B. LE FONCTIONNEMENT DU « FICHIER NÉGATIF »

Les discussions autour du fichier positif ont aussi été l'occasion, pour votre groupe de travail, d'apprécier l'efficacité du « fichier négatif » créé en 1989 par la loi dite « Neiertz » et réformé en 2010 par la loi dite « Lagarde », c'est-à-dire le fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP), ainsi que ses éventuelles perspectives d'évolution. Votre groupe de travail s'est ainsi rendu sur le site de la Banque de France de Poitiers, chargé de la gestion du FICP 6 ( * ) .

Le fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP)

Institué par l'article 23 de la loi n° 89-1010 du 31 décembre 1989 relative à la prévention et au règlement des difficultés liées au surendettement des particuliers et des familles, le FICP a pour but de recenser « les informations sur les incidents de paiement caractérisés liés aux crédits accordés aux personnes physiques pour des besoins non professionnels » (article L. 333-4 du code de la consommation). Soumis à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, le FICP est géré par la Banque de France. Les établissements de crédit sont tenus de lui déclarer les incidents de paiement caractérisés de leurs clients particuliers.

Un incident de paiement caractérisé est défini par l'arrêté du 26 octobre 2010 relatif au FICP comme un défaut de paiement représentant un montant égal à deux échéances mensuelles (c'est-à-dire à la troisième échéance mensuelle non respectée) ou, pour les crédits non mensualisés, un défaut de paiement de plus de soixante jours, ainsi qu'un défaut de paiement qui a donné lieu à une procédure judiciaire ou à une déchéance du terme restée sans suite. L'incident de paiement est déclaré à la Banque de France à l'expiration d'un délai de trente jours à compter de l'envoi d'un courrier au client l'informant de l'inscription au fichier en l'absence de régularisation de sa part. A l'expiration du délai, l'établissement doit procéder à la déclaration au FICP dans les quatre jours ouvrés et notifier au client son inscription au fichier et les données transmises, ainsi que la durée d'inscription en l'absence de régularisation. En cas de régularisation, celle-ci est déclarée dans un délai de quatre jours ouvrés également.

Le FICP a fait l'objet d'une réforme par la loi n° 2010-737 du 1 er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation, destinée à le rendre plus réactif, avec une mise à jour en temps réel des données et non plus mensuelle (auparavant, les établissements transmettaient leurs données une fois par mois et recevait le fichier intégral une fois par mois), afin de renforcer son utilité dans les opérations d'octroi de crédit. Anticipée dès 2009, cette réforme a été opérationnelle en 2011. Le FICP est ainsi consultable sept jours sur sept et 24 heures sur 24, pour l'outre-mer.

Les établissements de crédit sont également obligatoirement tenus, depuis la loi du 1 er juillet 2010, de consulter le FICP avant toute décision d'octroi de crédit, afin de mieux apprécier la solvabilité de l'emprunteur, sans que l'inscription au FICP entraîne interdiction d'offrir un crédit. Le FICP peut aussi être consulté par les établissements avant l'attribution de moyens de paiement ou dans le cadre de la gestion des risques liés aux contrats de crédit en cours. La consultation du fichier à d'autres fins est prohibée et sanctionnée.

Il appartient à l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP) de vérifier que les procédures internes des établissements de crédit garantissent le respect de ces obligations, sous peine de sanctions. La Banque de France estime que les établissements respectent globalement leurs obligations comme les délais d'alimentation, de radiation et de consultation. Les dysfonctionnements consistent pour l'essentiel en des retards de demandes de radiation en cas de régularisation.

La Banque de France met à jour sans délai le fichier avec toutes les informations reçues, qu'il s'agisse de l'inscription d'un incident, de la mise à disposition de cette information pour tous les établissements de crédit ou encore de la radiation en cas de remboursement des sommes dues ou d'expiration du délai d'inscription, fixé à cinq ans. Afin de mettre les données du fichier à disposition des établissements de crédit, la Banque de France est déliée du secret professionnel.

Le FICP enregistre également les données relatives aux procédures de surendettement : saisine de la commission de surendettement, mesures du plan conventionnel de redressement et mesures décidées par la commission en l'absence de plan conventionnel, effacement des dettes résultant d'une procédure de rétablissement personnel.

Le FICP recense en 2012 un peu plus de 2,6 millions de personnes, en croissance lente mais régulière, dont 30 % environ au titre d'une procédure de surendettement. En 2011, près de deux millions d'enregistrements ont été effectués, pour un nombre équivalent de radiations. Les trois quarts environ des radiations résultent du paiement intégral des sommes dues. Environ 60 % des personnes fichées le sont pour un seul incident.

Le FICP a fait l'objet de 931 millions de consultations en 2011, qu'il s'agisse de consultations individuelles dans le cadre de l'octroi d'un crédit ou de consultations de masse destinées à des vérifications internes sur les crédits en cours, notamment pour permettre l'évaluation des risques dans le cadre des obligations de couverture issues de la réglementation dite « Bâle III ».

Le FICP est géré par le service des fichiers d'incidents de paiement relatifs aux particuliers de la Banque de France, qui relève de la direction des particuliers. Ce service gère également le fichier central des chèques (FCC) et le fichier national des chèques irréguliers (FNCI).

Concernant le seul FICP, quatre personnes sont chargées de la supervision de la transmission des données avec les établissements de crédits, tant en alimentation qu'en consultation : 97,5 % des données sont transmises par télétransmission de fichiers informatiques sécurisés et 2,5 % par un portail internet sécurisé, tandis que 91,5 % des consultations ont lieu par télétransmission et 8,5 % par utilisation du portail internet. La vérification de la qualité des données, en particulier des données d'état civil, est assurée par une équipe de dix personnes : 8 % des nouveaux dossiers comportent en effet des erreurs d'état civil. De plus, une plate-forme commune avec le FCC et le FNCI est chargée des relations avec les particuliers, par téléphone et par courrier. La gestion des données relatives aux procédures de surendettement est réalisée par la Banque de France en interne, avec ses propres systèmes d'information.

Le coût complet du FICP est évalué à 16 millions d'euros par an. Depuis la réforme de 2010, ce coût est couvert par les tarifs de consultation. La consultation donne lieu à une facturation trimestrielle, dans le cadre d'un système d'abonnement à prix fixe dans la limite d'un plafond de nombre de consultations (en cas de dépassement, un complément de facturation est à payer).

Les personnes enregistrées sont identifiées par des données d'état civil : nom, prénoms, sexe, date et lieu de naissance. La « clef informatique » de consultation du FICP par les établissements de crédit est constituée de la date de naissance et des cinq premières lettres du nom, qui peuvent souvent correspondre à plusieurs personnes enregistrées, ce qui suppose de la part du prêteur une vérification précise de la personne effectivement concernée.

Les auditions de votre groupe de travail comme son déplacement à Poitiers ont montré que le fonctionnement du FICP était désormais satisfaisant en termes de rapidité, puisqu'il est mis à jour en temps réel, les informations nouvelles étant elles-mêmes disponibles en temps réel pour les établissements qui le consultent. La réforme du FICP constitue un réel progrès. Cette réforme a constitué la contrepartie de l'obligation de consultation du FICP avant toute offre de crédit à un particulier, imposée par la loi du 1 er juillet 2010 précitée dans le cadre de l'obligation de vérification de la solvabilité de l'emprunteur. Créé par cette loi, l'article L. 311-9 du code de la consommation dispose qu'« avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur » 7 ( * ) et que le prêteur à cette fin doit en particulier consulter le FICP.

En donnant aux prêteurs une information sur les éventuels incidents de paiement d'un emprunteur, le FICP contribue à la prévention de l'excès de crédit, qui peut conduire au surendettement, en jouant un rôle d'alerte. Votre groupe de travail s'est interrogé sur la possibilité d'enrichir ce fichier avec d'autres données afin d'améliorer ce rôle d'alerte, car le défaut de paiement d'un crédit intervient souvent tardivement en cas de difficultés financières d'un ménage, après d'autres impayés. Il a toutefois rapidement considéré qu'il n'était guère envisageable, au regard des conditions d'accès au fichier et de l'impératif de protection de la vie privée, de recenser dans ce fichier d'autres incidents de paiement, par exemple en matière de téléphonie, d'électricité ou de loyer, voire des données émanant des centres communaux d'action sociale.

Votre groupe de travail a cependant constaté les difficultés résultant de l'utilisation des données d'état civil pour identifier les personnes recensées dans le fichier, tant en raison de la part importante d'erreurs ou de manques dans les données d'état civil transmises par les prêteurs que de la négligence avec laquelle certains prêteurs peuvent identifier les personnes enregistrées, en particulier en cas de crédit octroyé en dehors des réseaux bancaires classiques. Selon les informations fournies à vos rapporteurs, 8 % des nouveaux dossiers entrant dans le FICP pour des personnes nées en France posent des problèmes de fiabilité des données d'état civil. Ces dossiers requièrent des vérifications individuelles en lien avec les établissements et l'INSEE. On relève, en outre, un nombre croissant de cas d'usurpation d'identité dans le cadre de contrats de crédit : 1700 ont été repérés en 2011 dans les dossiers du FICP 8 ( * ) .

Pour ces motifs, la majorité de vos rapporteurs sont sceptiques quant à la possibilité d'utiliser comme identifiant d'un éventuel fichier positif, comportant dix fois plus de personnes que le FICP, de simples données d'état civil, à l'instar du FICP comme du fichier des comptes bancaires (FICOBA) 9 ( * ) , géré par la direction générale des finances publiques (DGFiP). Ils considèrent que ce manque de fiabilité serait d'autant plus problématique que ce fichier positif devrait lui aussi fonctionner en temps réel, tant en alimentation et en radiation qu'en consultation. Pour autant, certains de vos rapporteurs estiment que la possibilité d'utiliser des données d'état civil, sur le modèle du FICOBA, mériterait d'être étudiée plus sérieusement.


* 6 Voir annexe 4.

* 7 L'obligation de vérification de la solvabilité à partir d'un nombre suffisant d'informations est directement issue de la transposition de l'article 8 de la directive 2008/48/CE du 23 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs. Cet article n'imposait pas la consultation obligatoire des registres de crédits lorsqu'il en existait, en laissant le soin à la loi nationale.

* 8 En cas d'usurpation d'identité confirmée, mention en est faite au fichier, qui conserve dans le délai légal les données relatives à la personne concernée afin d'éviter toute nouvelle usurpation.

* 9 Les éléments d'identification des personnes physiques dans le FICOBA sont le nom, le prénom, le sexe, la date et le lieu de naissance, l'adresse. Toute ouverture de compte bancaire, postal, d'épargne ou assimilé entraîne enregistrement dans le FICOBA. Ce fichier permet d'informer les personnes habilitées par la loi de l'existence de comptes détenus en France par une personne, à des fins principalement de contrôle par l'administration fiscale ou la sécurité sociale, qui ne sont pas soumises à des exigences de mise à jour et de disponibilité en temps réel.

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