2. Encadrer les règles gouvernant la constitution du groupe

La constitution du groupe des personnes lésées est une étape essentielle de l'action de groupe, puisqu'elle permet à la fois d'avertir ses membres potentiels de la faculté qu'ils ont de participer à l'action et qu'elle met pour la première fois l'entreprise face à l'ensemble des plaignants, manifestant l'étendue du risque auquel elle est exposée.

La procédure de constitution du groupe doit en conséquence répondre à deux exigences différentes, l'une vis-à-vis des victimes potentielles, l'autre vis-à-vis du professionnel défendeur. S'agissant des premières, elle doit garantir que toutes les victimes potentielles auront bien connaissance de l'action et qu'elles pourront s'y joindre. S'agissant du second, elle doit lui permettre d'identifier les plaignants, afin de préparer correctement sa défense, et éviter que se joignent à l'action des individus qui n'y auraient aucun titre.

Compte tenu de l'importance de l'enjeu, le groupe de travail préconise de soumettre l'opération de constitution du groupe au contrôle du juge . Il retient par ailleurs le principe d'une adhésion volontaire au groupe , qui manifeste l'implication de la victime, plutôt que celui d'une adhésion présumée qui maximise, sur une base incertaine, le risque auquel l'entreprise est exposée.

a) Le contrôle du juge sur la constitution du groupe

Le contrôle du juge sur la constitution du groupe interviendrait à la fin de la première phase de jugement, dans la décision rendue sur le principe de la responsabilité du professionnel et porterait sur deux éléments : les critères en fonction desquels une personne pourra être rattachée au groupe des plaignants et les modalités de publicité qui seront utilisées pour informer les personnes intéressées de l'action de groupe en cours.


• La définition des critères de rattachement au groupe

Pour convaincre le juge de l'existence d'un préjudice de masse qui engage la responsabilité de l'entreprise à l'égard d'un groupe d'individus, l'association agréée s'est fondée sur quelques cas exemplaires ou sur un cas type. Ces différents cas présentent un ensemble de traits communs avec la situation des autres personnes lésées (dommage subi, fait à l'origine du dommage, caractéristiques propres au consommateur victime, période couverte par le contrat etc. ), qui, à eux seuls, suffisent à établir le principe de la responsabilité du professionnel. Ces traits justifient qu'une personne soit rattachée au groupe ou pas et en fixent la limite.

Il revient en conséquence au juge de les définir afin de permettre aux intéressés de comprendre qu'ils peuvent se joindre à l'action de groupe, et de vérifier, au moment de la réception des demandes, que tous les plaignants répondent bien aux critères exigés. Ainsi il pourra exclure à ce stade certains consommateurs qui ne pourraient démontrer qu'ils ont subi le préjudice allégué, ni qu'ils ont été placés dans la situation-type décrite dans le jugement.

En outre, le juge pourra aussi par ce biais identifier des sous-groupes de victimes au sein du groupe, ce qui permettra de faciliter l'individualisation de la réparation qui devra leur être versée.

Recommandation n° 15 - Prévoir que le juge définisse dans la décision déclaratoire de responsabilité, les critères de rattachement au groupe , ou le cas échéant, à des sous-groupes, des personnes lésées. Lors de la réception des demandes d'intégration au groupe, le juge s'assurera de leur recevabilité au regard de ces critères.


• L'organisation des modalités de publicité

L'échec de l'action en représentation conjointe est dû pour partie à la difficulté des associations agréées pour recueillir les mandats qui leur auraient permis de constituer le groupe des plaignants. L'article L. 422-1 du code de la consommation interdit en effet que ces mandats soient sollicités « par voie d'appel public télévisé ou radiophonique, [...] par voie d'affichage, de tract ou de lettre personnalisée ». Il prohibe le recours aux formes de publicité les plus efficaces, et condamne à l'échec les tentatives des associations agréées pour réunir ces mandats.

Vos rapporteurs considèrent que, sauf à tuer dans l'oeuf la procédure d'action de groupe, il ne faut pas limiter a priori les moyens de publicité auxquels il pourrait être recouru pour informer le public de l'engagement de l'action de groupe et du prononcé du principe de la responsabilité du professionnel en cause.

Le groupe de travail préconise donc que le juge prévoit les modalités de publicité applicables en vue de la constitution du groupe. Celles-ci n'ont pas à être fixées dans la loi, le juge appréciant, en fonction de l'espèce, les moyens de publicité les plus appropriés. Il pourrait par exemple enjoindre à l'entreprise de lui fournir la liste des clients concernés et prévoir qu'un courrier recommandé leur sera adressé pour les informer de la possibilité qui est la leur de se joindre à l'action de groupe.

Dans la mesure où la responsabilité du professionnel est reconnue, il est légitime que le coût de la publicité nécessaire pour permettre la constitution du groupe des personnes lésées par ses agissements soit à sa charge.

Recommandation n° 16 - Charger le juge d'organiser, dans la même décision qui prononce le jugement déclaratoire de responsabilité, les modalités de publicité applicables pour la constitution du groupe de victimes et en imputer la charge au professionnel responsable.

Recommandation n° 17 - Laisser au juge le soin de définir, en fonction de l'espèce, les modalités de publicité pertinentes , sans fixer, dans la loi, les moyens auxquels il peut être recouru.

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