b) Dans les Caraïbes

Dans les Caraïbes, l'engagement de la France au système d'alerte se heurte à de nombreux obstacles : non seulement la prise de conscience du risque tsunami est relativement récente, mais les instruments de mesure existants ne sont pas adaptés à la mise en place d'un système d'alerte aux tsunamis efficace. En outre, faute de volonté politique au niveau national et d'un budget spécifique pour financer leurs actions, la marge de manoeuvre des organismes scientifiques chargés de représenter la France dans le GIC/Caraïbes est très réduite.

La prise en compte du risque de tsunami par les autorités de la protection civile est très récente. Certes, il s'agit d'un risque connu, mais compte tenu des difficultés déjà rencontrées pour gérer les risques les plus présents dans la conscience collective (cyclones, séismes, volcans), l'aléa tsunami n'était pas considéré jusqu'à présent comme une priorité.

Lors de son déplacement en Martinique, votre rapporteur a été frappé par la mauvaise préparation de ce département aux risques naturels géophysiques 60 ( * ) . Ainsi, alors que la Martinique est exposée à un risque fort en matière de séisme, la plupart des bâtiments ne respectent pas les normes sismiques tandis que la population est peu réceptive aux politiques d'information et de sensibilisation. Par exemple, votre rapporteur a appris qu'en cas de séisme 61 ( * ) d'une magnitude comparable à celui de 1839, la préfecture, la plupart des casernes de pompiers ainsi que les hôpitaux seraient les premiers bâtiments à être détruits, entravant fortement la gestion des secours. De même, les observatoires volcanologiques et sismologiques de la Martinique et de la Guadeloupe ne sont pas aux normes.

La participation active de la France au GIC/Caraïbes est également entravée par le fait que les instruments de mesure ne sont pas adaptés aux exigences techniques d'un système d'alerte aux tsunamis.

La Martinique est équipée de deux marégraphes, l'un à Fort de France appartenant au SHOM et le second installé par le conseil général au Prêcheur. Ce dernier devrait en installer un autre sur la côte atlantique.

En Guadeloupe, il existe 5 marégraphes dont l'un appartient au SHOM et 4 sont gérés par l'observatoire volcanologique et sismologique de la Guadeloupe (OVSG) 62 ( * ) . Le conseil régional devrait en financer un qui serait vraisemblablement installé aux Saintes.

Néanmoins, aucun des marégraphes ne transmet de données en temps réel et ni le SHOM ni l'IPGP n'a les crédits nécessaires pour réaliser cette mise à niveau et prendre en charge le coût des transmissions. Le SHOM n'a d'ailleurs pas d'antenne locale dans les Antilles. En conséquence, aucun spécialiste du SHOM n'assiste aux réunions du sous-groupe de travail relatif aux instruments de mesure du niveau de la mer dans le cadre du GIC/Caraïbes.

L'IPGP, par le biais de ses deux observatoires, est responsable de la surveillance de la sismicité dans les Antilles françaises. Toutefois, son réseau sismique mériterait d'être rénové, notamment en ce qui concerne la transmission des données qui s'effectue par radio, ce qui est incompatible avec les exigences d'un système d'alerte aux tsunamis efficace.

La directrice de l'observatoire vulcanologique et sismologique de la Martinique (OVSM) a été nommée point de contact national pour le GIC/Caraïbes compte tenu du rôle fondamental que le réseau sismique est censé jouer dans le cadre de l'alerte aux tsunamis. Néanmoins, en l'absence d'une permanence 24h sur 24, 7 jours sur 7 à l'OVSM, c'est le centre de Météo France en Martinique qui est chargé de réceptionner les messages d'alerte en provenance du PTWC et de les transmettre au préfet.

Lorsque votre rapporteur s'était rendu en Martinique pour évaluer la participation française à la mise en place d'un système d'alerte aux tsunamis dans les Caraïbes, il avait été choqué de voir l'Etat français se défausser de ses responsabilités internationales sur des organismes scientifiques qui, faute de directives précises arrêtées au niveau ministériel, non seulement peuvent difficilement prendre des initiatives, mais également n'ont aucune légitimité pour parler au nom de la France.

Actuellement, le silence du gouvernement français oblige l'IPGP à définir seul l'orientation de la contribution française au dispositif d'alerte par le biais de l'observatoire vulcanologique et sismologique de Martinique. Compte tenu de l'absence de soutien politique et de moyens mis à sa disposition, l'OVSM, partant du principe que l'université de Porto Rico sera désignée comme le centre d'alerte régional, a opté pour une participation française qui se limite au partage des données marégraphiques et sismologiques avec les autres pays membres du GIC/Caraïbes.

Dans cet objectif, l'OVSM a mobilisé le réseau GEOSCOPE et noué des contacts avec le SHOM. En outre, l'action de l'OVSM a permis une réelle sensibilisation des autorités publiques et des intervenants locaux à la problématique tsunami, désormais intégrée dans le groupe de travail « club risques Antilles-Guyane » qui réunit les différents partenaires impliqués dans la surveillance et la gestion des risques naturels.

Néanmoins, votre rapporteur estime que seul l'Etat est légitime pour arrêter la position de la France. En outre, lui seul dispose (ou devrait disposer) d'une vue d'ensemble sur les négociations en cours dans les quatre bassins qui lui permette de prendre les décisions les plus pertinentes. Ainsi, votre rapporteur rappelle que la France pourrait devenir centre régional d'alerte aux tsunamis dans les Caraïbes si le CEA assumait cette responsabilité en Méditerranée.

Lors de son déplacement en Martinique, votre rapporteur a été informé que le ministre de l'Outre-mer de l'époque avait chargé le préfet de mettre en place un plan de secours spécialisé sur le modèle de celui élaboré en Polynésie française. Votre rapporteur reconnaît qu'un plan définissant l'organisation des secours en aval de l'alerte est indispensable pour assurer la protection de la population. Toutefois, cette demande ne pourra pas être satisfaite sans l'obtention au préalable des informations nécessaires pour l'élaboration d'un tel plan.

En effet, l'organisation des secours variera en fonction des délais de réaction à la disposition des services de la protection civile que seule une connaissance approfondie des zones susceptibles de provoquer un tsunami permet de fournir.

En outre, les actions à entreprendre dépendront de l'exposition des côtes au risque de tsunami. Votre rapporteur rappelle que le BRGM a été chargé d'une telle étude par le ministère de l'écologie. Toutefois, en l'absence d'une bathymétrie précise à l'approche des côtes, les résultats obtenus ne sont pas assez fiables pour pouvoir être utilisés pour l'élaboration d'un plan de secours spécialisé.

* 60 Les départements Outre-mer sont exposés à une multitude de risques naturels autres que géophysiques tels que les cyclones ou encore les risques attachés aux fortes pluies comme les glissements de terrain et les inondations. Toutefois, compte tenu de l'objet de son étude, votre rapporteur s'est concentré sur les aléas naturels susceptibles de générer un tsunami, à savoir les tremblements de terre et l'effondrement d'un volcan.

* 61 Le dernier séisme ravageur en Martinique date de 1839 et les statistiques sur la fréquence des séismes laissent penser que le prochain tremblement de terre est imminent.

* 62 Le tsunami du 13 juillet 2003 engendré par l'écroulement du dôme du volcan de Montserrat a entraîné quelques dégâts en Guadeloupe et a rappelé que cette île était exposée au risque de tsunami. En 2004, le ministère de l'Outre-mer a alors financé l'installation de 4 marégraphes enregistrant les variations de hauteur de la mer en continu afin d'analyser les effets de site et les temps de propagation d'un prochain tsunami sur les côtes en Guadeloupe.

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