3. L'insuffisance du seul outil fiscal

Votre rapporteur spécial partage ces analyses.

Toutefois, avant d'examiner plus spécifiquement le CIR et ses effets, il tient à affirmer que l'outil fiscal, quel que soit son intérêt, ne peut rien à lui seul , la localisation de leurs activités de recherche par les entreprises résultant de logiques multiples.

En effet, elle dépend de tendances lourdes, relevant à la fois de la localisation des compétences recherchées (nombres et qualité des chercheurs dans une spécialité donnée, « écosystèmes », etc.) et du marché dans lequel l'entreprise souhaite se développer . Là encore, plusieurs personnalités auditionnées par la mission commune d'information sur les centres de décision économique 11 ( * ) ont apporté un regard précieux sur ces questions. Ainsi, M. Xavier Fontanet, président d'Essilor, a insisté sur le fait que « la localisation des centres de recherche dépend essentiellement de la répartition des technologies entre les continents ». Il a ajouté que « Essilor ne comprend pas moins d'une centaine de métiers complètement différents. Donc extraordinaire explosion actuelle des métiers sur la planète. Or, pour chacun de ces métiers, l'excellence se trouvera dans un pays différent. Il me semble qu'aujourd'hui, les continents se sont spécialisés par grands savoir-faire ». Il a conclu que « chaque pays doit apprendre à être attractif sur le plan de la recherche. Pour qu'un pays y arrive, il doit offrir un excellent système d'éducation supérieure qui génère des chercheurs. Pour cela, il convient de renforcer le lien entre la recherche et l'industrie ». De son côté, M. Denis Ranque, alors président - directeur général du groupe Thales, avait observé que les grandes entreprises peuvent être conduites à changer la localisation de leurs centres de recherche « soit pour rapprocher leur recherche du marché, soit pour l'établir dans des pays où la ressource humaine en scientifiques est plus abondante ou à moindre coût ».

Deux conclusions peuvent être tirées de ces citations, qui rejoignent les analyses développées par bien d'autres responsables et experts :

- d'une part, dans une économie mondialisée au sein de laquelle de nouveaux « grands marchés » se développent, il est vain d'espérer capter ou conserver l'ensemble de la R&D de grands groupes , même français ;

- d'autre part, dans un contexte de concurrence croissante de localisation des centres de recherche (celle-ci n'étant plus automatiquement liée à la nationalité de ces groupes), les territoires doivent être attractifs pour la R&D .

Cette attractivité, indispensable à la fois pour attirer ou conserver la recherche des grandes entreprises et pour encourager la naissance et le développement de « jeunes pousses » sur notre territoire national, passe par plusieurs facteurs. Comme l'a souligné M. David Appia, président de l'Agence française pour les investissements internationaux (AFII), à votre rapporteur spécial, la fiscalité est l'un de ces facteurs, mais il passe après la qualité des infrastructures d'enseignement supérieur et de recherche et la capacité du pays à disposer de chercheurs de qualité en nombre suffisant .

En somme, dès lors que l'on est, comme votre rapporteur spécial, convaincu de l'importance de faire de la France un pays majeur en termes de R&D, le CIR doit être considéré (et jugé) comme un outil . Cependant, on ne saurait en attendre des effets « magiques ». Il ne peut être qu' un élément , qu'on doit espérer utile au regard de son coût, d'une politique cohérente d'encouragement de la recherche et de l'innovation .

* 11 Rapport d'information Sénat n° 347 (2006-2007) précité, tome II.

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