2. L'aspiration à un dispositif d'alerte et de prévention des tsunamis efficace et couvrant tous les bassins
La communauté internationale a estimé que la mise en place d'un dispositif d'alerte efficace dans l'océan Indien, dans les Caraïbes et dans la Méditerranée nécessitait d'une part la création de groupes intergouvernementaux par bassin, à l'instar du GIC/Pacifique et, d'autre part, une relance des recherches scientifiques pour mieux connaître l'aléa tsunami dans ces régions.
a) La création de trois nouveaux groupes intergouvernementaux
Après le tsunami du 26 décembre 2004, la coopération internationale s'est considérablement renforcée dans l'objectif d'établir un système global d'alerte et de prévention des tsunamis. L'impulsion fut donnée lors de la 3ème conférence mondiale sur la prévention des catastrophes naturelles, qui s'est déroulée à Kobé (Japon) en janvier 2005 : une séance plénière a été consacrée à la création d'un mécanisme d'alerte contre les tsunamis dans l'océan Indien.
Compte tenu de son expérience dans le Pacifique, l'Unesco a été mandaté pour coordonner la mise en place du système d'alerte aux tsunamis dans l'océan Indien. La COI a organisé deux réunions au niveau ministériel en février et en mars 2005 auxquelles la plupart des Etats de l'océan Indien ont participé.
Par ailleurs, une « unité tsunami » a été mise en place au sein de la COI dès janvier 2005, destinée à soutenir les actions des groupes intergouvernementaux de coordination nouvellement créés. Elle a notamment organisé les premières réunions préparatoires ainsi que les visites d'évaluation dans plus de 18 pays de l'océan Indien.
En juin 2005, la 23 ème assemblée générale de la commission océanographique internationale adopta trois résolutions visant à créer trois groupes régionaux de coordination :
- le groupe intergouvernemental de coordination du système d'alerte aux tsunamis de l'océan Indien (GIC/SATOI) qui regroupe 28 Etats, dont la France présente dans ce bassin à travers La Réunion et Mayotte ;
- le groupe intergouvernemental de coordination du système d'alerte aux tsunamis, de l'Atlantique Nord-Est et de la Méditerranée (GIC/SATANEM) composé de 64 Etats dont la France;
- le groupe intergouvernemental de coordination du système d'alerte dans les Caraïbes et les mers adjacentes (GIC/Caraïbes), formé de 27 Etats dont la France présente dans ce bassin à travers la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et Saint-Martin.
L'architecture retenue pour ces trois systèmes d'alerte devrait être identique et s'inspire largement du dispositif d'alerte dans le Pacifique.
L'architecture du système d'alerte aux tsunamis
Source : COI
Chaque Etat est responsable de la collecte et du traitement des données nationales en provenance des stations sismiques et des marégraphes. Chaque Etat doit également s'assurer que ces données sont accessibles en temps réel pour tous les membres du système d'alerte. En outre, Les Etats sont chargés de réaliser toutes les simulations numériques nécessaires pour mieux connaître l'aléa, pour établir les zones d'exposition ainsi que les cartes d'aléa et d'inondation.
Les données ainsi collectées sont transmises en temps réel soit directement, soit par les Etats à un ou plusieurs centres régionaux d'avis des tsunamis 32 ( * ) . Ces derniers sont chargés de l'analyse des données sur les séismes (localisation du tremblement de terre et estimation de sa profondeur, magnitude, date et heure du séisme) pour déterminer si un tsunami risque d'avoir été généré. Dans l'affirmative, les centres régionaux enverront un message d'alerte précisant l'heure d'arrivée et les zones concernées aux points focaux des Etats membres. Les centres régionaux se serviront également des données relatives au niveau de la mer pour confirmer le tsunami et affiner leurs prévisions ou, au contraire, pour annuler l'alerte.
Point focal et point de contact national dans le système d'alerte coordonné par la commission océanographique internationale * Point focal du groupe intergouvernemental de coopération pour l'alerte aux tsunamis Le point focal est la personne à contacter, joignable 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 et désignée par le gouvernement d'un Etat membre du GIC pour recevoir et diffuser rapidement les informations relatives aux tsunamis. Le COI conseille la nomination d'un ou plusieurs organismes plutôt que de personnes. Le point focal reçoit les bulletins et alertes envoyés par les centres d'alerte régionaux et les notifie aux autorités chargées de faire face aux situations d'urgence (en règle générale les services de la protection civile). En ce qui concerne la France, Météo France sert de point focal dans les Caraïbes et dans l'océan Indien et le LDG/Pamatai assure cette responsabilité dans le Pacifique. En revanche, elle n'a pas de point focal officiel en Méditerranée même si le CEA a vocation naturelle à occuper ce rôle. * Point de contact national du GIC pour les tsunamis Le point de contact national du GIC pour les tsunamis est la personne désignée par le gouvernement d'un Etat membre du GIC pour représenter son pays au niveau de la coordination des activités internationales d'alerte aux tsunamis et de prévention. Cette personne est un des acteurs principaux du programme du système national d'alerte. Il peut s'agir du point focal pour l'alerte aux tsunamis ou d'une autre personne appartenant à l'organisme national chargé de la gestion des catastrophes, d'un membre d'une institution technique ou scientifique ou de tout autre entité ayant des responsabilités en matière d'alerte aux tsunamis. Dans l'océan Indien, dans les Caraïbes et dans le Pacifique, cette responsabilité est assurée respectivement par un représentant de Météo France, un représentant de l'Institut de Physique du Globe de Paris (IPGP) et un représentant du CEA. En Méditerranée, la France n'a plus de contact national depuis juin 2007. Source : UNESCO/COI |
Enfin, les points focaux sont chargés de la transmission du ou des bulletins d'alerte des centres régionaux aux autorités nationales afin que ces dernières prennent les mesures nécessaires : mise en oeuvre du plan de secours spécialisé en cas de tsunami (cf. infra l'analyse du dispositif d'alerte en Polynésie française) qui mobilise tous les acteurs susceptibles d'intervenir dans la prévention du tsunami et la gestion de crise de l'après-tsunami ; alerte de la population ; évacuation des plages et des bords de mer.
A ce stade, votre rapporteur souhaite attirer l'attention sur le fait que ce dispositif ne sera réellement efficace que si les services nationaux de la protection civile disposent d'informations précises sur les effets à attendre du tsunami annoncé. Comme il a été expliqué précédemment, ces derniers sont très difficiles à prévoir dans la mesure où ils dépendent de nombreux facteurs : la position de la source, la directivité du tsunami, la bathymétrie à l'approche des côtes, la topographie du littoral. Par conséquent, le message du centre régional sera général et devra être affiné par une instance nationale. Cela suppose donc qu'un organisme en France soit capable d'analyser les bulletins émis et de comparer l'événement en cours avec des scénarios de simulation déjà réalisés afin de préciser quelles zones sont réellement exposées. Sinon, les autorités nationales seront confrontées à deux types de risque : la fausse alerte ; la sous-évaluation du risque si les effets d'amplification du tsunami dans certaines zones ne sont pas pris en compte (cf. la forte exposition des îles Marquises comparativement à celles de la Société dont Tahiti).
Par ailleurs, les tsunamis susceptibles d'affecter les côtes françaises en Méditerranée et dans les Caraïbes sont des tsunamis locaux ou régionaux : les délais pour réagir seront très brefs (entre quelques minutes et une demi-heure). Il est donc indispensable que l'organisme scientifique chargé de conseiller les autorités publiques sur le niveau de danger et sa localisation assure une permanence 24h sur 24, 7 jours sur 7 et ait accès en temps réel aux données sismiques et de mesure du niveau de la mer.
Les trois groupes intergouvernementaux de coordination se sont engagés à établir les bases du système d'alerte d'ici la fin 2007 (nomination des points focaux et des contacts dans tous les Etats membres, désignation des centres régionaux et nationaux d'alerte). D'ici 2010, les systèmes d'alerte devraient être opérationnels et tous les bassins devraient être couverts.
Chaque groupe intergouvernemental a établi un plan d'action et créé des groupes de travail chargés d'une problématique particulière censés se rencontrer régulièrement. Par exemple, le GIC/Caraïbes a créé les quatre groupes suivants :
- connaissance de l'aléa ;
- surveillance et système de détection. Ce groupe est divisé en deux sous-groupes spécialisés en sismologie et marégraphie ;
- alerte et communication ;
- secours et formation.
Suivant les régions, une réunion est organisée annuellement ou semestriellement, pour constater les progrès accomplis par les Etats membres et par les groupes de travail ainsi que pour définir les actions à mener.
D'autres initiatives de la communauté internationale devraient renforcer l'efficacité des systèmes d'alerte et de prévention des tsunamis.
Ces derniers devraient s'appuyer à moyen terme sur la mise en commun des moyens d'observation de la terre : le 3ème sommet de l'observation de la terre de février 2005 a consacré ainsi l'adoption du plan d'action décennal du système de systèmes mondiaux d'observation de la terre (GEOSS 33 ( * ) ).
Au niveau européen, ledit système pourra s'appuyer sur l'initiative GMES (Global monitoring of environment and security).
Initiative GMES
Initiateur |
Agence spatiale européenne, Union européenne |
Participants |
Agence spatiale européenne, Union européenne (Commission et Etats membres) |
Statut |
En cours de développement |
Objectifs |
Créer une capacité européenne autonome de surveillance à différentes échelles (locales, régionales, globales) pour l'environnement et la sécurité, en support des politiques européennes (environnement, agriculture etc.) et des engagements internationaux de l'Union. |
Mise en place des premiers services |
2008 |
Source : CNES
Selon les informations obtenues par votre rapporteur, la dernière assemblée générale de la COI en juin 2007 a consacré l'idée de coopération entre les quatre systèmes régionaux d'alerte aux tsunamis et la nécessité d'inclure le système d'alerte aux tsunamis dans un dispositif plus global qui engloberait l'alerte et la prévention de tous les risques liées à l'océan (tempêtes, houles cycloniques, typhons, cyclones, élévation du niveau de l'océan).
Par ailleurs, la politique de sensibilisation et d'éducation des populations au risque tsunami a vocation à être menée dans le cadre de la Stratégie internationale de prévention des catastrophes naturelles (SIPC).
Stratégie internationale de prévention des catastrophes naturelles (SICP) Cette action, soutenue par l'Organisation des Nations Unies (ONU), a pour objet d'aider les communautés à mieux résister aux catastrophes naturelles en considérant la réduction des risques comme une composante essentielle du développement durable. Quatre axes d'action sont privilégiés : - attirer l'attention des populations sur les notions de risque, de vulnérabilité et de réduction des catastrophes naturelles ; - inciter les décideurs à tous les niveaux à prendre des mesures visant à prévenir et limiter les effets des catastrophes naturelles ; - encourager les partenariats interdisciplinaires et intersectoriels à travers le monde pour une meilleure connaissance des risques et des actions à envisager ; - faire progresser les connaissances scientifiques pour réduire les risques Pour mener son action, la SIPC s'appuie sur deux organismes. L'équipe spéciale est l'organe de la SIPC qui tient le premier rôle dans l'élaboration des politiques de prévention des catastrophes. Cette équipe, dirigée par le secrétaire général adjoint de l'ONU aux affaires humanitaires, rassemble 25 organismes de l'ONU, des organisations internationales et régionales et des organisations de la société civile. Elle débat deux fois par an à Genève des problèmes d'intérêt commun et mondial liés à la prévention des catastrophes (variabilité climatique, systèmes d'alerte rapide, analyse des vulnérabilités et des risques, incendies en milieu sauvage, sécheresse, etc.). Le secrétariat « interorganisations » sert de centre international d'échange d'informations sur la prévention des catastrophes, il organise des campagnes de sensibilisation et publie des articles, revues et autres outils « "promotionnels sur la prévention » des catastrophes naturelles. Source : ONU |
Enfin, la transmission de données rapides et fiables dans le cadre des systèmes d'alerte aux tsunamis exige une coopération étroite avec l'organisation météorologique mondiale (OMM). Institution des Nations Unies spécialisée dans la météorologie, elle gère le système mondial de télécommunications (SMT), destiné à assurer rapidement la collecte, l'échange et la diffusion des données d'observation météorologique. Le SMT est utilisé pour la transmission des données marégrahiques et des messages d'alerte 34 ( * ) .
* 32 La terminologie utilisée par les trois nouveaux groupes intergouvernementaux peut porter à confusion : dans l'océan indien, il s'agit de « fournisseurs régionaux d'avis de tsunami ». La zone Caraïbes a jusqu'à présent repris la terminologie utilisée par le GIC/Pacifique, à savoir « centres régionaux d'alerte aux tsunamis ». Selon les informations obtenues par votre rapporteur, au-delà de ces divergences formelles, les centres régionaux sont censés remplir les mêmes missions dans chaque zone géographique : fournir un message indiquant le fait générateur, l'éventualité d'un tsunami et, dans l'affirmative, les temps de trajet et les régions susceptibles d'être touchées. L'alerte (au sens information et protection de la population) reste toujours une responsabilité des Etats.
* 33 Global earth observation system of systems, ou réseau mondial des systèmes d'observation de la Terre, qui doit fédérer toutes les ressources d'observation afin d'aider à mieux comprendre le climat et l'environnement et de prévenir les catastrophes naturelles. Sa composante marine est le GLOSS (Global sea level observing system).
* 34 Dans la mesure où elles sont encombrantes, les données sismiques sont transmises par un autre système (en général VAT - Very Small Operture Telecommunication qui utilise des satellites géostationnaires et le plus robuste VAST - le General Pocket Radio Service (GPRS) et Internet peuvent être utilisés en secours dans la mesure où elles sont très « encombrantes ».