LES DIFFICULTÉS DE L'INTEROPÉRABILITÉ DES PÉAGES ÉLECTRONIQUES

Pour faciliter le paiement des péages - voire ultérieurement celui des eurovignettes - la Commission a souhaité mettre en place une interopérabilité des différents systèmes électroniques nationaux.

Une volonté affirmée
Le principe : la directive n° 2004/52 et ses textes d'application

Issue d'une proposition formulée le 23 avril 2003 par la Commission européenne, la directive 2004/52, du 29 avril 2004, tendait à instaurer un service européen de télépéage (SET) , qui devait permettre de ne souscrire qu'un seul abonnement et de n'avoir qu'un seul équipement embarqué à bord du véhicule pour acquitter tous les péages routiers faisant l'objet d'une perception électronique sur le territoire de l'Union européenne. La directive n'imposait ni l'instauration de péages routiers, ni la mise en place d'un dispositif électronique de paiement, mais tout État membre ayant institué un service de télépéage sur au moins une partie de son réseau routier aurait dû, selon le texte de cette directive, offrir les services d'un prestataire de SET.

Le schéma finalement retenu consiste à laisser en place les opérateurs nationaux de télépéage, mais en ajoutant un étage supplémentaire, constituée par des prestataires de SET. Il s'agit d'entités de droit privé (entreprise ou filiales), enregistrées en tant que prestataires du SET dans un État membre où ils sont établis. Tenus d'assurer la couverture intégrale des infrastructures routières à télépéage dans les 24 mois suivant leur enregistrement, ces prestataires seront mis en concurrence, chaque usager de la route restant libre de passer un contrat avec le fournisseur de son choix. Parallèlement, les percepteurs nationaux de péage sont censés conformer leur système aux normes techniques européennes et accepter sans discrimination tout prestataire enregistré du SET.

L'esprit de cette directive est double : faciliter au maximum la vie des personnes se déplaçant par la route d'un État membre à l'autre et devant donc acquitter des péages ; inciter par là-même au développement du péage routier, considéré comme « une manière équitable de payer pour la mobilité et d'envoyer les bons signaux de prix aux usagers de la route » selon les termes de la Commission.

Le 6 octobre 2009, la Commission européenne a adopté une décision d'application fixant les exigences essentielles du SET, ainsi que les normes, spécifications techniques et règles opérationnelles. Ce document a été complété par la publication en 2010 d'un Guide pour l'application de la directive sur l'interopérabilité des systèmes de télépéage routier .

L'insertion dans un concept plus large : le Livre blanc de 2011.

Publié le 28 mars 2011, le livre blanc de la Commission européenne intitulée Feuille de route pour un espace européenne unique des transports - vers un système de transport compétitif et économe ressources , avait un objet autrement plus large que le SET, mais soulignait néanmoins la contribution de ce service à une tarification favorisant le transport compatible avec le développement durable. Cette publication insistait notamment sur la contribution du SET à l'acceptation de la tarification routière par les utilisateurs.

Une réalisation différée

La date limite pour l'entrée en vigueur du SET pour les poids lourds avait été fixée par la directive 2004/52 à trois ans après la publication des spécifications techniques. La décision 2009/750 de la Commission européenne ayant été communiquée aux États membres le 7 octobre 2009, le SET aurait dû être concrétisé pour les poids lourds aux plus tard le 8 octobre 2012. Il devait être disponible pour toutes les catégories de véhicules deux ans plus tard.

Or, la communication de la Commission européenne adoptée le 30 août 2012 ne laisse aucune place aux illusions : « l'état d'avancement du déploiement du SET est décevant » constate la Commission avant de déplorer « l'absence de mise en oeuvre du SET dans les délais prévus ».

La Commission européenne imputée les retards à deux motifs :

- les États membres ayant mis en place des dispositifs nationaux de télépéage n'ont pas pris en compte les spécifications techniques du SET ;

- ils n'ont pas même adopté les dispositions juridiques permettant d'enregistrer les opérateurs de SET .

Est-ce à dire que rien n'avait été fait pour aller dans la bonne direction ? Non, car un premier pas a été franchi par les États membres, la plupart ayant assuré l'interopérabilité nationale des systèmes de télépéage . En outre, des expériences techniques associant plusieurs États membres ont été lancées : EasyGo+ combine les systèmes de communication spécialisée utilisée au Danemark, en Suède, en Norvège et en Autriche ; TOLL2GO assure l'interopérabilité entre l'Autriche et l'Allemagne ; un accord contractuel permet une certaine interopérabilité du péage entre l'Espagne et la France. Enfin, 14 États européens ont constitué le « groupe de Stockholm » pour organiser le déploiement du SET. Parallèlement, plusieurs candidats au statut de prestataires du SET ont créé, le 22 septembre 2011, une association dénommée AETIS (pour Association of electronic toll and interoperable services ), qui travaille avec le groupe de Stockholm.

Pour accélérer le mouvement, la Commission européenne se déclare disposée non seulement à fournir une assistance technique, mais aussi à « examiner l'apport d'un éventuel soutien financier » dans le cadre du programme réseau de transport européen terrestre (RTE-T). La commission reconnaît en effet que la mise en place du SET aura un coût non négligeable, pouvant imposer de modifier « plusieurs contrats de concession en cours », ce qui n'est pas nécessairement simple...

Enfin, la commission laisse miroiter une possibilité de financement via le dispositif Eurovignette : « tous les usagers de la route soumise au péage, et pas seulement les utilisateurs du SET, pourraient participer financièrement à ces investissements puisque les coûts liés aux SET peuvent être considérés comme des coûts d'infrastructure imputables admissibles en vertu de la directive 1199/62/CE (directive « Eurovignette ») ».

Prenant acte de la communication du 30 août 2012, la commission des transports du Parlement européen a adopté le 23 avril 2013 un rapport invitant la Commission européenne à élaborer de nouvelles propositions devant « obliger tous les acteurs à faire avancer le projet du SET ». Les députés européens semblent particulièrement sceptiques face au projet d'interopérabilité partielle associant quelques États membres.

Voulant aller plus loin, la commission des transports demande aussi que les États ayant instauré un système de vignettes et non de péage permettent le paiement en ligne des sommes dues. Rappelons que les routes dont l'utilisation est soumise à une forme ou une autre de tarification représentent au total 72 000 kilomètres au sein de l'Union européenne, dont 60 % sont équipés d'un système de télépéage et 40 % sont couverts par des systèmes de vignettes.

Les députés européens tendent ainsi à conforter la Commission, qui s'était réservé le droit de présenter une nouvelle initiative au Parlement européen et au Conseil si aucun service de télépéage interopérable n'était disponible sur une large échelle mi-2013. Cette précaution prémonitoire figurait dans le Livre blanc de 2011.

Tel est le contexte européen dans lequel notre pays va introduire une taxe poids lourds nationale, couramment appelée « écotaxe poids lourds ».

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