2. La sous-budgétisation récurrente de cette politique pèse sur l'exécution budgétaire de la mission

En outre, les crédits liés à l'accueil et à l'hébergement des demandeurs d'asile font régulièrement l'objet de sous-budgétisations en loi de finances initiale . En 2008, 36 millions d'euros (AE = CP) avaient dû être ouverts en cours de gestion, 68,4 millions d'euros de CP et 78,1 millions d'euros d'AE en 2009 et 117,3 millions d'euros en CP et 107,1 millions d'euros en AE en 2010. Ces ouvertures en cours de gestion ont représenté l'année dernière près du quart des crédits ouverts en loi de finances initiale. Le tableau de la page suivante présente, pour les trois derniers exercices, les crédits ouverts en loi de finances initiale puis en cours de gestion sur le programme 303, « Immigration et asile », pour financer l'accueil des demandeurs d'asile, ainsi que les commentaires formulés par votre commission des finances à l'occasion des ouvertures en cours de gestion.

Ouvertures en gestion sur le programme 303, « Immigration et asile »

(en millions d'euros)

Crédits ouverts en loi de finances initiale

Crédits ouverts en cours de gestion

Commentaires de votre commission des finances

2008

418,2 en AE

409,5 en CP

36
(AE = CP) 8 ( * )

« Sous réserve d'un examen plus approfondi par le rapporteur spécial chargé de la mission « Immigration, asile et intégration », la dotation inscrite au projet de loi de finances pour 2009 ne semble pas tirer les conséquences de l'augmentation du nombre de demandeurs d'asile . » 9 ( * )

2009

434,7 en AE

437,5 en CP

70,1 en AE

60,4 en CP 10 ( * )

« Votre commission des finances avait souligné, dans son rapport budgétaire sur le projet de loi de finances initiale de 2009, la non soutenabilité prévisible de l'exécution des crédits liés aux demandes d'asile en 2009 . Elle relevait que le dégel de la réserve de précaution ne serait « sans doute pas suffisant et devra conduire le gouvernement à ouvrir des crédits supplémentaires sur le programme 303 gagés sur des annulations de crédits d'autres missions du budget général ». La dotation inscrite au projet de loi de finances pour 2010 ne semble pas tirer les conséquences de l'augmentation du nombre de demandeurs d'asile en ce qui concerne l'hébergement d'urgence ». 11 ( * )

8 (AE = CP) 12 ( * )

« Certaines ouvertures de crédits ne présentent pas ce caractère d'imprévisibilité incontestable ; il s'agit des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » : la dotation budgétaire correspondante a été excessivement sous-évaluée en loi de finances initiale pour 2009, comme cela avait été relevé par le rapporteur spécial dès l'examen du projet de loi de finances pour 2009 ». 13 ( * )

2010

485,7 en AE

478,1 en CP

60
(AE = CP) 14 ( * )

« La sous-budgétisation des crédits liés à l'hébergement et à l'accueil des demandeurs d'asile est une constante, relevée chaque année par le Parlement , en loi de finances initiale. Chaque année, ces sous-évaluations rendent nécessaires l'ouverture de crédits par décrets d'avance. [...] Ces sous-budgétisations sont trop manifestes pour s'expliquer par l'incertitude relative au rythme d'évolution du nombre de demandeurs d'asile . De même, rien ne permet de préjuger d'une diminution rapide des délais de traitement des demandes par l'OFPRA et la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) » 15 ( * )

47,1 en AE

57,3 en CP 16 ( * )

« Chaque année, les flux de demandeurs d'asile sont excessivement sous-évalués en loi de finances initiale pour l'élaboration de l'enveloppe de la mission « Immigration, asile et intégration ». Ainsi, la sous-budgétisation des crédits liés à l'accueil des demandeurs d'asile est devenue la pratique courante de gestion des crédits du programme 303 « Immigration et asile ». Pierre-Bernard Reymond, rapporteur spécial de la mission « Immigration, asile et intégration », s'interrogeait d'ailleurs dans son rapport spécial sur le projet de loi de finances pour 2010 « sur la crédibilité des prévisions de flux de demandeurs d'asile à partir desquelles ont été établies les demandes de crédits dans le présent projet de loi de finances » et exprimait sa crainte que la hausse de 10 % des crédits consacrés aux actions de soutien aux demandeurs d'asile « ne soit pas suffisante pour répondre aux besoins réels de l'année 2010, étant donnée l'évolution actuelle des flux de demandeurs d'asile » . 17 ( * )

Source : commission des finances

Il est devenu évident que ces ouvertures correspondent à une sous-budgétisation manifeste, qui ne peut s'expliquer uniquement ni par l'imprévisibilité du flux des demandeurs d'asile ni par l'évolution des délais de traitement de ces demandes .

Cette sous-budgétisation s'est d'ailleurs reproduite en loi de finances initiale pour 2011, comme l'atteste le projet de loi de finances rectificative qui sera discuté au Sénat dans les prochains jours et propose d'ouvrir 50 millions d'euros (AE = CP) supplémentaires en faveur de l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile.

Or, dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2011 18 ( * ) , votre rapporteur spécial chargé de la mission « Immigration, asile et intégration » avait relevé que « par rapport aux crédits ouverts en 2010, le présent projet de loi de finances propose donc [une diminution] de 56,2 % pour le dispositif d'hébergement d'urgence ».

Cette diminution était à mettre en parallèle avec une augmentation de la demande d'asile déjà constatée . Ainsi, la commission indiquait que « le rythme de la demande d'asile est en hausse durant les neuf premiers mois de l'année 2010 : + 8,5 % par rapport à la même période en 2009. Aucune raison n'indique qu'il doive diminuer en 2011. [...] Il apparaît donc que dans le présent projet de loi de finances, comme chaque année, les flux de demandeurs d'asile sont excessivement sous-évalués ».

En outre, il était déjà certain que les moyens supplémentaires consacrés à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) ne produiraient pas d'effets dès l'année 2011 : « même si les délais de traitement des dossiers par la CNDA peuvent diminuer, il est peu probable que cette diminution ait lieu à court terme et suffise à compenser budgétairement l'augmentation du flux des demandes d'asile ».

Contrainte par la nécessité de redéployer des montants au sein même de la mission « Immigration, asile et intégration », qui ne comporte que deux programmes, votre commission des finances n'avait pu proposer qu'un amendement abondant de 12,85 millions d'euros supplémentaires le programme « Immigration et asile ». Elle indiquait toutefois que le transfert de crédits proposé par son amendement « devrait combler une partie du déficit du programme « Immigration et asile », estimé par votre rapporteur spécial à près de 50 millions d'euros » .


* 8 Par le décret n° 2008-1089 du 24 octobre 2008 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance.

* 9 Note explicative de l'avis de la commission des finances du Sénat sur le projet de décret d'avance portant ouverture de 233 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 223,4 millions d'euros en crédits de paiement, 16 octobre 2008.

* 10 Par le décret n° 2009-1368 du 9 novembre 2009 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance.

* 11 Note explicative de l'avis de la commission des finances du Sénat sur le projet de décret d'avance portant ouverture de 656,1 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 577,6 millions d'euros en crédits de paiement, 29 octobre 2009.

* 12 Par la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009.

* 13 Rapport n° 158 (2009-2010), projet de loi de finances rectificative pour 2009, M. Philippe Marini, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances.

* 14 Par le décret n° 2010-1147 du 29 septembre 2010 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance.

* 15 Rapport n° 166 (2010-2011), projet de loi de finances rectificative pour 2010, M. Philippe Marini, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances.

* 16 Par la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010.

* 17 Note explicative de l'avis de la commission des finances du Sénat sur le projet de décret d'avance portant ouverture de 1 299,4 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 1 271,4 millions d'euros en crédits de paiement, 15 septembre 2010.

* 18 Rapport n° 111 (2010-2011) - Tome III - Annexe 15, projet de loi de finances pour 2011, mission « Immigration, asile et intégration », M. Pierre Bernard-Reymond, fait au nom de la commission des finances.

Page mise à jour le

Partager cette page