C. DES EFFORTS À ACCENTUER POUR RELEVER LES DÉFIS DE LA PRISE EN CHARGE DU CANCER MALGRÉ LA CONTRAINTE FINANCIÈRE

1. En matière de prévention primaire et secondaire

Les principaux leviers pour améliorer l'état de santé des populations et lutter contre les inégalités sociales de santé se situent en amont du soin, notamment dans la prévention primaire et secondaire. Pourtant, le système de santé français concentre les actions et les ressources sur le diagnostic et les thérapeutiques, et peu sur la prévention. Votre rapporteur spécial souligne en ce sens trois difficultés en matière de prévention :

- une variété des acteurs intervenant en la matière, dispersant les efforts et diluant l'impact des messages diffusés. Aux côtés de l'Institut national de prévention et d'éducation à la santé (Inpes), récemment intégré au sein de la nouvelle Agence nationale de santé publique (ANSP), chargé de développer des actions générales de prévention et d'éducation pour la santé, des opérateurs conduisent des actions de prévention thématiques et les ARS en soutiennent également. S'agissant du tabagisme, la prévention primaire est ainsi du ressort de l'ANSP, le sevrage de celui de la HAS et l'arrêt du tabac pour les malades du cancer de celui de l'INCa ;

- cette dispersion rend d'autant plus complexe une évaluation de la politique de prévention, de sorte qu'il est difficile d'appréhender l'efficacité des crédits qui y sont consacrés ;

- la recherche en prévention demeure embryonnaire en France, avec moins de cinq publications annuelles, ce qui limite notre capacité à identifier, tester et mettre en place des interventions efficaces dans ce domaine. Pour ce faire, l'INCa a noué un partenariat avec l'Institut de recherche en santé publique, rattaché à l'Inserm, et l'École des hautes études en santé publique pour créer la première chaire de recherche et d'enseignement sur la prévention des cancers en France. Il s'agit de développer un programme de recherche axé sur la méthodologie de la recherche interventionnelle et en transfert des connaissances en prévention, particulièrement sur les changements de comportements à risque de cancers.

L'impact des actions de prévention doit être analysé au travers d'une grille de lecture liée aux inégalités sociales de santé, particulièrement marquée pour les facteurs de risque que sont le tabac et la nutrition. En effet, la prévention et les dépistages mettent en lumière les inégalités sociales et territoriales face à la maladie. Le troisième plan cancer fait de leur traitement un axe stratégique ; cependant, il peut être difficile de les appréhender. Il convient en ce sens d'améliorer l'observation et la connaissance épidémiologique de la maladie, comme préalable à une action plus efficace sur ses déterminants.

2. En matière d'épidémiologie : élaborer un système d'observation robuste comme préalable à une action efficace

Le troisième plan cancer fixe l'objectif d'appuyer les politiques publiques sur des données robustes et partagées (objectif n° 15), pour permettre à l'évaluation de s'appuyer sur une observation coordonnée de la maladie.

En particulier, en raison des inégalités de recours au dépistage, le troisième plan cancer fixe comme objectif la définition d'indicateurs de non recours au dépistage. Ils permettraient de suivre de manière spécifique la participation de populations identifiées comme vulnérables ou ayant des difficultés d'accès aux programmes : les personnes en situation de précarité, de handicap, faisant face à des difficultés socioculturelles ou linguistiques, personnes vivant en lieux de privation de liberté.

L'enjeu est de développer un système d'observation au service de la connaissance épidémiologique du cancer et du pilotage de la lutte contre les cancers. L'INCa effectue une mission d'observation, notamment à partir des données communes collectées par les registres des cancers du réseau Francim, dans le cadre d'un programme partenarial pluriannuel entre l'InVS, l'INCa, le réseau Francim et les hospices civils de Lyon établi dans un accord-cadre en cours de renouvellement pour la période 2016-2019. Les travaux menés dans le cadre de ce partenariat ont permis la publication des données d'incidence au niveau départemental et régional pour les principaux types de cancers.

Une difficulté de l'observation des cancers tient à la multiplicité et à la dispersion des informations disponibles rendant difficile leur exploitation. L'enjeu réside donc dans l'appariement des bases de données, tout en garantissant le respect de la confidentialité. L'INCa et la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés ont signé, en 2014, une convention de cession des données pour la constitution de la cohorte cancer. Dès 2014, l'INCa a mis en place une cohorte des personnes atteintes de cancer en s'appuyant sur les données de l'assurance maladie (le système national d'information inter-régimes de l'Assurance maladie, SNIIRAM) pour étudier les trajectoires de soins du dépistage à l'après-cancer en tenant compte de facteurs comme le type de cancer ou l'appartenance à un groupe socioéconomique particulier. L'article 193 de la loi de modernisation de notre système de santé 50 ( * ) met en place le système national des données de santé (SNDS), qui agrège les données du SNIIRAM, du programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI), du certificat électronique des causes de décès (CépiDc), du handicap (caisse nationale de solidarité pour l'autonomie et maisons départementales des personnes handicapées) et un échantillon des données de remboursement. Votre rapporteur spécial soutient la demande de l'INCa de disposer d'un accès permanent aux données de ce nouveau système. En effet, le croisement de l'ensemble de ces sources de données offre de nombreuses possibilités dans l'étude des pertes de chances, des inégalités d'accès aux soins et des conséquences de la maladie notamment en termes de perte et de retour à l'emploi.

Recommandation n° 9 : Permettre à l'INCa de disposer d'un accès permanent aux données du nouveau système national des données de santé, afin de renforcer ses capacités d'action dans la lutte contre les inégalités face au cancer.

S'agissant de l'incidence des cancers et des inégalités, l'INCa soutient une étude sur trois ans afin de développer, en routine, une procédure de géocodage permettant d'attribuer un index de défavorisation sociale à chaque patient atteint d'un cancer enregistré dans les registres des cancers du réseau Francim. Le géocodage consiste à identifier l'IRIS 51 ( * ) de chaque patient à partir de son adresse d'habitation au moment de son diagnostic, pour lequel un index de défavorisation sera déterminé. Ces informations seront ensuite regroupées dans la base de données commune des registres des cancers et permettront d'estimer les taux d'incidence de cancer selon le degré de défavorisation. À terme, ces travaux permettront d'étudier la survie selon le degré de défavorisation au moment du diagnostic.


* 50 Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

* 51 Ilot regroupé pour l'information statistique, en pratique un niveau géographique plus fin que le niveau communal.

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