B. UNE DYNAMIQUE QUI S'ESSOUFFLE FAUTE DE VISION STRATÉGIQUE ET DE MOYENS FINANCIERS ADÉQUATS

Le contraste est frappant entre les ambitions affichées par le gouvernement français en 2005 en matière de mise en place de système d'alerte dans les différents bassins et les résultats plus que limités atteints deux ans plus tard.

1. Les blocages observés

En réalité, l'engagement initial de la France s'est transformé en un attentisme révélateur des blocages internes.

a) Dans l'océan Indien

L'océan Indien est le seul bassin pour lequel la contribution française a fait l'objet d'un plan d'action détaillé et bénéficiant d'une subvention de plus de 2 millions d'euros 58 ( * ) . Néanmoins, deux ans après le lancement de ce programme, les résultats ne sont pas à la hauteur des engagements pris.

Le dispositif initial prévoyait la mise en place d'un centre national d'alerte aux tsunamis capable de gérer aussi bien les tsunamis régionaux que locaux. En raison de ses compétences en matière volcanologique et sismique, l'IPGP devait être étroitement associé au centre de Météo France pour assurer l'alerte. Toutefois, ce projet ambitieux s'est vite heurté à une difficulté financière. En effet, la subvention accordée pour financer la participation française au système d'alerte aux tsunamis dans l'océan Indien ne comporte que des crédits d'équipement. Or, le système d'alerte proposé initialement exige une permanence 24h sur 24, 7 jours sur 7 non seulement de la part de Météo France, mais également de l'IPGP, ce que son budget de fonctionnement ne permet pas de financer.

En outre, Météo France a émis des doutes quant à la pertinence de l'extension des capacités du centre d'alerte national à produire des alertes en cas de tsunamis locaux, estimant qu'une étude sur le sujet devrait être lancée au préalable pour en confirmer l'opportunité. Toutefois, ni le CEA ni l'IPGP n'a été chargé de ladite étude et il semble que le projet ait été abandonné.

A l'heure actuelle et comme dans les Antilles, Météo France reçoit les messages d'alerte en provenance du PTWC et de JMA et les transmet au préfet. En conséquence, les 305 000 euros destinés à développer les capacités du centre d'alerte national afin qu'il soit également opérationnel en cas de tsunami local restent inutilisés sans que leur réaffectation n'ait été jusqu'à présent évoquée.

Par ailleurs, la contribution de la France a pris beaucoup de retard dans la mise à niveau et l'installation des marégraphes confiées au SHOM. Dans un document de travail du comité national de la COI sur le financement de la contribution française au système d'alerte aux tsunamis dans l'océan Indien (SATOI) du 29 juin 2005, cette action était qualifiée d'« une des plus importantes du programme de la COI, tant en terme de symbole que de crédibilité pour le SATOI ». Pourtant, et alors même que les crédits d'investissement sont disponibles, seul un marégraphe en temps réel a été installé en octobre 2007 à La Réunion.

Ni le marégraphe en temps réel prévu à Mayotte, ni celui de Madagascar n'a été installé. Selon les informations obtenues par votre rapporteur auprès du SHOM, celui de Mayotte devrait être opérationnel en 2008. En revanche, aucune date n'a été fixée pour celui de Madagascar car il ne fait pas partie des priorités arrêtées par le SHOM.

En ce qui concerne le marégraphe de Kerguelem géré par le LEGOS il a été mis à niveau en même temps que la station sismique GEOSCOPE gérée par l'EOST de Strasbourg.

La mise à niveau des stations sismiques du réseau GEOSCOPE a également pris du retard puisque seulement 2 stations 59 ( * ) sur les 5 initialement prévues transmettent leurs données en temps réel. Ainsi, l'IPGP n'a pas encore installé d'antenne VSAT sur la station de Djibouti pour pouvoir avoir les données en temps réel. Selon les informations obtenues par votre rapporteur, l'IPGP en outre a été confronté au refus de l'Inde de transmettre les données de la station sismique d'Hyberabad en temps réel. La mise à niveau de cette station a donc été abandonnée au profit de l'installation d'une station à Rodrigues. Les crédits à accorder à l'IPGP ont donc dû être augmentés pour tenir compte de cette nouvelle mission. Il semblerait que la station sismique de Madagascar devrait être installée au mois de mars 2008. Le site est prêt et le matériel a été envoyé, mais les travaux ne pourront commencer qu'à la fin de la saison des pluies. En ce qui concerne l'installation d'une station sismique sur Rodrigues, les travaux sont moins avancés.

Lors de l'audition du directeur de l'IPGP, M. Vincent Courtillot, celui-ci avait estimé que la mise à niveau des 3 anciennes stations et l'installation des 2 nouvelles impliquaient l'embauche sur trois ans de deux ingénieurs. Il avait regretté que ces coûts aient dû être supportés par l'IPGP faute de subvention de fonctionnement prévue. Il s'était également inquiété des coûts budgétaires qui impliquaient le financement des transmissions par VSAT.

Le bilan de l'affectation des sommes dépensées par le ministère des affaires étrangères pour la création d'un centre national d'alerte aux tsunamis conduit aux conclusions suivantes :

- sur les 1,5 million d'euros versés, 305 000 euros restent inutilisés faute d'étude préalable sur l'exposition de La Réunion à des tsunamis locaux ;

- sur les 1,1 million d'euros réellement engagés, la moitié a été affectée à Météo France Internationale pour améliorer les systèmes météorologiques des pays voisins. Si cette action permettra également à ces derniers de recevoir les messages d'alerte, votre rapporteur estime toutefois qu'il s'agit de mesures qui n'ont qu'un rapport indirect avec la mise en place d'un système d'alerte aux tsunamis. Compte tenu de la rareté des crédits accordés par la France jusqu'à présent pour la prévention des tsunamis, cette somme aurait pu avoir une affectation plus pertinente. Finalement, le rôle de Météo France dans la région, notamment dans le cadre de l'alerte cyclonique a été renforcé, mais ni le réseau sismique ni le réseau marégraphe, pourtant piliers du dispositif d'alerte aux tsunamis, n'est complètement opérationnel.

* 58 Météo France a reçu de la direction générale de la coopération internationale et du développement 1,472 million d'euros à répartir entre les différents partenaires; le CEA a reçu directement 444 000 euros pour ses actions de mise à niveau des stations sismiques en Indonésie. Enfin, le comité national de la COI a également reçu directement 50 000 euros.

* 59 Il s'agit de celles de La Réunion et de Canberra.

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