B. DES DÉSÉQUILIBRES ORIGINELS QUI N'ONT CESSÉ DE S'AMPLIFIER

1. La Guyane, parent pauvre de l'UAG
a) Un pôle guyanais constamment en marge du processus décisionnel central de l'UAG

Afin de contrebalancer l'installation du siège du vice-rectorat des Antilles et de la Guyane à Fort-de-France en Martinique, le siège du CUAG est installé, dès sa création effective en 1971, à Pointe-à-Pitre en Guadeloupe. Cette répartition territoriale des centres de responsabilités académique et universitaire instaure un équilibre fragile dont le coût est en grande partie pris en charge par les collectivités territoriales antillaises. Le conseil général de la Guadeloupe assure ainsi, initialement, le financement des locaux du siège du CUAG.

Dès l'origine, la Guyane ne pèse que très peu dans le processus décisionnel central du centre universitaire. Face à la rivalité ancienne entre la Martinique et la Guadeloupe, elle rencontre les plus grandes difficultés à trouver sa place dans les décisions stratégiques qui déterminent le développement et l'avenir d'un établissement qui se veut, pourtant, tripolaire.

Depuis le début des années 1970, ni le CUAG ni l'UAG n'ont connu, à aucun moment de leur histoire, une présidence directement issue du pôle guyanais . En effet, depuis l'élection du premier président du CUAG le 12 avril 1972, on dénombre sept présidents d'origine martiniquaise et trois présidents issus de la Guadeloupe. L'enseignement supérieur antillo-guyanais a ainsi été dirigé pendant près de 19 ans par des universitaires martiniquais et 23 ans par des universitaires guadeloupéens. De 1982 à 2006, on constate une alternance des mandats présidentiels entre martiniquais et guadeloupéens relativement bien respectée 24 ( * ) . Néanmoins, depuis 2006, trois universitaires originaires de la Martinique se sont succédé à la présidence de l'UAG.

PÔLE DE RATTACHEMENT DES PRÉSIDENTS DU CUAG ET DE L'UAG DEPUIS 1972

Mandat

Nom du président

Pôle de rattachement du président

1972-1977

Jacques Adélaïde-Merlande

Guadeloupe

1977-1982

Roland Thesauros

Guadeloupe

1982-1989

Philippe Saint-Cyr

Martinique

1989-1994

Jacques Portecop

Guadeloupe

1994-1998

Jean-Claude William

Martinique

1998-2001

Jacqueline Abaul

Guadeloupe

2001-2006

Alain Arconte

Guadeloupe

2006-2009

Georges Virassamy

Martinique

2009-2013

Pascal Saffache

Martinique

2013-...

Corinne Mencé-Caster

Martinique

La volonté des collectivités territoriales antillaises de renforcer leurs infrastructures universitaires afin de consolider leur poids respectif dans l'orientation stratégique de l'université et de « capter » l'effet de levier de l'établissement pour le rayonnement de leur territoire ne fait qu'accentuer des déséquilibres territoriaux qui cantonnent la Guyane en marge du développement de l'enseignement supérieur dans la zone. Selon MM. Jean-Claude William et Philippe Saint-Cyr, anciens présidents de l'UAG rencontrés par vos rapporteurs lors de leur déplacement aux Antilles, la création de l'UFR de STAPS et de l'UFR de médecine, dont les sièges sont attribués à la Guadeloupe, marque le début de ces déséquilibres. Les territoires antillais cherchent, dans un premier temps, à se neutraliser en doublonnant les formations universitaires : l'UFR de droit et d'économie en Guadeloupe et le département scientifique interfacultaire en Martinique en sont l'illustration flagrante.

Le développement d'une offre de formations supérieures de plus en plus pluridisciplinaire en Guadeloupe accentue un sentiment d'injustice profond vécu par la « périphérie » guyanaise, déjà fortement nourri par les statuts de l'université antérieurs à 2009 qui ne traitent pas les trois territoires de façon égalitaire , en réservant aux représentants des personnels installés en Guadeloupe plus de la moitié des sièges au sein du conseil d'administration de l'établissement. Face aux inégalités de traitement et au malaise grandissant entre les trois pôles, se mettent en place, à la suite des états généraux de l'université en 1995, des réunions locales sur les campus des trois territoires qui se convertissent rapidement en conseils universitaires régionaux (CUR). Chaque CUR dispose d'une organisation particulière.

L'institut d'enseignement supérieur de la Guyane (IESG), fondé en 1992, ne propose, initialement, que quelques formations littéraires et juridiques, dans le prolongement des enseignements des UFR de sciences humaines et juridiques de Martinique. Hormis la présence de quelques chargés d'enseignement guyanais, les cours sont très largement assurés sur le pôle guyanais par des enseignants issus des composantes martiniquaises et, en moindre mesure, par des enseignants détachés d'universités hexagonales ou du pôle guadeloupéen.

Pendant trop longtemps, le développement de l'enseignement supérieur en Guyane a été exclusivement examiné à travers le prisme « spatial » , en raison de l'installation du Centre spatial guyanais à Kourou. La volonté, matérialisée par la création de l'IUT de Kourou en 1988, de faire émerger un enseignement technologique de qualité fortement adossé à l'activité spatiale est, certes, louable car elle offre la possibilité à une partie des jeunes Guyanais de développer des compétences en adéquation avec les besoins d'un des principaux secteurs d'activités générateurs d'emploi et de rayonnement scientifique du territoire. L'IUT a alors pour ambition de permettre aux jeunes guyanais d'assumer les fonctions liées à des postes d'encadrement intermédiaire dans l'ingénierie spatiale. Les débuts de cet enseignement technologique ont été difficiles étant donné l'étroitesse des moyens disponibles : les premiers cours de l'IUT ont été assurés par deux enseignants détachés par le Centre national d'études spatiales (CNES).

Toutefois, résumer la vocation de l'enseignement supérieur en Guyane aux seules formations technologiques courtes en lien avec l'activité spatiale (électronique et mécanique en particulier) est réducteur et dénote une profonde méconnaissance de l'ampleur de l'enjeu d'élévation des connaissances de la jeunesse guyanaise . Selon le professeur Jacques Blamont, auteur avec M. Henri-Claude Dédé d'un rapport publié en 2001 sur la pertinence et les conditions de la création d'une université de plein exercice en Guyane 25 ( * ) , une certaine « myopie » de l'administration centrale en France métropolitaine dans la conception de l'enseignement supérieur en Guyane empêche, originellement, les pouvoirs publics de prendre pleinement conscience du contexte particulier du territoire et des besoins d'enseignement (tous cycles confondus) qui en découlent. La Guyane se caractérise par une croissance démographique exceptionnelle , une population très jeune, une grande hétérogénéité culturelle, sociale et géographique, une part importante de la population étrangère (notamment clandestine) et une forte prévalence du travail précaire et de l'emploi irrégulier.

b) Un sentiment croissant de déni des spécificités guyanaises et de remise en cause systématique de l'autonomie de gestion des composantes universitaires de Guyane

Comme l'a rappelé M. Ollivier Tamarin, directeur de l'IUT de Kourou, lors de son audition par la délégation de votre groupe de travail 26 ( * ) , l'IUT a initialement bénéficié d'une forte autonomie pédagogique et de fonctionnement , conformément à l'esprit initial de l'article 33 de la « loi Savary » 27 ( * ) : « en se fondant sur l'article 33 «dur», le conseil de l'institut était compétent pour gérer l'institut dans l'ensemble de ses périmètres stratégiques : aussi bien les finances, le budget et la formation que la politique de recrutement et la définition de son plan stratégique, notamment en matière de développement, de recherche, de transfert de technologie... Il revenait ensuite au directeur de l'institut de porter cette stratégie auprès du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, en s'appuyant sur un projet qui s'inscrivait nécessairement dans le contrat quadriennal de l'établissement dont il faisait partie. Sur la base de ce projet, les moyens étaient fléchés et sanctuarisés par le ministère vers l'IUT. Les présidents de l'université n'étaient pas en capacité d'infléchir le projet de l'institut et les moyens correspondants dès lors qu'ils avaient été actés par le ministère. »

L'article L. 713-9 du code de l'éducation consacre, en effet, l'autonomie financière des instituts afin de tenir compte de leurs exigences de développement. À ce titre, il est précisé que « les ministres compétents peuvent leur affecter directement des crédits et des emplois attribués à l'université ». Les directeurs d'institut disposent, en outre, d'un pouvoir de veto sur toute affectation dans leur composante.

Selon M. Tamarin, la loi n° 2005-380 du 23 avril 2005 d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école, dite « loi Fillon », et la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, dite « loi LRU », ont largement contribué à changer la donne dans l'évolution des équilibres entre les trois pôles de l'UAG, généralement au détriment de la Guyane.

En prévoyant l'intégration à terme des IUFM au sein des universités, la « loi Fillon » tend à renforcer le sentiment d' affaiblissement continu de la capacité d'autonomie de l'une des rares structures guyanaises de formations supérieures encore habilitée à contractualiser directement avec l'État.

La « loi LRU », en renforçant les prérogatives des présidents d'université et de leur conseil d'administration dans la définition et l'exécution des orientations stratégiques de l'établissement, conduit, selon la plupart des responsables universitaires guyanais rencontrés par la délégation de votre groupe de travail, à vider de sa substance l'article L. 713-9 du code de l'éducation sur l'autonomie de gestion des instituts. Seul le président de l'UAG dialogue désormais directement avec le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche dans l'évaluation des besoins et la répartition des moyens de l'établissement. Les directeurs d'institut n'ont plus les moyens de faire valoir leurs spécificités auprès de l'administration centrale et d'obtenir en conséquence un fléchage et une sanctuarisation de leurs moyens propres . La globalisation du budget de l'université, conséquence directe de la loi LRU, débouche sur une dilution des moyens spécifiques à chaque institut universitaire, et donc sur des transferts de moyens et de postes, décisions sur lesquelles les directeurs d'institut, particulièrement en Guyane, n'ont pas le sentiment de pouvoir peser en l'absence d'un dialogue contractuel véritablement formalisé entre l'UAG et ses instituts.

Les responsables universitaires guyanais regrettent que les conditions ne soient désormais plus réunies pour permettre aux instituts de se développer dans le cadre d'une réelle autonomie et se plaignent de l'incapacité de l'administration centrale de l'UAG à prendre la mesure des besoins de croissance et de diversification de l'offre d'enseignement supérieur en Guyane.

M. Tamarin souligne ainsi que la dotation de fonctionnement de l'IUT de Kourou s'établit, en 2014, à 114 000 euros, contre 500 000 euros en 2008, soit une diminution supérieure à 77 %, sur un budget total de la composante estimé à 1,2 million d'euros pour ses quatre sites, largement alimenté par les ressources propres de l'institut tirées de ses activités. Il souligne que ces diminutions ont été décidées en l'absence de dialogue de gestion, les directeurs d'institut n'ayant même pas l'opportunité de présenter devant les responsables des instances centrales de l'UAG les frais réels de leur fonctionnement.

Dans ces conditions, se développe en Guyane un fort sentiment d'injustice consécutif à la non prise en compte des attentes spécifiques de la communauté universitaire du pôle guyanais, en particulier s'agissant de la répartition des emplois, du fonctionnement des services communs et de la qualité des services étudiants comme le sport ou la restauration universitaires . Les dénonciations se multiplient à l'encontre de la direction centrale de l'UAG en Guadeloupe accusée de « capter » ou de « détourner » une partie des postes des composantes guyanaises ou de procéder à des affectations d'opportunité et non adaptées aux besoins pédagogiques du pôle guyanais. Le directeur de l'IUT insiste ainsi sur le fait que sa composante s'est vu retirer cinq postes depuis 2009, sans aucune concertation préalable. Plusieurs responsables universitaires guyanais se sont également émus d'un redéploiement de trois postes du pôle guyanais vers les Antilles, dont un retiré à l'IUT, en 2011.

L'incapacité des directeurs des instituts universitaires guyanais à peser sur des décisions aussi stratégiques que des redéploiements de postes nourrit un sentiment de défiance croissant au sein de la communauté universitaire guyanaise vis-à-vis de la direction centrale de l'UAG .

Un exemple de dysfonctionnement dans les relations entre les instances dirigeantes de l'UAG et le pôle guyanais a particulièrement marqué la délégation de votre groupe de travail. Le seul poste de professeur des universités de l'IUT de Kourou, vacant depuis 2005, a été publié sous les 61 e et 63 e sections du Conseil national des universités (CNU) (« Génie informatique, automatique et traitement du signal » ; « Génie électrique, électronique, photonique et systèmes) pour une affectation à son département « Génie électrique et information industrielle ». Or, le comité de sélection mis en place par l'université a décidé de positionner sur ce poste un professeur de mathématiques, relevant de la 26 e section du CNU (« Mathématiques »), alors même que le département de l'IUT concerné ne prévoit aucune heure de cours de mathématiques dans ses parcours de formation.

Dans ces conditions, l'IUT se serait vu affecter un professeur des universités nécessairement contraint d'assurer son service d'enseignement en dehors de sa composante d'affectation. Une telle affectation équivaudrait, en pratique, à une perte de poste pour l'IUT. Malgré l'opposition du directeur de l'IUT manifestée à maintes reprises aussi bien auprès du comité de sélection que du conseil d'administration, ce dernier décide de valider le classement des candidatures proposé par le comité de sélection. En conséquence, le directeur de l'IUT oppose son veto à cette nomination, sur le fondement du quatrième alinéa de l'article L. 713-9 du code de l'éducation, en faisant valoir que les candidatures retenues ne correspondent pas au profil du poste publié et qu'un tel recrutement discordant porterait atteinte aux intérêts de l'administration de son institut dès lors que le département concerné pâtit déjà d'un sous-encadrement chronique. La décision du directeur a logiquement été confirmée par le Conseil d'État en 2013 28 ( * ) .

L'année suivante, l'IUT a de nouveau sollicité auprès du conseil d'administration de l'UAG la publication de l'emploi en question, une demande qui a finalement été rejetée. M. Tamarin, qui souligne l'absence de justification par les instances dirigeantes de l'UAG de ce refus, déplore en conséquence « le sentiment a minima de non prise en compte des ambitions guyanaises, voire l'impression d'une utilisation de la Guyane comme variable d'ajustement en dehors de toute prise en compte des projets locaux ».

2. Une université marquée par des dysfonctionnements multiples : le poids des féodalités et du pouvoir d'obstruction

Plusieurs interlocuteurs de la délégation du groupe de travail pendant son déplacement ont dénoncé le fait que certains responsables de composante, dès lors que le pouvoir décisionnel de gestion relevait en dernier ressort du conseil d'administration de l'établissement et de son président, étaient prompts à exercer d'autres leviers de pression afin de faire prévaloir leurs intérêts propres sur ceux de l'université.

Dans son rapport d'évaluation de 2010 de l'UAG préalablement à son passage aux responsabilités et compétences élargies (RCE) dans le cadre de la « loi LRU » 29 ( * ) , l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR) s'interroge sur la portée opérationnelle des lettres de cadrage financier adressées par le président de l'université aux responsables de composante, en relevant qu' « on retrouve dans chaque lettre l'incantation sur la nécessaire diminution des heures complémentaires sans qu'aucune avancée ne soit constatée sur la période auditée 2006-2009 ».

Les personnes rencontrées par la délégation de votre groupe de travail partagent très largement le sentiment d'un dialogue de gestion très insuffisant voire inexistant entre les instances dirigeantes de l'université et certaines composantes. Les échanges entre, d'une part, la commission des moyens de l'université chargée d'élaborer le projet de budget et, d'autre part, les UFR et les services portent essentiellement sur des aspects techniques et abordent très rarement des questions de développement stratégique.

La Cour des comptes, dans son rapport de 2012 sur l'UAG 30 ( * ) , estime pour sa part que « la gestion budgétaire de l'université au cours des exercices examinés [2005-2010] apparaît ainsi peu efficiente » et qu' « en l'état le budget de l'université constitue un instrument de pilotage et de gestion à la portée limitée », compte tenu des taux d'exécution budgétaire « médiocres » observés sur toute la période considérée (entre 60,6 % en 2005 et 67,6 % en 2008) et du manque chronique de contrôle de la conformité des reports de crédits aux besoins annuels effectifs et justifiés. L'IGAENR, dans son rapport précité de 2010, constate pour sa part « les effets contre-productifs de l'absence d'arbitrage concernant la répartition des charges de fonctionnement entre les PUR et les composantes ou bien l'inadéquation entre les règles de répartition affichées et les moyens attribués. Autant de sujets qui empoisonnent les relations et la gestion au quotidien des directeurs, des responsables administratifs et de leurs équipes. »

Les deux derniers contrôles de la Cour des comptes et les évaluations de l'IGAENR mettent ainsi en relief les difficultés persistantes rencontrées par les instances dirigeantes de l'UAG qui se sont succédé au cours de la dernière décennie à garantir l'unité de l'établissement autour d'objectifs partagés sur la base d'orientations politiques et budgétaires stratégiques fortes, assorties de normes d'exécution budgétaire et comptable fiables. Si la juste répartition et le rééquilibrage des moyens entre pôles ont constitué des engagements affichés des deux derniers présidents de l'UAG, force est de constater que les mesures concrètes qu'ils appellent (redéploiements effectifs de postes en faveur de la Guyane en premier lieu) n'ont pu être mises en oeuvre en raison des fortes résistances opposées par certaines composantes (UFR, laboratoires de recherche...) qui jouissent traditionnellement d'une influence considérable, voire d'un pouvoir d'obstruction dans le processus décisionnel central de l'université.

Plusieurs interlocuteurs ont dénoncé les comportements de « chapelles » de certaines facultés ou laboratoires et les efforts répétés d'un certain nombre de responsables de composantes pour entraver toute tentative de la présidence de l'UAG de procéder à des redéploiements d'emplois en faveur du pôle guyanais ou de composantes en voie de développement (DPLSH, DSI...).

Votre groupe de travail constate, en effet, que le conseil d'administration de l'UAG a adopté, par une délibération en date du 30 novembre 2011 31 ( * ) , le principe de la mise en place d'un dispositif, appelé « bourse des emplois » , visant à permettre « aux composantes ayant été identifiées comme «nécessiteuses» de bénéficier d'emplois vacants ». Ont été déclarées éligibles à ce dispositif les composantes suivantes : le département pluridisciplinaire de lettres et sciences humaines de Guadeloupe, le département scientifique interfacultaire de Martinique, l'IUT de Kourou et l'IESG. Pour la constitution de cette bourse d'emplois, il était prévu que « dans chaque composante, 70 % des supports vacants seront laissés à la composante et 30 % tomberont dans un pot commun ou pourront être prêtés pour une durée limitée ». Le dispositif a été adopté par le conseil d'administration par 17 voix pour, 5 contre et une abstention.

Alors que ce dispositif devait entrer en vigueur à partir d'avril 2012, plusieurs responsables des composantes qui auraient dû en bénéficier ont indiqué que la décision du conseil d'administration n'a jamais été appliquée dans les faits. Ils ont fait état auprès de la délégation de votre groupe de travail de plusieurs dysfonctionnements dans la répartition équitable des postes, en relevant que les UFR les mieux dotées dans certaines disciplines ont continué de capter les recrutements , en méconnaissance de la règle du gel des recrutements pour les composantes identifiées comme non déficitaires.

À titre d'exemple, le seul recrutement auquel le DSI de Martinique, composante reconnue comme déficitaire, a pu procéder correspond à un poste de maître de conférences (MCF) en biologie en 2012-2013. Or, il s'agissait là d'un support qui lui avait été déjà attribué de longue date à la suite d'une négociation ancienne entre l'ancien directeur de l'IUFM et la présidence de l'UAG. À l'inverse, des incohérences sont constatées dans la mise en oeuvre de la politique de redistribution équilibrée des postes entre composantes : pour l'année 2012-2013, alors que le recrutement d'un chimiste avait été refusé au DSI qui n'en dispose toujours d'aucun, l'UFR de sciences exactes et naturelles a été autorisé à recruter un nouveau professeur de mathématiques, alors que cette discipline est d'ores et déjà « sur-encadrées » sur le campus de Fouillole. En effet, certains enseignants sont en sous-service, en dépit du fait qu'ils dispensent des enseignements hors du pôle guadeloupéen (Brésil, Guyane, Haïti...) et disposent de décharges importantes au titre de leur participation aux instances dirigeantes et aux organes statutaires de l'établissement.

Alors que la question du redéploiement des postes au profit des composantes qui manifestent les besoins les plus urgents avait été placée au coeur du projet de campagne de l'actuelle présidente de l'UAG, Mme Corinne Mencé-Caster, la délégation de votre groupe de travail a pris la mesure des résistances manifestées par les conseils consultatifs de chacun des deux pôles antillais face à la perspective de céder des postes à des composantes non présentes sur leur territoire respectif :

- le conseil consultatif du pôle guadeloupéen a voté, le 26 septembre 2013, une résolution par laquelle il indique qu' « il adhère en premier lieu au redéploiement intra-pôle. En cas de redéploiement inter-pôle, des discussions, des critères validés par tous, l'adhésion des doyens sont indispensables. L'UFR SEN a déjà oeuvré dans le cadre de l'inter-pôle, en faisant l'effort vers le DSI. Maintenant, il appartient à l'UFR des lettres d'aider le DPLSH » 32 ( * ) . Dans ces conditions, la présidente de l'université, après négociation avec les responsables de l'UFR de lettres et sciences humaines de Martinique, a prononcé l'octroi de deux postes au département pluridisciplinaire de lettres et sciences humaines installé sur le campus de Saint-Claude en Guadeloupe ;

- la question du redéploiement des postes avait été inscrite à l'ordre du jour du conseil d'administration prévu pour le 15 octobre 2013, qui n'a finalement pas pu se tenir en raison des troubles survenus en Guyane.

Dans la mise en oeuvre de procédures formalisées de gestion comptable permettant d'assurer un respect uniforme des normes d'exécution budgétaire, dans le respect de la légalité, la présidence de l'UAG a souligné dans son rapport d'auto-évaluation de l'université de 2013 33 ( * ) s'être heurtée à de multiples résistances internes, en citant notamment « des collaborations difficiles entre les chefs des grands domaines administratifs par ailleurs «propriétaires» des principaux processus existants ». Il s'agit d'un exemple parmi tant d'autres illustrant la forte capacité d'inertie d'un grand nombre de services, administratifs ou pédagogiques. Ces résistances ont été particulièrement préjudiciables à l'amélioration de la qualité de gestion de l'établissement, sur des sujets pourtant cruciaux pour son équilibre financier tels que la gestion des heures complémentaires .

À l'évidence, il existe des marges d'amélioration considérables dans la gestion de l'université, en matière de transparence des procédures (notamment des décisions de publications de postes et de leurs justifications, de paiement des services effectifs et de constatation des heures complémentaires...). La mise en oeuvre d'un système d'information unique et interopérable pour l'ensemble des services de l'université, si elle constitue de toute évidence un objectif louable et même incontournable, semble n'être pour l'instant qu'une perspective encore bien lointaine.

3. L'ordonnance de 2008 : une gouvernance tripolaire mais sans rééquilibrage effectif
a) Le précédent des conseils universitaires régionaux

En raison de sa distribution territoriale sur trois régions d'outre-mer monodépartementales, l'UAG a dû très tôt expérimenter des modes de fonctionnement lui permettant de tenir compte des spécificités de chacun de ses territoires d'implantation et de garantir l'unité de l'établissement autour d'une stratégie et d'une identité partagées. Il est intéressant de noter que l'UAG a organisé , au cours d'une histoire émaillée de multiples périodes de fortes tensions et de crises, plusieurs assises et espaces de réflexion commune sur son avenir institutionnel qui l'ont conduite régulièrement à tester sa capacité d'adaptation et d'évolution et à renforcer, dans le même temps, sa place singulière dans le paysage universitaire français.

À l'issue des assises de l'UAG de 1996-1997 , ont ainsi été mis en place des conseils universitaires régionaux (CUR), créés par une délibération du conseil d'administration de l'établissement en date du 17 décembre 1997. Ces instances consultatives sui generis , implantées dans chacune des trois régions d'outre-mer, avaient pour mission de coordonner la réflexion commune sur les conditions de mise en oeuvre de la politique générale de l'université sur le territoire concerné et sur l'élaboration d'une politique régionale adaptée dans chacun des pays. Les CUR rassemblaient des représentants des composantes ou des services communs présents sur un même site universitaire, complétés par un représentant étudiant, un représentant des personnels ingénieurs, administratifs, techniques, ouvriers et de service (IATOS), de même que, le cas échéant, un représentant des collectivités territoriales partenaires (notamment les villes universitaires). Ils étaient présidés par le président de l'université, assisté d'un vice-président de CUR nommé par le conseil d'administration sur proposition du président.

Les services administratifs locaux correspondant à la partie déconcentrée de l'administration centrale sur les sites étaient alors placés sous l'autorité des vice-présidents de CUR et étaient animés par des responsables administratifs ayant qualité d'adjoints au secrétaire général de l'université. Dès la fin des années 1990, est donc mis en oeuvre un système de fonctionnement appelé à répondre, comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport de 2003 34 ( * ) , à une double logique : « d'une part une logique de déconcentration administrative permettant une gestion de proximité des affaires communes aux différentes composantes ou entités implantées dans chacune des régions concernées [...] ; d'autre part, une logique de décentralisation « politique » qui a pour objet d'assurer une coordination, au niveau de chaque site, de la stratégie de l'université au regard de son environnement régional et de constituer un instrument de représentation de l'UAG auprès des collectivités territoriales des trois régions concernées [...] ».

La mise en place des CUR constituait une innovation administrative par rapport au fonctionnement universitaire français traditionnel, marqué par une gestion fortement centralisée, et ne s'appuyait sur aucune disposition législative ou réglementaire, si bien que les missions qui leur étaient confiées ne pouvaient être que consultatives, les instances délibératives centrales de l'établissement (conseil d'administration - CA -, conseil scientifique - CS - et conseil des études et de la vie universitaire - CEVU -) demeurant les seules autorités décisionnelles. Néanmoins, afin de permettre à l'UAG de résister aux forces centrifuges (à l'origine de fortes tensions qui ont, à plusieurs reprises, débouché sur des crises graves) et de garantir un mode de fonctionnement conciliant le respect des identités territoriales et l'unité autour d'un projet stratégique partagé, l'ordonnance du 31 janvier 2008 35 ( * ) , prise en application de l'article 42 de la « loi LRU », a permis d'adapter la gouvernance de l'établissement à son organisation tripolaire .

b) L'ordonnance de 2008 : la conciliation d'un strict fédéralisme et du renforcement de la gestion de proximité sur les pôles

Cette ordonnance a inséré, au sein du code de l'éducation, un ensemble de dispositions applicables à l'UAG réunies dans un chapitre spécifique 36 ( * ) . Afin de reconnaître à chacun des trois pôles de l'établissement des compétences identiques, les articles L. 781-1 à L. 781-6 du code de l'éducation prévoient ainsi :

- que le conseil d'administration comprend 42 membres, soit un nombre bien supérieur au maximum prévu par la « loi LRU » (30 membres) ;

- une répartition égale des sièges, au sein de chacun des collèges (personnels enseignants, étudiants et IATOS) des conseils centraux (CA, CS et CEVU), entre les trois régions indépendamment du nombre de leurs étudiants et du poids de la recherche sur leur territoire respectif ;

- l'organisation de l'élection dans le cadre de chaque région ;

- l'institution de conseils consultatifs de pôle (CCP), inspirés du modèle des anciens CUR, composés des membres élus et nommés du conseil d'administration au titre de chaque région. Ils sont compétents sur toutes questions régionales, saisis obligatoirement pour avis par le président « sur les questions propres aux sites de l'université implantés dans cette région » et appelés à formuler des propositions ;

- la désignation d' un vice-président au titre de chaque région parmi les enseignants-chercheurs et personnels assimilés siégeant au conseil d'administration au titre de cette région, élu par le conseil d'administration sur proposition du président de l'université et après avis du conseil consultatif de pôle concerné ;

- l'élection par le conseil des études et de la vie universitaire (CEVU), outre du vice-président étudiant chargé des questions étudiantes pour l'ensemble de l'université, d'un vice-président étudiant au titre de chaque région ;

- l'institution d'un comité technique spécial dans chaque région chargé de connaître des questions d'organisation et de fonctionnement des sites propres à cette région ;

- des dérogations relatives aux conditions d'élection des membres des conseils centraux de l'université (exemption de la condition de représentation des grands secteurs de formation dans le CEVU et le conseil scientifique, inadaptée à l'organisation de la formation entre les trois pôles ; possibilité pour les membres élus de siéger au sein de plusieurs conseils centraux de l'université compte tenu du nombre limité d'enseignants-chercheurs dans certains pôles).

L'élément sans doute le plus déterminant prévu par l'ordonnance du 31 janvier 2008 visant à rendre possible une gestion à la fois déconcentrée et décentralisée dans chacune des trois régions est inscrit à l'article L. 781-3 du code de l'éducation : il s'agit de la possibilité pour le président de l'université de déléguer au vice-président de chaque pôle universitaire régional (PUR) sa signature, « notamment pour ordonnancer les recettes et les dépenses des composantes situées dans la région au titre de laquelle il a été désigné ».

c) Des possibilités offertes par l'ordonnance peu exploitées en pratique

Les statuts en vigueur de l'UAG, votés par son conseil d'administration les 30 mars et 1 er avril 2009, confirment, dans leur préambule, le principe selon lequel « l'U.A.G. est fondée sur un esprit régional lui permettant de mettre en oeuvre une politique efficace en vue de la décentralisation et de la déconcentration des moyens et des services ». Ils consacrent l'organisation de l'établissement en trois PUR dont le fonctionnement s'appuie sur les implantations locales des services communs et des services généraux de l'université, d'une part, et sur le service universitaire propre à chaque pôle, d'autre part.

Les statuts actent la possibilité pour le président de l'université de déléguer sa signature aux vice-présidents de pôle 37 ( * ) , sans pour autant réserver à cette procédure une place particulière ou un caractère systématique pour certaines questions fondamentales (notamment budgétaires ou de gestion quotidienne). La possibilité de délégation de signature aux vice-présidents de pôle est ainsi placée sur le même plan que celle qui pourrait être accordée aux vice-présidents des trois conseils centraux, au directeur général des services ou aux responsables de composantes ou de services administratifs.

Votre groupe de travail constate, en particulier, qu'il n'est nulle part fait mention explicite, à l'article 10 relatif aux compétences des vice-présidents de pôle, de la possibilité pour ces derniers d'être ordonnateurs secondaires des recettes et des dépenses dans le cadre de délégations de signature consenties par le président. La rédaction de ces dispositions laisse entendre que les vice-présidents de pôle restent cantonnés à un rôle purement consultatif, chargés d'animer la concertation et la vie du pôle et de représenter le président sur le pôle .

En pratique , les délégations de signature octroyées par le président de l'université aux vice-présidents de pôle ont essentiellement porté sur la gestion de crédits d'intendance (maintenance des équipements ou des bâtiments, réparation et consommation d'énergie et de fluides) et n'ont pas été utilisées pour alléger les procédures de gestion au quotidien . M. Philippe Forstmann 38 ( * ) , lors de son audition par votre groupe de travail, indique que « sur les questions essentielles, les vice-présidents de pôle n'ont pas de délégation de signature. On ne peut pas à proprement parler utiliser les termes de déconcentration les concernant, d'abord parce qu'il ne s'agit pas d'une délégation de pouvoir et ensuite parce que les délégations de signature sont en pratique de portée très limitée. » Dans son rapport d'évaluation précité de 2010, l'IGAENR concluait ainsi à une mise en oeuvre imparfaite des possibilités offertes par l'ordonnance dans le sens d'une gestion de proximité plus efficace au sein des PUR.

MISE EN oeUVRE DES POSSIBILITÉS OFFERTES PAR L'ORDONNANCE DE 2008 EN MATIÈRE DE GOUVERNANCE INSTITUTIONNELLE AU SEIN DE L'UAG

Procédures ou outils institution-nels concernés

Dispositions
de la « loi LRU » 39 ( * )

Adaptations de l'ordonnance de 2008 40 ( * )

Statuts de l'université

Mise en oeuvre pratique

Dispositions de la « loi Fioraso » de 2013 41 ( * ) (ordonnance requise pour application à l'UAG)

Élaboration de la stratégie de l'université

Présidence et équipe de direction

- Principe : un président doté de compétences exécutives qui assure la direction de l'université

- Conséquences : le président a autorité sur l'ensemble des personnels et est responsable de la trajectoire financière de l'établissement 42 ( * ) . Il est assisté d'un bureau et peut déléguer sa signature à différents responsables 43 ( * )

- Principe dérogatoire : possible déconcentration en région de la gestion de l'université

- Conséquences :
élection par le conseil d'administration d'un vice-président de pôle 44 ( * ) au titre de chaque région ( idem pour le conseil des études et de la vie universitaire (CEVU)) ;
possibilités larges de délégation de signature du président au vice-président de pôle, y compris en matière financière (ordonnancement des recettes et des dépenses des composantes du pôle)

- Institution d'un bureau du président, élu par le conseil d'administration sur sa proposition, composé de six membres dont les trois vice-présidents de pôle 45 ( * )

- Statuts en-deçà des possibilités de déconcentration de la gestion ouvertes par l'ordonnance : rôle des vice-présidents de pôle purement consultatif cantonné à la « représent [ation] » du président et à l' « anim [ation] de la concertation » sur le site, sans envisager explicitement de délégations de signature par le président pour des tâches de gestion budgétaire et financière

- Désignation par le CEVU d'un vice-président étudiant chargé des questions étudiantes et d'un vice-président étudiant au titre de chaque pôle

- Insuffisante coordination entre la présidence et les vice-présidents de pôle dans la mise en oeuvre d'une stratégie d'établissement cohérente et partagée

- Délégations de signature extrêmement limitées en pratique et non utilisées pour faciliter une gestion déconcentrée

Conseil d'adminis-tration (CA)

- Principe : resserrement du nombre de membres pour un conseil recentré sur sa fonction stratégique

- Conséquences : 20 à 30 membres répartis entre quatre collèges 46 ( * )

- Principe dérogatoire : représentation paritaire stricte des trois régions au sein de chacun des collèges

- Conséquences : effectif du conseil porté à 42 membres (14 × 3)

Strict respect de l'égale représentation des trois régions : 42 membres dont 9 professeurs, 9 représentants des autres personnels enseignants, 15 personnalités extérieures, 6 étudiants, 3 IATOS

- Difficultés à faire prévaloir l'intérêt supérieur de l'établissement sur les intérêts spécifiques de chaque pôle

- Alliances variables nécessaires car capacité de blocage en pratique par les représentants d'un pôle grâce à l'appoint de quelques voix de représentants d'autres pôles

- Principe : Rééquilibrage de la composition du conseil d'administration des universités en faveur des représentants des étudiants et des personnels BIATOSS

- Conséquences : augmentation de l'effectif du conseil des universités, de 24 à 36 membres

Autres conseils centraux : conseil scientifi-que (CS) et conseil des études et de la vie universitai-re (CEVU)

- Principe : cantonnement des autres conseils centraux à un rôle consultatif

- Conséquences : des conseils de 20 à 40 membres consultés ou pouvant émettre des voeux sur les politiques de recherche, de formation et de vie universitaire

- Principe dérogatoire : représentation paritaire stricte des trois régions au sein de chacun des collèges

- Conséquences : effectifs de chacun des deux conseils répartis à égalité entre chaque région d'outre-mer

Strict respect de l'égale représentation des trois régions : 27 membres pour le CS, 30 membres pour le CEVU, répartis à égalité entre chaque région

- Principe : réunion du CS et du CEVU au sein d'un conseil académique délibératif et consultatif

- Conséquences : un conseil académique composé de deux commissions (recherche ; formation et vie universitaire) dotées chacune de compétences délibératives

Conseils consultatifs de pôles

- Principe dérogatoire : prise en compte par le président des besoins spécifiques de chaque pôle

- Conséquences : institution dans chaque pôle d'un conseil consultatif composé des membres du CA élus ou nommés au titre de la région

Chaque conseil consultatif, composé des 14 membres représentant le pôle dans le conseil d'administration, est compétent pour identifier les besoins de formation, de vie étudiante et de ressources humaines du pôle et proposer au président des actions ou politiques spécifiques correspondant à ces besoins. Il peut proposer un « projet de pôle » en vue de l'élaboration du contrat liant l'université à l'État

Absence de transparence sur l'activité des conseils consultatifs, pas de publicité des saisines de ces conseils par le président, ni des propositions formulées ou du projet de pôle proposé

Dialogue social

Comité technique paritaire

Institution d'un comité technique paritaire consulté sur la politique de gestion des ressources humaines de l'établissement. Présentation à ce comité d'un bilan de la politique sociale de l'établissement.

Institution, par le président de l'université, dans chaque région, d'un comité technique paritaire spécial chargé de connaître des questions d'organisation et de fonctionnement des sites implantés dans la région.

La composition des comités techniques paritaires spéciaux est fixée dans le règlement intérieur de chaque pôle.

Organisa-tion administra-tive

Services universitai-res et composan-tes

L'organisation tripolaire oblige à concilier déconcentration (gestion de proximité) et décentralisation (prise en compte des enjeux politiques propres au site), d'où :

- une « administration générale » qui repose sur les services communs et généraux de l'université, avec des implantations locales dans chaque site ;

- des services universitaires de pôle concentrés sur le fonctionnement général du pôle ;

- des composantes souvent démultipliées (deux UFR 47 ( * ) « Droit et économie » en Guadeloupe et Martinique, des instituts propres à la Guyane, une UFR LSH 48 ( * ) en Martinique avec un département de LSH autonome en Guadeloupe...).

- Absence de clarification des compétences respectives entre services généraux et services universitaires de pôle

- Problème de la multiplicité des autorités politiques et administratives sur les différents services (président/vice-présidents ; DGS/DGS adjoints de pôle...), conflits hiérarchiques

- Services administratifs de pôle insuffisamment développés

- Redondances dans les formations avec des composantes démultipliées sur chaque site, autonomes sur le plan budgétaire et potentiellement « rivales », ce qui nuit à la cohérence de l'offre de formation et de recherche

Incitation à la mise en place de regroupements de composantes, dotés de compétences déléguées par le conseil d'administration, et institution d'un conseil des directeurs de composantes

Un organigramme administratif particulièrement complexe s'efforce de mettre en avant une déconcentration des services généraux à travers des antennes locales ou des services délégués ou une répartition entre pôles des services communs (sports et médecine préventive en Guadeloupe, documentation en Martinique et formation continue en Guyane). Mais la réalité quotidienne est bien différente. Les antennes des services généraux se résument bien souvent à des boîtes aux lettres ne permettant pas aux personnels de disposer dans le pôle d'un véritable service dédié chargé de régler le plus efficacement leurs affaires. En matière de gestion des ressources humaines notamment, les dysfonctionnements sont consternants avec une lenteur invraisemblable dans la circulation de l'information , les procédures ne pouvant compter que sur des systèmes informatiques au demeurant très peu performants et rarement interopérables (du moins jusqu'en 2010).

Mme Yolaine Tarade, responsable administrative du PUR de la Guyane, a fortement dénoncé les lourdeurs des procédures administratives. Elle estime que le refus constant des services centraux de la Guadeloupe d'accepter, au moins à titre temporaire, l'envoi de copies scannées de justificatifs afin d'autoriser le paiement de factures n'a fait qu'alimenter sur le pôle la perception d'un réel manque de confiance et de considération à l'égard des personnels guyanais. Pour autant, si cette observation peut suggérer le besoin d'alléger certaines procédures afin de lutter contre l'inertie administrative, les facilités de gestion accordées doivent être suffisamment calibrées pour ne pas mettre en péril la sécurité de la gestion comptable et la qualité des vérifications dans la remontée des factures. La mise à disposition de l'agent comptable des originaux du mandat et des pièces justificatives constitue une règle constante en comptabilité publique.

d) Des pôles écartés du traitement des questions stratégiques

Un constat largement partagé par les audits de la Cour des comptes et de l'IGAENR et l'évaluation de l'UAG par l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES) en 2009 : au sein de la gouvernance institutionnelle, les conseils consultatifs de pôle semblent n'avoir jamais véritablement trouvé leur juste place entre les composantes et les services centraux . Cantonnés à des questions logistiques , ils n'interviennent pas dans la définition de la politique de formation et de recherche sur le pôle, un enjeu stratégique monopolisé par les composantes et bien souvent discuté directement par celles-ci avec les services centraux.

Il convient également de rappeler que les taux de présence au sein des conseils consultatifs des PUR de la Guadeloupe et de la Martinique sont généralement faibles . En revanche, en Guyane, le conseil consultatif de pôle a beaucoup plus de réalité .

Le taux de présence au sein des conseils consultatifs du pôle Guadeloupe qui se sont tenus de novembre 2010 à janvier 2014 s'établit à 52,7 % en moyenne sur la période, après comptabilisation des procurations.

NOMBRE DE MEMBRES PRÉSENTS OU REPRÉSENTÉS AU SEIN DU CONSEIL CONSULTATIF DU PUR DE LA GUADELOUPE SUR LA PÉRIODE 2010-2014

Source : Université des Antilles et de la Guyane

Le taux de présence au sein des conseils consultatifs du pôle Martinique qui se sont tenus de mars 2010 à avril 2014 s'établit à 50,5 % en moyenne sur la période, après comptabilisation des procurations.

NOMBRE DE MEMBRES PRÉSENTS OU REPRÉSENTÉS AU SEIN DU CONSEIL CONSULTATIF DU PUR DE LA GUADELOUPE SUR LA PÉRIODE 2010-2014

Source : Université des Antilles et de la Guyane

En ce qui concerne le PUR de la Guyane, votre groupe de travail n'a pu traiter que les données concernant trois conseils consultatifs, qui se sont tenus les 6 juillet 2012, 26 avril 2013 et 26 septembre 2013. Pour ces conseils, le taux de présence des membres, après comptabilisation des procurations, s'établit respectivement à 71,4 %, 100 % et 71,4 %, soit un absentéisme significativement moins important que celui observé dans les PUR antillais. Toutefois, les difficultés rencontrées dans la collecte de données et d'archives exploitables pour le PUR de la Guyane témoignent du dénuement administratif dans lequel est plongé le pôle.

S'agissant des conseils centraux, si le quorum requis pour délibérer est toujours atteint, c'est souvent avec justesse, et après une campagne active pour obtenir des procurations. En pratique, cela signifie que le taux d'absentéisme dans les conseils consultatifs et les conseils centraux, particulièrement au conseil d'administration de l'UAG, est largement supérieur à 40 %. Par ailleurs, très peu de conseils d'administration de l'UAG se sont tenus en Guyane.

Le taux de présence constaté au sein des conseils d'administration qui se sont tenus de mai 2011 à décembre 2013, s'établit, après comptabilisation des procurations, à 69 % en moyenne sur la période, soit un niveau somme toute assez honorable en affichage. Toutefois, si l'on ne tient pas compte des personnes représentées, le taux de présence redescend à 56 % en moyenne sur la même période. Compte tenu des difficultés matérielles à réunir un conseil d'administration, la part des procurations est parfois importante : le nombre de personnes représentées a atteint 31 % du nombre total de membres au conseil d'administration du 8 juillet 2012, contre 52,4 % de membres effectivement présents.

Source : Université des Antilles et de la Guyane

En revanche, le taux de présence est plus important pour le CEVU et le CS. Après comptabilisation des procurations, il s'établit pour le CEVU, en moyenne sur les séances qui se sont tenues de février 2011 à octobre 2013, à 73 %.

Source : Université des Antilles et de la Guyane

En ce qui concerne le conseil scientifique, le taux de présence (membres représentés inclus) s'élève à 70 % en moyenne de juin 2011 à septembre 2013.

Source : Université des Antilles et de la Guyane

e) Une présidence à la fois puissante et isolée, contrainte de composer avec des majorités instables

Au sein du bureau chargé d'assister le président de l'université , élu par le conseil d'administration sur proposition du président, les trois pôles sont représentés par leurs vice-présidents, auxquels s'ajoutent trois autres membres, responsables de services communs ou de composantes, au titre de chaque région. Cet organe, censé impulser et préparer les décisions stratégiques soumises à l'examen du conseil d'administration, se réunit rarement. L'essentiel du pouvoir exécutif de l'établissement est, en réalité, exercé par le cabinet du président, dont le format varie en fonction des mandats, et de l'équipe dirigeante composée des vice-présidents des conseils centraux et des vice-présidents délégués désignés par le président.

Comme le souligne M. Philippe Forstmann, le strict fédéralisme dans la composition des conseils centraux de l'université conduit, en définitive, à conforter le pouvoir du président qui doit démontrer une certaine habilité à composer des majorités parfois hétérogènes , sur la base de concessions à chacune des parties en présence, aussi bien les pôles que les composantes. La stratégie de l'établissement est ainsi moins le résultat direct des élections conduites dans chaque pôle que le fruit des engagements du président pris a posteriori auprès de ses soutiens au sein du conseil d'administration au moment de son élection.

À cet égard, il convient de noter que la « loi LRU » a accentué les rivalités entre les territoires au moment de l'événement clé qu'est l'élection du président. Celui-ci était auparavant désigné par un congrès de 120 personnes issues des trois conseils centraux. Désormais, sous le régime de la « loi LRU », l'élection du président de l'UAG est le fruit d'alliances de circonstance entre représentants de pôle , les membres issus du pôle guyanais se retrouvant potentiellement en position d'arbitres face à la rivalité historique entre les deux pôles antillais pour la présidence.


* 24 Mme Abaul ayant été nommée rectrice de l'académie de Caen en 2001, l'intérim de sa présidence a été assuré par M. Arconte qui a, par la suite, été élu en 2002.

* 25 BLAMONT, Jacques, et DÉDÉ, Henri-Claude, Réalisme et vision - Texte du rapport « Blamont » sur la création d'une université en Guyane française , 2001, éditions du Conseil général de la Guyane.

* 26 Audition de M. Olivier Tamarin du 30 janvier 2014.

* 27 Codifié à l'article L. 713-9 du code de l'éducation.

* 28 Décision du 13 février 2013.

* 29 IGAENR, La situation de l'université des Antilles et de la Guyane au regard de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités , rapport n° 2010-109, décembre 2010.

* 30 Cour des comptes, troisième chambre, première section, Université des Antilles et de la Guyane - Exercices 2005 à 2010, relevé d'observations définitives, délibéré le 6 décembre 2013.

* 31 Délibération du conseil d'administration de l'UAG du 30 novembre 2011 n° 2011-3011-11.

* 32 Relevé des décisions du conseil consultatif du pôle universitaire régional de la Guadeloupe du jeudi 26 septembre 2013.

* 33 Rapport d'auto-évaluation d'octobre 2013.

* 34 Cour des comptes, troisième chambre, Université des Antilles et de la Guyane - Exercices 1999 à 2003 , relevé d'observations définitives, rapport n° 47818.

* 35 Ordonnance n° du 31 janvier 2008 portant adaptation de la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités aux universités implantées dans une ou plusieurs régions et départements d'outre-mer.

* 36 Chapitre unique au sein du titre VIII du livre VII de la troisième partie du code de l'éducation.

* 37 Article 8 des statuts de 2009.

* 38 Ancien inspecteur général de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche ayant participé à l'audit de l'UAG par l'IGAENR en 2010.

* 39 Loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités.

* 40 Ordonnance n° 2008-97 du 31 janvier 2008 portant adaptation de la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités aux universités implantées dans une ou plusieurs régions et départements d'outre-mer.

* 41 Loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche.

* 42 Ordonnateur des recettes et des dépenses de l'université.

* 43 Délégation de signature possible aux vice-présidents du conseil d'administration, aux membres élus de son bureau, au directeur général des services de l'université et aux responsables des composantes et des services communs de l'établissement.

* 44 Sur proposition du président de l'université et après avis des membres du conseil d'administration siégeant au titre de chaque région.

* 45 Peuvent être invités par le président tout membre des services de l'université ou tout responsable concerné par les questions traitées par le bureau.

* 46 Par ordre d'importance numérique : enseignants-chercheurs (collège lui-même divisé en deux collèges : professeurs et autres personnels enseignants), personnalités extérieures (dont les représentants des collectivités territoriales), étudiants et personnels BIATOSS.

* 47 Unité de formation et de recherche.

* 48 Lettres et sciences humaines.

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