine des grandes catastrophes telluriques. Quatre axes ont été retenus :

- les risques sismo-tectoniques : il s'agit de promouvoir des recherches sur l'étude des failles actives continentales et sous-marines, de décrypter l'histoire des zones sismogènes, de modéliser la propagation des ondes sismiques, les systèmes d'alerte sismique précoce, ainsi que la vulnérabilité sismique des constructions ;

- les risques liés aux tsunamis : les projets sélectionnés doivent étudier les processus à l'origine des tsunamis et les recherches technologiques sur les dispositifs d'alerte aux tsunamis ;

- les risques gravitaires : il s'agit d'étudier les processus de glissements de terrains terrestres ou sous-marins, les phénomènes physiques des écoulements et les technologies associées aux dispositifs de surveillance de ces phénomènes ;

- un axe transversal : cet axe vise à soutenir la recherche technologique et méthodologique sur ces risques naturels et développer la dimension sociale et économique des systèmes d'alerte précoce.

En 2005, 17 projets ont été sélectionnés pour un budget de 5,17 millions d'euros. 61 % des projets ont porté sur l'étude du risque sismique, mais les risques liés aux tsunamis ont constitué le deuxième thème financé avec 17 % des projets financés.

En 2006, 4,2 millions d'euros ont été attribués au programme CATTELL. 14 projets ont été sélectionnés, 69 % des financements ont été affectés au thème « séisme », mais aucune étude sur les tsunamis n'a été retenue.

La commission européenne a également financé de nombreux programmes de recherche après le tsunami de Sumatra du 26 décembre 2004.

Certains projets avaient déjà été réalisés avant ce tsunami dévastateur. Ainsi, GITEC (Genesis and Impact to Tsunamis in the European Community) et GITEC TWO (pour Tsunami Warning and Observations) ont permis l'élaboration d'un catalogue des tsunamis européens (228 événements ont été recensés de -6000 à 2003) et l'amélioration des techniques de simulation. En outre, plusieurs systèmes expérimentaux d'alerte aux tsunamis ont été testés au large du Portugal, dans la mer Ionienne et dans le Péloponnèse.

De même, le projet BIGSETS (Big Sources of Earthquake and Tsunami in South West Iberia) a amélioré les connaissances sur les sources du tsunami de 1755 qui a dévasté Lisbonne.

Dans le sixième programme cadre de recherche (2002-2006), 48 millions d'euros sont consacrés aux catastrophes naturelles, dont 7,45 millions d'euros pour les tsunamis dans le cadre de trois projets : TRANSFER, NEAREST et SEAHELLARC.

Le projet TRANSFER (Tsunami Risk and Strategies For the European Region) est doté de 3,3 millions d'euros et associe 29 partenaires. Commencé le 1er octobre 2006, il s'achèvera en avril 2009. Ce projet a pour but d'améliorer les connaissances sur la propagation des tsunamis en Méditerranée et de contribuer à la mise en place d'un système précoce d'alerte aux tsunamis dans cette zone. 9 groupes de travail ont été constitués, travaillant sur les problématiques suivantes :

- l'amélioration et l'actualisation du catalogue des tsunamis européens ainsi que son intégration dans un catalogue mondial des tsunamis ;

- l'identification et la caractérisation des sources tsunamigènes sismiques et non sismiques dans la zone Euro-Méditerranéenne ;

- l'analyse des systèmes actuels d'observation sismique et marégraphique et de traitement des données ainsi que l'identification des ajustements nécessaires pour la mise en place d'un dispositif d'alerte aux tsunamis efficace ;

- l'amélioration des modèles de simulation de tsunami afin que soient mieux pris en compte la propagation du tsunami et son impact sur les côtes.

Par ailleurs, sept zones géographiques ont été retenues auxquelles seront appliquées des scénarios de tsunami. Des cartes d'inondation seront dressées et des plans d'alerte et de prévention seront établis.

Le projet NEAREST (Integrated observation from near shores sources of tsunami) est doté de 2,8 millions d'euros et associe 11 partenaires. Il a pour but d'identifier et de caractériser les sources susceptibles de générer des tsunamis locaux dans le Golfe de Cadiz. Un observatoire sous-marin équipé de capteurs sismiques et de pression a vocation à être installé, servant de prototype à un système d'alerte précoce aux tsunamis. De nouvelles simulations seront réalisées dans la zone de l'Algarve, fortement touchée par le tsunami de 1755 et de nouvelles cartes d'inondation seront tracées.

De même, le projet SEAHELLARC (SEismic risk Assessment and mitigation scenarios in western HELLenic ARC) 35 ( * ) prévoit le développement d'un réseau de capteurs sur terre et en mer pour mieux observer la séismicité dans l'Arc hellénique et les éventuels tsunamis. La bathymétrie de cette zone fera l'objet d'un relevé précis afin d'identifier les failles et les aires susceptibles de subir des glissements de terrain. L'objectif recherché est d'identifier toutes les sources tsunamigènes. En outre, une étude de vulnérabilité aux tsunamis sera réalisée sur la ville de Pylos qui servira de base à la mise en place d'un plan de prévention et d'alerte aux tsunamis.

Par ailleurs, d'autres projets financés par la commission européenne participent indirectement à la mise en place d'un dispositif efficace d'alerte aux tsunamis.

Ainsi, le projet SAFER 36 ( * ) vise le développement d'outils pour la protection civile permettant une alerte précoce, surtout dans les zones densément peuplées. Il s'agit notamment de créer de nouveaux algorithmes pour une détermination rapide de la localisation du séisme, mais aussi des caractéristiques de la faille. En outre, de nouveaux outils seront développés pour produire des cartes d'alerte en temps réel ainsi que des simulations des dégâts causés par le séisme.

Actuellement, les séismes qui se produisent dans la région euro-méditerranéenne sont enregistrés par 100 systèmes d'observation différents gérés par 46 pays. Le projet NERIES (Network of Earthquake Research Institutes for Earthquake Seismology) a vocation à mettre en réseau ces multiples systèmes de surveillance, à améliorer l'accès aux données et à harmoniser la distribution et l'archivage des données.

Par ailleurs, le projet ESONET (European Seas Observatory Network of Excellence) propose d'établir les bases d'une composante marine de GMES (Global Monitoring for Environment and Security) comprenant un réseau d'observatoires permanents au fond de la mer, pluri-disciplinaires et implantés dans des zones clefs des marges continentales européennes, permettant une surveillance continue sur les plans géophysique, biogéochimique, océanographique et biologique. ESONET s'intéressera particulièrement aux marges océaniques au-delà de la limite du plateau continental et jusqu'aux profondeurs de 4 000 mètres, zone bien moins connue que le plateau continental lui-même et non couverte par les systèmes de recueil de données océaniques existants. Le domaine des marges océaniques européennes s'étend approximativement sur 15 000 km de long, de l'océan Arctique à la Mer Noire, couvrant une superficie d'à peu près 3 millions de km². Le projet EMSO (European Multidisciplinary Seas Observation) est responsable du déploiement des observatoires au fond de la mer. 5 sites (avec pour chacun un thème de recherche spécifique) ont été retenus, dont un en mer Ligure qui a vocation à fixer ses instruments de mesure sur le câble du projet ANTARES 37 ( * ) . Cet observatoire sera chargé d'étudier les risques géophysiques près de zones très peuplées et de tester des instruments soit déposés au fond des mers, soit utilisant des forages.

Enfin, le sixième programme cadre de recherche finance à hauteur de 4 millions d'euros le projet DEWS (Distant Early Warning System) soutenu par la Direction générale « Information de la société et média » de la commission européenne. Il vise à compléter le dispositif d'alerte en train d'être mis en place par les Allemands en Indonésie 38 ( * ) en utilisant les technologies de l'information pour rendre les réseaux de capteurs plus performants, pour raccourcir les durées de diffusion des messages d'alerte et pour améliorer la coopération non seulement entre les pays, mais également entre les autorités responsables.

3. Des résultats inégaux

a) L'océan Indien : une mobilisation internationale qui porte ses fruits

A la suite du tsunami de Sumatra, les pays de l'océan Indien touchés par cette catastrophe naturelle ont fait l'objet d'un élan de solidarité sans précédent. Ainsi, les dons versés par les Etats-Unis s'élèvent à 1,95 milliard d'euros, dont 714 millions d'euros en provenance du gouvernement et 1,2 milliard de dons privés. L'Allemagne a été le deuxième plus gros contributeur, avec 536 millions d'euros en provenance du gouvernement allemand et 553 millions d'euros de dons privés. Outre les sommes versées pour l'aide humanitaire et la reconstruction des zones sinistrées, de nombreux pays ont souhaité coopérer à la mise en place d'un système d'alerte aux tsunamis dans l'océan Indien. Comme il a été indiqué précédemment, l'Allemagne a engagé 45 millions d'euros pour l'instauration d'un système d'alerte en Indonésie. De même, le Japon a installé 23 stations sismiques « large bande » dans ce pays.

En attendant que le système d'alerte aux tsunamis dans l'océan Indien devienne opérationnel, les centres d'alerte de Hawaï (PTWC) et du Japon assurent l'intérim à travers la diffusion de messages d'information 39 ( * ) .

Le groupe intergouvernemental de coordination pour l'alerte aux tsunamis dans l'océan Indien s'est déjà réuni à quatre reprises. Lors de la dernière session au Kenya en février-mars 2007, d'importants progrès ont été constatés.

Les visites d'évaluation des capacités des pays pour mettre en place un dispositif d'alerte effectuées entre juin et septembre 2005 grâce à des financements de pays donateurs ont été très efficaces. Elles ont, grâce à la présence d'experts envoyés par les institutions onusiennes (Unesco, l'OMM et la SICP), contribué à sensibiliser les Etats qui ont, par la suite, soutenu activement la mise en place du système d'alerte.

Par exemple, la plupart des pays sont engagés dans l'installation des instruments de mesure nécessaires à l'analyse de l'aléa et dans la transmission des données en temps réel. Ainsi, l'Inde est en train de moderniser son réseau de stations sismiques et prévoit l'installation de 50 marégraphes et de 12 capteurs de pression (tsunamimètres). En Indonésie, 67 des 160 stations sismiques prévues transmettent déjà leurs données en temps réel ; 25 tsunamimètres et 80 marégraphes devraient compléter le dispositif.

Certains pays ont également déjà pris des mesures pour alerter la population. En Malaisie, des sirènes devraient être installées dans les zones fortement peuplées. En Thaïlande, le centre national d'alerte aux catastrophes naturelles pourra interrompre les programmes de 14 stations de télévision et de nombreuses radios pour diffuser ses messages.

En outre, des sessions de formation ont été organisées à Dubaï sur l'évaluation des risques et à Perth sur l'élaboration des cartes d'inondation. Chaque groupe de travail a défini un programme d'action précis et les échanges d'informations entre les participants de chaque groupe sont nombreux. A cet égard, le soutien logistique apporté par l'Australie qui finance notamment le secrétariat du groupe est un atout non négligeable.

Enfin, un centre d'information aux tsunamis sur le modèle de celui existant déjà à Hawaï devrait être créé à Jakarta, financé par le Canada.

Pour autant, certaines lacunes persistent auxquelles les pays du GIC/SATOI devront remédier.

D'abord, un test mené par le centre d'alerte aux tsunamis à Hawaï en février 2007 a révélé certains dysfonctionnements dans la réception des messages d'alerte par les points focaux nationaux. Ainsi, tous les Etats n'ont pas confirmé avoir bien reçu le message d'alerte. En outre, ce test a montré l'inégalité des performances des trois outils de communication utilisés selon les Etats : alors que la transmission du message à l'aide du système mondial de télécommunications a nécessité entre 1 à 5 minutes, il a fallu entre 10 à 15 minutes par fax et entre 1 à 59 minutes par email pour que le message soit reçu.

Ensuite, l'évaluation correcte de l'aléa tsunami en cas de séisme dans la région se heurte à plusieurs difficultés : le nombre des instruments de mesure à terre comme en mer fournissant des données en temps réel reste insuffisant ; il n'existe pas de données bathymétriques et topographiques de haute résolution près des côtes ; aucune étude des paléotsunamis n'a été entreprise pour mieux comprendre les anciens événements.

Par ailleurs, l'intégration des réseaux nationaux dans un système régional d'alerte peine à se mettre en place. Les échanges des données sismiques et marégraphiques entre les Etats du GIC/SATOI restent encore très partiels tandis que l'architecture prévue à l'origine (à savoir un ou plusieurs centres régionaux qui diffuseraient les messages d'alerte à des centres nationaux) a été récusée. En effet, les Etats ne souhaitent pas être tributaires d'un centre particulier pour l'émission de l'alerte pour une zone géographique précise et privilégient plutôt la multiplication des sources d'informations. Le système d'alerte ne serait donc pas composé de « centres régionaux d'alerte aux tsunamis », mais de « fournisseurs régionaux d'avis de tsunami » 40 ( * ) avec lesquels chaque Etat passerait un accord pour recevoir les bulletins émis.

Enfin, d'importants progrès restent à accomplir dans la diffusion de l'alerte auprès de la population. Selon les informations obtenues par votre rapporteur, peu d'Etats ont mis en place un plan de secours au niveau national et local définissant les responsabilités et les missions de tous les intervenants en cas d'alerte aux tsunamis. L'événement du 17 juillet 2006 qui a fait plus de 500 victimes en Indonésie a révélé les défaillances du dispositif d'alerte : le PTWC a bien transmis un bulletin d'information aux autorités indonésiennes, mais celles ci ont été incapables de protéger la population en diffusant rapidement une information précise des zones côtières menacées.

En dépit de ces insuffisances, le bilan des actions menées par le GIC/SATOI est plutôt positif. Il ne faut pas oublier que cette initiative a été créée il y a seulement deux ans et qu'il a fallu près de 40 ans au système d'alerte aux tsunamis dans le Pacifique pour être véritablement efficace. L'instauration du système d'alerte aux tsunamis dans l'océan Indien a profité d'une manne financière sans précédent de la part de nombreux pays donateurs. Elle a pu également s'appuyer dès avril 2005 sur les messages fournis par les centres du Pacifique et sur l'expérience accumulée par le GIC/Pacifique et profité des avancées technologiques récentes (tsunamimètres, modèles de simulation toujours plus performants, etc.). Toutefois, un certain nombre d'années sera nécessaire non seulement pour mettre en place un système d'alerte international et national efficace, mais aussi pour créer des relations de confiance entre les Etats et développer un dispositif régional basé sur la coopération et l'échange de données.

Il convient de remarquer que l'architecture des réseaux de surveillance dans l'océan Indien est beaucoup plus simple que dans les autres bassins comme en témoigne la carte ci-après.

Les différents types de tsunamis susceptibles
de toucher les pays de l'océan Indien

Source : CEA/DASE

En effet, contrairement aux autres régions où les Etats sont exposés au risque à la fois de tsunamis locaux, régionaux et parfois lointains, tous les pays de l'océan Indien à l'exception de la Birmanie et de l'Inde sont exposés à un seul type de tsunami :

- la Birmanie, les îles Andaman et Nicobar, le Timor, l'Iran et le Pakistan peuvent être touchés par des tsunamis locaux. Pour que le dispositif d'alerte soit efficace, ces pays doivent donc être équipés de réseaux denses de surveillance et de centres d'alerte très réactifs, avec des permanences 24h sur 24 7 jours sur 7 ;

- la Birmanie, la Thaïlande, la Malaisie, Singapour, Sri Lanka, l'Inde, l'Australie et Oman sont menacés par des tsunamis régionaux : les délais de réaction en cas d'alerte sont donc plus grands ;

- enfin, les 16 pays situés dans le cercle jaune sont exposés à des télétsunamis : leurs réseaux de surveillance peuvent donc être moins denses et une simple astreinte est suffisante dans les centres d'alerte.

En conséquence, les coûts globaux d'investissement et de fonctionnement sont, proportionnellement aux dimensions de l'océan Indien, 3 à 5 fois plus faibles que dans les autres bassins où les Etats doivent être équipés contre tous les types de tsunami.

En contrepartie, ce relatif cloisonnement des dispositifs d'alerte expliquerait les difficultés rencontrées pour l'intégration des réseaux nationaux dans un dispositif régional d'alerte.

b) Les Caraïbes : de nombreux obstacles à la mise en place d'un système d'alerte efficace

Depuis la création du groupe intergouvernemental de coordination du système d'alerte aux tsunamis dans les Caraïbes, seulement deux réunions se sont tenues à Barbade en 2006 et au Venezuela en 2007 et les progrès réalisés sont limités.

D'abord, la zone des Caraïbes cumule plusieurs handicaps : c'est une région « multirisque » (cyclones, tremblements de terre, éruptions volcaniques, tsunamis) composée de nombreuses petites îles et pays disposant de ressources financières et logistiques faibles.

Comme le risque de tsunami a longtemps été ignoré, elle est mal équipée en instruments de mesure capables de détecter un tsunami et d'élaborer un message d'alerte fiable. Compte tenu du risque sismique important dans cette zone, plusieurs réseaux sismologiques existent, même si certaines régions comme le Mexique et Cuba restent mal couvertes. A terme, il faudrait que chaque île dispose d'une station sismique afin de détecter très rapidement les tremblements de terre.

En ce qui concerne les marégraphes, il a été constaté lors de la dernière réunion que 60 % d'entre eux sont hors service et que très peu parmi ceux qui fonctionnent transmettent leurs données en temps réel.

En outre, c'est une région dans laquelle les délais de réaction doivent être très brefs. Ainsi, un tsunami généré dans les îles Vierges arrivera en 1h15 en Guadeloupe, mais en 10 minutes seulement s'il a été généré à Montserrat. Les principes de l'alerte appliqués dans la région du Pacifique où les distances à parcourir sont beaucoup plus longues ne sont donc pas pertinents pour la zone Caraïbes. Or, la dernière conférence a révélé que la moitié des pays de la zone n'avaient pas encore nommé leur point focal.

L'absence de moyens financiers ralentit considérablement l'avancée des travaux du groupe. Le GIC/Caraïbes dispose à Cartagène (Colombie) du secrétariat de la COI section Caraïbes. Toutefois, et contrairement GIC/SATOI, il n'a pas de personnel chargé de gérer spécifiquement ses actions et, en particulier, d'organiser les réunions de travail localement : à la dernière session de 2007, il est apparu que trois groupes de travail sur quatre ne s'étaient pas réunis depuis un an, faute de financement.

Enfin, il faut souligner les difficultés liées aux relations parfois difficiles entre les Etats de la zone qui constituent des obstacles non négligeables à la mise en place d'un dispositif d'alerte fondé sur le partage des données. Ainsi, lors de la réunion au Venezuela, l'institut vénézuélien chargé des études sismiques 41 ( * ) a annoncé qu'il ne souhaitait pas contribuer au système de surveillance international des tsunamis à travers l'échange des données sismiques.

Les Caraïbes disposent cependant d'un atout : la présence dans la zone de territoires américains (Porto Rico et les îles Vierges) et la proximité de la Floride. Dans le cadre du programme national d'alerte et de limitation des effets du tsunami, les Etats-Unis ont pris plusieurs mesures destinées à l'origine à protéger leurs côtes mais qui bénéficient à l'ensemble des Etats de la région.

D'abord, dès 2006, il a été acté que les deux centres d'alerte aux tsunamis PTWC et WC-ATWC assureraient l'intérim en attendant la mise en place d'un système d'alerte régional.

Par ailleurs, Porto Rico est vite apparu comme le pays le plus avancé en matière d'alerte aux tsunamis. Après avoir lancé avec l'aide du GIC/Pacifique un programme d'alerte et de réduction des effets des tsunamis en 2000, un système d'alerte aux tsunamis a été établi en 2003. La détection des séismes susceptibles de générer un tsunami a été confiée au réseau sismique de Porto Rico, en collaboration avec le PTWC.

Ce système est peu à peu amélioré. En 2006, l'US Geogical Survey a installé 9 stations sismologiques reliées par communication satellitaire au réseau sismique de Porto Rico pour compléter la couverture des réseaux. Par ailleurs, une bouée DART a été installée dans la mer des Caraïbes, une autre dans le golfe du Mexique et deux au Nord de Porto Rico.

En conséquence, même si le réseau sismique de Porto Rico ne remplit pas actuellement toutes les conditions d'un centre d'alerte 42 ( * ) , en pratique, il a été reconnu comme tel par la plupart des Etats de la région. Ainsi, plus de 50 stations sismologiques large bande de la zone Caraïbes lui transmettent leurs données en temps réel. Lors de la dernière réunion, le réseau sismique de Porto Rico a d'ailleurs distribué à tous les participants une demande de financement de 815 000 euros adressée au Congrès américain visant à assurer les frais de fonctionnement du futur centre d'alerte pour la période 2007-2010.

c) L'Atlantique Nord-Est et la Méditerranée : l'attentisme des Etats

Le groupe intergouvernemental de coordination pour la Méditerranée et l'Atlantique Nord-Est s'est déjà réuni 4 fois : à Rome en novembre 2005, à Nice en mai 2006, à Bonn en février 2007 et à Lisbonne fin novembre 2007. Pourtant, la mise en place d'un système d'alerte aux tsunamis dans cette zone apparaît laborieuse.

La couverture sismique des pays du pourtour Méditerranéen est loin d'être homogène aussi bien en ce qui concerne le nombre de stations sismiques que le type de sismomètre installé. En outre, de nombreux pays, en particulier les pays d'Afrique du Nord, refusent l'accès à leurs données. Or, la détection rapide d'un séisme et la détermination de manière fiable de son épicentre, de sa profondeur et de sa magnitude reposent sur un maillage dense de sismomètres dont les données sont accessibles par tous. Dans la mesure où les sources susceptibles de déclencher un tsunami à l'échelle du bassin méditerranéen sont situées sur les failles au large de l'Afrique du Nord, l'attitude fermée des pays de cette région constitue un obstacle majeur.

Par ailleurs, très peu de stations marégraphiques transmettent leurs données en temps réel, ce qui ne permet pas de les utiliser dans le cadre d'une alerte aux tsunamis et de vérifier si un tsunami a été induit. Pour les stations marégraphiques les plus modernes (ainsi que pour de nombreuses stations sismiques), la transmission des données ne se fait pas par satellite mais par internet, alors même qu'il s'agit d'un moyen de télécommunication vulnérable en cas de séisme.

Le groupe de travail sur les instruments de mesure du niveau de la mer a sélectionné une trentaine de marégraphes particulièrement stratégiques et exhorté les Etats chargés de la gestion et du traitement des données de ces marégraphes à les rendre opérationnels pour la détection d'un tsunami 43 ( * ) d'ici la fin de 2007. La réussite de cette action dépend cependant de la bonne volonté des Etats puisqu'aucun financement spécifique n'est prévu. Ce programme risque donc de prendre du retard compte tenu de la difficulté rencontrée par les organismes responsables des marégraphes pour obtenir des crédits pour l'amélioration de leurs instruments de mesure. Ainsi le SHOM (service hydrographique et océanographique de la marine) chargé d'améliorer les performances des marégraphes situés sur les côtes françaises a déjà fait savoir que faute de crédits, seules les données du marégraphe du Conquet seront transmises en temps réel en 2007.

En outre, tout comme pour les données sismiques, la mise en place d'un système d'alerte aux tsunamis efficace se heurte au refus de nombreux pays d'Afrique du Nord de transmettre leurs données marégraphiques.

De même, l'installation de capteurs de pression au large est rendue difficile à la fois par le manque de crédits.

Au-delà de la détection, il semble qu'aucun Etat ne se soit engagé dans l'élaboration d'un plan d'alerte définissant les mesures à prendre par tous les acteurs chargés de la protection de la population. Aucune zone d'inondation n'a été définie, aucun plan d'évacuation n'est opérationnel. Les modalités de l'alerte n'ont pas été définies (sirènes, messages radio) et aucune action de sensibilisation et d'éducation de la population n'a été entreprise.

Votre rapporteur a constaté que l'Union européenne par le biais de la commission n'était pas impliquée dans la mise en place du système d'alerte aux tsunamis dans la zone Méditerranée/Atlantique Nord-Est. Cette absence est surprenante à plusieurs égards.

D'abord, ce projet est par nature européen : tous les pays européens sont concernés, les uns parce qu'ils bordent la Méditerranée, les autres parce qu'une proportion non négligeable de leur population se rend en villégiature sur les côtes des pays méditerranéens.

En outre, ce projet nécessite l'installation d'infrastructures (stations sismiques, marégraphes, tsunamimètres) utiles à tous les pays mais dont le financement incombe jusqu'à présent aux Etats nationaux. La prise en charge d'une partie de l'instrumentation à travers des programmes européens apparaît donc légitime et accélèrerait certainement la mise en place du dispositif d'alerte.

Enfin, ce projet ne deviendra opérationnel que si les pays d'Afrique du Nord acceptent de coopérer. L'Union européenne peut les y inciter dans le cadre de sa politique euro-méditerranéenne.

D'après votre rapporteur, l'élaboration d'une stratégie claire en matière d'alerte aux tsunamis au niveau de la zone Méditerranée/Atlantique du nord-est est brouillée par deux autres problématiques : la diversité des sources tsunamigènes et l'aspiration à une alerte multirisque.

Les systèmes d'alerte en train d'être instauré dans l'océan Indien, dans les Caraïbes et en Méditerranée/Atlantique Nord-Est ont vocation à gérer des tsunamis régionaux et des télétsunamis, c'est-à-dire des tsunamis dont la source est dans la majorité des cas sismique et située à une distance telle que le délai entre l'occurrence du séisme et l'arrivée du tsunami sur les côtes est compris entre 20 minutes et plusieurs heures. Pour les côtes touchées plus rapidement (notamment celles situées près de la source), le dispositif d'alerte tel qu'il est prévu actuellement n'est pas opérationnel car les délais sont trop courts et aucun Etat n'a pris position sur une automatisation de l'alerte par le biais de sirènes.

Or, l'étude des sources tsunamigènes en Méditerranée montre que le danger n'est pas simplement d'origine sismique, mais également lié aux instabilités gravitaires et aux volcans actifs. Le risque de tsunamis locaux n'est donc pas négligeable alors même qu'il ne peut pas être géré convenablement par le dispositif proposé. Certains pays sont donc en train de remettre en question le bien-fondé du système parce qu'il ne propose rien pour les tsunamis locaux.

Selon votre rapporteur, cette attitude n'est guère justifiée : compte tenu des difficultés déjà rencontrées pour l'instauration d'un système d'alerte aux tsunamis régionaux, il serait illusoire de vouloir le rendre à ce stade opérationnel pour les tsunamis locaux. En effet, ces derniers exigent une instrumentalisation très dense et une surveillance permanente des zones d'instabilité gravitaire et des volcans qui ne peuvent être prises en charge que par les Etats nationaux concernés. Il convient de rappeler que dans le dispositif pour le Pacifique, le PTWC sert également de centre d'alerte local pour Hawaï. Les Etats de la Méditerranée/Atlantique Nord particulièrement exposés aux tsunamis locaux seront donc amenés à développer un système d'alerte national, voire local. L'Italie a ainsi installé une surveillance permanente du Stromboli après le tsunami du 30 décembre 2002.

Par ailleurs, la zone géographique retenue (Méditerranée/Atlantique Nord-est) n'est pas exposée de manière uniforme aux aléas tsunamis. L'Europe du Nord est moins concernée par les tsunamis et doit plutôt lutter contre les ondes de tempête. Ces pays n'ont donc accepté de participer à la mise en place d'un système d'alerte aux tsunamis qu'à condition que l'alerte soit étendue à l'ensemble des risques d'origine marine.

Les défenseurs de cette approche multirisque estime que le financement des instruments de mesure du niveau de la mer devrait en être facilité puisqu'ils serviront à la détection de plusieurs risques. Pour autant, l'élargissement du système d'alerte à plusieurs risques peut également freiner sa mise en place. En effet, les connaissances scientifiques exigées ne sont pas les mêmes : la détection d'un tsunami s'appuie sur un réseau sismologique, les tempêtes sont du ressort des services météorologiques. De même, les plans de prévention sont distincts dans la mesure où les délais de réaction sont très variables. Alors que l'instauration d'un dispositif pour un seul risque s'avère relativement laborieuse, nécessitant l'organisation de multiples réunions pour dégager un consensus, le processus de décision risque d'être encore ralenti si d'autres aléas doivent être pris en compte.

***

Depuis le tsunami de Sumatra, la communauté internationale a pris conscience que le risque de tsunami n'était pas limité au Pacifique, mais concernait tous les océans. Chaque bassin a donc entrepris la mise en place d'un système d'alerte aux tsunamis.

Les résultats observés sont inégaux : les pays de l'océan Indien, encore très marqués par la catastrophe du 26 décembre 2004 et les trois autres tsunamis générés depuis 44 ( * ) , restent fortement impliqués. Aux Caraïbes et dans la zone de la Méditerranée/Atlantique Nord-est, une fois l'émotion passée, la plupart des Etats dont la France semblent désormais réticents à investir dans un système d'alerte pérenne compte tenu de la rareté de l'aléa.

* 31 C'est le cas notamment de l'Unesco à travers la COI.

* 32 La terminologie utilisée par les trois nouveaux groupes intergouvernementaux peut porter à confusion : dans l'océan indien, il s'agit de « fournisseurs régionaux d'avis de tsunami ». La zone Caraïbes a jusqu'à présent repris la terminologie utilisée par le GIC/Pacifique, à savoir « centres régionaux d'alerte aux tsunamis ». Selon les informations obtenues par votre rapporteur, au-delà de ces divergences formelles, les centres régionaux sont censés remplir les mêmes missions dans chaque zone géographique : fournir un message indiquant le fait générateur, l'éventualité d'un tsunami et, dans l'affirmative, les temps de trajet et les régions susceptibles d'être touchées. L'alerte (au sens information et protection de la population) reste toujours une responsabilité des Etats.

* 33 Global earth observation system of systems, ou réseau mondial des systèmes d'observation de la Terre, qui doit fédérer toutes les ressources d'observation afin d'aider à mieux comprendre le climat et l'environnement et de prévenir les catastrophes naturelles. Sa composante marine est le GLOSS (Global sea level observing system).

* 34 Dans la mesure où elles sont encombrantes, les données sismiques sont transmises par un autre système (en général VAT - Very Small Operture Telecommunication qui utilise des satellites géostationnaires et le plus robuste VAST - le General Pocket Radio Service (GPRS) et Internet peuvent être utilisés en secours dans la mesure où elles sont très « encombrantes ».

* 35 Ce projet est doté de 1,3 million d'euros et associe 7 partenaires.

* 36 Ce projet est doté de 3,6 millions d'euros et associe 29 partenaires.

* 37 L'objectif du projet Antares est de détecter et d'étudier les neutrinos cosmiques de très haute énergie en Méditerranée. Les neutrinos cosmiques sont des particules élémentaires qui interagissent faiblement avec la matière et peuvent ainsi parcourir de longues distances dans l'Univers sans être absorbées par les milieux intergalactiques. Ils constituent un moyen privilégié pour sonder l'univers lointain, de manière complémentaire au rayonnement électromagnétique. Ils pourraient également nous informer de façon indirecte sur la nature de la masse cachée de l'univers. Étant donné leur très faible taux d'interaction avec la matière, il faut utiliser, pour les détecter, des cibles de grande masse qui doivent être blindées contre le rayonnement cosmique. En effet, ce dernier bombarde constamment tout site terrestre et représente un bruit de fond important. C'est ainsi que les fonds marins qui offrent un blindage naturel de par leur profondeur constituent un environnement idéal pour la détection des neutrinos. Dans l'expérience Antares, un millier de photodétecteurs sont immergés en Méditerranée, sur un site choisi, au sud de l'île de Porquerolles (Var), pour la qualité de ses eaux, à une profondeur de 2 400 m. Ces photodétecteurs sensibles et orientés vers le sol vont capter la lumière émise par les produits des neutrinos qui ont traversé la Terre et interagir avec elle au voisinage du fond marin. Cette disposition va leur permettre d'étudier le ciel de l'hémisphère sud qui inclut le centre galactique, lieu de plusieurs phénomènes énergétiques intenses. Ces grands dispositifs peuvent ainsi être appelés "télescopes à neutrinos".

* 38 Suite au tsunami du 26 décembre 2004, l'Allemagne a très vite manifesté son désir de venir en aide aux pays dévastés par le tsunami et a décidé le 13 janvier 2005 la mise en place d'un système germano- indonésien d'alerte précoce aux tsunamis (GITEWS : German Indonesian Tsunami Early Warning System). Ce projet, dirigé par le ministère fédéral de l'enseignement et de la recherche et doté de 45 millions d'euros, doit permettre le déclenchement d'une alerte rapide et fiable et s'appuie sur un réseau d'observations au sol (mesures sismiques et géodésiques) et en mer (marégraphes et capteurs de pression au large), une bathymétrie précise des régions à protéger, des simulations numériques et un centre d'alerte chargé de recevoir les données, de les traiter et, le cas échéant, de diffuser le message d'alerte. Ce centre régional d'alerte aux tsunamis doit s'intégrer dans le dispositif d'alerte de l'océan Indien coordonné par la COI. Les ingénieurs allemands ont ainsi développé un logiciel capable de déterminer la localisation, la magnitude et la profondeur d'un séisme fort dans les 4 minutes suivant le déclenchement du tremblement de terre.

* 39 Il ne s'agit pas de message d'alerte car les données à la disposition de ces deux centres ne sont pas suffisantes pour pouvoir émettre un bulletin d'alerte fiable. Actuellement, ces derniers fondent leur analyse sur les données transmises par 30 stations sismiques, 41 marégraphes et une bouée DART installée au large de la Thaïlande.

* 40 Regional Tsunami Watch Providers. Comme il a été indiqué précédemment la terminologie utilisée témoigne souvent des spécificités régionales. Dans le cas de l'océan Indien, elle vise à respecter les susceptibilités nationales en maintenant un équilibre entre les Etats membres du GIC.

* 41 La Fundación Venezolana de Investigaciones Sismológicas (FUNVISIS)

* 42 Ainsi, il ne fonctionne pas 24h sur 24 ni 7 jours sur 7.

* 43 Initialement, ces marégraphes doivent être capables d'envoyer des signaux toutes les minutes lorsqu'ils se trouvent à plus d'une heure (ou 100 km) d'une source tsunamigène, avec à terme un message toutes les 15 secondes.

* 44 Les trois tsunamis générés depuis celui du 26 décembre 2004 sont les tsunamis du 28 mars 2005, du 17 juillet 2006 et du 12 septembre 2007, qui ont fait des victimes à chaque fois. Le caractère « exceptionnel » du tsunami de Sumatra avancé par certains pour justifier l'absence de système d'alerte dans cette région a donc dû être relativisé.

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