b) Une forte augmentation des crédits de recherche concernant les tsunamis

Aussi bien au niveau national qu'au niveau de la commission européenne, le tsunami de Sumatra a entraîné le financement de nombreux projets de recherche touchant l'aléa tsunami.

En 2005, l'agence nationale pour la recherche (ANR) a lancé le programme CATTELL (Catastrophes Telluriques et Tsunamis) afin de développer les recherches fondamentales sur les phénomènes à l'origine des grandes catastrophes telluriques. Quatre axes ont été retenus :

- les risques sismo-tectoniques : il s'agit de promouvoir des recherches sur l'étude des failles actives continentales et sous-marines, de décrypter l'histoire des zones sismogènes, de modéliser la propagation des ondes sismiques, les systèmes d'alerte sismique précoce, ainsi que la vulnérabilité sismique des constructions ;

- les risques liés aux tsunamis : les projets sélectionnés doivent étudier les processus à l'origine des tsunamis et les recherches technologiques sur les dispositifs d'alerte aux tsunamis ;

- les risques gravitaires : il s'agit d'étudier les processus de glissements de terrains terrestres ou sous-marins, les phénomènes physiques des écoulements et les technologies associées aux dispositifs de surveillance de ces phénomènes ;

- un axe transversal : cet axe vise à soutenir la recherche technologique et méthodologique sur ces risques naturels et développer la dimension sociale et économique des systèmes d'alerte précoce.

En 2005, 17 projets ont été sélectionnés pour un budget de 5,17 millions d'euros. 61 % des projets ont porté sur l'étude du risque sismique, mais les risques liés aux tsunamis ont constitué le deuxième thème financé avec 17 % des projets financés.

En 2006, 4,2 millions d'euros ont été attribués au programme CATTELL. 14 projets ont été sélectionnés, 69 % des financements ont été affectés au thème « séisme », mais aucune étude sur les tsunamis n'a été retenue.

La commission européenne a également financé de nombreux programmes de recherche après le tsunami de Sumatra du 26 décembre 2004.

Certains projets avaient déjà été réalisés avant ce tsunami dévastateur. Ainsi, GITEC (Genesis and Impact to Tsunamis in the European Community) et GITEC TWO (pour Tsunami Warning and Observations) ont permis l'élaboration d'un catalogue des tsunamis européens (228 événements ont été recensés de -6000 à 2003) et l'amélioration des techniques de simulation. En outre, plusieurs systèmes expérimentaux d'alerte aux tsunamis ont été testés au large du Portugal, dans la mer Ionienne et dans le Péloponnèse.

De même, le projet BIGSETS (Big Sources of Earthquake and Tsunami in South West Iberia) a amélioré les connaissances sur les sources du tsunami de 1755 qui a dévasté Lisbonne.

Dans le sixième programme cadre de recherche (2002-2006), 48 millions d'euros sont consacrés aux catastrophes naturelles, dont 7,45 millions d'euros pour les tsunamis dans le cadre de trois projets : TRANSFER, NEAREST et SEAHELLARC.

Le projet TRANSFER (Tsunami Risk and Strategies For the European Region) est doté de 3,3 millions d'euros et associe 29 partenaires. Commencé le 1er octobre 2006, il s'achèvera en avril 2009. Ce projet a pour but d'améliorer les connaissances sur la propagation des tsunamis en Méditerranée et de contribuer à la mise en place d'un système précoce d'alerte aux tsunamis dans cette zone. 9 groupes de travail ont été constitués, travaillant sur les problématiques suivantes :

- l'amélioration et l'actualisation du catalogue des tsunamis européens ainsi que son intégration dans un catalogue mondial des tsunamis ;

- l'identification et la caractérisation des sources tsunamigènes sismiques et non sismiques dans la zone Euro-Méditerranéenne ;

- l'analyse des systèmes actuels d'observation sismique et marégraphique et de traitement des données ainsi que l'identification des ajustements nécessaires pour la mise en place d'un dispositif d'alerte aux tsunamis efficace ;

- l'amélioration des modèles de simulation de tsunami afin que soient mieux pris en compte la propagation du tsunami et son impact sur les côtes.

Par ailleurs, sept zones géographiques ont été retenues auxquelles seront appliquées des scénarios de tsunami. Des cartes d'inondation seront dressées et des plans d'alerte et de prévention seront établis.

Le projet NEAREST (Integrated observation from near shores sources of tsunami) est doté de 2,8 millions d'euros et associe 11 partenaires. Il a pour but d'identifier et de caractériser les sources susceptibles de générer des tsunamis locaux dans le Golfe de Cadiz. Un observatoire sous-marin équipé de capteurs sismiques et de pression a vocation à être installé, servant de prototype à un système d'alerte précoce aux tsunamis. De nouvelles simulations seront réalisées dans la zone de l'Algarve, fortement touchée par le tsunami de 1755 et de nouvelles cartes d'inondation seront tracées.

De même, le projet SEAHELLARC (SEismic risk Assessment and mitigation scenarios in western HELLenic ARC) 35 ( * ) prévoit le développement d'un réseau de capteurs sur terre et en mer pour mieux observer la séismicité dans l'Arc hellénique et les éventuels tsunamis. La bathymétrie de cette zone fera l'objet d'un relevé précis afin d'identifier les failles et les aires susceptibles de subir des glissements de terrain. L'objectif recherché est d'identifier toutes les sources tsunamigènes. En outre, une étude de vulnérabilité aux tsunamis sera réalisée sur la ville de Pylos qui servira de base à la mise en place d'un plan de prévention et d'alerte aux tsunamis.

Par ailleurs, d'autres projets financés par la commission européenne participent indirectement à la mise en place d'un dispositif efficace d'alerte aux tsunamis.

Ainsi, le projet SAFER 36 ( * ) vise le développement d'outils pour la protection civile permettant une alerte précoce, surtout dans les zones densément peuplées. Il s'agit notamment de créer de nouveaux algorithmes pour une détermination rapide de la localisation du séisme, mais aussi des caractéristiques de la faille. En outre, de nouveaux outils seront développés pour produire des cartes d'alerte en temps réel ainsi que des simulations des dégâts causés par le séisme.

Actuellement, les séismes qui se produisent dans la région euro-méditerranéenne sont enregistrés par 100 systèmes d'observation différents gérés par 46 pays. Le projet NERIES (Network of Earthquake Research Institutes for Earthquake Seismology) a vocation à mettre en réseau ces multiples systèmes de surveillance, à améliorer l'accès aux données et à harmoniser la distribution et l'archivage des données.

Par ailleurs, le projet ESONET (European Seas Observatory Network of Excellence) propose d'établir les bases d'une composante marine de GMES (Global Monitoring for Environment and Security) comprenant un réseau d'observatoires permanents au fond de la mer, pluri-disciplinaires et implantés dans des zones clefs des marges continentales européennes, permettant une surveillance continue sur les plans géophysique, biogéochimique, océanographique et biologique. ESONET s'intéressera particulièrement aux marges océaniques au-delà de la limite du plateau continental et jusqu'aux profondeurs de 4 000 mètres, zone bien moins connue que le plateau continental lui-même et non couverte par les systèmes de recueil de données océaniques existants. Le domaine des marges océaniques européennes s'étend approximativement sur 15 000 km de long, de l'océan Arctique à la Mer Noire, couvrant une superficie d'à peu près 3 millions de km². Le projet EMSO (European Multidisciplinary Seas Observation) est responsable du déploiement des observatoires au fond de la mer. 5 sites (avec pour chacun un thème de recherche spécifique) ont été retenus, dont un en mer Ligure qui a vocation à fixer ses instruments de mesure sur le câble du projet ANTARES 37 ( * ) . Cet observatoire sera chargé d'étudier les risques géophysiques près de zones très peuplées et de tester des instruments soit déposés au fond des mers, soit utilisant des forages.

Enfin, le sixième programme cadre de recherche finance à hauteur de 4 millions d'euros le projet DEWS (Distant Early Warning System) soutenu par la Direction générale « Information de la société et média » de la commission européenne. Il vise à compléter le dispositif d'alerte en train d'être mis en place par les Allemands en Indonésie 38 ( * ) en utilisant les technologies de l'information pour rendre les réseaux de capteurs plus performants, pour raccourcir les durées de diffusion des messages d'alerte et pour améliorer la coopération non seulement entre les pays, mais également entre les autorités responsables.

* 35 Ce projet est doté de 1,3 million d'euros et associe 7 partenaires.

* 36 Ce projet est doté de 3,6 millions d'euros et associe 29 partenaires.

* 37 L'objectif du projet Antares est de détecter et d'étudier les neutrinos cosmiques de très haute énergie en Méditerranée. Les neutrinos cosmiques sont des particules élémentaires qui interagissent faiblement avec la matière et peuvent ainsi parcourir de longues distances dans l'Univers sans être absorbées par les milieux intergalactiques. Ils constituent un moyen privilégié pour sonder l'univers lointain, de manière complémentaire au rayonnement électromagnétique. Ils pourraient également nous informer de façon indirecte sur la nature de la masse cachée de l'univers. Étant donné leur très faible taux d'interaction avec la matière, il faut utiliser, pour les détecter, des cibles de grande masse qui doivent être blindées contre le rayonnement cosmique. En effet, ce dernier bombarde constamment tout site terrestre et représente un bruit de fond important. C'est ainsi que les fonds marins qui offrent un blindage naturel de par leur profondeur constituent un environnement idéal pour la détection des neutrinos. Dans l'expérience Antares, un millier de photodétecteurs sont immergés en Méditerranée, sur un site choisi, au sud de l'île de Porquerolles (Var), pour la qualité de ses eaux, à une profondeur de 2 400 m. Ces photodétecteurs sensibles et orientés vers le sol vont capter la lumière émise par les produits des neutrinos qui ont traversé la Terre et interagir avec elle au voisinage du fond marin. Cette disposition va leur permettre d'étudier le ciel de l'hémisphère sud qui inclut le centre galactique, lieu de plusieurs phénomènes énergétiques intenses. Ces grands dispositifs peuvent ainsi être appelés "télescopes à neutrinos".

* 38 Suite au tsunami du 26 décembre 2004, l'Allemagne a très vite manifesté son désir de venir en aide aux pays dévastés par le tsunami et a décidé le 13 janvier 2005 la mise en place d'un système germano- indonésien d'alerte précoce aux tsunamis (GITEWS : German Indonesian Tsunami Early Warning System). Ce projet, dirigé par le ministère fédéral de l'enseignement et de la recherche et doté de 45 millions d'euros, doit permettre le déclenchement d'une alerte rapide et fiable et s'appuie sur un réseau d'observations au sol (mesures sismiques et géodésiques) et en mer (marégraphes et capteurs de pression au large), une bathymétrie précise des régions à protéger, des simulations numériques et un centre d'alerte chargé de recevoir les données, de les traiter et, le cas échéant, de diffuser le message d'alerte. Ce centre régional d'alerte aux tsunamis doit s'intégrer dans le dispositif d'alerte de l'océan Indien coordonné par la COI. Les ingénieurs allemands ont ainsi développé un logiciel capable de déterminer la localisation, la magnitude et la profondeur d'un séisme fort dans les 4 minutes suivant le déclenchement du tremblement de terre.

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