B. ÉTAT DES FORCES POLITIQUES AU GOUVERNEMENT ET AU PARLEMENT : « BETTER OFF OUT » CONTRE « FRESH START »

1. Le Gouvernement recherche le compromis

La coalition au pouvoir étant formée d'un parti ouvertement europhile (les Libéraux démocrates) et d'un parti devenu plus eurosceptique au fil du temps (les Conservateurs), il était nécessaire de trouver un compromis pour se maintenir au pouvoir.

En 2005 déjà, David Cameron avait pris le risque d'inviter son parti à cesser d'être obnubilé par l'Europe et de mettre en avant son euroscepticisme. En effet, cet euroscepticisme trop affiché avait alors deux inconvénients majeurs. Premièrement, en 2005, l'opinion publique ne voyait pas l'Europe comme un sujet prioritaire et ne comprenait pas l'obsession de certains Conservateurs à dénoncer les errements de Bruxelles, et deuxièmement, l'euroscepticisme britannique était sur-interprété par les autres membres de l'Union, ce qui gênait l'action des Britanniques dans les négociations à Bruxelles.

Le programme européen de la coalition conservatrice prévoyait deux mesures phares. La première était la nécessité d'un référendum pour tout changement de traité impliquant un nouveau transfert de souveraineté à l'Union européenne. Il s'agissait d'apaiser les conservateurs qui avaient violemment critiqué l'absence de référendum sur le traité de Lisbonne. Cette mesure a été prise dès 2011 (il s'agit du EU Referendum Act ).

La deuxième mesure phare était la promesse d'une revue (ou audit) du partage et de l'équilibre des compétences entre le Royaume-Uni et l'Union européenne. Cet exercice a été lancé en 2012 et achevé en 2014, et il a débouché sur un rappel - sur le mode mineur, il est vrai - des positions traditionnelles du Royaume-Uni et, de manière inattendue, à une mise en sourdine ou une présentation plus nuancée des renationalisations (ou rapatriements) de compétences de l'Union européenne vers les États membres, ce qui a naturellement agacé les eurosceptiques les plus convaincus. Toutefois cela ne retire rien au succès politique de cette initiative qui a convaincu la grande majorité de la classe politique et de la presse par son objectivité.

L'euroscepticisme le plus fort est revenu sur le devant de la scène politique avec l'évolution du débat sur l'immigration et les positions maximalistes du parti UKIP ( United Kingdom Independence Party ), mais il reste très minoritaire et il n'y a que deux sièges au Parlement.

C'est pourquoi il n'est pas faux de rappeler que la culture du compromis l'emporte et que l'actuel Premier ministre est apparu et apparaît encore comme l'homme de la situation ; il nous a été présenté même par ses adversaire comme « flexible », fin négociateur et pragmatique.

2. Une majorité parlementaire très modérée

La première division essentielle au Parlement se situe entre la minorité (25 % des parlementaires) qui veut sortir de l'Union (sera-t-elle réélue le 7 mai prochain ?) et l'immense majorité qui veut y rester sous conditions.

La minorité favorable à une sortie pense que le Royaume-Uni serait mieux et plus prospère en dehors de l'Union et débat sous la bannière de « Better off out » (« Plus prospère en dehors de l'Union »). Tous les autres évoquent un « Fresh start » (« Pour un nouveau départ »). Une aile centre et centre-gauche (40 %) soutient qu'il faut rester proche du coeur de l'Europe et met en garde contre l'écart qui pourrait se creuser entre le Royaume-Uni et l'Union (« Mind the Gap » ).

Une bonne partie des Conservateurs et des Travaillistes (25 %) évoluent sous une bannière baptisée « Widen the Channel » . Pour eux, il convient de rester dans le Marché unique mais de ne pas partager un destin européen mal parti, mettre un peu d'espace entre l'île et le continent.

Telle est la photographie aujourd'hui des sensibilités trans-partisanes du Parlement britannique. Il nous a semblé juste de l'évoquer, même si ce Parlement vient d'être dissous et sera renouvelé le 7 mai prochain et même si ce qui compte plutôt, c'est la plateforme officieuse dont il sera question plus loin et qui, elle, rassemble 75 % de la classe politique.

Pour résumer la position parlementaire majoritaire, il faut garder à l'esprit que la majorité veut rester dans une Union réformée qui rendra du pouvoir aux États membres dans des secteurs comme la libre circulation des personnes, que pour cette majorité, le coeur de l'Europe ne saurait être que le Marché unique et pas l'euro, et enfin que le Marché unique doit être approfondi, qu'il doit protéger les intérêts de la City et inclure le marché des capitaux et le numérique.

Les scenarios possibles : référendum et renégociation de la place du Royaume-Uni dans l'Union européenne

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