D. DISCOURS DE M. MARTIN SCHULZ, PRÉSIDENT DU PARLEMENT EUROPÉEN

M. Martin Schultz a introduit son propos en rappelant les points communs entre les deux assemblées. Loin de se limiter aux nécessaires contacts institutionnels, le lien qui s'est établi entre elles se noue au travers d'une communion de lieu et de personnes qui a permis de bâtir une histoire commune.

La Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales a été, au moment de sa signature, le 4 novembre 1950, un formidable promoteur des droits de l'Homme, développant dans l'Europe d'après-guerre l'idée que tout être humain, indépendamment de son origine, sa religion, sa race ou son sexe, dispose de droits inaliénables. Elle a aussi initié le concept d'unité européenne. Le Conseil de l'Europe est désormais, en quelque sorte, la conscience de l'Europe. Il a pu le prouver après les révolutions en Europe centrale et orientale, en accompagnant ces sociétés européennes vers la démocratie. Il le prouve aujourd'hui en proposant un contrepoids démocratique à la toute-puissance économique.

Que ce soit au travers des résolutions adoptées par l'Assemblée, les rapports de la Commission de Venise ou les arrêts de la Cour européenne des droits de l'Homme, le Conseil de l'Europe fait preuve d'un savoir-faire indéniable que le Parlement européen a pu constater à l'occasion de l'organisation de missions communes d'observations électorales dans les pays de l'OSCE. La recherche de synergies appelle aujourd'hui à un renforcement de la coopération entre les deux assemblées, par une synchronisation de leurs sessions ou tout au moins de leurs travaux.

Le rapport sur internet et la politique présenté le matin même par Mme Anne Brasseur devant l'Assemblée illustre bien cette communauté d'objectifs, le Parlement européen ayant adopté récemment une directive relative à la protection des données.

L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et le Parlement européen sont ainsi souvent confrontés aux mêmes problématiques, qu'il s'agisse de promouvoir la démocratie ou de lutter contre la persistance de la peine de mort dans les pays voisins. À cet égard, le cas de la Turquie est révélateur : ses remarquables progrès ne font pas oublier aux deux assemblées leur attachement au respect de la liberté de la presse.

La situation de l'Ukraine inquiète tant l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe que le Parlement européen. Leurs efforts conjoints ont déjà permis la mise en place d'une mission de médiation composée de l'ancien président du Parlement européen, Pat Cox, et de l'ancien président polonais, Aleksander Kwasniewski, afin d'obtenir la libération de Mme Timochenko. Ces derniers se sont rendu vingt-sept fois en Ukraine en l'espace de dix-huit mois.

La protection des droits et libertés en Europe n'est pas négociable. Les critères de Copenhague auxquels doivent répondre les candidats à l'adhésion à l'Union européenne constituent un préalable essentiel, mais aucun instrument de suivi dynamique n'a encore été mis en place. La Commission devrait faire prochainement des propositions afin de pallier cette insuffisance, mais elle a fort à faire et il existe déjà un tel mécanisme au sein du Conseil de l'Europe.

M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne - UMP) a remercié M. Martin Schultz pour avoir oeuvré au rapprochement des deux assemblées au cours de leur présidence respective :

« Monsieur le Président, cher Martin - tu me permettras de continuer à te tutoyer -, je veux pour commencer te remercier, parce que l'une de mes grandes priorités au cours de ces deux années fut d'enrichir et de développer des relations étroites avec l'Union européenne ; or grâce à toi, à Elmar Brok, à tefan Füle et à Joseph Daul, nous avons pu progresser en la matière.

Je te remercie aussi parce que tu avais promis de venir t'exprimer devant cet hémicycle et que tu l'as fait. Le respect de la parole donnée est quelque chose d'important, qui n'est malheureusement pas systématique.

Ensemble, nous avons fait avancer l'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'Homme. Il faut continuer dans cette voie.

Enfin, l'Union européenne a une politique dynamique et ambitieuse en matière de voisinage. S'il vous plaît, menez-la en étroite coordination avec le Conseil de l'Europe ! »

Le président du Parlement européen lui a répondu :

« Monsieur Mignon, je ne pourrais malheureusement pas vous rendre votre tutoiement, car M. Papadimoulis risque de dire à toute la Grèce que je tutoie la droite française !

S'agissant de la politique de voisinage, le Conseil de l'Europe est bien entendu notre partenaire privilégié. Je viens de le déclarer, et je ne saurais être plus clair.

Permettez-moi de prendre un instant, Madame la Présidente, pour remercier votre prédécesseur et rendre hommage à son engagement. Il a beaucoup fait pour améliorer les relations entre nos deux institutions - avec succès, comme son tutoiement le prouve ! »

Au cours des échanges avec l'Assemblée, Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées - SOC) a interrogé le président du Parlement européen sur son sentiment sur les liens entre Europe et Afrique :

« Monsieur le Président, l'Afrique sera fort probablement le grand continent du XXI e siècle avec 2 milliards d'habitants. L'Europe, la Méditerranée et l'Afrique sont dans le même fuseau horaire. L'Europe a-t-elle pris la dimension de cette future grande région mondiale Nord-Sud ? Et pourquoi se sent-elle si peu concernée par l'instabilité de l'Afrique ? »

Le président du Parlement européen lui a répondu :

« Madame Durrieu, merci de votre question sur l'Afrique. Soyez rassurée, le Parlement européen prend très au sérieux le développement de l'Afrique. Nos relations avec l'ensemble des États de ce continent et non pas seulement certains pays sont approfondies et font l'objet d'une attention soutenue.

En ma qualité de président du Parlement européen, je me suis adressé l'an dernier à l'Assemblée générale du Parlement panafricain. Nous avons approfondi nos relations avec les Parlements africains dans le cadre de la coopération interparlementaire. Toutefois, si le Parlement européen s'engage en tant que tel, pour autant, cela ne signifie pas que l'Union européenne prenne suffisamment au sérieux les relations euro-africaines.

Mon expérience de président en exercice entre 2012 et 2013 de l'Assemblée parlementaire de l'Union pour la Méditerranée m'a prouvé la richesse que constituaient les relations et la coopération qui nous unissaient à l'Afrique. Prenons l'exemple de l'Union pour la Méditerranée. Une vue réaliste de la situation actuelle dans le nord de l'Afrique, au Maghreb, dans le monde arabe, nous montre que le processus de transformation n'est pas encore achevé. De quoi ont donc besoin ces États ? Du renouvellement de leurs infrastructures, d'un système médical durable, d'une agriculture durable, d'infrastructures commerciales, aériennes, ferroviaires. Mais une agriculture durable suppose des conditions qui passent par l'aménagement de la distribution de l'eau. C'est un gros problème, notamment en Égypte.

L'Afrique représente des potentialités énormes d'investissement. Qui pourrait investir, appuyer les partenaires sur place, leur apporter la connaissance, une capacité d'investissement et l'expertise nécessaire si ce ne sont les États de l'Union européenne de la Méditerranée ? Une Union de la Méditerranée est une chance pour le nord de l'Afrique et pour le sud de l'Europe, une opportunité qui, selon moi, est totalement sous-estimée. J'espère que cela changera dans un temps proche. »

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