LE DÉBAT SUR LE FRANCHISSEMENT DES FRONTIÈRES PAR LES MÉGACAMIONS

Pour comprendre l'apparition de cet affrontement, il convient d'avoir présents à l'esprit les points suivants :

1° Les dimensions maximales inscrites dans la directive 96/53 peuvent être interprétées comme des limites minimales :

- « Un État membre ne peut refuser ou interdire l'usage sur son territoire [des véhicules] conformes aux valeurs limites spécifiées à l'annexe I. » (article 3, paragraphe 1) ;

- en revanche, « les États membres peuvent autoriser la circulation sur leur territoire de véhicules [...] qui ne sont pas conformes aux caractéristiques indiquées à l'annexe I points 1.3, 2, 3, 4.1 et 4.3 », mais seulement « pour le transport national de marchandises » (article 4, paragraphe 2) , à la double condition que les autorisations soient délivrées « sur la base de modalités non discriminatoires » (article 4, paragraphe 3) « n'affectant pas de façon notable la concurrence internationale dans le secteur des transports » (article 4, paragraphe 4) . »

2° Lorsqu'elles ont rejoint l'Union européenne le 1 er janvier 1995, la Suède et la Finlande avait déjà autorisé la circulation sur leur territoire de mégacamions atteignant 25,25 mètres et pesant 60 tonnes.

3° Sur le plan institutionnel, l'initiative de proposer une directive ou de la modifier appartient exclusivement à la Commission européenne , mais le Parlement européen dispose d'un pouvoir de codécision , cependant que les questions d'interprétation sont tranchées en dernier ressort par la Cour de justice de l'Union européenne .

Or, ce n'est pas la Cour de justice, mais le commissaire aux transports et vice-président de la Commission, M. Siim Kallas, qui, s'exprimant ès-qualités, a formulé, le 13 juin 2012, son interprétation de la directive 93/53, dans un courrier adressé à M. Brian Simpson, qui présidait alors la commission des transports et du tourisme au Parlement européen. Tout en reconnaissant que la directive n'était pas complètement dénuée d'ambiguïté, la missive estimait que le texte de 1996 ne comportait aucune interdiction au franchissement de frontières intracommunautaires par des mégacamions, dès lors que chacun des États membres concernés avait déjà autorisé leur circulation sur son territoire.

Ce vice-président de la Commission européenne prenait soin d'ajouter deux arguments :

- une interprétation plus restrictive de la directive conduirait les chauffeurs à détacher une remorque juste avant de passer la frontière pour la fixer de nouveau quelques mètres plus loin ;

- si l'interdiction de franchir la frontière devenait effective, elle induirait une distorsion de concurrence sur le territoire de l'État d'arrivée pour d'éventuelles opérations de cabotage, les poids lourds entrants ne disposant pas de capacités comparables à celles des véhicules déjà présents sur le territoire.

Voyant dans ce courrier une atteinte à ses attributions, le Parlement européen a réagi sur un mode énergique, puisque son président, M. Martin Schulz, s'est adressé par écrit au président de la Commission européenne, M. José Manuel Barroso. Celui-ci a soutenu son vice-président, qui avait fourni « une orientation additionnelle » sur un sujet épineux, en se fondant sur l'opinion des services juridiques de la Commission européenne.

Cependant, la Commission a finalement choisi de donner satisfaction au Parlement européen en soumettant un nouveau texte au législateur européen.

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