4. Améliorer l'identification des dispositifs médicaux implantables et le partage des données

Dans un marché européen où règnent la libre circulation et un marché mondial qui s'ouvre progressivement, avec un rapprochement général des législations applicables en matière de commercialisation des dispositifs médicaux, il n'est plus possible de penser à l'échelle nationale les prochaines étapes de l'évolution de la réglementation qui leur est applicable, en particulier en matière d'identification et de suivi.

Confrontés à cette réalité, les Etats ont mis en place des instances de concertation pour mettre au point des normes communes, au premier rang desquelles l'identifiant unique pour les dispositifs médicaux (UDI ou Unique Device Identifier ). A l'échelle européenne, la base de données Eudamed permet aux autorités nationales d'échanger facilement des informations sur les dispositifs médicaux, en particulier sur les incidents survenus dans chaque pays et la surveillance du marché.

Il est désormais nécessaire d'agir pour que les travaux des organismes en question soient pleinement soutenus par l'Union européenne et par la France au sein de celle-ci. L'accès aux outils développés, en Europe, au profit des régulateurs doit être étendu aux organismes notifiés et, à terme, pour des raisons de transparence, à tous les citoyens.

a) Soutenir les initiatives du Forum mondial des régulateurs de dispositifs médicaux (IMDRF)

L' International Medical Device Regulators' Forum (IMDRF) a pris en 2012 la suite de la Global Harmonization Task Force (GHTF), qui regroupait depuis 1992 les représentants d'organismes nationaux de réglementation des dispositifs médicaux et de l'industrie du secteur. Associant désormais l'UE, les Etats-Unis, le Japon, le Canada, le Brésil, l'Australie, la Chine et l'Organisation mondiale de la santé (OMS), l'IMDRF poursuit les activités de la GHTF et cherche à encourager la convergence entre ses membres des pratiques en matière de régulation afin d'assurer l'innocuité, l'efficacité, le rendement et la qualité des dispositifs médicaux et de promouvoir l'innovation et les échanges internationaux.

La principale activité de la GHTF était la publication et la diffusion de documents d'orientation harmonisés sur les pratiques de réglementation de base. Elaborés par ses cinq groupes d'études, ils pouvaient ensuite être mis en oeuvre dans chacun des pays membres. Son action connaissait néanmoins plusieurs limites, au premier rang desquels la lenteur des membres fondateurs à adapter leur législation aux guides élaborés de manière consensuelle et le peu d'écho rencontré par ses travaux.

La création de l'IMDRF vise à corriger ces insuffisances. Cet organisme a d'ores et déjà créé cinq groupes de travail visant notamment à accompagner la mise en oeuvre de l'identifiant unique et à créer une liste de standards internationaux, reconnus universellement, en matière de régulation des dispositifs médicaux.

Cette nouvelle instance n'en est encore qu'à ses premiers mois d'existence mais dispose d'un potentiel important en matière d'harmonisation des réglementations dans le monde, ce qui ne peut qu'être source d'amélioration de la sécurité des dispositifs médicaux et du partage d'informations relatives à la matériovigilance. Il convient donc de soutenir ses travaux et de mettre en oeuvre ses recommandations, à condition que la volonté de réciprocité de nos partenaires soit avérée et qu'elles n'aboutissent pas à un affaiblissement des normes en vigueur.

b) Accélérer la mise en oeuvre de l'identifiant unique pour les dispositifs médicaux (UDI)

L'UDI est un procédé d'identification visant à faire correspondre un numéro unique à un ensemble d'informations industrielles et médicales relatives à chaque dispositif médical. Ce numéro unique permet d'identifier la classe de dispositif médical à laquelle celui-ci appartient et de recenser les différentes informations de suivi clinique le concernant au sein d'une base de données.

Il présente de nombreux avantages pour la sécurité des patients en garantissant un partage continu des données entre les parties concernées tout au long du cycle de vie des dispositifs médicaux. Ainsi :

- le renforcement de la traçabilité des produits rend la matériovigilance et la surveillance du marché plus efficaces, facilitant en particulier le retrait rapide du marché des dispositifs défectueux et la transmission des informations relatives aux dysfonctionnements, incidents et effets indésirables observés ;

- la réunion des données nécessaires à la constitution de registres médicaux concernant des dispositifs médicaux est facilitée ;

- la collecte de données issues d'observations cliniques permet de mesurer effectivement le rapport bénéfices-risques, afin de servir de support à la certification et à l'autorisation de mise sur le marché de nouveaux produits ;

- il contribue à la prévention de la contrefaçon.

Le Food and Drug Administration Amendments Act du 27 septembre 2007 visait à surmonter les difficultés liées à la multiplicité de systèmes d'identification développés par les fabricants, les distributeurs et les hôpitaux qui ralentissent considérablement la recherche des dispositifs médicaux implantés lorsqu'un produit ou un lot défectueux fait l'objet d'un rappel.


Un exemple de diversité des identifiants de dispositifs médicaux

Le document ci-dessous est la reproduction d'une carte de porteur d'endoprothèse. Trois stents ont été posés, dont deux actifs identifiés à la main. Chaque fabricant indique les références et le numéro de lot, mais avec son propre système.


Le 2 juillet 2012, la FDA a proposé des modifications pratiques de mise en oeuvre de ce système d'identification qui devrait concerner, dans un premier temps, les dispositifs médicaux les plus à risque, de classe III, avant d'être étendu graduellement à l'exception des dispositifs médicaux en vente libre pour lesquels il existe déjà un code d'identification aux Etats-Unis. Il facilitera grandement la collecte d'informations très précises pour le suivi des implants dans des registres. Ce mécanisme permettra d'observer l'évolution dans le temps de leur fonctionnement selon leur marque et leur modèle. Les études cliniques post market pourront se généraliser et le repérage d'anomalies statistiques dans les incidents liés à un dispositif médical spécifique deviendra plus aisé.

L'affectation à un dispositif médical de son code UDI relève de la responsabilité du fabricant : ce dernier doit créer un code UDI en fonction des standards internationaux applicables aux dispositifs médicaux. En effet, à la différence des médicaments pour lesquels chaque pays dispose de son propre système d'identification, les dispositifs médicaux ont vocation à se voir attribuer un identifiant fonctionnel dans tous les pays se soumettant aux standards internationaux élaborés dans le cadre de la GHTF. Le numéro UDI doit recouvrir deux procédés d'identification :

- l' identifiant produit ( partie statique ) : sur le même principe que l'EAN ( « International Code Number » , originellement « European Code Number » ), code-barres à treize chiffres permettant l'identification d'un produit de consommation tout au long de sa chaîne de distribution, cet identifiant devrait intégrer le « Global Trade Item Number » (GTIN), code international permettant d'identifier toute unité commerciale ;

- l' identifiant de production ( partie dynamique ) : il comprend des éléments issus de la production tels que le numéro du lot ou sa date d'expiration. La réglementation n'exigera la sérialisation des dispositifs médicaux, c'est-à-dire l'apposition d'un numéro de série, que pour certains groupes de dispositifs, notamment les dispositifs médicaux implantables.

Source : Actes des journées Euro-Pharmat Lyon (11, 12 et 13 octobre 2011).

Afin de faire correspondre au numéro UDI l'ensemble des informations relatives au dispositif en question, la FDA a prévu la création d'une base de données associée : la « Global Unique Device Identification Database » (Gudid). Cette base de données a vocation à collecter uniquement l'information dite « statique » concernant le dispositif et susceptible de renseigner les questions suivantes : de quel dispositif s'agit-il ? Quel est son modèle de fabrication ? De quelle manière le produit a-t-il été contrôlé ? Est-il possible de trouver un numéro de série ou de lot sur ce produit ? A qui doit-on s'adresser en cas d'incident ? Dans quelles conditions le produit doit-il être conservé ? Le produit est-il stérile ? Il est envisagé que cette base soit accessible à la communauté médicale comme au public.

La Commission européenne a annoncé réfléchir à une recommandation relative aux principes généraux de mise en oeuvre de l'UDI. Ce document devrait être finalisé d'ici la fin de l'année 2012. Il est indispensable que l'Union européenne, qui coordonne les travaux à ce sujet au sein de l'IMDRF, ne prenne pas de retard important sur les Etats-Unis. Tout décalage dans la mise en oeuvre de ce système se ferait alors au détriment de la santé et de la compétitivité en Europe.

Proposition n° 16 :
Accélérer la mise en oeuvre de l'UDI au sein de l'Union européenne

c) Elargir l'accès à Eudamed

Formellement instituée par une décision de la Commission européenne du 19 avril 2010 83 ( * ) , Eudamed est un outil qui reste réservé aux autorités sanitaires nationales . Elle a été conçue afin d'améliorer le fonctionnement et la surveillance du marché des dispositifs médicaux grâce à un meilleur partage de l'information, notamment sur les certifications refusées ou retirées. L'utilisation d'Eudamed est obligatoire pour tous les Etats membres de l'UE depuis le 1 er mai 2011.

Toutefois, ainsi que l'ont expliqué plusieurs experts auditionnés par la mission d'information, l'accès à Eudamed devrait être étendu afin de tirer pleinement parti de son potentiel et d'assurer que ses données soient à la disposition de tous ceux qui peuvent, par leur activité, en avoir besoin. C'est notamment le cas des organismes notifiés. Ainsi Eric Vicaut, président du groupe de travail « dispositifs médicaux » des Assises du médicament, a déploré qu'Eudamed reste très fermée et a préconisé une plus grande ouverture pour une meilleure information au niveau européen. De même Jean-Yves Grall, directeur général de la santé, a jugé utile, au nom de la transparence, qu'Eudamed soit plus ouverte.

Cette question semble donc faire l'objet d'un consensus. A l'occasion de la refonte de la réglementation européenne sur les dispositifs médicaux, il est important que la Commission propose qu'Eudamed soit, progressivement si une telle mesure comporte des difficultés techniques, ouverte aux organismes notifiés et, à terme, au public. En effet, il serait très utile aux entités qui ont pour mission de garantir la sécurité et la qualité des dispositifs médicaux d'avoir accès aux données de matériovigilance détenues par les autorités nationales.

Proposition n° 17 :
Elargir l'accès à Eudamed aux organismes notifiés et, à terme,
au moins partiellement au public

En l'état actuel du droit, les organismes notifiés ne sont tenus informés que des certificats suspendus, retirés ou refusés. N'ayant connaissance des incidents survenus lors de l'utilisation d'un dispositif médical que lorsqu'un fabricant sollicite le renouvellement de son marquage CE, ils ne sont pas en mesure de jouer pleinement le rôle que leur confie la réglementation européenne au sein de la chaîne de sécurité sanitaire de ces produits de santé.

Le même souci de transparence, en vertu duquel il faut imposer la publicité de tous les liens d'intérêts des professionnels de santé, doit conduire à ouvrir Eudamed, ou tout du moins certaines des informations qu'elle contient, au plus grand nombre. Il n'y a rien à gagner à entretenir le secret sur la fiabilité des dispositifs médicaux et à ne communiquer que de manière irrégulière sur le sujet. Aux Etats-Unis, la délivrance de l'autorisation de commercialisation - quelle que soit la procédure suivie - fait l'objet d'une publicité sur le site de la FDA. Plus l'information sera disponible, plus les citoyens pourront avoir confiance dans l'action des structures chargées d'assurer le respect des règles de santé publique relatives aux dispositifs médicaux.


* 83 Décision de la Commission 2010/227/UE du 19 avril 2010 relative à la banque de données européenne sur les dispositifs médicaux.

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