c) Le bilan de l'opération « Plomb Durci »

Côté palestinien, le bilan en vies humaines s'établit, selon un rapport du Palestinian Centre for Human Rights (PCHR) en date du 12 mars 2009, à 1 434 morts, dont 82 % de victimes civiles. Côté israélien, les chiffres fournis par le ministère israélien des affaires étrangères font état de 13 morts, dont 3 civils. Sur les 10 militaires, sept auraient été tués par des tirs fratricides. Au-delà de cette comptabilité macabre, quel bilan politique tirer de l'opération « Plomb Durci » ? Du côté israélien, bien que les buts de guerre n'aient pas été clairement énoncés, on peut penser que l'opération poursuivait au moins deux objectifs militaires et deux objectifs politiques.

Le seul objectif militaire affiché était de faire cesser les tirs de roquettes. Cet objectif a été atteint, au prix d'un grand nombre de victimes civiles palestiniennes.

L'armée israélienne cherchait aussi, semble-t-il, à rétablir le crédit entamé, aux yeux de l'opinion publique israélienne et arabe, par le demi-échec de la dernière guerre du Liban, en 2006, qui avait valu à l'armée israélienne de nombreuses pertes du fait de l'opiniâtre résistance du Hezbollah.

Les images télévisées montrant l'efficacité destructrice des forces israéliennes semblent avoir restauré la confiance de l'opinion israélienne dans son armée.

Mais l'impact sur l'opinion internationale, choquée par l'extrême brutalité de l'armée israélienne, fut profondément négatif.

Plusieurs ONG, notamment israéliennes, ont recensé les violations du droit international humanitaire commises par l'armée israélienne.

Une mission mandatée par le Conseil des droits de l'Homme de l'ONU a enquêté sous la responsabilité du juge Richard Goldstone sur ces accusations. Elle a rendu ses conclusions le 15 septembre 2009 et établi que les attaques de l'armée israélienne contre Gaza avaient été « délibérément disproportionnées afin de punir, terroriser et humilier la population civile et visaient à affaiblir son économie afin de l'empêcher de fonctionner et d'assurer l'auto-subsistance et provoquer ainsi un sens croissant de dépendance et de vulnérabilité 21 ( * ) .

Elle a également relevé que : « le continuum est évident entre la politique du blocus qui a précédé les opérations et, ce qui, au regard de la mission, apparaît comme une opération de punition collective ». « Ces opérations ont été imposées à dessein par l'Etat d'Israël afin d'isoler et d'affaiblir le Hamas après sa victoire électorale (...) ». Elle conclut également que : « les opérations militaires de Gaza ont été, selon le Gouvernement israélien, minutieusement et longuement planifiées. Alors que le Gouvernement israélien s'est efforcé de faire passer ces opérations comme une réponse aux attaques de roquettes dans l'exercice de son droit à la légitime défense, la mission considère que ce plan a été dirigé, au moins en partie, contre une cible différente : le peuple de Gaza en tant que tel ». 22 ( * )

Face au déferlement de la puissance israélienne, les combattants du Hamas, en situation d'infériorité numérique, ont délibérément refusé le combat. De sorte que le potentiel militaire du Hamas, de même que son appareil politique, n'ont que modérément souffert de l'opération.

Politiquement, le premier objectif du chef du parti Kadima , Tzipi Livni, et de ses alliés était de montrer qu'ils étaient au moins aussi déterminés que leurs rivaux de droite à mettre en oeuvre une politique énergique vis-à-vis des ennemis d'Israël. Il n'empêche que Tzipi Livni, malgré de bons résultats électoraux, n'a pas été en mesure de former un Gouvernement de coalition et a finalement perdu la partie face à son rival, Benyamin Netanyahou devenu Premier ministre.

Enfin, la stratégie tendant à isoler le Hamas du reste de la population de Gaza paraît avoir échoué. Le Hamas tient solidement Gaza, sans qu'on sache de quelle popularité il jouit.

Du côté palestinien, « Plomb Durci » a accru le « désir de vengeance » contre Israël, ressentiment partagé par l'ensemble de l'opinion arabe et qui a renforcé l'hostilité de la « rue arabe » à l'égard de l'Occident, jugé complice d'Israël.

Au total, le Hamas est sorti renforcé du conflit : dans un conflit « asymétrique », il suffit au plus faible de survivre pour gagner.

Le Hamas tient d'une main de fer la Bande de Gaza. Il se pare des couleurs de la Résistance et le Fatah est laminé à Gaza. Ses bureaux de représentation ont été fermés. La pression sur les personnels du mouvement s'exerce quotidiennement et à tous les niveaux. Toutes les manifestations sont interdites. Le blocus profite au Hamas qui collecte des taxes sur les échanges effectués par les tunnels de la zone de Rafah. Il travaille avec méthode à l'islamisation de la société : embrigadant les enfants, faisant pression sur les femmes pour qu'elles portent le voile, évinçant les fonctionnaires de l'Autorité palestinienne, etc. Celle-ci est vivement critiquée, y compris en Cisjordanie, pour avoir contenu, sous l'autorité de Salam Fayyad et en coopération avec les autorités israélienne, toute démonstration de soutien à Gaza considérée comme menaçant l'ordre public.

Jamais, la division entre les mouvements palestiniens n'aura été plus grande.

* 21 Human Rights in Palestine and Other Occupied Arab Territories - Report of the United Nations Fact Finding Mission on the Gaza conflict - Human Rights Council - Twelfth session - Agenda item 7 - advance edited version p. 525 item 1690.

* 22 Rapport précité p. 521 item 1675 et p. 523 item 1680

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