B. L'ASSOUPLISSEMENT DU RÉGIME TRANSITOIRE PRÉCÉDANT L'EXTINCTION DU DÉPART ANTICIPÉ POUR LES FONCTIONNAIRES AYANT EU TROIS ENFANTS (art.  23)

Cet article s'inscrit dans une tendance générale à la réduction, sous l'effet de la contrainte juridique communautaire, des avantages familiaux de retraite conçus pour bénéficier principalement aux mères. Il prévoit cependant un régime transitoire qui a été assoupli par l'Assemblée nationale pour prendre en considération les projets de vie des femmes fonctionnaires.


Le projet de loi initial

L'article 23 du projet de loi initial met fin au dispositif de départ anticipé sans condition d'âge pour les parents de trois enfants ayant quinze ans de services, à compter du 1 er janvier 2012.

Ce dispositif a été créé en 1924, dans un contexte où le taux d'activité professionnel des femmes était faible et où le système de prestations familiales était peu développé. Préservé lors de la réforme des retraites de 2003, il a été modifié un an plus tard pour se conformer au droit communautaire. Il permet un départ en retraite sans condition d'âge aux fonctionnaires parents de trois enfants après quinze années de services effectifs, sous condition d'avoir interrompu leur activité pendant deux mois au titre de l'arrivée de chacun des enfants au foyer ou de son éducation. Cette condition conduit de facto à réserver ce dispositif aux femmes.

Selon l'étude d'impact jointe au présent projet de loi, ce dispositif concerne chaque année plus de 15 000 fonctionnaires. Les hommes représentaient 10 % des liquidations à ce titre dans la fonction publique d'État en 2006.

Le Gouvernement a rappelé, au cours du débat à l'Assemblée nationale, que le Conseil d'orientation des retraites avait relevé les imperfections de ce dispositif, prévu par l'article L.24 du code des pensions civiles et militaires, qui est d'ailleurs sans équivalent dans le secteur privé. En outre il a souligné que la Commission européenne avait ouvert une procédure à l'encontre de ce mécanisme.

L'étude d'impact produite par le Gouvernement à l'appui du projet de loi initial, conformément aux dispositions du quatrième alinéa de l'article 39 de la Constitution, précise notamment l'une des raisons de la contestation par le COR de ce dispositif : ce dernier intègrerait des effets d'aubaine . « Le mécanisme déroge au principe générationnel et conduit à appliquer la règle de retraite en vigueur à la date où l'agent satisfait les deux conditions requises (être parent de trois enfants ; avoir effectué au moins 15 années de services effectifs). À titre d'exemple, tous les agents qui ont satisfait ces conditions avant 2004 peuvent à l'avenir liquider leur pension sans décote et au regard d'une durée de service et de bonification pour avoir le taux plein de 37,5 années. Cet avantage est d'autant plus remarquable compte tenu du décalage dans le temps entre le moment où les conditions sont remplies et l'année de départ. »

Le débat à l'Assemblée nationale s'est concentré sur le régime transitoire précédant l'extinction de ce dispositif de départ anticipé. Le projet de loi initial prévoit le déroulement qui suit.

Jusqu'au 31 décembre 2010, le dispositif actuellement en vigueur continuerait de s'appliquer, avec les mêmes règles dérogatoires au principe générationnel, qui consiste à appliquer la règle de retraite en vigueur à la date où l'agent satisfait les deux conditions requises. Le projet de loi prévoit que ces conditions antérieures ne s'appliqueront qu'aux personnes qui auront déposé un dossier avant le 31 décembre 2010, pour une liquidation de leur pension avant le 1 er juillet 2011. Elles ne pourront donc pas fixer la date de leur départ à une date ultérieure. Ainsi, une femme qui remplit la double condition au 31 décembre 2010 continue d'être éligible au dispositif, sous réserve d'un dépôt d'une demande de départ avant cette échéance : si elle remplissait la double condition avant l'entrée en vigueur de la réforme de 2003, elle pourra continuer de partir en retraite sans décote à l'avenir. Si elle remplit la double condition avant l'entrée en vigueur de la réforme de 2010, elle partira à l'avenir avec une décote, mais sans se voir appliquer de report de son âge légal.

À partir du 1 er janvier 2011 et jusqu'au 31 décembre 2011, les parents qui déposeront un dossier, - soit parce qu'ils remplissent les deux conditions au cours de l'année 2011, soit parce qu'ils les remplissaient d'ores et déjà mais n'ont pas déposé de dossier avant le 31 décembre 2010 -pourront bénéficier du départ anticipé à une date ultérieure, librement fixée, mais avec une décote en fonction de la date de leur départ effectif, et aux conditions qui s'appliquent lors de leur soixantième année. Ainsi, une mère née en 1965, qui remplit en 2011 les deux conditions, peut déposer une demande de départ anticipé et prévoir son départ en 2020, à 55 ans ; les conditions qui lui seront applicables sont celles qui valent pour sa génération à soixante ans, c'est-à-dire en 2025 : à cette date, le report de la limite d'âge aura atteint 67 ans, et le taux de la décote sera de 1,25 % par trimestre manquant, dans la limite de 25 trimestres. Le niveau de sa pension sera donc réduit de 25 %. L'application du principe générationnel conduit en réalité à lui appliquer la même décote quelle que soit son année de départ entre 2011 et 2027 : ce n'est que si elle décale son départ après 62 ans que la décote qui lui sera appliquée sera moindre : égale à 20 % (16 trimestres pour un taux de décote de 1,25 %) pour un départ à 63 ans en 2028, cette décote sera ramenée à 15 % à 64 ans (12 trimestres) en 2029 et à 10 % à 65 ans, en 2030. Autrement dit, si cette personne souhaite bénéficier d'un départ anticipé, elle aura intérêt à partir le plus tôt possible en 2011, plutôt que d'attendre 2020 par exemple. Si elle souhaite privilégier le niveau de sa pension, elle devra reporter son départ après 2028.


Le texte adopté par l'Assemblée nationale

La principale modification apportée au projet de loi initial porte sur le régime transitoire prévu à l'article 23 du projet de loi. Elle résulte de l'adoption en séance publique d'un amendement 728 rectifié du Gouvernement :

- son exposé sommaire rappelle que « la réforme du départ anticipé pour les parents de 3 enfants qui ont 15 ans de service prévoit une mise en oeuvre transitoire : les demandes présentées avant le 31 décembre 2010 pour un départ à la retraite au plus tard le 30 juin 2011 conservent les règles antérieures à la réforme (paramètres de l'année où l'agent a respecté les 2 conditions cumulatives : 3 enfants et 15 ans de services) » ;

- son dispositif, qui est devenu le paragraphe IV de l'article 23, étend cette modalité transitoire en prévoyant que tous les agents qui, à la date du 1er janvier 2011 ont atteint ou dépassé l'âge d'ouverture des droits à la retraite de leur corps ou cadre d'emploi conservent également le bénéfice des règles de calcul antérieures à la réforme ; il en va de même de ceux qui sont à moins de 5 ans de leur âge d'ouverture des droits à la retraite. Le bénéfice des règles antérieures inclut le bénéfice du minimum garanti pour les agents qui y seraient éligibles.

M. Georges Tron, au nom du gouvernement, a résumé le sens de cet amendement qui « consiste à exonérer des règles nouvelles tous les agents qui seront à cinq ans de l'âge d'ouverture des droits (...) ». Il a précisé que le dispositif comporterait ainsi trois étapes : « Jusqu'au 31 décembre 2010, on sera toujours dans la situation actuelle, à savoir qu'avec quinze ans de service, trois enfants plus deux mois de délai, on pourra partir selon les règles antérieures aux règles générationnelles de 2003. La seconde étape, c'est l'année 2011, durant laquelle le dispositif restera ouvert. Il est vrai qu'il y aura modification des règles puisque la règle générationnelle montera en puissance, mais les agents auront la possibilité de continuer à entrer dans le dispositif. En revanche, à partir du 31 décembre 2011, il y aura fermeture du départ anticipé, comme se ferme l'obturateur de l'appareil photo. »

L'Assemblée nationale a également adopté à cet article un amendement présenté par M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances tendant à renforcer l'information, avant le 31 décembre 2010, des fonctionnaires concernés par le changement des règles de départ anticipé à la retraite.

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