Rapport d'information n° 799 (2015-2016) de M. Francis DELATTRE , fait au nom de la commission des finances, déposé le 13 juillet 2016

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N° 799

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 13 juillet 2016

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur l' Institut national du cancer (INCa),

Par M. Francis DELATTRE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André , présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient, Richard Yung , vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Bouvard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Bernard Delcros, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Eblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Didier Guillaume, Alain Houpert, Jean-François Husson, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel .

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS ET RECOMMANDATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Les principales observations

L'Institut national du cancer constitue un opérateur unique parmi les agences sanitaires de la mission « Santé » . Créé en 2004 dans le sillage du premier plan cancer (2003-2007), il est investi de compétences larges couvrant la recherche, la prévention, l'organisation des soins, ainsi que la prise en charge sociale des patients. Il dispose d'une vision large, mais centrée sur une pathologie qui concerne un Français sur vingt , entrainant la mort de 150 000 personnes chaque année, et qui représente 10 % du budget de l'assurance maladie . Cette spécificité, qui justifie la cotutelle des ministères chargés des affaires sociales et de la santé et de la recherche , a entraîné des difficultés initiales, propres à l'institut mais aussi liées aux environnements dans lesquels il s'insérait.

Doté d'un budget proche de 100 millions d'euros principalement financé par des dotations publiques , l'Institut national du cancer a conduit des efforts de réduction de ses frais de fonctionnement pour accompagner la diminution de la subvention pour charges de service public versée par le programme 204 de la mission « Santé ». Si sa particularité induit certains chevauchements de compétences avec d'autres agences sanitaires, les apports de l'Institut national du cancer dans la lutte contre cette maladie touchant environ trois millions de Français sont indéniables .

Agence de moyens dans son financement de la recherche, agence de coordination dans les champs de la recherche et des soins, a gence de soutien aux malades dans ses actions en faveur d'une prise en charge sociale du patient, l'Institut national du cancer a démontré son rôle d'organisme facilitateur et sa capacité à incarner « la maison commune du cancer » .

Cette autorité est d'autant plus importante que les évolutions de la maladie posent trois défis concernant l'appréhension des risques collectifs, l'organisation des soins et leur prise en charge financière . Dans ses fonctions d'expertise à l'appui des décideurs et de coordination des acteurs, l'Institut national du cancer doit jouer un rôle clé pour les relever. De façon plus large, son approche globale faisant le lien entre la recherche, le patient et les soins doit alimenter la réflexion sur la conception des politiques de santé. Alors que les dépenses de santé suivent une tendance haussière sous la double influence du vieillissement démographique et des innovations thérapeutiques, cet opérateur décloisonne l'appréhension des politiques de santé, soulignant l'importance d'une action de prévention et de recherche en amont pour réduire les défis de prise en charge financière en aval.

Les principales recommandations

Recommandation n° 1 : Maintenir la compétence de l'INCa en matière de recherche au travers du lien entre l'INCa et l'ITMO cancer, qui permet de conjuguer la reconnaissance spécifique de la recherche sur le cancer et son indispensable articulation avec la recherche en sciences de la vie.

Recommandation n° 2 : Saisir l'opportunité de la fin du bail de location des locaux occupés par l'INCa à Boulogne-Billancourt au 31 décembre 2017 pour étudier les modalités d'un rapprochement vers l'un des deux pôles géographiques où se situent les autres agences sanitaires, comme préalable au renforcement des mutualisations de fonctions support entre opérateurs.

Recommandation n° 3 : Convertir la tentative de mutualisation entre agences sanitaires porté par le projet SIFAS pour renforcer les rapprochements des fonctions support et conserver les moyens d'action sur les missions métier principales.

Recommandation n° 4 : Afin de renforcer la prise en compte des spécificités régionales en matière de cancer et de compléter le poids conféré aux territoires dans la conduite opérationnelle de l'effort de recherche sur le cancer, étudier les conditions d'association des agences régionales de santé à la conception de certains appels à projets.

Recommandation n° 5 : Tirer rapidement les enseignements de la comparaison internationale des outils d'évaluation ex post des projets de recherche financés, afin d'établir le dispositif national d'évaluation.

Recommandation n° 6 : Ajouter un volet sur les essais cliniques à la communication de l'Institut, afin de mieux informer le grand public en amont et réduire les peurs suscitées lorsque ces essais sont proposés à des patients en situation personnelle bouleversée.

Recommandation n° 7 : Dans le cadre du processus de concertation engagé en 2016 sur l'évolution du dispositif d'autorisation en cancérologie, conduire une réflexion afin de définir des seuils d'activité conformes aux standards internationaux et de garantir la sécurité des patients et d'agrémenter les critères d'autorisation d'exigences qualitatives, présentant le niveau d'activité de chaque établissement.

Recommandation n° 8 : À l'occasion de l'actualisation des missions des réseaux régionaux de cancérologie, veiller à conserver l'objectif initial ayant présidé à leur création par le premier plan cancer. Tout en soutenant l'ambition d'un parcours de soin unifié du dépistage au processus thérapeutique, les réseaux régionaux de cancérologie doivent demeurer une structure d'appui et l'agence régionale de santé le pilote des politiques de santé en territoire.

Recommandation n° 9 : Permettre à l'INCa de disposer d'un accès permanent aux données du nouveau système national des données de santé, afin de renforcer ses capacités d'action dans la lutte contre les inégalités face au cancer.

Recommandation n° 10 : Mieux assurer les conditions d'une relation à double sens entre l'INCa et les ARS, afin de mieux prendre en compte des problématiques locales, notamment dans le champ des risques collectifs de survenue du cancer, qui nécessiteraient une étude et une action nationales.

Recommandation n° 11 : En s'appuyant sur l'expertise de l'Institut national du cancer, conduire une réflexion sur l'articulation entre l'autorisation d'utilisation puis l'autorisation de mise sur le marché des médicaments innovants et les modalités de remboursement afin de concilier réactivité dans la mise à disposition des nouvelles molécules et soutenabilité financière du système.

Recommandation n° 12 : Afin d'associer concrètement les médecins généralistes à la lutte contre le cancer, renforcer leur rôle dans la politique de dépistages généralisés. Pour ce faire, l'INCa doit développer des outils adéquats d'information sur les techniques de dépistage et les populations particulièrement exposées.

Recommandation n° 13 : Dans le cadre des liens nouveaux établis entre l'INCa et les professionnels des soins de ville, mieux prendre en compte le développement des maisons de santé et privilégier l'accompagnement des nouvelles plateformes territoriales d'appui au renforcement des missions de coordination des réseaux régionaux de cancérologie.

Recommandation n° 14 : Dans le cadre de la définition des nouveaux critères d'agrément en cancérologie, l'INCa doit pouvoir identifier les partenariats pertinents entre établissements et les accompagner dans leur formalisation. En tant que GIP mettant en relation les différents types d'établissements intervenant en cancérologie, l'INCa constitue la structure pertinente pour réfléchir et conduire la réorganisation de l'offre de soins. En particulier, chaque groupement hospitalier de territoire constitué devrait conclure un partenariat avec les établissements privés intervenant en cancérologie.

Recommandation n° 15 : Afin de renforcer la coordination nécessaire au continuum ville-hôpital, outre des outils, l'INCa doit concentrer ses efforts pour promouvoir des liens concrets de travail entre les deux pôles de soins, gages d'une meilleure compréhension et de relations solides.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Parmi les huit agences sanitaires financées par la mission « Santé » du budget général de l'État, l'Institut national du cancer (INCa) relève d'une logique spécifique. Agence de coordination, d'expertise et de veille, l'INCa est chargé de coordonner les actions de lutte contre le cancer. Fort d'une approche intégrée, il couvre toutes les dimensions de la lutte contre le cancer, de l'organisation des soins à la recherche. Créé par la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique sous la forme d'un groupement d'intérêt public (GIP), l'INCa est en ce sens placé sous la tutelle conjointe du ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, et du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche.

L'existence d'un opérateur spécifiquement dédié à la lutte contre le cancer participe d'une volonté politique affirmée et renouvelée au plus haut niveau, portée notamment par les trois plans cancer successifs ; elle constitue surtout une réponse à la première cause de mortalité devant les maladies cardiovasculaires. Le cancer concerne ou concernera un Français sur vingt, et 350 000 nouveaux cas apparaissent chaque année, entrainant la mort de 150 000 personnes. Surtout, les évolutions de la maladie rendent nécessaire une réponse coordonnée et dédiée : alors que le nombre de patients atteints d'un cancer a doublé depuis 1980, les dépenses liées à ces affections s'élèvent à 15 milliards d'euros en 2015, soit un dixième du budget de l'assurance maladie. Le cancer et ses évolutions mettent sous tension notre système de soins.

Si l'Institut est aujourd'hui investi d'un rôle central dans la mise en oeuvre du troisième plan cancer pour les années 2014 à 2019, il a connu une genèse difficile, tant pour son organisation interne que pour son insertion au sein de l'architecture préétablie dans les domaines de la santé et de la recherche. À l'occasion de différents contrôles, la Cour des comptes a mis en évidence cette maturation difficile mais finalement assurée.

De fait, une dizaine d'années après son ancrage dans le paysage de la lutte contre le cancer, à mi-chemin du troisième plan cancer et à la suite des réflexions engagées sur la réforme des agences sanitaires, votre rapporteur spécial de la mission « Santé » a décidé de mener une mission de contrôle de l'INCa, en application de l'article 57 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Alors que la présidence du conseil d'administration de l'Institut va prochainement être renouvelée, ces travaux s'intéressent à dresser un bilan de l'action de l'Institut et de la politique de lutte contre le cancer, mais aussi à prolonger l'approche unique de cet organisme dans la conduite de la politique de santé publique. Dans la mesure où les progrès de la recherche et les évolutions induites dans les traitements du cancer mettent au défi notre organisation des soins et les modes de prise en charge, les réflexions initiées autour de cette pathologie méritent d'être appréhendées plus largement.

PREMIÈRE PARTIE : L'APPROCHE INTÉGRÉE DE L'INSTITUT NATIONAL DU CANCER A RENDU NÉCESSAIRES DES ADAPTATIONS

I. OPÉRATEUR SPÉCIFIQUE INCARNANT LA PRIORITÉ DE LA LUTTE CONTRE LE CANCER, L'INSTITUT NATIONAL DU CANCER A CONNU UNE MATURATION DIFFICILE

A. LA CRÉATION DE L'INSTITUT NATIONAL DU CANCER EN 2004

Au tournant des années 2000, sous l'impulsion du président de la République Jacques Chirac, le cancer a été érigé en priorité. À la suite des États généraux du cancer organisés par la Ligue nationale du cancer en 1998, il a été décidé d'élaborer une politique coordonnée de lutte contre le cancer.

Prenant la forme d'un plan cancer , elle fixe ainsi une feuille de route réunissant objectifs à réaliser et moyens pour les atteindre, en agrégeant les différents acteurs de la lutte contre la maladie. La structure du premier plan cancer illustre déjà une dimension ambitieuse, dépassant un plan de santé publique, dans la mesure où tous les angles d'approche de la maladie sont pris en compte : la prévention, l'organisation des soins, le soutien à la recherche et les préoccupations humaines pour rattraper le retard de la France en ce domaine.

L'ambition de traiter tous les champs de la maladie ainsi que la volonté d'incarner le plan et d'en assurer le suivi ont motivé la conception d'une agence dédiée. La création de l'INCa constitue une des mesures les plus symboliques du plan. La loi de santé publique du 9 août 2004 1 ( * ) a créé l'Institut national du cancer (INCa), agence d'expertise sanitaire et scientifique en cancérologie de l'État, chargée de coordonner les actions de lutte contre le cancer.

Du fait du contexte entourant sa création, l'INCa a été institué sous le statut juridique de groupement d'intérêt public ( GIP). En effet, dans la mesure où des acteurs associatifs ancrés 2 ( * ) dans la société lui préexistaient, où la coordination des différents intervenants de la lutte contre le cancer motivait son existence, ce statut répondait à un certain pragmatisme. Voulu comme une maison commune de la lutte contre le cancer, l'INCa regroupe en son sein treize acteurs institutionnels , membres du GIP, intervenant dans les champs de la santé et de la recherche :

- le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche ;

- le ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes ;

- la Ligue contre le cancer ;

- la Fondation ARC pour la recherche sur le cancer ;

- le Régime social des indépendants (RSI) ;

- la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts) ;

- la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (MSA) ;

- l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) ;

- le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ;

- la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP) ;

- la Fédération hospitalière de France (FHF) ;

- la Fédération des établissements hospitaliers et d'assistance privés (FEHAP) ;

- la Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer (UNICANCER).

L'INCa s'organise autour de trois structures internes :

- l'assemblée générale , chargée de modifier la convention constitutive du GIP, de sa transformation et de l'acceptation et exclusion d'un membre. L'État y désigne six des dix-neuf représentants et y dispose de vingt-cinq voix sur trente-huit ;

- le conseil d'administration , chargé de fixer les orientations générales de l'INCa et délibérant notamment sur le budget, le contrat d'objectifs et de performance, le programme annuel de travail, les critères d'agrément des établissements de santé. L'État est représenté par six administrateurs, dont le président du conseil d'administration, sur un total de vingt-sept administrateurs nommés pour cinq ans. Aux représentants des autres membres du GIP s'ajoutent huit personnalités qualifiées nommées par les ministres chargés de la santé et de la recherche ;

- le conseil scientifique , chargé de veiller à la cohérence de la politique scientifique et médicale de l'Institut, en formulant notamment des recommandations et en donnant des avis sur les orientations scientifiques de l'INCa et leur mise en oeuvre. Outre son président, il comprend au moins dix-huit experts médicaux et scientifiques, nommés pour cinq ans par décision conjointe des deux ministres de tutelle ; au moins un tiers des personnalités exercent à l'étranger. Le conseil scientifique peut être saisi par le président du conseil d'administration ou par le directeur général pour émettre un avis sur tout projet de nature scientifique. En outre, à l'initiative du président de l'INCa, des groupes de travail issus du conseil scientifique peuvent être constitués.

La direction de l'Institut est assurée par une dyarchie conjuguant compétences scientifiques et administratives. Le président du conseil d'administration, nommé par décret pour une durée de cinq ans renouvelable, est traditionnellement issu du milieu médical et de la recherche. Hématologue, Agnès Buzyn a assuré cette fonction de mai 2011 à mars 2016, date à laquelle elle a été nommée présidente du collège de la Haute Autorité de santé. Le directeur général, nommé par décret pour une durée de cinq ans, répond d'un profil plus administratif. Thierry Breton est à ce poste depuis août 2014 ; il assure par ailleurs les fonctions de président par intérim jusqu'à la nomination du futur président 3 ( * ) .

Placé sous la tutelle conjointe du ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, et du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, l'INCa présente un certain nombre de particularités :

- malgré son statut juridique pragmatique, l'INCa constitue avant tout un opérateur de l'État . Il est institué par la loi sans limitation de durée

- contrairement aux autres opérateurs de l'État, le ministère des finances et des comptes publics ne dispose pas de représentant au conseil d'administration ;

- sa vision transversale mais centrée sur une pathologie fait de lui une agence unique au sein des agences sanitaires et des organismes de recherche . En matière de cancérologie, l'INCa couvre tous les champs de la maladie et doit porter une approche intégrée de la lutte contre la maladie associant les dimensions de la recherche, de la santé publique, des soins et de l'information de tous les publics.

Si ces particularités motivent l'intérêt d'un éclairage sur un opérateur unique en son genre, les enjeux traités ainsi que les missions conférées à l'Institut renforcent la nécessité d'informer nos concitoyens sur l'INCa.

B. DOTÉ D'UN BUDGET PROCHE DE 100 MILLIONS D'EUROS, L'INSTITUT NATIONAL DU CANCER EST INVESTI DE LARGES MISSIONS, COUVRANT LES CHAMPS DE LA RECHERCHE ET DE LA SANTÉ

À sa création, l'INCa a été pensé comme une agence globale avec une vision intégrée en appui des politiques de santé publique, et non uniquement comme l'agence chargée de porter le plan cancer. De fait, l'INCa conjugue des missions législatives constituant son coeur de compétences et ses responsabilités au titre des plans cancers successifs . L'Institut coordonne le suivi du troisième plan cancer et la mesure de ses résultats, en animant le comité de suivi, et est investi de la concertation sur sa mise en oeuvre avec les acteurs et les usagers. Les acteurs de la lutte contre le cancer s'accordent pour voir dans les plans cancer un outil déterminant une trame et des objectifs permettant de scander les actions conduites.

Au-delà des plans cancer, l'INCa est chargé par la loi de santé publique du 9 août 2004 d'un ensemble de missions, retranscrites dans le code de la santé publique (cf. annexe n° 1). L'INCa doit impulser, coordonner et évaluer les actions de la lutte contre le cancer. Selon les mots mêmes de l'Institut, son ambition est de « jouer un rôle d'accélérateur de progrès, en apportant une vision intégrée de l'ensemble des dimensions sanitaire, scientifique, sociale, économique liées aux pathologies cancéreuses ainsi que des différents champs d'intervention (prévention, dépistage, soins, recherche). Ceci, au service des personnes malades, de leurs proches, des usagers du système de santé, de la population générale, des professionnels de santé, des chercheurs et des décideurs » 4 ( * ) . Cette ambition s'appuie sur un budget avoisinant les 100 millions d'euros, alimenté principalement par des subventions pour charges de service public provenant des deux ministères de tutelle. L'action de l'INCa se décline en six missions principales , conjuguant recherche, santé publique et soins :

- coordonner les actions de lutte contre les cancers ;

- initier et soutenir l'innovation scientifique, médicale, technologique et organisationnelle ;

- concourir à la structuration d'organisations ;

- produire des expertises ;

- produire, analyser et évaluer des données ;

- favoriser l'appropriation des connaissances et des bonnes pratiques.

L'INCa porte également la connaissance française à l'international, en coopération avec les sociétés savantes et les autres agences de l'État partageant le domaine de l'expertise 5 ( * ) . L'INCa promeut des collaborations avec les institutions et agences du monde entier afin de soutenir des initiatives dans les domaines de la prévention et du dépistage, de la recherche, du traitement et des soins aux patients. L'INCa représente la France au Conseil de direction du centre international de recherche sur le cancer (CIRC), agence de l'OMS dont la mission est de promouvoir et de coordonner la collaboration interdisciplinaire entre les pays et les organisations dans la recherche sur le cancer. De plus, l'INCa assure la coordination du réseau cancer de coopération internationale (RCCI), créé en 2001 à l'initiative du ministère des affaires étrangères. Ce réseau rassemble les autorités françaises et des organisations non gouvernementales intervenant dans le domaine de la lutte contre le cancer ; il a pour mission de proposer des actions coordonnées comprenant conseils et expertises dans le cadre d'activités de coopération avec les pays à faibles revenus ou revenus intermédiaires.

L'INCa s'insère également parmi le réseau des autres instituts nationaux du cancer qui lui préexistaient. En effet, le choix de mettre sur pied une agence dédiée au cancer a été opéré plus tôt dans d'autres pays développés. Dès 1937, les États-Unis ont institué le National Cancer Institute pour conduire les actions de recherche sur le cancer ; son champ d'intervention a ensuite été élargi en 1971 avec l'élaboration d'un programme national du cancer. De même, au Japon, le National Cancer Research Center a été fondé en 1962 pour incarner la politique de lutte contre le cancer.

De façon générale, les instituts du cancer se caractérisent par une grande diversité de statuts, certains étant financés par les gouvernements et d'autres par des fonds caritatifs, et de mandats. Certains se focalisent sur la recherche, comme aux États-Unis ou au Royaume-Uni, d'autres incluent les soins, mais peu intègrent une vision transversale sur le modèle de l'INCa (cf. annexe n° 2). Cependant, un mouvement vers une plus grande intégration de toutes les dimensions de la pathologie peut être observé depuis quelques années ; les États-Unis réfléchissent par exemple à l'extension des missions du NCI vers la production de recommandations en matière d'organisation de la prévention et des soins. Si la France a fait le choix de créer un institut dédié au cancer de façon plus tardive, son ambition de porter une vision transversale essaime parmi les pays développés.

C. LA CRÉATION DE L'INSTITUT NATIONAL DU CANCER A ÉTÉ DIFFICILE, SUSCITANT DES INTERROGATIONS SUR SA CAPACITÉ À S'IMPOSER

Si l'INCa a été créé en juin 2005, ses débuts ont été très difficiles, tant en raison des particularités internes liées à ses missions que de son insertion parmi les acteurs qui lui préexistaient. De fait, sa mise en route opérationnelle doit plutôt être datée à partir de l'automne 2006 et de l'exercice 2007, lorsque des redressements significatifs ont été entrepris.

Lors d'un contrôle mené en 2007 6 ( * ) , la Cour des comptes a relevé de graves problèmes de gouvernance ainsi que de gestion administrative et comptable. Entre 2004 et 2008, l'INCa a connu une crise de gouvernance : l'organigramme, non stabilisé, a vu se succéder deux présidents, trois directeurs généraux, quatre directeurs administratifs et financiers et quatre agents comptables. Aucune véritable direction des ressources humaines n'a été instituée avant la fin de l'année 2007. Le taux de rotation exceptionnellement élevé des personnels en contrat à durée indéterminée soulignait le climat de travail pesant au sein de l'Institut. De même, les magistrats déploraient des procédures et processus de gestion défaillants, avec en particulier un dispositif de contrôle interne en chantier, aucune cartographie des risques et une approche lacunaire des sujets de déontologie et de conflits d'intérêt.

Le pilotage des tutelles et l'évaluation de l'Institut se sont également révélés défaillants, dans la mesure où aucune lettre de mission ou de cadrage n'a été adressée aux présidents successifs au cours de ses premières années d'existence. Ni l'efficacité socioéconomique ni sa qualité de service n'ont été reflétées par des indicateurs pertinents dans les documents transmis au Parlement.

De plus, la création de l'INCa a, de par la vision unique que l'opérateur devait porter, contribué à perturber, mais aussi à stimuler, les réseaux préexistants. L'INCa a tenu le rôle d'un aiguillon. De grandes institutions de recherche, de même que les établissements de soins ont pu se sentir menacés par ce nouvel acteur investi de compétences larges mais centrées sur une pathologie. Seules ses missions au niveau international, afin d'encourager concrètement les collaborations, notamment en Europe, n'ont pas porté ombrage à d'autres organismes ; aussi a-t-il pu s'en saisir plus rapidement et plus aisément.

Dans ces conditions, la question de la pérennité de l'Institut et de sa capacité à s'organiser correctement pouvait être posée. Dans une insertion au rapport public annuel de 2008 7 ( * ) , la Cour des comptes a prolongé certaines critiques, tout en prenant en compte la consolidation de l'Institut et en formulant certaines recommandations, notamment en vue de préciser l'articulation entre l'INCa et l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), ainsi que les relations entre les administrations centrales et l'Institut. L'exercice marque la véritable mise en oeuvre de l'Institut, ce que traduit le fait que les comptes de cet exercice ont été les premiers à être certifiés dans des conditions normales par un commissaire aux comptes. Dans l'insertion de suivi au rapport public annuel 2012 8 ( * ) , les magistrats de la Cour des comptes ont salué le travail de construction opéré depuis 2008, soulignant que la plupart de ses recommandations avaient été suivies.

II. DES CORRECTIONS INTERNES ET DES ADAPTATIONS POUR PRENDRE EN COMPTE LA SPÉCIFICITÉ DE L'INSTITUT NATIONAL DU CANCER LUI ONT PERMIS DE S'IMPOSER

A. APRÈS UNE MISE EN PLACE DIFFICILE SOULIGNÉE PAR DES ENQUÊTES DE LA COUR DES COMPTES, L'INSTITUT NATIONAL DU CANCER A PROCÉDÉ AUX AJUSTEMENTS RECOMMANDÉS

1. Un cadre de gestion plus abouti

À la suite de la formalisation du premier contrat d'objectif et de performance pour la période 2011-2014, l'INCa s'est structuré en interne pour garantir les conditions d'une meilleure gestion et pour mettre en oeuvre les garde-fous nécessaires à la prise en compte des spécificités de ses missions.

Les risques des activités de l'INCa et les impulsions données par les ministères de tutelle et les organes de contrôle ont conduit l'INCa à formaliser un projet d'établissement, décliné en différents plans d'action afin de préciser les modalités de son intervention et de développer les outils d'une gestion plus performante. Aussi, le projet d'établissement pour la période 2012-2015 couvre-t-il tous les sujets traités par l'Institut. Un bilan de ce projet est actuellement en cours de réalisation, à l'appui duquel une version amendée sera prolongé d'ici la fin de l'année 2016. Ce projet d'établissement a introduit des évolutions structurantes dans la gestion de l'Institut :

- en matière de contrôle interne : déjà, le protocole de modernisation financière et comptable adopté en 2009 avait permis le renforcement du contrôle interne ainsi que de la synergie entre l'agence comptable et les services de l'ordonnateur. Sous l'impulsion du plan d'établissement, une cartographie transversale des risques a été élaborée en novembre 2013, permettant la mise en oeuvre du plan d'action de contrôle interne, identifiant 29 risques. Le dispositif de contrôle interne est piloté par un responsable du contrôle interne et de maîtrise des risques ; le comité d'audit et le comité de direction assurent un suivi de ses travaux. Parallèlement, un réseau de référents du contrôle interne a été créé en 2013 pour participer à l'élaboration, à la diffusion et à l'appropriation des dispositifs applicables ;

- en matière d' audit interne : alors que les deux tiers des dépenses réalisées par l'INCa prennent la forme de subventions, l'élaboration d'un dispositif d'audit interne répondait d'une nécessité. De fait, à la suite du contrat d'objectif et de performance, un plan d'audit annuel des subventions accordées aux organismes bénéficiaires de financements a été institué. En 2015, 19 audits de conventions ou de décisions attributives de financement ont été réalisés, pour un montant de subvention de 6,2 millions d'euros, soit 9 % du montant total ;

- en matière d' évaluation : un réseau d'évaluation a été créé en 2013. Ce réseau transversal est constitué de référents dans chaque pôle et direction de l'Institut afin d'alimenter une vision partagée de l'évaluation. Il a également été mobilisé pour identifier et proposer des indicateurs dans le cadre du troisième plan cancer. Il intervient aussi pour l'évaluation des structures directement ou indirectement gérées par l'INCa, comme les registres des cancers ou les structures de gestion de dépistage.

Sur le plan comptable , une agence comptable et des services financiers a été instituée dans le cadre de la réforme de l'Institut initiée par le projet d'établissement de 2012. Intégrant l'ensemble de la chaîne des dépenses et des recettes, elle vise à assurer fluidité dans les opérations et qualité comptable pour une maîtrise de l'ensemble des opérations. De plus, l'INCa s'est mis en conformité avec les nouvelles règles issues du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique 9 ( * ) au 1 er janvier 2016 ; il en appliquait toutefois déjà plusieurs dispositions, comme les autorisations d'engagement sur les subventions pluriannuelles ou la déconcentration de la gestion des crédits et des engagements.

2. La prise en compte des spécificités de son action

L'INCa, investi d'une mission d'expertise, se trouve exposé à un nécessaire encadrement juridique des conflits d'intérêts.

Pour l'élaboration de ses recommandations et publications, l'Institut a recours à des experts pluridisciplinaires nationaux et internationaux de façon temporaire en fonction des besoins. Concilier pertinence de l'expertise, prévention des conflits d'intérêts et transparence nécessite d'ériger certaines barrières juridiques.

De plus, en raison de l'approche globale portée par l'INCa, l'Institut se trouve parfois être à la fois juge et partie. Le risque découle du fait que les représentants des fédérations d'établissements hospitaliers publics et privés au conseil d'administration de l'INCa sont, de ce fait, en lien avec l'organisme chargé d'adopter des seuils d'activité minimale et des critères d'autorisation d'activité des établissements qui affecteront considérablement leurs mandants. Ce risque est intrinsèque à la nature de l'opérateur. Des garde-fous ont donc été nécessaires pour les prévenir. Initialement, l'INCa n'entrait pas dans le champ du décret du 25 mars 2007 relatif aux conventions et aux liens unissant certaines professions de santé aux entreprises. Dans son rapport de 2009, la Cour des comptes avait recommandé d'étendre à l'INCa sa mise en oeuvre. À la suite de cette recommandation, l'Institut avait publié sur internet les déclarations publiques d'intérêts des membres de ses instances ou de ses experts. Mais, en l'absence d'obligation légale, il se heurtait encore à l'occasion à la résistance de certains d'entre eux.

Dans ces conditions, la qualité et l'indépendance de l'expertise forment un axe majeur du projet d'établissement 2012-2015. Cette préoccupation s'est traduite en 2012 par la création d'une mission dédiée à la qualité de l'expertise, dans le cadre de la refonte globale de l'architecture des directions de l'opérateur.

Ensuite, la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé 10 ( * ) a intégré l'INCa dans la liste des opérateurs dont « les dirigeants, personnels de direction et d'encadrement et les membres des instances collégiales, des commissions, des groupes de travail et conseils » sont tenus d'établir une déclaration d'intérêts. Le décret du 9 mai 2012 relatif à la déclaration publique d'intérêts et à la transparence 11 ( * ) , puis le décret du 21 mai 2013 relatif à la charte de l'expertise 12 ( * ) ont été pris pour préciser les modalités d'application du dispositif. L'INCa a rapidement adapté son dispositif de prévention avec la mise en place en septembre 2012 d'un formulaire de déclaration publique d'intérêts conforme à l'arrêté du 5 juillet 2012, en français et en anglais et la détermination des emplois et instances de l'INCa soumis aux obligations réglementaires.

Dans le cadre des objectifs du projet d'établissement 2012-2015 de l'Institut, plusieurs éléments structurants ont été mis en place en 2013 pour garantir la qualité et l'indépendance de l'expertise :

- le processus d'expertise a été consolidé avec la formalisation d'une procédure de mobilisation des experts afin de prévenir des conflits d'intérêt. Cette procédure, s'appuyant sur la charte de l'expertise sanitaire publiée par décret en mai 2013, comporte sept étapes, de l'identification des compétences nécessaires à la valorisation des experts. Le dispositif de prévention et gestion des conflits d'intérêts s'est imposé pour l'ensemble des expertises ;

- un comité des expertises et des publications (Comep) transversal à l'ensemble des directions a été institué. Devenu comité des expertises et des productions en 2015, il se réunit une fois par mois et recense et accompagne de la conception à la publication la totalité des productions de l'Institut.

Dans le cadre du nouvel outil informatique de gestion intégrée des projets suivis par l'institut (GIPSI), un volet permet de consolider le processus d'expertises sanitaires et scientifiques. Depuis juin 2015, cet outil permet ainsi la dématérialisation des déclarations publiques d'intérêt, l'analyse des liens d'intérêts et leur publication sur le site internet de l'INCa, ainsi que la gestion des instances, comités et groupes d'experts.

3. Une architecture remodelée et désormais bien assise

Pour accompagner la mise en oeuvre des orientations stratégiques déterminées par le projet d'établissement de 2012, l'organisation de l'Institut a été adaptée, avec un recentrage autour de quatre pôles et directions incarnant les missions de l'opérateur, et des fonctions d'appui et de pilotage.

Organisation de l'INCa en quatre entités

Source : commission des finances du Sénat.

B. DES ADAPTATIONS DANS LES CHAMPS DE LA RECHERCHE ET DE LA SANTÉ PUBLIQUE ONT ÉTÉ NÉCESSAIRES

L'Institut national du cancer s'est progressivement ancré parmi les professionnels du soin et les acteurs de la recherche, s'imposant par l'autorité de ses recommandations et par son appui financier. Parallèlement, les structures préexistantes se sont adaptées pour nouer des relations de travail avec l'opérateur chargé du cancer. Du fait de son approche intégrée de la pathologie, l'INCa intervient dans les champs de compétences de nombreuses agences sanitaires et de recherche. Afin de préciser les attributions et de rechercher des synergies, une démarche de formalisation des relations avec les agences nationales, autorités et opérateurs, dont les compétences s'appliquent dans le champ de la cancérologie ou de la prise en charge et de l'accompagnement des personnes atteintes de cancer a été initiée, donnant lieu à la signature d'accords-cadres. Fin mars 2016, l'INCa était lié par neuf accords-cadres (cf. annexe n° 3).

En particulier, l'accord-cadre conclu avec la Haute Autorité de santé était nécessaire dans la mesure où les compétences des deux agences peuvent se recouper en matière d'édiction de référentiels. L'accord permet ainsi de définir l'articulation des compétences entre la vision spécialisée incarnée par l'INCa et l'agence généraliste qu'est la HAS. Sur ce point, la récente nomination à la présidence du collège de la HAS d'Agnès Buzyn, ancienne présidente de l'INCa, devrait faciliter l'articulation entre les deux agences.

1. La restructuration de la recherche a permis d'intégrer ce nouvel acteur

Au-delà des accords-cadres régissant les relations bilatérales entre l'INCa et les autres agences, l'existence d'un opérateur spécifique a rendu nécessaire une adaptation de l'architecture du monde de la recherche.

En 2007, la Cour des comptes s'était interrogée sur l'articulation entre l'INCa et les autres agences de recherche 13 ( * ) . Dans son rapport sur la mise en oeuvre du plan cancer, la Cour des comptes avait interrogé le positionnement de l'Institut en matière de recherche, relevant qu'il agissait en ce domaine comme une agence de certification de la qualité d'autres acteurs, et comme agence de moyens. Or, ces deux rôles étaient déjà tenus par l'Inserm, opérateur de recherche tourné vers la santé, et par l'Agence nationale de la recherche, bras armé du financement de la recherche. Or, l'INCa tire les ressources nécessaires à ses activités de recherche de l'ANR : la subvention pour charges de service public du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche transite par l'ANR, qui redistribue l'ensemble de ces fonds fléchés en faveur de la recherche sur le cancer vers l'INCa. De fait, la Cour des comptes posait la question de l'avenir des missions assumées par l'INCa, en raison de leurs redondances avec celles de l'Inserm et de l'ANR.

Ces réflexions participent du même débat né de l'existence d'un opérateur organisé autour d'une pathologie dans toutes ses dimensions et de son articulation avec une agence spécialisée dans la recherche en santé tel l'Inserm.

Afin de préciser l'articulation entre les deux logiques, la réorganisation nationale de l'architecture de la recherche engagée en 2007 a permis d'intégrer la vision spécifique portée par l'INCa.

Cette réforme a notamment conduit à la création de plusieurs alliances à partir de 2009 dans le cadre de la stratégie nationale pour la recherche et l'innovation (SNRI). Ces alliances thématiques de recherche sont des groupes de concertation chargés de réunir les principales institutions de la recherche publique afin de coordonner, dans certains secteurs identifiés, les priorités de la recherche et du développement. L'Inserm, seul organisme public de recherche français entièrement dédié à la santé humaine, s'est vu confier, en 2008, la responsabilité d'assurer, au travers de l'alliance Aviesan 14 ( * ) créée en 2009, la coordination stratégique de l'ensemble des opérateurs dans le domaine de la recherche biomédicale. Aviesan se décline en neuf instituts thématiques multi organismes (ITMO), dont un consacré au cancer et commun au CNRS, à l'INCa et à l'Inserm. La création d'Aviesan en 2009 s'est inscrite dans une démarche de clarification du rôle des acteurs de la recherche. Elle traduit aussi la volonté de s'inspirer du modèle du National Institutes of Health américain, qui se compose de différents instituts spécifiques pour chaque grande branche de pathologie, dont le National Cancer Institute .

Présentation des neuf instituts thématiques multiorganismes d'Aviesan et des organismes impliqués

Source : INCa.

Cependant, dans la mesure où l'INCa incarnait déjà la recherche sur le cancer, la question de l'articulation de l'ITMO cancer avec l'INCa s'est posée. L'équilibre a été trouvé par une mise en relation très forte entre l'ITMO cancer et l'INCa, symbolisée par le fait que son directeur est également le directeur de la recherche de l'INCa 15 ( * ) , ce qui assure une articulation naturelle entre les deux organismes et une coordination effective. Par l'intermédiaire de son directeur du pôle recherche, l'INCa agit comme coordonnateur de la recherche dans le domaine du cancer auprès de tous les organismes de recherche impliqués dans les sciences de la vie et de la santé.

Dans ces conditions, l'INCa est chargé, conformément à ses missions de coordination des actions sur le cancer, de la définition et du financement des orientations stratégiques de la recherche. Au niveau national, la politique de recherche sur le cancer est impulsée par l'INCa, financeur des programmes de recherche, et par Aviesan à travers l'ITMO cancer. L'INCa, en concertation avec l'ITMO cancer, définit la programmation de la recherche contre le cancer, ainsi que le financement et l'évaluation de projets. Les orientations stratégiques de recherche sur le cancer sont communes à l'ITMO Cancer et à l'INCa et fixées selon un document stratégique unique 16 ( * ) . L'ITMO et l'INCa conduisent une réflexion sur les axes de recherche prioritaires et sur la façon dont les laboratoires les investissent, afin de permettre de couvrir tous les champs de la recherche sur le cancer.

Après une première convention cadre conclue entre l'État, l'Inserm et l'INCa en 2011 pour le deuxième plan cancer, en vue de clarifier l'articulation entre l'INCa et l'ITMO cancer, une nouvelle convention-cadre a été conclue le 11 juin 2014 dans le cadre du troisième plan cancer. Elle prévoit :

- que l'INCa est chargé des programmes récurrents dans tous les domaines disciplinaires, de la structuration des ressources et des compétences pour la recherche par la labellisation de sites ;

- que l'Inserm prend en charge les programmes de recherche spécifiques et apporte son soutien financier aux infrastructures pour la recherche translationnelle.

Architecture de la recherche en sciences de la vie

Source : commission des finances du Sénat.

En dépit de ce cadre adapté pour concilier la spécificité de la recherche sur le cancer, doublement portée par l'INCa et l'ITMO cancer, et son intégration au sein de la recherche en sciences du vivant, certaines propositions remettent en question la compétence de l'INCa en matière de recherche. En ce sens, la création d'Aviesan a modifié les modalités de versement des crédits alloués à la recherche dans le cadre du deuxième plan cancer. Alors que le deuxième plan cancer avait prévu leur affectation à l'INCa via l'ANR, les crédits complémentaires ont été affectés à l'ITMO cancer via le budget de l'Inserm. Ce choix s'inscrit en outre dans un contexte plus général des réflexions autour du maintien de l'INCa comme opérateur investi d'une approche intégrée sur le cancer. Ainsi, le rapport issu des travaux de la mission d'information sur les agences sanitaires présidée par Yves Bur 17 ( * ) préconisait de suivre l'exemple initié par l'agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales. Cette agence avait choisi d'intégrer l'Inserm en 2012 tout en préservant son autonomie.

Toutefois, votre rapporteur spécial considère que l'équilibre atteint à la suite de la création d'Aviesan et de l'ITMO cancer permet de concilier le maintien de l'INCa en tant qu'opérateur à vision intégrée sur le cancer et la coordination des acteurs de la recherche à un double niveau :

- au sein de la recherche en cancérologie, la coordination s'opère naturellement par l'INCa et grâce à son statut de GIP ;

- au sein de la recherche en sciences de la vie, l'ITMO cancer permet d'articuler la recherche en cancérologie avec l'ensemble du dispositif de recherche publique en santé, facilitant l'engagement récurrent et pluridisciplinaire des équipes de recherche dans le domaine du cancer.

Recommandation n° 1 : maintenir la compétence de l'INCa en matière de recherche au travers du lien entre l'INCa et l'ITMO cancer, qui permet de conjuguer la reconnaissance spécifique de la recherche sur le cancer et son indispensable articulation avec la recherche en sciences de la vie.

2. La logique territoriale ayant présidé à la création des agences régionales de santé s'est initialement heurtée à la logique thématique portée par l'Institut national du cancer

Si l'insertion de l'INCa parmi les structures qui lui préexistaient dans le champ de la recherche a provoqué des difficultés initiales, une difficulté est apparue avec le tournant pris en faveur du pilotage de la politique de santé en région par la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (dite loi HPST) 18 ( * ) qui crée les agences régionales de santé (ARS). Investies d'une mission de coordination de l'ensemble des politiques de santé dans un cadre territorial, les ARS s'inscrivent dans une perspective différente de celle portée par l'INCa. De fait, non prévues par la loi, les relations entre les deux se sont révélées difficiles :

- de son côté, l'INCa redoutait d'être dépossédé de son champ d'action, au moment même où il était parvenu à s'affirmer après une création difficile. De plus, la création des ARS a eu pour conséquence directe la rupture des relations développées jusqu'alors avec les référents cancer dans les agences régionales de l'hospitalisation, l'ancien organisme régional de gestion des hôpitaux, ainsi qu'avec les directions régionales des affaires sanitaires et sociales ;

- du côté des ARS, la vision spécifique portée par l'INCa s'ajoutait à la prise en compte des compétences des autres agences sanitaires, de l'assurance maladie et des directions d'administration centrale, de sorte qu'il était complexe pour elles de coordonner tous ces apports dans leur mise en oeuvre de la politique de santé en région. La multiplication des plans nationaux a pu constituer une difficulté pour les ARS lors de l'élaboration de leurs priorités régionales.

De surcroit, le fonctionnement prévu par le secrétariat général du ministère des affaires sociales conduisait à centraliser les demandes adressées aux ARS auprès du comité national de pilotage des ARS, rendant impossible toute communication directe entre l'INCa et les équipes des ARS, à l'exception des sollicitations de leur part sur des questions relatives au cancer. Cette relation asymétrique a contribué à rendre plus difficile l'articulation entre les échelons national et régional dans la politique de lutte contre le cancer durant le deuxième plan cancer (2009-2013). Aussi le rapport final du deuxième plan cancer 19 ( * ) souligne-t-il sa déclinaison hétérogène selon les régions. Cette mise en oeuvre différente en région s'explique également par un calendrier défavorable, dans la mesure où le deuxième plan cancer a été lancé alors même que les instances et les outils de la planification de la politique régionale de santé se trouvaient refondus par la loi HPST.

Toutefois, afin de diminuer les inégalités territoriales en matière de cancer, assurer une articulation entre l'INCa et les ARS est devenu une priorité. Déjà, l'INCa s'était efforcé d'associer les ARS à ses actions et à sa gouvernance, en nommant un représentant des directeurs généraux des ARS comme membre de son conseil d'administration, en tant que personnalité qualifiée.

Surtout, les relations ont considérablement évolué à partir de 2014 avec le troisième plan cancer, qui place la lutte contre les inégalités parmi ses axes prioritaires. De fait, les ARS sont pleinement associées à la gouvernance du plan ; elles sont pilotes de la mise en oeuvre du plan cancer dans leur région. Dans le cadre de son rôle de pilotage opérationnel du plan cancer 2014-2019, l'INCa coordonne les relations avec les ARS. Un représentant des directeurs généraux des ARS participe aux instances de pilotage que sont le comité de pilotage interministériel et le comité de suivi. Deux dispositifs complètent cette articulation :

- afin de veiller à l'interface entre le niveau national et régional, un groupe de six ARS volontaires a été institué 20 ( * ) , chargé d'examiner et de se prononcer sur les questions liées à la mise en oeuvre du Plan cancer en région ;

- par une instruction conjointe du secrétariat général du ministère des affaires sociales, des directions d'administration centrale et de l'INCa, les ARS ont été invitées à décliner le plan par des feuilles de route régionales. Elles ont fait l'objet d'une analyse par l'INCa, qui a souligné la mobilisation des ARS et leur implication dans la politique de lutte contre le cancer. Les ARS produisent annuellement un bilan de réalisation de leur feuille de route respective qui sera complété par une fiche élaborée par l'INCa pour chaque ARS mettant à leur disposition les données de leur région.

Le troisième plan cancer a donc permis d'assurer les relations entre l'INCa et les ARS, qui ont ainsi pu développer des relations de travail fécondes. Un protocole des relations entre les ARS et l'INCa a été élaboré en mai 2015. Les ARS sont associées aux travaux menées par l'INCa sur l'évolution de l'organisation territoriale, en réponse aux saisines et aux sollicitations d'une part de la direction générale de la santé (DGS) pour ce qui concerne l'évolution des missions et de l'organisation des structures de gestion du dépistage, et d'autre part de la direction générale de l'offre de soins (DGOS) pour ce qui concerne l'évolution des missions des réseaux régionaux de cancérologie (RRC) et des centres de coordination en cancérologie (3C). Tant dans la conception que dans la mise en oeuvre des politiques qu'il initie, l'INCa associe les ARS.

De façon générale, l'INCa est l'expert, chargé d'élaborer et de coordonner les actions de lutte contre le cancer au plan national, tandis que les ARS doivent décliner ces mesures régionalement, en adaptant autant que possible l'offre de soins aux préconisations de l'INCa, en vérifiant la conformité des établissements aux normes ou la qualité des relations entre les divers intervenants en matière de soins.

III. PARTICIPANT À L'EFFORT DE CONSOLIDATION BUDGÉTAIRE, L'INSTITUT NATIONAL DU CANCER NE SAURAIT VOIR SON EXISTENCE REMISE EN CAUSE

A. LA SPÉCIFICITÉ DE CET OPÉRATEUR INDUIT CERTES DES SURCOÛTS, MAIS ELLE PERMET DE TRAITER UNE PRIORITÉ POLITIQUE JUSTIFIÉE

Ces différentes adaptations opérées pour assurer l'intégration de l'INCa parmi les acteurs de la santé et de la recherche mettent en évidence les surcoûts entraînés par l'existence de cet opérateur. Les conclusions du rapport de l'Inspection générale des finances publié en 2012 sur les agences de l'État 21 ( * ) , dressant un bilan sur leur multiplication, notamment dans le champ sanitaire, rappelaient les dépenses supplémentaires induites par la démultiplication des moyens d'action de l'État. Ce risque est plus prononcé pour l'INCa dans la mesure où il s'agit d'un organisme transversal dont les missions sont organisées autour d'un groupe de pathologies et non par métier. De fait, ses activités dans le champ du cancer chevauchent le champ d'activités d'autres organismes :

- le financement de la recherche, domaine de compétence de l'Inserm ;

- le suivi épidémiologique, l'évaluation des programmes de dépistage du cancer et l'information du public, domaines de la nouvelle Agence nationale de santé publique ;

- l'édition de bonnes pratiques de traitement du cancer, domaine de compétence de l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) ;

- et la production et la mise en oeuvre de référentiels, domaine de compétence de la Haute Autorité de santé.

Identifiés, ces chevauchements peuvent toutefois être réduits par un pilotage de la tutelle et par le développement des relations entre agences pour fixer les modalités de leurs actions. Le choix d'investir un opérateur d'une mission dédiée participe d'un arbitrage politique entre risques d'inefficience et surcoûts à limiter et volonté d'incarner la conduite d'une politique publique. Dans ce cadre, l'existence de l'INCa comme référent de la lutte contre le cancer et constituant la « maison commune » du cancer doit être privilégiée. L'INCa joue un rôle essentiel pour coordonner les acteurs, pour alimenter les décideurs en expertises dont la portée dépasse le cancer et influence les politiques de santé publique et de recherche, ainsi que pour incarner l'effort public auprès des malades et de leurs proches.

En outre, comme le soulignent les dispositions de la loi qui l'institue sans limitation de durée, l'INCa s'inscrit de façon pérenne. Ses missions dépassent la seule conduite des plans cancer successifs. Ces plans représentent surtout une trame, actualisée et renouvelée à échéance régulière, guidant la lutte contre le cancer en fixant des objectifs.

B. UN OPÉRATEUR PARTICIPANT À LA MAITRISE DES DÉPENSES PUBLIQUES

En 2015, la dotation du ministère de la santé s'est élevée à 38,8 millions d'euros, celle du ministère de la recherche, transitant par l'agence nationale de la recherche (ANR), à 38 millions d'euros. Les autres sources de financement, provenant notamment des contributions des membres du GIP, sont marginales.

En 2015, les dépenses de l'Institut se sont élevées à 97,8 millions d'euros , en augmentation de plus de 10 millions d'euros par rapport à l'année précédente. Conformément aux missions dévolues à l'INCa de soutien à la recherche et de coordination des acteurs, plus des deux tiers ont bénéficié directement à des partenaires sous forme de subventions : le financement des projets sélectionnés dans le cadre des appels à projets ou de structures comme les cancéropôles, les centres labellisés INCa de phase précoce (CLIP) et les registres.

La nature des missions de l'INCa explique également le montant des engagements hors bilan , qui s'élève à 82 millions d'euros en 2015 , en hausse de 24 % par rapport à 2014 en raison du renouvellement de structures, avec la labellisation des cancéropôles pour la période 2015-2017, et le lancement du troisième plan cancer.

L'INCa participe à l'effort de réduction des dépenses publiques. Les subventions pour charges de service public du ministère de la santé ont été réduites à compter de l'exercice 2014. Ainsi, pour 2015, la subvention initialement prévue à 50,5 millions d'euros après application de la mise en réserve de 8 % sur le montant de 54,2 millions d'euros voté en loi de finances pour 2015, a fait l'objet de plusieurs décisions de réductions successives pour être finalement ramenée à 38,8 millions d'euros, soit une baisse totale de 11,7 millions d'euros.

L'analyse de l'évolution des subventions pour charges de service public versées par les deux ministères de tutelle met en évidence une divergence : alors que le ministère de la santé a initialement accru les crédits alloués à l'INCa jusqu'en 2011, le ministère de la recherche a maintenu sa subvention à un niveau constant depuis la création de l'Institut. De fait, l'exercice 2015 a conduit à un cofinancement équilibré entre les deux tutelles.

Évolution des subventions pour charges de service public

En millions d'euros

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Ministère de la santé

44,3

48,1

40

38,2

39,2

56,2

53

52,3

42,1

38,8

Ministère de la recherche

40

43

40

40

40

40

40

40

38

38

Total

57,5

84,3

91,1

80

78,2

79,2

96,2

93

92,3

80,1

76,8

Source : commission des finances du Sénat à partir des données des rapports annuels de performances successifs.

La dynamique de la subvention versée par le ministère de la santé à l'INCa s'inscrit dans le cadre global d'une réduction des subventions pour charges de service public portées par le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » de la mission « Santé », telle qu'inscrite dans le budget triennal 2015-2017. Les dotations aux opérateurs sanitaires ont en effet diminué de 4,4 % en 2015 par rapport à 2014. Si la diminution de la subvention versée à l'INCa en 2015 est supérieure à cette moyenne, cet écart traduit un effet de rattrapage, dans la mesure où la baisse est intervenue dans un second temps par rapport aux autres opérateurs sanitaires. De même, le plafond général d'emplois a diminué, passant de 165 ETP en 2013 à 158 ETP en 2015.

Face à cette baisse des dotations, l'INCa a mené des efforts de gestion, en augmentant le taux d'exécution des dépenses, passé de 90 % en 2013 à 97,3 % en 2015. De même, l'Institut a puisé dans son fonds de roulement, qui excédait le seuil prudentiel estimé par la direction du budget entre trente et quarante jours de fonctionnement. Le prélèvement sur fonds de roulement lors de l'exercice 2015 a atteint 11,8 millions d'euros, soit 12 % des dépenses réalisées.

Évolution des dépenses et du taux d'exécution 22 ( * )

En millions d'euros

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Dépenses (budget initial)

93,8

115,9

108,5

106,4

114,5

114

109,6

104,1

97,5

100,5

Dépenses (réalisées)

95,4

100,5

87,1

91,5

101,7

104,6

97,8

93,7

86,8

97,8

Taux d'exécution

102 %

87 %

80 %

86 %

89 %

92 %

89 %

90 %

89 %

97 %

Source : commission des finances du Sénat à partir des données transmises par la direction du budget.

Évolution du fonds de roulement et des réserves de trésorerie

En millions d'euros

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016 (BI)

Fond de roulement

30,2

37,6

43,4

38,5

25

28,7

34,8

42,4

43,9

32,1

28,1

Réserves de trésorerie

57,2

59,2

72,9

35,7

38,6

34,8

41,6

46,2

47,2

32,5

-

Source : commission des finances du Sénat à partir des données transmises par la direction du budget.

Les mauvais taux d'exécution lors des exercices précédents, ainsi que les niveaux élevés du fonds de roulement et de la trésorerie pouvaient traduire un surfinancement ou une insuffisante capacité d'absorption des moyens alloués. Quoique ponctionné de façon régulière par la direction du budget, le fonds de roulement a tendance à se reconstituer. À la fin de l'exercice 2015, le niveau du fonds de roulement demeure à un niveau élevé, représentant 3,9 mois de fonctionnement.

Outre l'amélioration de l'exécution budgétaire, la stratégie suivie par l'INCa pour accompagner la baisse des subventions pour charges de service public a visé à rationaliser l'allocation de ses moyens, avec une revue des principaux postes de dépenses de fonctionnement et d'intervention afin de les mettre en cohérence avec les objectifs du troisième plan cancer. Les dépenses immobilières ont ainsi été réduites de plus de 2,8 millions d'euros sur la période 2011-2015 dans le cadre de son schéma pluriannuel de stratégie immobilière approuvé par le conseil d'administration en 2011 et soumis aux ministres de tutelle ainsi qu'à France domaine. Il s'est notamment traduit par la renégociation du loyer pour ses locaux de Boulogne-Billancourt et une libération des surfaces excédentaires pour atteindre le ratio cible de 12 mètres carrés par agent, et par la renonciation du site de Lyon à compter de décembre 2011. De nouvelles économies ont été réalisées sur les baux en 2015. En outre, les missions des cancéropôles ont été recentrées en 2015 sur un socle de sept axes, avec une réduction de leurs dotations de 20 % au niveau national.

Le prochain budget triennal, qui sera élaboré au printemps 2017 pour les années 2018 à 2020, devrait s'inscrire dans la continuité du précédent et de l'objectif de maîtrise des moyens alloués aux opérateurs. La ponction du fonds de roulement ne pourra suffire. Par conséquent, il importe de définir de nouvelles sources d'économies afin de maintenir les marges de manoeuvre de l'INCa pour son coeur de métier. Le risque à terme serait de devoir remettre en cause certaines des activités de l'Institut, et donc une partie du troisième plan cancer. Or l'INCa assure principalement un rôle de coordination, pour lequel sa force réside dans sa capacité à soutenir financièrement des actions et des structures. Réduire sa capacité de financement obérerait son rôle dans la lutte contre le cancer. La caractéristique principale de l'INCa, telle que mise en évidence par la nature de ses dépenses et le poids de ses engagements hors bilan, réside dans l'intervention : en tant qu'organisme de soutien à la recherche sur le cancer, l'Institut s'engage sur une longue période. Il convient donc qu'il dispose des moyens nécessaires à l'accomplissement des missions dont la loi l'investit.

Les efforts internes doivent en ce sens être poursuivis. Outre le constat que l'INCa se caractérise par des rémunérations supérieures à celles des agences sanitaires, notamment pour les postes d'encadrement ou d'expertise scientifique, l'enjeu principal réside dans la fonction immobilière. Le ministre de la santé de l'époque, par une lettre du directeur de cabinet du 10 décembre 2008 avait déclaré que « l'implantation à Boulogne-Billancourt ne sera pas définitive » , compte tenu de l'engagement que « l'INCA se rapproche, à partir de 2012, d'autres agences sanitaires situées en Seine Saint Denis » . La stratégie suivie a finalement privilégié l'abandon de sites annexes et une renégociation des baux, permettant d'enregistrer des économies.

Néanmoins, la question du maintien de l'INCa dans ses locaux de Boulogne-Billancourt peut être posée, alors que le bail expire au 31 décembre 2017. Le choix de localisation de l'INCa était motivé par des raisons de contexte aujourd'hui disparues. La pertinence de cette localisation peut être doublement interrogée, dans la mesure où aucune raison d'aménagement du territoire ne la justifie, et où les agences sanitaires se concentrent principalement sur deux pôles géographiques, en Seine-Saint-Denis et à Saint-Maurice dans le Val-de-Marne 23 ( * ) . Selon les estimations de la direction du budget, une installation à proximité des autres agences sanitaires en Seine-Saint-Denis permettrait une économie comprise entre un et deux millions d'euros par an. En ce sens, et conformément à la réponse de la direction générale de la santé aux recommandations formulées par le rapport Bur de 2011 sur les agences sanitaires 24 ( * ) selon laquelle « le regroupement des agences situées à Saint-Denis sera étudié à l'occasion du renouvellement des baux » , un déménagement des locaux de l'INCa vers un de ces deux pôles géographiques pourrait être étudié. Il participerait de l'accentuation des mutualisations entre agences sanitaires.

Recommandation n° 2 : saisir l'opportunité de la fin du bail de location des locaux occupés par l'INCa à Boulogne-Billancourt au 31 décembre 2017 pour étudier les modalités d'un rapprochement vers l'un des deux pôles géographiques où se situent les autres agences sanitaires, comme préalable au renforcement des mutualisations de fonctions support entre opérateurs.

Toutefois, outre les efforts internes de gestion de l'Institut, les économies pouvant être réalisées résultent aussi du pilotage stratégique des tutelles, afin de permettre à l'INCa, malgré la baisse des subventions, de conserver des marges de manoeuvre pour remplir ses missions.

C. POUR MAINTENIR SON ACTION, DES MARGES DE MANoeUVRE INTERNES ET DE PILOTAGE DOIVENT ÊTRE RECHERCHÉES

1. Un pilotage rendu plus complexe par l'existence d'une cotutelle

La vision intégrée de l'INCa justifie la tutelle conjointe des deux ministères chargés de la santé et de la recherche. Toutefois, cette double tutelle ainsi que la possibilité d'une appréhension différente de l'évolution du rôle de l'opérateur exposent à une coordination insuffisante, voire difficile.

La décision de création de l'Institut résulte avant tout d'une décision au plus haut niveau de l'État, de sorte que les relations entre les directions d'administration centrale investies de la tutelle et l'INCa ont mis du temps à se stabiliser. Ces difficultés initiales sont rappelées dans l'insertion au rapport public annuel de 2009 sur l'INCa, qui  souligne : « jusqu'en 2006, l'exercice normal de la tutelle et du contrôle a priori par l'administration centrale a été restreint par des interventions supérieures » . De même, le rapport public thématique de la Cour des comptes sur « La mise en oeuvre du plan cancer » affirme que « dès l'origine, un sentiment de frustration s'était ainsi développé, du fait d'un dialogue parfois difficile entre l'INCa et la tutelle » 25 ( * ) . Les magistrats de la Cour des comptes interrogeaient le pilotage initial des tutelles.

Le rapport de notre collègue député Yves Bur 26 ( * ) de 2011 sur les agences sanitaires insistait sur la difficulté supplémentaire provoquée par l'existence d'une tutelle multiple, nécessitant l'organisation d'un dialogue entre les ministères intéressés. Une des propositions formulées consistait alors à désigner un ministère chef de file. De même, ce rapport en appelait à une tutelle rénovée, privilégiant un pilotage stratégique en fixant aux agences un schéma d'orientations stratégiques autour d'objectifs assignés et de moyens dédiés via des contrats d'objectifs et de performance. Conclus pour une période de trois ans, ils permettent de suivre annuellement les résultats et indicateurs afin d'affiner l'évolution des objectifs et des moyens.

Dans ce cadre, la tutelle sur l'INCa s'est progressivement stabilisée et s'exerce désormais par le biais des outils préconisés par la circulaire du Premier ministre du 26 mars 2010 relative au pilotage stratégique des opérateurs de l'État 27 ( * ) . Elle repose avant tout sur la signature du premier contrat d'objectifs et de performance le 7 janvier 2011, couvrant la période 2011-2014. En vue d'assurer un pilotage effectif de l'opérateur, il prévoyait notamment l'adoption de protocoles de coordination entre les directions d'administration centrale (direction générale de la santé, direction générale de l'offre de soins et direction générale de la recherche et de l'innovation) et l'INCa. Un nouveau contrat d'objectifs et de performance a été signé en octobre 2015 pour la période 2015-2018 par la ministre chargée de la santé, le secrétaire d'État chargé de la recherche, et la présidente de l'INCa. Ses dispositions s'inscrivent dans les priorités du troisième plan cancer 2014-2019, ainsi que dans les axes de la stratégie nationale de santé et de la stratégie nationale de recherche « France Europe 2020 ». Il affirme le rôle de pilote de l'Institut dans la mise en oeuvre du troisième plan cancer. Quatre axes stratégiques structurent ce nouveau contrat d'objectifs et de performance :

- consolider une approche intégrée de la lutte contre le cancer, notamment en accentuant l'articulation des actions de recherche, de prévention, de dépistage et d'organisation des soins ;

- conforter la qualité de l'expertise et améliorer la performance de l'Institut ;

- promouvoir une recherche de pointe au profit de tous les patients ;

- renforcer la démocratie sanitaire et partager les résultats de l'expertise.

Le nouveau contrat d'objectifs et de performance prévoit que l'Institut définit chaque année un plan d'actions déterminant notamment les mesures du troisième plan cancer qu'il entend mettre en oeuvre. Approuvé par le conseil d'administration, il est adressé aux ministres de tutelle. En outre, l'INCa établit annuellement un rapport de performances qui retrace les résultats atteints pour l'année écoulée, sur la base des indicateurs fixés par le COP.

Outre l'encadrement par le COP, le pilotage stratégique et la coordination entre tutelles s'opèrent par l'organisation de réunions préparatoires au conseil d'administration, afin de recueillir l'avis des administrations et de favoriser des prises de position homogènes des représentants de l'État.

Dans ces conditions, si des difficultés peuvent encore se manifester, les outils nécessaires à une coordination effective entre les deux tutelles ont été mis en oeuvre. En particulier, la trajectoire différente des dotations versées par les deux ministères semble traduire une appréhension différente de l'évolution du rôle de l'INCa. Elle correspond surtout à des contextes différents. De fait, si un équilibre fonctionnel a été trouvé en matière de recherche avec l'articulation entre l'INCa et l'ITMO Cancer, le pilotage du ministère de la santé sur ses opérateurs demeure à parfaire. Comme le montre la réflexion sur la localisation de l'Institut, l'enjeu de la coordination des actions métier et de la mutualisation des fonctions support, source d'économies, se concentre principalement sur les agences sanitaires.

2. Le pilotage de la direction générale de la santé au sein du système d'agences

La politique de santé publique présente la particularité d'être pilotée par l'administration centrale s'appuyant sur plusieurs agences sanitaires 28 ( * ) . Selon le constat dressé par la mission d'information conduite par notre collègue député Yves Bur en 2011, le paysage des agences n'a pas été pensé dans sa globalité selon un schéma d'ensemble structuré mais résulte d'un empilement d'institutions créées au gré des besoins. Le dispositif mis progressivement en place apparait en définitive peu lisible, en raison de la multiplicité des structures, des chevauchements de compétence et du manque de coordination entre les agences. Le rapport préconisait une recomposition prenant la forme à la fois d'une restructuration et d'une mutualisation des moyens. Il soulignait en ce sens la nécessité d'une coordination entre les agences et l'autorité de tutelle, ainsi qu'entre les agences. S'agissant de l'INCa, cette recommandation s'est notamment traduite par la conclusion d'accords-cadres avec les agences sanitaires à vision généraliste. S'agissant de la coordination entre l'autorité de tutelle et l'INCa, la direction générale de la santé a signé un protocole de coordination avec l'INCa le 15 novembre 2012, qui doit désormais être remis à plat pour tenir compte des orientations du troisième plan cancer.

Surtout, la direction générale de la santé a cherché, depuis 2008, à mieux articuler le travail des différents opérateurs sanitaires, au travers du concept de « système d'agences ». Pour assurer la gouvernance de ce système, deux comités ont été institués :

- un comité d'animation du système d'agences (CASA), chargé de la coordination opérationnelle. Il réunit tous les deux mois autour du directeur général de la santé les directeurs généraux des agences. L'objectif est d'impulser une stratégie commune à l'ensemble des agences et de définir des orientations prioritaires. En initiant des réflexions sur des problématiques communes, le comité cherche à renforcer la coordination entre les agences ;

- un comité des secrétaires généraux, chargé des sujets administratifs et financiers. Il réunit tous les trois mois, autour du secrétaire général de la direction générale de la santé, les secrétaires généraux de l'ABM, de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'Anses, l'EFS, l'EPRS, l'INPES, l'INCa, l'InVS et la HAS. Ces réunions assurent la cohérence de la gestion administrative et financière propre des agences.

Les efforts conduits en matière de gouvernance du système d'agences ont été renforcés depuis la fin de l'année 2014. La composition du CASA a ainsi été étendue aux représentants des ministères tutelles, aux directions d'administration centrale du ministère en charge de la santé et au secrétariat général des ministères sociaux. Il réunit désormais dix opérateurs - l'ABM, l'ANSM, l'ANSES, l'ASN, l'EFS, la HAS, l'INCa, l'INSERM, l'IRSN, la nouvelle Agence nationale de santé publique (ANSP) ; une représentation des ARS est également assurée ; le HCSP fait également partie du CASA. De surcroît, la loi de modernisation de notre système de santé donne habilitation au gouvernement de pourvoir, par ordonnance, le CASA d'une base légale 29 ( * ) .

Alors que les projets de regroupement des agences sanitaires se sont finalement restreints au regroupement de trois agences au sein de la nouvelle Agence nationale de santé publique 30 ( * ) , il convient de renforcer la mutualisation des moyens supports, afin de concilier maitrise des dépenses publiques et poursuite de l'exercice des missions principales.

À la suite des perspectives tracées par le budget triennal 2013-2015, des travaux ont été conduits au sein du comité des secrétaires généraux. Ils ont principalement concerné l'industrialisation des fonctions à faible valeur ajoutée pour les opérateurs en s'appuyant sur la mise en oeuvre de plateformes de services partagées. Dans ce cadre, une première opération de mutualisation des fonctions finances et comptables, a été proposée par la direction générale de la santé aux opérateurs en 2014 afin de mettre en oeuvre un système d'information financier et comptable commun à l'ensemble des agences entrant dans le projet dans la perspective des adaptations rendues nécessaires par l'extension de l'application du décret GBCP 31 ( * ) aux agences sanitaires à compter du 1 er janvier 2016. Le système d'information finance des agences sanitaires (SIFAS) a été développé par cinq établissements (ANSM, INCa, EPRUS, INPES et InVS - future ANSP), sous la gouvernance de la direction générale de la santé ; il a été mis en exploitation le 4 janvier 2016 pour l'ANSM et l'INCa, et dès sa création pour l'ANSP. Les agences concernées par cette application informatique travaillent maintenant sur les développements en termes de mutualisation de traitements comptables et de facturation.

Ce projet constitue une première démarche concrète de mutualisation inter agences d'un outil informatique et doit être considéré comme une première étape vers de futures opérations de mutualisation. Votre rapporteur spécial considère que ce mouvement doit s'étendre afin de sauvegarder la capacité opérationnelle des agences sanitaires en général, et de l'INCa en particulier.

Recommandation n° 3 : convertir la tentative de mutualisation entre agences sanitaires porté par le projet SIFAS pour renforcer les rapprochements des fonctions support et conserver les moyens d'action sur les missions métier principales.

DEUXIÈME PARTIE : ORGANISME FACILITATEUR, L'INSTITUT NATIONAL DU CANCER A ASSURÉ L'EFFICACITÉ DE LA LUTTE CONTRE LE CANCER, EN PERMETTANT UNE MEILLEURE COORDINATION DES ACTEURS DE LA RECHERCHE ET DU SOIN, TOUT EN INCARNANT LA « MAISON COMMUNE DU CANCER »

L'INCa a permis de surmonter l'organisation fragmentée de la lutte contre le cancer avant 2004 et d'assurer l'accompagnement nécessaire aux objectifs ambitieux et aux moyens consacrés par les plans cancer successifs. Sa participation à l'élaboration du troisième plan cancer illustre son rôle reconnu : alors qu'il avait uniquement été consulté pour les deux premiers plans, l'Institut a piloté la conception du troisième et est investi de la responsabilité de 72 % de ses 208 actions.

L'INCa intervient principalement pour coordonner et structurer les acteurs, ainsi que pour apporter un soutien financier, notamment en matière de recherche. Il incarne la « maison commune du cancer », ce qui signifie que le malade constitue le point focal de ses actions dans tous les domaines, et qu'il promeut une prise en charge globale du malade, tenant compte également des aspects sociaux et humains de la maladie.

L'efficacité de cette organisation intégrée est étayée par les bénéfices obtenus en matière de prise en charge des malades. À ce titre, l'enquête publiée en février 2016 par l'Institut de veille sanitaire et l'Institut national du cancer montre des tendances « encourageantes » sur les taux de survie de 53 types de cancer 32 ( * ) .

Principaux apports des trois plans cancer

Source : commission des finances du Sénat.

I. L'INSTITUT NATIONAL DU CANCER INSUFFLE UNE DYNAMIQUE À LA RECHERCHE SUR LE CANCER, EN ASSURANT LA BONNE ALLOCATION DES FINANCEMENTS

A. LES COMPÉTENCES DE L'INSTITUT NATIONAL DU CANCER EN MATIÈRE DE RECHERCHE EN FONT UN ACTEUR CLÉ

La loi de santé publique du 9 août 2004 33 ( * ) confie à l'INCa la mise en oeuvre, le financement et la coordination des actions de recherche dans le domaine du cancer. Parmi les huit missions législatives confiées à l'INCa, deux principales concernent directement la recherche :

- la mise en oeuvre, le financement, la coordination de la recherche, le développement et la désignation d'entités de recherches en cancérologie, en liaison avec les organismes de recherche concernés ;

- le développement et le suivi d'actions communes entre opérateurs publics et privés dans les domaines de la prévention, de l'épidémiologie, du dépistage, de la recherche, de l'enseignement, des soins et de l'évaluation.

Les financements publics consacrés à la recherche sur le cancer en 2015

En 2015, plus de 102 millions d'euros ont été consacrés à la recherche en cancérologie, dans les trois grands domaines de recherche suivants :

- recherche fondamentale : 60 millions d'euros

- recherche translationnelle : 23 millions d'euros

- recherche clinique : 19 millions d'euros

Ces financements se répartissent de la façon suivante :

- environ 57 millions d'euros ont permis de financer des projets de recherche sélectionnés à la suite d'une évaluation compétitive. En 2015, 1126 projets de recherche ont été soumis en réponse à des appels à projets libres ou thématisés et 214 ont été acceptés pour financement ;

- deux millions d'euros ont été consacrés aux jeunes équipes, aux médecins désireux de s'investir dans la recherche et à la formation de jeunes chercheurs ;

- plus de 43 millions d'euros ont été destinés à faire progresser la recherche au niveau national par le financement de structures ou d'infrastructures, d'outils de recherche ou d'équipements

Source : « Plan cancer 2014-2019, deuxième rapport au président de la République », février 2016, page 38.

Les compétences entre l'INCa et l'ITMO cancer se répartissent de la façon suivante :

- l'INCa finance et gère principalement des projets issus d'appels à projets libres dans l'ensemble des domaines de la recherche (biologie, translationnelle 34 ( * ) , clinique, sciences humaines et sociales épidémiologie) et la structuration de la recherche (Cancéropôles, SIRIC, CLIP², etc.) ;

- l'ITMO cancer finance des projets issus d'appels à projets thématisés, la formation à la recherche translationnelle et les jeunes équipes d'excellence dans le domaine des sciences biomédicales.

Le financement de la recherche représente plus de la moitié des dépenses de l'INCa, soit environ 50 millions d'euros chaque année.

L'Institut joue le rôle de coordonnateur de la recherche dans le domaine du cancer auprès de tous les organismes de recherche impliqués dans les sciences de la vie et de la santé. Dans la mesure où la recherche en cancérologie donne lieu à la mobilisation de plusieurs acteurs 35 ( * ) , une bonne coordination avec les acteurs publics et associatifs est indispensable. L'INCa y contribue en représentant le point focal de la recherche en cancérologie, par son double rôle de financement et de structuration. Dans le cadre de sa vision intégrée et au service des malades, l'INCa s'attache particulièrement à favoriser le continuum entre la recherche et les soins.

Ce rôle est rappelé dans le contrat d'objectifs et de performance pour les années 2015-2018. De même, le pilotage scientifique de l'ensemble des crédits recherche du troisième plan cancer a été confié à l'INCa.

B. CONSACRANT LES DEUX TIERS DE SON BUDGET AU SOUTIEN À LA RECHERCHE SUR LE CANCER, L'INSTITUT NATIONAL DU CANCER JOUE LE RÔLE D'UNE AGENCE DE MOYENS

1. Un soutien financier intervenant dans tous les champs de la recherche en cancérologie

La dimension internationale de la recherche sur le cancer trouve son relais dans la procédure suivie par l'INCa pour sa mission de soutien financier aux projets de recherche. La majorité des experts des comités d'évaluation des appels à projets subventionnés par l'INCa s'inscrit dans une perspective internationale et un conseil scientifique international établit les orientations scientifiques stratégiques de l'Institut puis en assure le suivi. Parallèlement, le conseil d'administration permet à l'Institut de présenter ses orientations scientifiques et représente un lieu de mise en cohérence avec les soutiens caritatifs et avec les organismes publics de recherche, comme l'Inserm et le CNRS, sous l'égide du ministère de la recherche.

L'INCa soutient tous les domaines de la recherche : la recherche clinique, la recherche translationnelle, la recherche en biologie, la recherche en sciences humaines et sociales, en épidémiologie et en santé publique.

Source : Commission des finances du Sénat à partir des données fournies par l'INCa 36 ( * ) .

L'INCa finance les projets de recherche selon deux grandes orientations :

- le financement de projets libres dans les différents champs du cancer, suivant l'objectif du troisième plan cancer, ce qui permet la soumission de projets comportant toutes les questions de la recherche dans le domaine du cancer ;

- le financement de projets multidisciplinaires et intégrés permettant aux chercheurs de mener des travaux mobilisant plusieurs équipes complémentaires, cliniciens, chercheurs fondamentaux et en sciences humaines, épidémiologistes. Ces projets transversaux sont destinés à favoriser le transfert de la recherche d'amont vers la clinique, et des constats cliniques ou épidémiologiques vers les analyses fondamentales.

En 2015, onze appels à projets en recherche ont été lancés ou gérés par l'INCa ; 146 projets ont été financés, pour un montant total de 81 millions d'euros, dont 51,5 millions d'euros par l'Institut (cf. annexe 4).

Depuis 2010, le programme d'actions intégrées de recherche (PAIR), initialement créé par l'INCa en 2007, permet un financement partagé de projets de recherche entre l'INCa et les deux principaux financeurs caritatifs de la recherche sur le cancer (Ligue nationale contre le cancer et Fondation ARC). Ils représentent un montant de financement compris entre 7 millions d'euros et 9 millions d'euros chaque année. Ce sont des projets pluridisciplinaires, qui mobilisent différents types de compétences et disciplines sur un sujet de recherche. Outre les montants consacrés aux PAIR, les deux associations soutiennent d'autres actions de recherche librement l'effort de recherche à hauteur de 37,9 millions d'euros pour la Ligue nationale contre le cancer et 32 millions d'euros pour la Fondation ARC en 2014, tout en prenant en compte les actions de l'INCa.

2. La procédure de sélection des appels à projets

Tous les projets sélectionnés font l'objet d'une analyse par un comité d'évaluation composé d'experts internationaux, qui juge de la qualité des projets et de leur intérêt scientifique. Les critères des appels à projets sont conçus par l'INCa conformément aux orientations de son conseil scientifique. Outre les appels à projets conjoints avec d'autres financeurs, comme les PAIR avec les deux associations historiques de la lutte contre le cancer, l'INCa gère pour le compte du ministère chargé de la santé les appels à projets ouverts dans le cadre du programme hospitalier de recherche clinique cancer (PHRC-K) et du programme de recherche médico-économique cancer (PRME-K).

La prise en compte de la création des agences régionales de santé n'a pas été menée à son terme. En effet, si les ARS sont sollicitées pour instruire certains appels à projets pour le compte de l'INCa, elles ne sont pas associées à leur construction en amont. Associer les ARS à la conception de certains appels à projets pourrait permettre de prendre en compte les spécificités de certains territoires et serait cohérent avec la structuration de la recherche assurée à l'échelle régionale (cf. infra ).

Recommandation n° 4 : Afin de renforcer la prise en compte des spécificités régionales en matière de cancer et de compléter le poids conféré aux territoires dans la conduite opérationnelle de l'effort de recherche sur le cancer, étudier les conditions d'association des ARS à la conception de certains appels à projets.

Après la publication de l'appel à projets, le processus de sélection se fait en deux étapes, avec d'abord la soumission des lettres d'intention, puis l'élaboration d'un dossier complet pour les projets préselectionnés sur la base de la lettre d'intention. Un comité d'experts ad hoc indépendant est composé et se réunit pour évaluer les réponses : deux rapporteurs issus de ce comité sélectionnent d'abord les lettres d'intention, puis des experts externes au comité évaluent les dossiers complets. À l'appui de cette évaluation, deux rapporteurs du comité d'experts étudient les projets, qui sont ensuite discutés et notés par l'ensemble du comité d'évaluation. L'INCa suit strictement l'avis de ce comité en finançant les projets les mieux notés, dans la limite des crédits ouverts pour l'appel à projets.

Les étapes successives du soutien financier de l'INCa aux projets de recherche

Source : INCa.

L'analyse des taux de sélection des projets selon les domaines de recherche met en évidence une concurrence moins forte dans les champs de la recherche en sciences humaines et sociales qu'en recherche clinique ou en biologie. Le taux de sélection pour les projets soutenus en 2015 est ainsi de 13 % pour les projets libres en biologie et sciences du cancer, et de 26 % pour les projets libres en sciences humaines et sociales, épidémiologie et santé publique. Par exemple, le nombre de projets soumis en matière de recherche sur les cancers professionnels est faible, alors même qu'il s'agit d'un enjeu important et encore mal appréhendé.

3. L'amélioration de l'évaluation ex post des projets financés doit constituer une priorité

Une des actions du troisième plan cancer vise à « Développer des outils partagés d'évaluation des projets de la recherche en cancérologie ». L'évaluation ex post des projets soutenus participe d'une double nécessité, à la fois pour contrôler l'utilisation des fonds alloués à la suite d'un appel à projets libres, et pour orienter les priorités stratégiques de recherche.

Si l'évaluation d'un projet de recherche financé par l'INCa est faite au cours du projet et à la fin du projet à travers des rapports d'activité et financiers déposés par le porteur de projet, l'évaluation ex post conduite par l'Institut demeure embryonnaire.

En 2014, l'INCa a engagé un processus d'évaluation de ses financements de la recherche consistant à évaluer chaque année les financements attribués sur un exercice budgétaire dans le cadre d'un appel à projets. Ainsi, en 2014, une évaluation pilote de l'appel à projets de recherche translationnelle de 2007 a été menée, afin de définir les méthodologies et outils d'évaluation. Quatre axes d'évaluation ont été définis, portant sur les différents impacts de la recherche et sur la diffusion des résultats :

- l'impact de la recherche translationnelle sur la santé : l'amélioration des protocoles ou pratiques cliniques ;

- l'impact scientifique : la production de connaissances ;

- l'impact économique : l'effet de levier entrainé par les subventions de l'INCa et le dépôt éventuel d'un brevet ou d'une licence ;

- la diffusion des résultats de ces recherches par des communications, notamment auprès du grand public.

Parallèlement, l'INCa a lancé en 2015 une comparaison internationale des outils d'évaluation ex post des projets de recherche financés permettant de mesurer leurs effets et leurs impacts. Cette comparaison est encore en cours et n'a pas encore donné des résultats. Toutefois, il convient d'établir rapidement un dispositif d'évaluation des projets financés afin de contrôler l'utilisation et l'impact du soutien financier accordé et de guider la stratégie de l'Institut en matière de recherche.

Recommandation n° 5 : Tirer rapidement les enseignements de la comparaison internationale des outils d'évaluation ex post des projets de recherche financés, afin d'établir le dispositif national d'évaluation.

C. L'INSTITUT NATIONAL DU CANCER ASSURE LA STRUCTURATION ET LE SOUTIEN AUX INFRASTRUCTURES DE RECHERCHE

1. Le rôle de l'Institut national du cancer dans la structuration de la recherche en cancérologie pour agréger les acteurs

« Maison commune » du cancer, l'INCa prolonge sa vision intégrée de la maladie en initiant et labellisant des structures de recherche sur le cancer afin de réunir et dynamiser les différents acteurs, selon une perspective pluridisciplinaire. Si ce rôle de structuration couvre les différentes phases du processus de recherche, il est particulièrement important pour assurer la transition avec les soins.

Afin d'assurer une coordination concrète entre équipes de recherche, l'effort d'organisation s'opère surtout au niveau d'un territoire. Dans cette perspective, les deux premiers plans cancer ont imaginé plusieurs structures, mises en place et développées par l'INCa :

- les cancéropôles : créés en 2003 dans le cadre du premier plan cancer, soutenus par l'INCa depuis 2005, sept cancéropôles contribuent à stimuler et coordonner la recherche au plan régional (Île-de-France, Provence-Alpes Côte d'Azur) ou interrégional, en cohérence avec la politique de recherche nationale. Ils fédèrent les équipes des organismes publics de recherche (Inserm, CNRS, CEA, universités, etc.), les centres hospitalo-universitaires, les centres de lutte contre le cancer et interagissent avec les industriels de la santé. Soutenus financièrement par l'INCa et les conseils régionaux, ils ont fait l'objet de deux procédures de labellisation par l'INCa, pour les périodes 2011-2014 et 2015-2017 ;

- les centres labellisés INCa de phase précoce (CLIP²) et les sites de recherche intégrée sur le cancer (SIRIC) : dans le cadre du deuxième plan cancer, l'Institut a mis en place des structures dédiées à l'organisation, sur le terrain, de programmes de recherche : 16 CLIP² pour la recherche clinique, labellisés à nouveau en 2015 pour une durée de quatre ans, et 8 SIRIC pour la recherche translationnelle. Labellisés par l'INCa en 2011 et 2012, les SIRIC visent à dynamiser la recherche translationnelle sur le cancer en réunissant autour d'un même site des services médicaux, des équipes de recherche multidisciplinaire et des ressources ;

- les équipes mobiles de recherche clinique (EMRC) : créées en 2006, 26 EMRC ont pour objectif d'apporter un soutien aux établissements de soins et de faciliter leur participation aux essais cliniques.

Répartition territoriale des trois principales structures de recherche sur le cancer créées par les deux premiers plans cancer

Source : INCa.

Les efforts d'organisation menés ces dernières années ont conduit à la création de nombreuses structures, pour lesquelles les compétences peuvent se chevaucher. De surcroît, outre les organisations spécifiques au cancer, des dispositifs pluri pathologies ont été institués, donnant lieu à une certaine complexité de l'architecture territoriale de recherche. De fait, un effort d'articulation des structures doit être effectué.

2. Une organisation territoriale de la recherche parfois trop complexe

Si le territoire constitue l'échelon pertinent pour une coordination opérationnelle entre équipes de recherche, il importe que ce découpage s'accompagne d'une coordination nationale. Dans son insertion au rapport sur l'application des lois de financement de sécurité sociale portant sur les centres de lutte contre le cancer 37 ( * ) , la Cour des comptes a ainsi constaté une relative complexité du paysage de la recherche en cancérologie au plan territorial. La Cour des comptes s'interrogeait notamment sur l'articulation de deux structures, opérant au côté des cancéropôles :

- les groupements interrégionaux de recherche clinique et d'innovation, créés en 2011 : les sept GIRCI ont pour mission de soutenir et de développer la recherche clinique transversale à l'échelon d'un territoire. Or le découpage diffère en partie de celui des cancéropôles, même à la suite de la nouvelle cartographie présentée début 2016 : les périmètres des GIRCI sud-ouest Outre-mer et grand-ouest ne correspondent pas totalement avec ceux des cancéropôles grand-ouest et grand sud-ouest ;

- les SIRIC, pour lesquels la Cour des comptes rappelait la réponse de la direction générale de l'offre de soins au sujet de l'intérêt de ces structures dans le dispositif de recherche : « il est difficile d'identifier l'intérêt ou la valeur ajoutée des SIRIC, créés en 2011 et 2012, dans le dispositif national (en plus des délégations à la recherche clinique et à l'innovation, GIRCI, centres de recherche clinique, centres d'investigation clinique, CLIP², cancéropôles, pôles de recherche hospitalo-universitaires en cancérologie, départements hospitalo-universitaires, etc.). Le dispositif est trop récent pour être évalué (...). Quand bien même, il serait difficile de distinguer ce qui aura été scientifiquement produit grâce aux SIRIC de ce qui aurait été produit de toute façon dans ces périmètres d'excellence. Il est possible que les SIRIC, et leurs financements, soient uniquement un effet d'aubaine pour des structures d'excellence déjà préexistantes » .

De fait, la multiplication des structures ou labellisations en matière de recherche entraine des risques de perte de lisibilité et de cohérence des interventions et de dispersion des ressources financières et humaines. En particulier, le dispositif thématique mis en place pour le cancer doit s'articuler dans l'ensemble des établissements de santé autorisés à l'activité de traitement du cancer avec les dispositifs de recherche non spécifiques coordonnés par le GIRCI.

Dans cette perspective, dans le cadre du troisième plan cancer et à la suite de la nouvelle organisation territoriale, des précisions ont été apportées. S'agissant des cancéropôles, l'objectif 16 du troisième plan cancer vise à « optimiser les organisations pour une plus grande efficience », notamment en recentrant les missions des cancéropôles sur des champs non couverts par d'autres organisations, et en articulant les actions des SIRIC et des cancéropôles.

Dans le cadre du renouvellement de la labellisation des cancéropôles par l'INCa en 2015, le programme scientifique de chacun d'eux a été formalisé par un contrat d'objectifs et de performances conclu avec l'Institut. Ils ont notamment procédé au recentrage des missions des cancéropôles : sept missions communes ont été définies, ainsi qu'une mission spécifique en rapport avec l'environnement territorial du cancéropôle, afin de prendre en compte les priorités politiques et stratégiques locales. Aux termes du nouveau COP, chaque cancéropôle doit formaliser un partenariat avec les SIRIC, lorsqu'il est présent sur son territoire, en vue de définir une stratégie commune et de mutualiser les moyens.

Liste des sept missions communes aux sept cancéropôles

- mission 1 : l'animation scientifique au service de la communauté ;

- mission 2 : favoriser la détection et l'émergence de projets innovants ;

- mission 3 : participer au développement d'essais cliniques avec des acteurs régionaux/interrégionaux ;

- mission 4 : accompagner les équipes de recherche dans le développement de leurs projets ;

- mission 5 : favoriser l'émergence de projets innovants et les transferts de technologies qu'ils entraînent ;

- mission 6 : encourager l'émergence de nouvelles technologies ;

- mission 7 : favoriser la mise en oeuvre de nouvelles actions de structuration au niveau régional et interrégional.

Carte et missions spécifiques des sept cancéropôles

Source : INCa.

D. LES COMPÉTENCES DE L'INSTITUT NATIONAL DU CANCER EN MATIÈRE DE RECHERCHE ALIMENTENT SON APPROCHE INTÉGRÉE ET TROUVENT LEUR PROLONGEMENT DANS SES AUTRES ACTIONS

En matière de recherche, l'INCa intervient comme agence de moyens et de certification, soutenant financièrement des projets et contribuant à la coordination. Toutefois, sa vision intégrée sur le cancer lui permet de surcroît de compléter l'effort de recherche en assurant d'une part un continuum entre la recherche et les soins et d'autre part une veille d'expertise pour les décideurs.

1. L'INCa est chargé d'assurer le continuum entre la recherche et les soins

Conformément à l'objectif de constituer la « maison commune du cancer », l'INCa porte une recherche au service des malades, avec des traductions concrètes dans les traitements. Sous l'impulsion des plans cancer successifs, la recherche clinique a progressé en France : entre 2008 et 2013, le nombre d'inclusions a augmenté de 102 %, atteignant 44 023 patients en 2013 38 ( * ) . Le troisième plan cancer fixe l'objectif d'atteindre les 50 000 inclusions par an d'ici 2019. Pour le patient, la participation à un essai clinique d'une part permet l'accès à un traitement innovant et d'autre part garantit un encadrement spécifique de la prise en charge ainsi qu'un suivi adapté, pendant et après la fin du traitement. Depuis 2007, l'Institut tient un registre des essais cliniques en cancérologie en France (RECF), mis en ligne, afin de fournir des informations sur les essais cliniques conduits en France. Le nombre des visites du RECF augmente régulièrement, avec un nombre de consultation compris entre 15 000 et 27 000 visites par mois.

Pour atteindre l'objectif d'inclusions de patients dans des essais cliniques de 50 000 patients par an d'ici 2019, il convient d'agir en amont pour informer sur les essais thérapeutiques. Compte tenu de la situation particulière des malades lorsque l'essai leur est proposé, l'INCa devrait communiquer davantage pour informer sur les modalités des essais cliniques.

Recommandation n° 6 : Ajouter un volet sur les essais cliniques à la communication de l'Institut, afin de mieux informer le grand public en amont et réduire les peurs suscitées lorsque ces essais sont proposés à des patients en situation personnelle bouleversée.

En vue de favoriser l'accroissement du nombre d'essais cliniques, l'INCa a mis en place en 2013 le programme AcSé (accès sécurisé aux innovations thérapeutiques), permettant à des patients atteints de cancer en échec thérapeutique d'accéder à un traitement par un médicament ciblant une anomalie moléculaire de leur tumeur, en dehors des indications de l'autorisation de mise sur le marché, mais dans le cadre sécurité d'un essai. Ce programme permet d'adapter la conception des essais cliniques à l'émergence des traitements guidés par la biologie des tumeurs. En particulier, ces traitements peuvent être efficaces dans différents types de tumeurs partageant la même anomalie moléculaire, multipliant ainsi le nombre d'essais à mener pour de petits groupes de patients (cf. annexe n° 6).

2. L'INCa, une agence d'expertise au service du ministère chargé de la santé

La recherche en cancérologie étant particulièrement dynamique, les bouleversements y sont profonds et rapides. Par son rôle dans les appels à projets, son suivi des essais cliniques, sa participation aux réseaux et congrès européens et internationaux de recherche, l'Institut conduit un travail de veille sur les avancées de la recherche et en informe les administrations centrales. Outre ce rôle de relais d'expertise, l'INCa joue aussi le rôle d'une vigie, en portant à l'attention des administrations centrales des évolutions et innovations structurantes, ainsi que de soutien scientifique, en répondant aux saisines des directions d'administration centrale. L'INCa fournit les éléments nécessaires à la prise de décision.

Ce rôle de veille illustre l'apport de la vision intégrée de l'Institut national du cancer, qui permet de faire le lien entre les différents angles d'appréhension de la maladie. De fait, l'INCa a contribué à modifier l'organisation de l'offre de soins en cancérologie.

II. L'INSTITUT NATIONAL DU CANCER A PERMIS DE FAIRE PIVOTER L'ORGANISATION DU SYSTÈME DE SOINS AU PROFIT DU PATIENT

Chargé de coordonner les actions de lutte contre le cancer, aux termes de l'article L. 1415-2 du code de la santé publique, l'INCa a notamment pour missions :

- la définition des critères d'agrément des établissements de santé pratiquant la cancérologie ;

- la désignation d'entités et d'organisations dans le domaine de la lutte contre le cancer.

Dans cette perspective, l'INCa a accompagné les évolutions qui ont profondément transformé l'organisation des soins en cancérologie, avec pour objectif principal de garantir la qualité et l'équité des prises en charge des personnes atteintes de cancer sur l'ensemble du territoire. Dans un rôle de structuration et de coordination, l'INCa a contribué à généraliser des pratiques et à articuler la prise en charge autour du patient. De façon générale, les mesures portées par le premier plan cancer ont été largement inspirées du modèle d'organisation des soins, fondé sur une prise en charge globale et pluridisciplinaire, en vigueur dans les centres de lutte contre le cancer 39 ( * ) mais en rupture avec l'organisation traditionnelle des établissements de santé généralistes, privilégiant des unités par organes. En ce sens, l'INCa, en imposant sa vision intégrée, a joué le rôle d'un concentrateur et d'un accélérateur de progrès, instillant une dynamique en cancérologie. En réunissant en son sein les professionnels du soin et de la recherche, il a disposé de l'autorité et de l'expertise pour généraliser des pratiques et des structures.

A. UNE STRUCTURATION ET UN ENCADREMENT AU PROFIT DE LA RÉDUCTION DES PERTES DE CHANCE

Une des priorités du premier plan cancer était de garantir une sécurité minimale des soins apportés aux malades : en homogénéisant des conditions de prise en charge variables selon les établissements, il s'agissait de rendre les chances des patients plus égales. Alors que les taux de guérison du cancer augmentaient sous l'effet des nouveaux traitements, il était important d'assurer la qualité et la sécurité des soins partout sur le territoire. Dans cette perspective, plusieurs dispositifs ont été développés, l'INCa ayant contribué à leur diffusion et à leur mise en oeuvre.

1. Des guides et référentiels pour définir les conditions d'une bonne prise en charge

En vue d'harmoniser les pratiques à un haut niveau de qualité et de réduire les risques de pertes de chances pour les malades, l'INCa met à disposition des professionnels du soin des recommandations et référentiels afin de décrire la prise en charge optimale actualisée pour un type de cancer. Dans la mesure où la cancérologie connaît de très fortes innovations depuis plusieurs années, avec de nouvelles molécules et techniques qui renouvellent les stratégies de prise en charge, ces publications permettent de donner l' état de l'art médical au niveau international. L'INCa assure ainsi le relais entre l'expertise scientifique et la traduction sanitaire avec des publications reconnues. Votre rapporteur spécial a ainsi pu constater qu'elles servent également d'appui pour les enseignements dispensés par certains professeurs universitaires praticiens hospitaliers.

En lien avec les sociétés savantes concernées, l'INCa a ainsi élaboré et diffusé seize recommandations de pratique clinique à destination des professionnels de santé impliqués dans la prise en charge spécialisée des patients en cancérologie.

Outre ses publications à destination des médecins spécialistes, l'INCa a aussi produit en partenariat avec la Haute Autorité de santé vingt-quatre guides de bonnes pratiques couvrant vingt-cinq localisations de cancers, destinés aux médecins généralistes. Ces guides visent à soutenir ces professionnels dans leurs fonctions de premier recours et de coordination de l'organisation des parcours de soins des patients. Plus largement, ils participent également à la structuration des échanges entre les soins de ville et l'hôpital en vue d'assurer la continuité des prises en charge. Ces publications revêtent une grande importance compte tenu de la place des premiers soins pour la détection et l'orientation des patients, conditions d'un traitement précoce du cancer. Toutefois, au-delà de leur diffusion effective, ces guides devraient être davantage utilisés, ce qui rejoint plus largement l'enjeu d'une association plus forte des médecins généralistes à l'action de l'INCa.

Conformément à ses missions d'expertise scientifique, l'Institut national du cancer publie également des synthèses dressant un état des lieux et des connaissances par thématiques. Ces publications participent d'une double information, à la fois du médecin pour intégrer les évolutions structurantes dans le diagnostic et le traitement de la maladie, mais aussi du patient, qui, par le biais de son médecin traitant, peut disposer d'une information complète.

Publications de l'INCa en 2014 à destination des professionnels du soin

Source : commission des finances du Sénat.

2. La mise en oeuvre du dispositif d'autorisation en cancérologie

En vue de réduire les disparités de prises en charge qui entraînaient des chances de survie différentes selon les établissements pour un même cancer, le premier plan cancer a instauré un dispositif d'autorisation en cancérologie permettant d'homogénéiser la qualité des soins. Ce dispositif a été initié en 2007, donnant lieu à une première procédure d'autorisation en 2009 pour une période de cinq ans.

Le dispositif d'autorisation repose sur trois piliers :

- des seuils minimaux d'activité par établissement ont été définis pour certains traitements et certains types de cancer ;

- des critères transversaux de qualité s'appliquent quel que soit le type de prise en charge ;

- des critères d'agrément définis par l'INCa pour les principales thérapeutiques du cancer comme la chirurgie, la radiothérapie et la chimiothérapie.

Ce dispositif a entraîné une forte restructuration de l'offre de soins. Le nombre d'établissement autorisés pour le traitement du cancer est passé de 2 200 en 2003 à 944 en 2014, correspondant à une réduction de plus de 21 % du nombre d'établissements autorisés. La procédure, effectuée par les ARS, a été renouvelée en 2014 : 935 sites ont reçu une autorisation. L'INCa tient à jour sur son site une cartographie de l'offre de soins en cancérologie, permettant au grand public comme aux professionnels de consulter les modes de traitements autorisés pour chaque établissement.

Pour autant, comme l'ont souligné à votre rapporteur les représentants de la Cour des comptes, la mise en oeuvre de ce dispositif d'autorisation en cancérologie appelle à la vigilance.

En premier lieu, la mise en oeuvre se révèle hétérogène selon les régions car, en augmentant les exigences de qualité et de sécurité des soins, elle peut conduire à la fermeture de certains établissements de proximité. Dans une insertion de suivi au rapport public annuel de 2012, la Cour des comptes 40 ( * ) a noté que « dans certains établissements autorisés, les seuils minima d'activité ne sont pas atteints, en particulier dans le domaine de la chirurgie du cancer où ils avaient pourtant été fixés relativement bas » . De même, dans son rapport sur l'évolution des charges et produits de l'assurance maladie de 2015 41 ( * ) , la CNAMTS soulignait qu'en 2012, 5 % des femmes étaient prises en charge dans des établissements dont l'activité de chirurgie mammaire était inférieure au seuil fixé de 30 interventions par an.

Interrogé par la Cour des comptes en 2015, l'INCa a indiqué qu'aucune dérogation hors cadre réglementaire n'a été accordée à des établissements en raison de non-respect des seuils réglementaires, des mesures transversales de qualité ou des critères d'agrément. Pourtant, lors de l'enquête conduite en 2015 sur les centres de lutte contre le cancer 42 ( * ) , les magistrats de la Cour des comptes ont constaté que des dérogations avaient été accordées à certains centres hospitaliers par des ARS au regard du contexte régional. L'importance de la proximité des soins ne doit toutefois pas remettre en cause les exigences de sécurité de la prise en charge.

En outre, en raison de sa nouveauté et des conséquences qu'il portait pour les établissements de santé, le dispositif d'autorisation a initialement été mis en place selon des seuils « possibilistes ». De fait, les seuils en vigueur sont inférieurs aux standards européens et internationaux : par exemple, pour la chirurgie des cancers du sein, le seuil est de 30 interventions par an par établissement en France, contre 50 interventions par an et par chirurgien recommandées au niveau international selon la CNAMTS 43 ( * ) . Il existe une dichotomie notable entre les exigences qualitatives fortes et le niveau d'activité fixant le seuil relativement bas : le dispositif qualitatif implique des coûts d'équipement et de mise à jour qui ne correspondent pas aux seuils d'activité réglementaires fixés. Il importe de conduire une réflexion sur ce sujet, et le rôle opérationnel de l'INCa en la matière, dans la mesure où le dispositif doit être révisé d'ici le premier semestre 2018, avec un processus de concertation engagé dès l'année 2016. Le troisième plan cancer prévoit de faire évoluer son périmètre afin de prendre en compte les évolutions dans les techniques de prises en charge et l'accès à l'innovation. La réponse au défi de concilier proximité et sécurité des soins doit porter sur une meilleure articulation entre soins de premier recours et soins spécialisés.

Le troisième plan cancer envisage plusieurs pistes d'évolution du dispositif d'autorisation. En particulier, il prévoit de définir des indicateurs de qualité de prise en charge des patients par localisation de cancer. La question de la transparence doit être intégrée pour permettre aux patients de connaitre les niveaux de pratique de chaque établissement. En outre, il prévoit d'actualiser les critères d'agrément pour intégrer les nouvelles modalités de prise en charge, comme la chimiothérapie orale ou la radiologie interventionnelle. À la suite de ces constats sur les dérogations accordées par certaines ARS à certains établissements, la Cour des comptes avançait deux enjeux majeurs :

- d'une part, l'évolution du dispositif, en le fondant sur des seuils  par chirurgien et non plus par spécialité selon les établissements, ce qui permettrait de garantir une pratique individuelle suffisante de l'oncologie ;

- d'autre part, introduire des indicateurs mesurant les bénéfices pour la santé des patients et le risque de perte de chance à être pris en charge par tel ou tel établissement de santé. De tels indicateurs ne sont actuellement pas disponibles.

Recommandation n° 7 : Dans le cadre du processus de concertation engagé en 2016 sur l'évolution du dispositif d'autorisation en cancérologie, conduire une réflexion afin de définir des seuils d'activité conformes aux standards internationaux et de garantir la sécurité des patients et d'agrémenter les critères d'autorisation d'exigences qualitatives, présentant le niveau d'activité de chaque établissement.

B. UNE COORDINATION DES ACTEURS DU SOIN AU PROFIT D'UNE PRISE EN CHARGE GLOBALE DE LA PERSONNE

En vue de construire un véritable parcours de soin autour du malade, l'INCa a prolongé son action en mettant en place des procédures et structures de coordination des acteurs du soin.

L'INCa a d'abord rendu obligatoire les réunions de concertation pluridisciplinaires (RCP). Ces réunions ont modifié la pratique quotidienne de la cancérologie et accru la sécurité pour les malades. En permettant une confrontation des points de vue entre professionnels de santé, elles participent aussi à la formation et à l'amélioration des pratiques de soins. La généralisation des RCP par l'INCa est emblématique du rôle joué par l'opérateur, dans la mesure où si les RCP étaient déjà pratiquées dans certains établissements spécialisés, comme les centres de lutte contre le cancer, l'autorité de l'Institut a permis sa généralisation. Or il s'agit d'un dispositif de coordination peu coûteux mais performant pour actualiser les pratiques et réduire les risques de pertes de chance.

L'annuaire national des RCP est accessible sur le site de l'INCa aux professionnels et aux patients depuis septembre 2014. Le processus d'alimentation de l'annuaire est suivi mensuellement par les ARS et les réseaux régionaux de cancérologie (RRC, cf. infra ). Le contenu minimal de la fiche RCP comprend des informations médicales, administratives et organisationnelles. En collaboration avec les RRC ces informations ont été précisées et complétées, en vue de leur intégration au dossier communicant de cancérologie (DCC).

L'échange de données de santé entre professionnels de santé est indispensable pour assurer la coordination des soins, en particulier s'agissant de pathologies comme le cancer, requérant l'intervention coordonnée de nombreux professionnels. À ces fins, le DCC permet le partage de différents supports de la coordination des soins, dont la fiche de synthèse de la RCP. Contrairement au dossier médical partagé introduit par la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie 44 ( * ) , dossier personnel dont le patient est propriétaire et qu'il est amené à gérer lui-même, le DCC est un outil métier, visant à partager entre professionnels de santé des informations médicales permettant la prise en charge médicale du patient. Malgré des objectifs ambitieux de généralisation du DCC effective dès 2015, son déploiement demeure en cours, et 32 % des patients atteints de cancer disposaient d'un DCC en 2014. Les difficultés liées au développement du DCC avaient été soulignées dans le rapport de bilan du deuxième plan cancer 45 ( * ) , pointant l'absence d'harmonisation et d'interopérabilité entre les logiciels développés par les réseaux régionaux de cancérologie, l'absence d'utilisation par les professionnels, l'absence de communication simple avec le médecin traitant.

Il s'agit pourtant d'un enjeu important de coordination et de connaissance de la maladie. Le DCC fournit les informations nécessaires à une meilleure appréhension des parcours de santé des personnes atteintes de cancer, des pertes de chance, et des inégalités face aux cancers, tant géographiques que socioéconomiques.

Le premier plan cancer a créé des réseaux régionaux de cancérologie (RRC) pour assurer la coordination des acteurs de santé au niveau territorial et à l'amélioration des pratiques professionnelles. L'ensemble des régions françaises est couvert par un réseau régional de cancérologie et chacun d'entre eux été reconnu par l'INCa en lien avec les ARS.

Carte des 25 RRC reconnus en 2013

Source : INCa.

Le réseau régional de cancérologie fédère l'ensemble des institutions et professionnels prenant en charge des patients atteints de cancer. Les établissements de santé doivent être membres d'un réseau de cancérologie pour être autorisés à pratiquer les traitements du cancer, conformément aux critères d'agrément définis par l'INCa. Le RRC a un rôle important d'animation et de coordination des différents opérateurs, de mise à disposition des outils. Ces structures ont concouru à faire progresser la qualité et la sécurité des prises en charge en cancérologie.

La circulaire du 25 septembre 2007 46 ( * ) précise leurs missions :

- la promotion et l'amélioration de la qualité des soins en cancérologie comprenant la diffusion auprès des professionnels de santé des recommandations pour la bonne pratique clinique en cancérologie ;

- la facilitation des échanges entre professionnels de santé, notamment via la promotion des outils communs de communication au sein de la région, dont le dossier communicant de cancérologie (DCC) ;

- l'information des professionnels de santé, des patients et de leurs proches ;

- l'aide à la formation continue des professionnels de santé ;

- le recueil des données relatives à l'activité de soins cancérologiques et l'évaluation de la qualité des pratiques en cancérologie ;

- la mesure et l'analyse de l'impact des actions menées notamment dans le domaine de l'amélioration de la qualité des soins en cancérologie, de la coordination des acteurs, des pratiques professionnelles collectives.

Interlocuteurs privilégiés des ARS pour le cancer, les RRC ont accompagné l'évolution des relations entre l'INCa et les ARS. Dans le cadre de la réforme territoriale, du troisième plan cancer, et de la loi de modernisation de notre système de santé, les missions et l'organisation territoriale des RRC sont appelées à évoluer. Il s'agit en outre d'accompagner l'évolution des prises en charge en cancérologie et de répondre aux enjeux d'accès aux innovations et de continuité des parcours de soins.

Le troisième plan cancer vise à ce titre à redéfinir la place des acteurs régionaux et territoriaux en appui des ARS. Aux côtés des RRC s'ajoutent des structures régionales de gestion des dépistages ainsi que d'autres structures d'organisation du soin, comme les centres de coordination en cancérologie (3C). Dans ce cadre, le troisième plan cancer entend conforter le rôle des RRC auprès de l'ARS comme structure régionale d'appui et d'expertise en cancérologie et développer les liens entre les structures de gestion des dépistages et les structures de coordination du soin afin de garantir la fluidité du parcours du patient, du dépistage aux soins. Pour ce faire, une piste envisagée par le troisième plan cancer serait de favoriser des rapprochements entre ces structures, pour expérimenter des structures unifiées de coordination en cancérologie. L'objectif est de doter les ARS de structures capables de leur apporter un appui fort dans le pilotage régional de la lutte contre le cancer.

L'INCa est chargé de construire des propositions, en lien avec les ARS et en concertation avec les acteurs et les parties prenantes, pour définir le nouveau cahier des charges des missions des RRC. Cette réflexion est toujours en cours. Le cahier des charges refondu devrait comporter des missions étendues sur l'accès à la recherche clinique, et développer l'articulation entre prévention et dépistage.

Toutefois, votre rapporteur spécial a pu noter les inquiétudes des ARS face au risque que le renforcement des missions de coordination des RRC les éloigne de leur rôle de structure d'appui et entraine la création de structures administratives, certes centrées sur le cancer, mais dont les compétences se chevaucheraient avec celles des ARS. Les RRC doivent s'en tenir à leur fonction initiale d'entité opérationnelle. Aux termes de leurs missions légales, les ARS sont compétentes pour organiser la cohérence des politiques de santé sur leur territoire. Ces missions sont d'ailleurs renforcées par la loi de modernisation du système de santé 47 ( * ) qui intègre la notion de parcours de soins. Votre rapporteur spécial considère donc que la circulaire définissant les missions actualisées des RRC doit rester fidèle à l'esprit selon lequel l'ARS constitue l'interlocuteur de l'INCa dans les territoires, et le RRC la structure d'appui territoriale de l'ARS.

Recommandation n° 8 : À l'occasion de l'actualisation des missions des réseaux régionaux de cancérologie, veiller à conserver l'objectif initial ayant présidé à leur création par le premier plan cancer. Tout en soutenant l'ambition d'un parcours de soin unifié du dépistage au processus thérapeutique, les réseaux régionaux de cancérologie doivent demeurer une structure d'appui et l'ARS le pilote des politiques de santé en territoire.

C. DES ADAPTATIONS AU SERVICE DE L'INTÉGRATION DES INNOVATIONS THÉRAPEUTIQUES

La personnalisation des prises en charge a été introduite par le deuxième plan cancer et est devenue incontournable dans la pratique de la cancérologie. Dans le même sens, l'essor de la médecine de précision constitue une évolution majeure dans le traitement du cancer. Il s'agit à la fois de concentrer les traitements sur la tumeur, en intervenant de façon plus précise et moins invasive, et d'adapter la réponse aux caractéristiques de la tumeur. Elle permet également d'accentuer le suivi des personnes en fonction de leurs caractéristiques génétiques propres. Les avancées de la recherche permettent de mieux comprendre les mécanismes moléculaires conduisant au développement des cancers et de développer de nouvelles approches thérapeutiques guidées par une connaissance approfondie de la biologie des tumeurs. La médecine personnalisée ou de précision vise ainsi à donner le traitement le mieux adapté aux caractéristiques biologiques de la tumeur des patients et d'éviter les traitements inefficaces, toxiques et coûteux.

Les thérapies ciblées

Depuis une décennie, ces thérapies ciblées ont modifié le traitement et le pronostic de certains cancers. Elles peuvent être utilisées seules ou en association avec d'autres traitements. Ces médicaments sont conçus pour bloquer la croissance ou la propagation des cellules tumorales. Ciblés uniquement sur ces cellules, ils limitent les dommages subis par les cellules normales.

Leur nombre est en constante augmentation. Près de 900 molécules innovantes sont actuellement en phase d'essais cliniques précoces, près de 50 ont reçu une autorisation, dont une trentaine avec un biomarqueur. Le développement de ces thérapies est rendu possible par les progrès de la biologie moléculaire. La caractérisation moléculaire devient alors un critère dans le choix de la stratégie thérapeutique, qui ne repose plus seulement sur le type et le stade de la maladie, ouvrant vers des traitements sur mesure.

Source : commission des finances du Sénat

Afin d'accompagner l'évolution vers la médecine de précision et d'en permettre un accès équitable, l'INCa a participé à la mise en place dès 2006 d'un réseau national de vingt-huit plateformes hospitalières de génétique moléculaire des cancers, accessibles à tous les malades sur le territoire. Soutenues par l'INCa et la direction générale de l'offre de soins, elles ont vocation à permettre la réalisation des tests moléculaires innovants pour l'ensemble des patients, quel que soit l'établissement de prise en charge. Leur mise en place constitue un facteur majeur d'égalité d'accès aux soins innovants.

Ces plateformes effectuent des analyses moléculaires aux différents stades de la maladie, diagnostic, pronostique et thérapeutique, en préalable à un traitement ciblé. En 2014, 70 000 patients ont bénéficié d'un test de génétique moléculaire déterminant l'accès à une thérapie ciblée. Lors de ses auditions, votre rapporteur spécial a pu constater l'unanimité des professionnels de la recherche et de la santé pour souligner la réussite de ces structures, qui placent la France à l'avant-garde de la médecine de précision.

Carte des vingt-huit plateformes de génétique moléculaire

Source : INCa.

Le troisième plan cancer renforce les efforts en matière de médecine de précision, en expérimentant les techniques de séquençage de nouvelle génération. Ces technologies permettront que tous les patients à risque génétique bénéficient d'un diagnostic individualisé dans des délais compatibles avec une prise en charge thérapeutique efficace. Le plan fixe ainsi un objectif de séquençage des tumeurs de 50 000 patients par an pour 2019.

III. VÉRITABLE MAISON COMMUNE DU CANCER, L'INSTITUT NATIONAL DU CANCER PERMET UNE MEILLEURE APPRÉHENSION DES ASPECTS SOCIOÉCONOMIQUES DE LA MALADIE

A. L'INSTITUT NATIONAL DU CANCER PROMEUT UNE PRISE EN CHARGE GLOBALE DU MALADE, CONSIDÉRANT LES ASPECTS HUMAINS ET SOCIAUX DU CANCER

Première cause d'appréhension des Français face aux problèmes de santé, le cancer entraine des conséquences humaines et sociales importantes. Ces conséquences sont accentuées par l'augmentation du taux de survie après un cancer, qui renforce l'importance de la réflexion sur l'insertion sociale des anciens malades. Environ trois millions de personnes de 15 ans et plus en France vivent avec ou après un cancer. L'INCa tient une place importante dans la mesure où il incarne l'action publique auprès de ces personnes. Dans le cadre du premier plan cancer, l'INCa a permis la généralisation du dispositif d'annonce lors du diagnostic du cancer. Emblématique de la prise en compte de l'impact psychologique de la maladie, cette mesure pratiquée de façon ancienne dans les centres de lutte contre le cancer vise à garantir l'information, l'écoute et l'accompagnement de la personne.

Dès sa création, l'INCa s'est saisi de ces préoccupations, en s'appuyant notamment sur l'action ancienne de la Ligue nationale contre le cancer et de ses différents comités départementaux. Cette volonté s'est traduite dans l'organisation de l'Institut, pionnier dans la mise en oeuvre de la « démocratie sanitaire », c'est-à-dire dans l'association des acteurs et usagers du système de santé dans un esprit de concertation, que la récente loi de modernisation de notre système de santé met en avant 48 ( * ) . Un comité des usagers et des professionnels (Comup), instance de consultation placée auprès de la présidence de l'INCa, a ainsi pour objectif de mieux prendre en compte l'expérience et le point de vue de l'ensemble des bénéficiaires des actions de l'INCa : les malades et leurs proches, les usagers du système de santé, les professionnels du secteur sanitaire et social, ainsi que les chercheurs. Comprenant vingt-huit membres désignés par l'INCa pour une durée de trois ans à l'issue d'une procédure d'appel à candidature, le comité se compose de deux collèges, l'un représentant les malades et les usagers du système de santé, l'autre représentant les professionnels de la santé et de la recherche. Le président du Comup assiste au conseil d'administration de l'INCa avec une voix consultative. Le Comup a été consulté en matière de prévention et de dépistage, par exemple sur les fondements et objectifs du dispositif d'information sur la prévention primaire des cancers, mais également dans le domaine des soins, pour l'usage des chimiothérapies orales à domicile notamment. Le troisième plan cancer prévoit d'étendre la représentation des usagers au conseil scientifique et au comité de déontologie et d'éthique de l'INCa, par le biais d'un représentant du Comup. Votre rapporteur spécial soutient cette proposition et appelle à sa mise en oeuvre.

L'action de l'INCa à destination du grand public se complète par une communication sur la maladie et l'évolution des traitements, par exemple sous forme de guides spécifiques.

Publications de l'INCa à destination des patients et de leur famille (2014)

Source : commission des finances du Sénat.

En partenariat avec la Ligue nationale contre le cancer, l'INCa a développé la plateforme « Cancer info », un service d'information à destination du grand public sur chaque pathologie cancéreuse, ainsi que sur les dépistages et la prévention. Afin de toucher un vaste public, la plateforme est accessible via trois vecteurs complémentaires : une ligne téléphonique, une rubrique internet et des guides gratuits.

La plateforme « Cancer info »

Source : commission des finances du Sénat.

Un des axes essentiels de travail de l'Institut porte sur la prise en charge globale des malades, couvrant à la fois les soins du cancer, mais aussi les réponses aux problèmes psychologiques et sociaux induits par la maladie durant le traitement et après la guérison. L'INCa promeut ainsi les soins de support, à savoir « l'ensemble des soins et soutiens nécessaires aux personnes malades tout au long de la maladie, en complément des traitements lourds contre la tumeur. Ils répondent à des besoins qui peuvent survenir pendant la maladie et ses suites, et concernent principalement la prise en compte de la douleur, de la fatigue, les problèmes nutritionnels. Ils concernent aussi les difficultés sociales, la souffrance psychique, les perturbations de l'image corporelle et l'accompagnement de fin de vie » 49 ( * ) .

Dans cette perspective, l'INCa a initié des progrès pour favoriser la continuité de la vie personnelle et pour assurer le moral du malade, indispensable à la conduite du processus thérapeutique. Pour réduire les conséquences psychologiques de la maladie, des initiatives ont par exemple été prises en matière de prothèses capillaires. Afin d'améliorer l'accueil des personnes malades qui ont besoin d'acheter une perruque, l'INCa a établi une « Charte des droits du client et devoirs du vendeur de perruques », fixant des principes d'accueil et de présentation des produits, et tient à jour sur son site internet une liste des magasins qui y souscrivent.

La maladie provoque aussi des conséquences sur la vie professionnelle des malades : parmi les personnes en activité lors de leur diagnostic, trois sur dix ont perdu ou quitté leur emploi deux ans après, tandis que pour les personnes au chômage, le retour à l'emploi est rendu plus difficile. Ceux qui ont gardé leur emploi déclarent souvent avoir subi des discriminations, comme un refus de promotion. Afin de sensibiliser le monde du travail à ces questions, dans le cadre du troisième plan cancer, l'INCa a créé, en partenariat avec le ministère chargé du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle et du dialogue social et l'association nationale des DRH, « le club des entreprises cancer et emploi » pour trouver des solutions concrètes pour le retour à l'emploi.

De façon plus large, pour atténuer les conséquences économiques du cancer, l'expertise de l'INCa a participé à l'instauration du « droit à l'oubli » en 2015 afin de favoriser l'accès à l'emprunt des personnes ayant été atteintes d'un cancer. Toutefois, des progrès restent à accomplir pour accroitre l'effectivité de ce droit, notamment s'agissant des questionnaires de santé soumis en amont de l'octroi d'un crédit (cf. annexe n° 7).

La prise en compte des aspects humains du cancer assurée par l'INCa est d'autant plus importante que les conséquences sociales se trouvent doublement renforcées :

- d'une part, par l'évolution des traitements qui tend à transformer le cancer en maladie « chronique » et augmente le taux de survie pour certains types de tumeurs, de sorte que l'enjeu de la réinsertion sociale des anciens malades se renforce ;

- d'autre part, par les progrès dans l'analyse génétique des tumeurs et leur développement dès le dépistage, qui entraine des questions nouvelles, dans la mesure où l'amélioration du dépistage en amont expose à des problèmes psychologiques qu'il convient de prendre en compte.

B. SES ACTIONS DE PRÉVENTION DOIVENT DÉSORMAIS S'APPUYER SUR UNE MEILLEURE ÉVALUATION ET SUR UNE CONNAISSANCE ÉPIDÉMIOLOGIQUE PLUS FINE DE LA MALADIE

1. La prévention primaire

Une part importante de la communication de l'INCa concerne la prévention, qui constitue un levier central dans la lutte contre les cancers puisqu'environ 40 % des cancers sont qualifiés d'évitables, soit environ 140 000 cas diagnostiqués chaque année. De par son approche intégrée de la maladie, l'INCa peut développer une expertise sur les facteurs de risque, puis les relayer auprès du grand public. À cette fin, l'INCa a publié en juin 2015 une fiche repères sur le poids respectif des facteurs de risques. Chaque année, 44 000 décès par cancer sont liés au tabac, 15 000 à l'alcool, 2 300 au surpoids et à l'obésité, 1 000 à l'exposition solaire et 700 à l'infection par papillomavirus.

Part des différents facteurs de risque d'occurrence du cancer

Source : INCa.

La difficulté de ces actions d'information sur les facteurs de risque est de contourner l'écueil d'un discours moralisateur qui ne serait pas reçu. C'est pourquoi l'INCa développe une stratégie visant à informer sur les facteurs de risque et met à disposition, notamment sur son site, des informations plus exhaustives, afin d'éclairer chacun dans ses choix de vie. Ainsi en est-il pour le tabac, qui constitue le facteur de risque majoritaire, avec 17 localisations de cancer possibles. Il est responsable de près de 30 % des décès par cancer et à l'origine de près de 90 % des cancers du poumon, plus de 50 % des cancers des voies aérodigestives supérieures selon la localisation (bouche, larynx, pharynx, oesophage). Or le taux de prévalence du tabagisme est plus élevé en France que dans d'autres pays occidentaux : plus de 30 % des 15-75 ans fument quotidiennement en France, soit plus de 13 millions de personnes, contre moins de 20 % aux États-Unis, un pourcentage proche en Grande-Bretagne et 16 % en Australie.

Dans ce cadre, le troisième plan cancer lance le programme national de réduction du tabagisme qui aura pour objectif une réduction d'un tiers de la prévalence du tabagisme quotidien dans la population adulte pour atteindre une prévalence de 22 % de fumeurs d'ici 2019. Cet effort permettrait de sauver près de 15 000 vies chaque année. Lancé en septembre 2014, ce programme s'articule autour de quatre grands principes : dissuader l'entrée dans le tabagisme pour éviter que celui-ci ne touche les enfants et ne s'installe chez les jeunes, faciliter son arrêt, mener une politique des prix cohérente avec l'objectif de santé publique, et associer les buralistes.

2. La prévention secondaire : les dépistages

Afin d'engager le processus thérapeutique le plus tôt possible, il convient de diagnostiquer rapidement un éventuel cancer. Dans cette perspective, les plans cancer successifs ont concentré les efforts pour généraliser les dépistages. Publié en 2006, le programme national des dépistages organise les dépistages organisés du cancer du sein et du cancer colorectal.

Financé par l'assurance maladie, le ministère de la santé et des collectivités locales, le programme national de dépistage organisé fait intervenir différents acteurs selon les échelons :

- sur le plan national, il est placé sous l'autorité du ministère chargé de la santé et piloté par la direction générale de la santé, en collaboration avec l'INCa, notamment en charge du suivi et de l'expertise. En particulier, l'INCa émet des recommandations sur les stratégies de dépistage et sur l'organisation du dépistage ;

- sur le plan régional, comme l'ensemble de la politique de santé publique, les ARS mettent en oeuvre le programme de dépistage organisé. Elles allouent les financements de l'État dont elles assurent le suivi aux côtés des représentants de l'assurance maladie ;

- sur le plan local, des structures de gestion des dépistages organisés sont chargées de coordonner et d'animer le dispositif au niveau de leur territoire géographique. Elles sont chargées de la gestion des fichiers des personnes, de l'invitation des publics et de leur suivi, de la gestion de la qualité des programmes, des relations avec les pouvoirs publics et les professionnels de santé, de la transmission des résultats et du suivi du programme.

Dans le cadre des négociations actuelles à propos de la convention médicale régissant les relations entre l'union nationale des caisses d'assurance maladie et les médecins libéraux, la rémunération sur objectifs de santé publique devrait intégrer la valorisation de nouvelles actions de prévention importantes qui constituent des priorités du troisième plan cancer. En particulier, pour accompagner la mise en oeuvre du nouveau test, le taux de dépistage du cancer colorectal devrait y être intégré.

L'évaluation des programmes de dépistage a montré que des efforts restent à faire pour favoriser la participation à ces programmes et permettre aux personnes les plus fragiles socialement d'en bénéficier. Afin de couvrir un plus large pan de la population, plusieurs actions sont menées :

- la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 prévoit ainsi une prise en charge intégrale du dépistage du cancer du sein pour les femmes ayant des prédispositions génétiques ou familiales ;

- dans le cadre de sa veille scientifique et de son expertise auprès des décideurs sur les nouveaux modes de dépistage, l'INCa a accompagné la mise en place du nouveau test immunologique pour le cancer colorectal en 2015. Plus simple et plus performant, il devrait permettre de détecter deux fois plus de cancer. Or sur les 16 millions de personnes concernées par ce dépistage, seulement 1,4 million de tests ont été réalisés en 2015. Pourtant, neuf cancers colorectaux sur dix peuvent être guéris s'ils sont dépistés à temps ;

- alors que le taux de dépistage du cancer du sein a cessé de progresser depuis 2011, et dans la logique de la « démocratie sanitaire », l'INCa a lancé en 2015 une concertation citoyenne et scientifique en vue d'améliorer la politique de dépistage du cancer du sein (cf. annexe n° 9).

Le troisième plan cancer prévoit la mise en place d'un troisième programme national de dépistage organisé pour le cancer du col de l'utérus d'ici 2018. Au cours de l'année 2015, l'INCa a réalisé une étude médico-économique relative à la généralisation du dépistage du cancer du col de l'utérus. Elle a permis de mieux identifier les femmes ne réalisant pas de dépistage et les populations les plus vulnérables, ainsi que les stratégies susceptibles de les atteindre. Sur la base de ce travail une préfiguration de la généralisation va être mise en oeuvre au niveau régional au cours de l'année 2016.

Plus de 1 100 femmes meurent chaque année de ce cancer, l'un des seuls pour lequel le pronostic se dégrade en France, avec un taux de survie à cinq ans après le diagnostic en diminution, et avec un impact documenté du niveau socioéconomique sur la mortalité. Si 90 % des cancers du col de l'utérus pourraient être évités grâce à un dépistage régulier par frottis, plus d'une femme de 25 à 65 ans sur trois ne participe pas à ce dépistage. Environ 60 % des femmes non dépistées régulièrement résident dans les territoires les plus défavorisés sur le plan socioéconomique. L'objectif est de passer d'un taux de couverture dans la population cible de 50-60 % à 80 %, notamment en facilitant l'accès au dépistage des populations vulnérables ou les plus éloignées du système de santé. Afin de couvrir des populations pour lesquelles le taux de dépistage est plus faible que la moyenne nationale, l'INCa conduit des actions de communication ciblées, sur des media spécialisés ou dans des langues étrangères (cf. annexe n° 10).

C. DES EFFORTS À ACCENTUER POUR RELEVER LES DÉFIS DE LA PRISE EN CHARGE DU CANCER MALGRÉ LA CONTRAINTE FINANCIÈRE

1. En matière de prévention primaire et secondaire

Les principaux leviers pour améliorer l'état de santé des populations et lutter contre les inégalités sociales de santé se situent en amont du soin, notamment dans la prévention primaire et secondaire. Pourtant, le système de santé français concentre les actions et les ressources sur le diagnostic et les thérapeutiques, et peu sur la prévention. Votre rapporteur spécial souligne en ce sens trois difficultés en matière de prévention :

- une variété des acteurs intervenant en la matière, dispersant les efforts et diluant l'impact des messages diffusés. Aux côtés de l'Institut national de prévention et d'éducation à la santé (Inpes), récemment intégré au sein de la nouvelle Agence nationale de santé publique (ANSP), chargé de développer des actions générales de prévention et d'éducation pour la santé, des opérateurs conduisent des actions de prévention thématiques et les ARS en soutiennent également. S'agissant du tabagisme, la prévention primaire est ainsi du ressort de l'ANSP, le sevrage de celui de la HAS et l'arrêt du tabac pour les malades du cancer de celui de l'INCa ;

- cette dispersion rend d'autant plus complexe une évaluation de la politique de prévention, de sorte qu'il est difficile d'appréhender l'efficacité des crédits qui y sont consacrés ;

- la recherche en prévention demeure embryonnaire en France, avec moins de cinq publications annuelles, ce qui limite notre capacité à identifier, tester et mettre en place des interventions efficaces dans ce domaine. Pour ce faire, l'INCa a noué un partenariat avec l'Institut de recherche en santé publique, rattaché à l'Inserm, et l'École des hautes études en santé publique pour créer la première chaire de recherche et d'enseignement sur la prévention des cancers en France. Il s'agit de développer un programme de recherche axé sur la méthodologie de la recherche interventionnelle et en transfert des connaissances en prévention, particulièrement sur les changements de comportements à risque de cancers.

L'impact des actions de prévention doit être analysé au travers d'une grille de lecture liée aux inégalités sociales de santé, particulièrement marquée pour les facteurs de risque que sont le tabac et la nutrition. En effet, la prévention et les dépistages mettent en lumière les inégalités sociales et territoriales face à la maladie. Le troisième plan cancer fait de leur traitement un axe stratégique ; cependant, il peut être difficile de les appréhender. Il convient en ce sens d'améliorer l'observation et la connaissance épidémiologique de la maladie, comme préalable à une action plus efficace sur ses déterminants.

2. En matière d'épidémiologie : élaborer un système d'observation robuste comme préalable à une action efficace

Le troisième plan cancer fixe l'objectif d'appuyer les politiques publiques sur des données robustes et partagées (objectif n° 15), pour permettre à l'évaluation de s'appuyer sur une observation coordonnée de la maladie.

En particulier, en raison des inégalités de recours au dépistage, le troisième plan cancer fixe comme objectif la définition d'indicateurs de non recours au dépistage. Ils permettraient de suivre de manière spécifique la participation de populations identifiées comme vulnérables ou ayant des difficultés d'accès aux programmes : les personnes en situation de précarité, de handicap, faisant face à des difficultés socioculturelles ou linguistiques, personnes vivant en lieux de privation de liberté.

L'enjeu est de développer un système d'observation au service de la connaissance épidémiologique du cancer et du pilotage de la lutte contre les cancers. L'INCa effectue une mission d'observation, notamment à partir des données communes collectées par les registres des cancers du réseau Francim, dans le cadre d'un programme partenarial pluriannuel entre l'InVS, l'INCa, le réseau Francim et les hospices civils de Lyon établi dans un accord-cadre en cours de renouvellement pour la période 2016-2019. Les travaux menés dans le cadre de ce partenariat ont permis la publication des données d'incidence au niveau départemental et régional pour les principaux types de cancers.

Une difficulté de l'observation des cancers tient à la multiplicité et à la dispersion des informations disponibles rendant difficile leur exploitation. L'enjeu réside donc dans l'appariement des bases de données, tout en garantissant le respect de la confidentialité. L'INCa et la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés ont signé, en 2014, une convention de cession des données pour la constitution de la cohorte cancer. Dès 2014, l'INCa a mis en place une cohorte des personnes atteintes de cancer en s'appuyant sur les données de l'assurance maladie (le système national d'information inter-régimes de l'Assurance maladie, SNIIRAM) pour étudier les trajectoires de soins du dépistage à l'après-cancer en tenant compte de facteurs comme le type de cancer ou l'appartenance à un groupe socioéconomique particulier. L'article 193 de la loi de modernisation de notre système de santé 50 ( * ) met en place le système national des données de santé (SNDS), qui agrège les données du SNIIRAM, du programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI), du certificat électronique des causes de décès (CépiDc), du handicap (caisse nationale de solidarité pour l'autonomie et maisons départementales des personnes handicapées) et un échantillon des données de remboursement. Votre rapporteur spécial soutient la demande de l'INCa de disposer d'un accès permanent aux données de ce nouveau système. En effet, le croisement de l'ensemble de ces sources de données offre de nombreuses possibilités dans l'étude des pertes de chances, des inégalités d'accès aux soins et des conséquences de la maladie notamment en termes de perte et de retour à l'emploi.

Recommandation n° 9 : Permettre à l'INCa de disposer d'un accès permanent aux données du nouveau système national des données de santé, afin de renforcer ses capacités d'action dans la lutte contre les inégalités face au cancer.

S'agissant de l'incidence des cancers et des inégalités, l'INCa soutient une étude sur trois ans afin de développer, en routine, une procédure de géocodage permettant d'attribuer un index de défavorisation sociale à chaque patient atteint d'un cancer enregistré dans les registres des cancers du réseau Francim. Le géocodage consiste à identifier l'IRIS 51 ( * ) de chaque patient à partir de son adresse d'habitation au moment de son diagnostic, pour lequel un index de défavorisation sera déterminé. Ces informations seront ensuite regroupées dans la base de données commune des registres des cancers et permettront d'estimer les taux d'incidence de cancer selon le degré de défavorisation. À terme, ces travaux permettront d'étudier la survie selon le degré de défavorisation au moment du diagnostic.

TROISIÈME PARTIE : FACE AUX ÉVOLUTIONS DU CANCER ET AUX DÉFIS POSÉS POUR LA SOUTENABILITÉ DE NOTRE SYSTÈME DE SANTÉ, L'INSTITUT NATIONAL DU CANCER DOIT PARTICIPER À LA RÉORGANISATION DE L'OFFRE DE SOINS EN CANCÉROLOGIE

I. LES ÉVOLUTIONS DE LA MALADIE PLACENT NOTRE SYSTÈME DE SANTÉ SOUS TENSION FINANCIÈRE

La lutte contre les inégalités face au cancer constitue un des objectifs structurants du troisième plan cancer. Les inégalités recouvrent plusieurs dimensions, économiques et sociales, mais aussi territoriales s'agissant de l'accès aux soins. Elles se retrouvent dans les trois défis principaux posés par le cancer, pour le traitement desquels l'INCa doit jouer un rôle central.

Il s'agit :

- de la prise en compte des facteurs de risques collectifs ;

- de l'organisation des soins et de leur égal accès ;

- de la prise en charge financière du cancer.

Le rôle de l'Institut national du cancer tient d'abord à sa mission d'expertise et de veille scientifique. Mais ce travail ne se limite pas à une veille passive. Dans certains cas, l'INCa attire l'attention des administrations centrales sur des évolutions qui peuvent avoir un impact sur la prise en charge des patients, sur l'accès à l'innovation et sur la soutenabilité financière pour le système de santé. Cette veille vise alors à nourrir la prise de décision. Ainsi, l'INCa a alerté depuis l'été 2015 les administrations centrales sur l'impact des thérapies ciblées, et plus particulièrement de l'immunothérapie, sur la prise en charge de patients et l'accès à l'innovation au regard des progrès thérapeutiques apportés et des prix de ces médicaments.

A. LA NÉCESSAIRE APPRÉHENSION DES FACTEURS DE RISQUES COLLECTIFS

1. Un facteur difficile à appréhender, mais à la racine de nombreuses inégalités

Les avancées dans les traitements et la généralisation des dépistages permettant un diagnostic plus précoce ont permis d'amorcer une baisse du nombre de morts par cancer ces dernières années. Cependant, cette évolution agrégée masque la hausse du nombre de cas de cancers attribués à des facteurs environnementaux, ou pour lesquels une forte présomption de lien existe. De fait, le pourcentage de 40 % de cancers qualifiés d'évitables recouvre les cancers liés à la fois à des risques individuels et à des risques collectifs. Or ces facteurs sont plus complexes à appréhender, car leur documentation peut faire défaut, et car le lien de causalité est plus difficile à établir. En particulier, les facteurs de risque professionnels d'un cancer sont généralement sous-identifiés du fait de leur latence de survenue. Or, selon l'InVS, entre 4 % et 8,5 % des cancers seraient attribuables à des expositions d'origine professionnelle. En 2010, d'après l'enquête conduite par la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) et la direction générale du travail « SUrveillance Médicale des Expositions aux Risques professionnels » 52 ( * ) (Sumer 2010), 2,2 millions de salariés ont été exposés à au moins un produit chimique cancérigène au cours de la dernière semaine travaillée, soit 10 % des salariés.

Les facteurs de risque collectifs constituent en ce sens un défi à plusieurs niveaux car, comme ils sont d'appréhension malaisée, les premières actions ont privilégié les facteurs individuels. La recherche, l'observation et la prévention doivent désormais mieux intégrer la composante collective des facteurs d'occurrence de la maladie. Ainsi, dans une documentation relative aux cancers professionnels établie par l'INCa en avril 2015, l'estimation des fractions attribuables de cancers à une exposition professionnelle s'appuie sur des données de 2003.

Environnement et cancer

Les cancers constituent une maladie multifactorielle. Le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) estime que des facteurs environnementaux au sens large, incluant le tabagisme, l'alcoolisme, le surpoids et l'obésité, l'activité physique, les expositions à différents agents physico-chimiques et à des agents biologiques (virus) par voie alimentaire, cutanée et respiratoire interviennent dans un très grand nombre de cancers.

Toutefois, la contribution de l'environnement est difficile à quantifier en dépit de nombreux progrès des connaissances du fait des études épidémiologiques et toxicologiques au cours des dernières décennies. Une expertise collective a été réalisée par l'INSERM sur cancers et environnement dans le cadre du Plan National Santé Environnement (PNSE1) en deux temps (2005 et 2008) qui a permis de tracer des perspectives en lien avec neuf localisations cancéreuses (tumeurs cérébrales, poumons, ovaires, thyroïde, mésothéliome, sein, testicule, prostate, hémopathies malignes) qui peuvent constituer un cadre de référence. À la demande de l'INCa et de l'ANSES, cette expertise sera renouvelée, pour évaluer l'avancement des connaissances dans ce champ, identifier les cancers prioritaires à surveiller en lien avec l'environnement et ainsi guider l'action publique sur les mesures de réduction des expositions adaptées et celles de gestion des risques.

La population générale est exposée à des faibles voire très faibles doses, à une multitude d'agents chimiques et physiques présents dans l'environnement, par inhalation, contact cutané ou ingestion. Certains sont des agents cancérigènes avérés : pollution atmosphérique (classée cancérigène certain par le CIRC en 2013), formaldéhyde (présent dans différents produits de consommation tels que produits d'entretien ménager, colles), insecticides arsenicaux (ingestion, inhalation), rayonnements ionisants (radon, imagerie médicale, émissions et déchets des installations nucléaires), UV, amiante résiduelle dans le bâti, effleurements naturels d'amiante, benzène (industries, stations-service...), ou encore certaines substances chimiques dont la commercialisation est désormais interdite mais persistantes dans l'environnement, les dioxines (émissions d'incinérateurs dans les années 90) et les PCB qui ont contaminé de nombreux cours d'eaux et poissons en France.

Les expositions en milieu professionnel aux substances chimiques et physiques sont souvent plus importantes qu'en population générale, tant en durée qu'en intensité ; elles induisent des pathologies qui prennent des formes complexes et de nombreux travaux menés depuis plusieurs décennies ont néanmoins permis d'identifier un certain nombre de facteurs de risques sur la santé notamment professionnels.

Source : INCA

Cet enjeu est d'autant plus fort qu'il s'inscrit dans la lutte contre les inégalités sociales et territoriales : les cancers liés à l'environnement ou aux conditions professionnelles participent des différences dans l'occurrence des cancers. Ainsi, les territoires ultramarins se trouvent particulièrement exposés à certains types de cancers : le cancer de la prostate, en raison de l'utilisation du chlordécone en Martinique et Guadeloupe en particulier ou les cancers de l'estomac à la Réunion. Aux inégalités d'occurrence se conjuguent ensuite des inégalités d'accès aux soins, de sorte que le taux de décès dû au cancer de la prostate est par exemple deux fois supérieur en Martinique à celui de l'hexagone.

De même, ces facteurs entraînent des inégalités sociales. Parmi les salariés particulièrement exposés aux agents cancérogènes, certaines catégories de travailleurs sont davantage concernées puisque deux tiers des exposés sont des ouvriers. Tous les secteurs d'activité et métiers exposent leurs travailleurs aux risques de cancer, mais certains plus que d'autres : le secteur de la construction est le secteur le plus concerné avec 31,9 % de ses salariés exposés, puis l'industrie (17,7 %) et l'agriculture (13,5 %). De plus, du fait de leur mauvaise identification, les cancers professionnels ne sont souvent pas déclarés comme tels et donc non indemnisés au titre des maladies professionnelles.

Nombre de salariés exposés à des produits cancérogènes

Cancérogènes (liste non exhaustive)

Nombre de salariés exposés

Gaz d'échappement diesel

798 000

Huiles minérales entières

537 500

Poussières de bois

369 600

Silice cristalline

294 900

Plomb et dérivés

115 300

Goudrons de houille et dérivés, bitume et brais de pétrole

111 000

Source : Surveillance Médicale des Expositions aux Risques professionnels (SUMER), 2010

Estimation des fractions attribuables de cancers à une exposition professionnelle (hors agents biologiques)

Types de cancers

Agents cancérogènes

Fractions attribuables 53 ( * )

Cancers du poumon

Tous cancérogènes professionnels

Amiante

13 % - 29 %

10 % - 14 %

Mésothéliome

Amiante

85 %

Cancers de la vessie

HAP et amine aromatiques

10 % - 14 %

Cancers naso-sinusiens

Bois, nickel, chrome, cuire

7 % - 41 %

Leucémies

Benzène, rayonnements ionisants

10 % - 18 %

Source : InVS, sur données de 2003

2. L'Institut national du cancer s'est tardivement saisi des facteurs de risques collectifs

La prise en compte des facteurs de risques collectifs recoupe plusieurs plans nationaux : le plan santé environnement, le plan santé travail et le plan cancer. L'action de l'INCa pour la prise en compte des cancers professionnels et des agents cancérogènes dans l'environnement doit donc s'attacher à assurer une cohérence entre les différents acteurs. S'agissant des cancers professionnels et des facteurs de risques liés à l'environnement, l'INCa entretient des relations avec plusieurs acteurs : directions d'administration centrale (direction générale de la santé, direction générale du travail), autres opérateurs (HAS, ANSES, ex-InVS, INPES), médecine du travail.

Dans ce cadre, les actions visent en premier lieu à réduire les expositions aux cancérogènes avérés et suspectés. L'INCa produit et diffuse des outils destinés aux professionnels des services de santé au travail : un bulletin de veille documentaire « Cancer pro actu » ainsi qu'une base de données sur la prévention primaire des cancers professionnels.

L'INCa met aussi à la disposition du grand public et des professionnels de santé des documents de synthèse dressant l'état des connaissances sur le lien entre l'exposition en milieu de vie professionnelle et la survenue de cancer selon les facteurs de risques (cf. encadré). Afin de mieux identifier les cancers résultant d'une exposition professionnelle, l'INCa a publié une brochure d'aide à la déclaration en maladie professionnelle des cancers. Une meilleure identification des cancers d'origine professionnelle par la déclaration en maladie professionnelle permettrait d'améliorer la connaissance sur ces pathologies et d'élaborer une politique plus efficace de prévention des expositions aux cancérogènes en milieu de travail.

À la demande de la direction générale du travail, l'INCa soutient financièrement et méthodologiquement, en lien avec la HAS, la production de recommandations de bonnes pratiques à destination des médecins du travail sur le suivi médical des personnes exposées à des risques de cancers professionnels, élaborées par la société française de médecine du travail. Elles concernent notamment les cancers broncho-pulmonaires, les cancers de la vessie, et les poussières de bois.

En outre, l'INCa soutient plusieurs projets pour surveiller les populations exposées à des agents cancérogènes, dans le cadre du réseau Francim. En particulier, la faisabilité du croisement des bases de données des registres des cancers avec les bases de données de la caisse nationale d'assurance vieillesse est à l'étude. Ce projet permettrait d'assurer une surveillance épidémiologique des cancers d'origine professionnelle en produisant des taux d'incidence des cancers par profession et par secteur d'activité de façon répétée au cours du temps.

En vue d'améliorer les connaissances sur les liens entre environnement et cancer, l'INCa soutient des projets de recherche et d'études. L'INCa et l'ANSES ont saisi l'Inserm fin 2015 pour mettre à jour l'expertise sur les liens entre cancer et environnement.

3. Des efforts doivent encore être conduits pour appréhender ces risques

L'approfondissement des recherches sur les facteurs de risques collectifs du cancer constitue un préalable indispensable. Dans la mesure où les liens entre ces facteurs de risques et la maladie sont moins documentés et où les effets de mesures de prévention sont plus indirects, l'INCa a jusqu'ici concentré ses efforts sur les facteurs individuels. Cependant, son autorité étant désormais reconnue, l'INCa doit mieux investir l'appréhension et le traitement des risques collectifs.

Il existe des obstacles à cette meilleure appréhension des risques collectifs, qui chevauchent les compétences de multiples acteurs, dont une médecine du travail fragilisée par l'érosion de ses effectifs. S'ajoutent également des incertitudes scientifiques et la difficulté à établir des liens tangibles entre produits et cancers. Toutefois, l'expertise scientifique et sanitaire de l'INCa doit lui permettre de mieux documenter le poids de ces facteurs dans la survenue d'un cancer.

De même, l'INCa a un rôle moteur à jouer en matière de prévention pour insuffler la dynamique qu'il a déjà su apporter pour le traitement des cancers. La prévention sur les comportements adaptés face aux agents cancérogènes doit mieux intégrer la capacité du message à être entendu et suivi par les salariés. Soumis quotidiennement à des agents à risques, les travailleurs sont amenés à réduire leur importance pour poursuivre leur activité professionnelle. De fait, pour être perçue, la prévention doit prendre en compte cette dimension psychologique dans son information sur les précautions nécessaires.

Dans la mesure où les facteurs de risques collectifs, qu'ils soient environnementaux ou professionnels, s'inscrivent souvent dans le cadre d'un territoire, il faut insister sur l'importance d'une relation à double sens entre l'INCa et les agences régionales de santé. Le cadre précisé à la suite du troisième plan cancer a permis de mieux articuler la dimension thématique de l'Institut et l'ancrage régional des agences de santé selon une logique majoritairement descendante. Afin d'assurer une meilleure appréhension des risques environnementaux, les ARS doivent pouvoir mieux relayer à l'Institut national du cancer les problématiques locales auxquelles elles sont particulièrement exposées, afin de nourrir une étude puis une action nationale à ce sujet.

Recommandation n° 10 : Mieux assurer les conditions d'une relation à double sens entre l'INCa et les ARS, afin de mieux prendre en compte des problématiques locales, notamment dans le champ des risques collectifs de survenue du cancer, qui nécessiteraient une étude et une action nationales.

B. L'ÉVOLUTION DES TRAITEMENTS MODIFIE EN PROFONDEUR L'ORGANISATION ET L'ACCÈS AUX SOINS

En 2014, 1,147 million de personnes ont été hospitalisées en lien avec le diagnostic, le traitement ou la surveillance d'un cancer. L'activité de cancérologie représente un quart de l'activité hospitalière totale : 13 % des hospitalisations complètes, 10 % des hospitalisations ambulatoires, 48 % des séances, essentiellement en chimiothérapie, avec 2,3 millions de séances.

Les trois plans cancer ont permis d'enregistrer des progrès dans la prise en charge des patients atteints d'un cancer, notamment en améliorant la coordination des professionnels et en assurant un parcours de soins. Toutefois, des inégalités persistent. Le degré d'adaptation des différents types d'établissements à la prise en charge particulière induite par le cancer est encore variable et la mise en oeuvre des mesures et des bonnes pratiques est encore relativement hétérogène selon les établissements, ainsi qu'entre métropole et territoires ultramarins. La prise en charge des patients et l'accès aux innovations demeurent marqués par des inégalités d'accès dans l'espace, mais aussi dans le temps.

La proximité des soins s'apprécie aussi au travers des files d'attente pour accéder à des équipes de niveau approprié et aux équipements nécessaires. Si le délai moyen d'accès à l'IRM par exemple est de 27 jours en 2015 et en diminution depuis 2010 (29 jours), les différences de délais entre secteurs et territoires persistent. Le délai moyen du secteur public est plus long que le secteur privé avec 31 jours contre 23 jours en moyenne. Surtout, le délai d'attente moyen pour une IRM varie du simple au triple, de 18,6 jours en Languedoc-Roussillon contre 61,5 jours en Basse Normandie en 2013. De surcroit, inégalités territoriales et sociales peuvent se conjuguer, dans la mesure où la coordination n'est pas faite par le système de soins, il revient au patient de la faire.

De plus, ces efforts doivent être renouvelés pour intégrer les évolutions dans les traitements de la maladie. Le soin est confronté au bouleversement des pratiques historiques, avec l'essor du diagnostic moléculaire, parfois porté à distance, de la radiologie précise voire interventionnelle, de la chirurgie et la chimiothérapie ambulatoires, et de la forte réduction du nombre de séances de radiothérapie nécessaires grâce aux nouveaux appareils.

En 2013, la fédération Unicancer a conduit une étude prospective sur l'évolution des prises en charges du cancer à horizon de l'année 2020 54 ( * ) . Actualisée en 2015, elle met en lumière les évolutions structurantes à anticiper dans la prise en charge de la maladie et les défis qui s'ensuivent pour le système de soins. En particulier, six grandes tendances sont dégagées :

- le développement de la chirurgie ambulatoire : le nombre de séjours de chirurgie ambulatoire devrait plus que doubler d'ici 2020, pour représenter par exemple la moitié des actes de chirurgie du cancer du sein ;

- la réduction du nombre de séances de radiothérapie, qui pourrait concerner la moitié des traitements des cancers du poumon, avec une diminution de 30 à 5 séances en moyenne. Les nouveaux équipements rendent possibles des traitements plus ciblés et plus efficaces. Toutefois, ces nouvelles techniques imposent des temps de préparation et de réalisation des séances plus longs d'entre 60 % et 200 %. Cette évolution pose un défi de financement, dans la mesure où il est actuellement basé sur le nombre de séances, ce qui n'incite pas à développer ces nouvelles pratiques ;

- l'essor de la chimiothérapie à domicile grâce au développement des traitements oraux. La chimiothérapie orale représente aujourd'hui environ 25 % des traitements ; elle pourrait atteindre 50 % d'ici 2020. Cette forte diffusion nécessite une meilleure articulation avec les acteurs de la médecine de ville (médecin généraliste, infirmier, pharmacien) et un accompagnement thérapeutique des patients pour garantir une bonne observance des traitements ;

- le traitement ciblé des tumeurs grâce à leur caractérisation à l'aide de la biologie moléculaire. En particulier, la caractérisation des tumeurs et du dépistage génétique devrait se généraliser pour les populations à risque. La moitié des actes de biologie moléculaire devrait être pratiquée dans le cadre du diagnostic, contre 10 % en 2013 ;

- la radiologie interventionnelle, permettant des interventions guidées par l'imagerie et donc des actes moins invasifs. Le nombre de séjours pour ce type d'actes devrait être multiplié par quatre d'ici 2020, à condition de définir une tarification adaptée ;

- la généralisation des soins de support pour une prise en charge globale du patient. Ils exigent également une organisation coordonnée des différents professionnels intervenant dans le traitement du malade.

De façon générale, ces évolutions entraînent deux défis principaux, concernant l'organisation des soins et la prise en charge financière. S'agissant de l'organisation des soins, elles conduisent à des modes d'organisation moins fondés sur le séjour hospitalier et nécessitant une plus grande coordination entre tous les acteurs du traitement. En raison de la forte spécialisation de l'activité en cancérologie et des traitements médicamenteux combinés, notamment avec l'essor de l'immunothérapie, deux pôles se distinguent pour l'analyse et le traitement de la tumeur, ainsi que pour le suivi quotidien du patient. De par sa connaissance des nouveaux modes de traitement et son rôle pour assurer la coordination, l'INCa doit permettre répondre à ce défi.

Le troisième plan cancer vise à mieux associer les professionnels de premier recours à la prise en charge des patients atteints de cancer, en améliorant les liens entre l'hôpital et la médecine de ville. En particulier, la télémédecine 55 ( * ) est identifiée comme un moyen de réduire les inégalités d'accès aux soins spécialisés, notamment pour les départements à faible démographie médicale ou les territoires ultramarins.

Cependant, malgré les efforts mis en oeuvre, l'articulation entre la ville et l'hôpital demeure largement perfectible. Or l'apparition de médicaments ciblés administrés par voie orale constitue un fort enjeu, dans la mesure où ils entrainent des effets secondaires très spécifiques, propres à chaque processus de traitement en raison de l'association de molécules pour répondre aux caractéristiques de chaque tumeur. Il s'agit par conséquent d'assurer les conditions d'une coopération entre le spécialiste et les professionnels du premier recours. Devant faire face seuls à une grande variété de patients, ces professionnels ont besoin d'une information concise.

L'immunothérapie

L'immunothérapie est un traitement qui consiste à administrer des substances qui vont stimuler les défenses immunitaires de l'organisme afin de lutter contre différentes maladies . Les premiers essais remontent aux années 1970 . L'immunothérapie allergénique constitue une application ancienne et répandue d'immunothérapie , mieux connue sous le nom de désensibilisation .

L'immunothérapie vise à répondre à l' efficacité limitée du système immunitaire face aux cellules cancéreuses. Notre corps est protégé par un système immunitaire , composé de cellules spécialisées, produites par la moelle osseuse. Elles assurent la protection de l'organisme contre les attaques extérieures (microbes, virus...). Alors que les défenses immunitaires devraient aussi reconnaître et détruire les cellules cancéreuses, elles sont souvent incapables de le faire. Le principal écueil de l'immunothérapie du cancer réside dans le fait que les cellules tumorales ne sont pas ou mal reconnues comme étrangères .

Les recherches en immunothérapie permettent de mieux comprendre comment les cellules cancéreuses échappent aux défenses immunitaires : en particulier, certaines cellules cancéreuses peuvent développer un camouflage ou même prendre l'initiative et bloquer l'action des défenses immunitaires .

L'immunothérapie constitue une piste importante de la recherche cancérologique actuelle . Les développements récents enregistrés dans cette discipline s'expliquent grâce à un changement de point de vue . Désormais le cancer n'est plus uniquement vu comme une maladie des gènes, mais aussi comme une maladie de l'organisme , de l'environnement de la tumeur et du système immunitaire. En effet, les cellules tumorales prolifèrent au sein de l'organisme, en échappant au système immunitaire. C'est en comprenant comment elles y parviennent que les chercheurs peuvent aujourd'hui proposer de nouvelles solutions pour les contrecarrer.

Le but des traitements d'immunothérapie est de restaurer la capacité d'action du système immunitaire face aux cellules cancéreuses . Plusieurs traitements d'immunothérapie sont d'ores et déjà disponibles. Ils ne constituent jamais le traitement dominant, mais peuvent aider à éradiquer la tumeur . De fait, l'immunothérapie prend petit à petit sa place dans le traitement de certains cancers, aux côtés de la chirurgie, de la radiothérapie et de la chimiothérapie. De nouveaux anticorps permettent de prendre le relais d'autres traitements ayant échoué à vaincre la tumeur . Ces anticorps visent à empêcher la prolifération cellulaire. Ils sont obtenus par des techniques récentes qui les rendent plus spécifiques et mieux tolérés.

Les premiers essais démontrent qu' il est possible de traiter des malades atteints de cancers très avancés . Toutefois, ces médicaments ne sont pas sans effets secondaires . Il est donc très important de développer en parallèle des travaux visant à limiter ces effets.

Source : commission des finances du Sénat

C. LES ÉVOLUTIONS DES TRAITEMENTS METTENT SOUS TENSION LE CADRE ACTUEL DE FINANCEMENT

1. Une évolution difficilement soutenable

Selon les données fournies par la direction de la sécurité sociale à votre rapporteur spécial, le coût total de la prise en charge du cancer est estimé à 8,77 milliards d'euros en 2014, répartis de la façon suivante :

- 5,34 milliards d'euros de dépenses en 2014 pour les établissements de courts séjours, hors séances de radiothérapie en libéral, estimées à 400 millions d'euros ;

- 1,6 milliard d'euros pour les molécules anticancéreuses facturées en sus. Ce montant a augmenté de 15,5 % entre 2012 et 2014, et les molécules anticancéreuses représentent 50 % des molécules en sus des groupes homogènes de séjour dans le public, et 81 % dans le privé commercial ;

- 1,4 milliard d'euros pour les anticancéreux délivrés en ville.

Selon la CNAMTS dans son « Analyse médicalisée de l'ONDAM, Rapport charges et produits pour 2016 », les dépenses remboursées au titre du cancer se répartissent de façon quasi équitable entre l'hôpital et les soins de ville, avec une part respective de 55 % et 45 %. Une analyse en dynamique met en évidence une faible hausse du nombre de patients atteints d'un cancer contrastant avec une forte hausse des dépenses. Ainsi, alors que les patients atteints d'un cancer ont augmenté en moyenne de 0,7 % par an entre 2011 et 2013, le taux de croissance annuel moyen des dépenses atteignait 4,3 %. Par conséquent, parmi l'ensemble des pathologies considérées, le cancer est celle dont le coût moyen de prise en charge a le plus fortement augmenté, avec un taux de croissance annuelle moyen de 3,6 %.

Source : CNAMTS, Analyse médicalisée de l'ONDAM, Rapport charges et produits pour 2016

Comparaison des effectifs et dépenses moyennes remboursées par an par patient en 2013

Effectifs en millions

Dépense moyenne totale

Pathologies cardiovasculaires

3,5

3 569 €

Diabète

2,9

2 174 €

Cancers

2,5

5 155 €

Maladies psychiatriques ou traitements psychotropes

7,2

2 493 €

Maladies dégénératives

0,7

3 767 €

Maladies neurologiques

0,5

5 061 €

Maladies respiratoires chroniques, hors mucoviscidose

2,9

870 €

Maladies inflammatoires, rares et VIH

0,9

4 845 €

Insuffisance rénale chronique terminale

0,07

44 880 €

Hospitalisations ponctuelles

7,5

3 635 €

Source : CNAMTS, Analyse médicalisée de l'ONDAM, Rapport charges et produits pour 2016

Cette dynamique est appelée à se poursuivre ces prochaines années sous l'effet de deux facteurs conjugués :

- l'augmentation du taux de couverture en dépistages, ce qui va augmenter le nombre de cancers diagnostiqués et donc le nombre de patients pris en charge ;

- l'accélération de l'innovation thérapeutique, notamment avec la diffusion des thérapies ciblées, plus efficaces mais aussi plus coûteuses, ainsi qu'avec le développement des associations de traitements.

De fait, la prise en charge financière du cancer pose deux défis :

- la dynamique interroge la soutenabilité du modèle actuel de financement ;

- les nouvelles modalités des traitements rendent nécessaire une adaptation des prises en charges financières

Dans ce cadre, un comité de pilotage dédié au cancer a été mis en place en 2014 au sein du comité de réflexion sur la tarification hospitalière (CORETAH). Piloté par la direction générale de l'offre de soins et composé de représentants des fédérations hospitalières et des professionnels libéraux, des ARS, de l'INCa, de la CNAMTS, de la HAS et de l'agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP), il a pour principale mission d'adapter le modèle de financement de façon à mieux prendre en compte l'innovation et la notion de parcours de soins. Trois groupes de travail ont été constitués sur l'hospitalisation de jour en cancérologie et le virage de l'ambulatoire, l'évolution des prises en charge du cancer par chimiothérapie orale, et l'organisation de l'accès aux soins de support.

En outre, le troisième plan cancer vise à lever les obstacles financiers au passage de l'hôpital au secteur ambulatoire, aux structures médicosociales et au domicile. Il insiste en particulier sur les expérimentations de tarification au parcours, afin de garantir un parcours fluide entre la ville et l'hôpital et une prise en charge globale intégrant les soins de support.

2. L'augmentation du prix des médicaments doit conduire à repenser le modèle actuel d'autorisation et de remboursement

Si ces réflexions dépassent le seul champ de compétences de l'INCa, en tant qu'agence d'expertise scientifique et sanitaire sur le cancer, il doit tenir une place centrale dans la question de l'évaluation et du prix des médicaments. En effet, de nouveaux médicaments sont en train de révolutionner le champ de la thérapeutique, soulignant que la méthode de fixation des prix n'est pas soutenable. Pour un budget total de remboursement des médicaments de 25,5 milliards d'euros en 2014, les médicaments anticancéreux représentent 8 % de ce montant, soit 3 milliards d'euros pour environ 1 million de patients.

En tant qu'agence d'expertise en cancérologie, l'INCa doit coordonner la lutte contre le cancer dans toutes ses facettes y compris le bon usage des médicaments et la qualité et la sécurisation des prises en charge médicamenteuses. Les évolutions rapides et profondes des médicaments en cancérologie exigent de disposer d'une expertise pour en mesurer les impacts et les effets, ainsi que pour permettre un accès pour tous aux traitements innovants dans un cadre sécurisé. La connaissance de l'intérêt thérapeutique des molécules oriente les décisions de prise en charge financière, en ville et à l'hôpital. L'expertise permet également d'élaborer des recommandations de bonnes pratiques à destination des professionnels de santé qui tiennent compte des progrès et des évolutions.

À l'été 2015, l'INCa a alerté les administrations centrales sur l'impact des thérapies ciblées, et plus particulièrement de l'immunothérapie, sur la prise en charge de patients et l'accès à l'innovation au regard des progrès thérapeutiques apportés et des prix de ces médicaments. De même, le dernier avis du comité d'alerte sur le respect de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie souligne la difficulté accrue de tenir l'objectif de maîtrise médicalisée en raison de la progression des dépenses de médicaments, notamment du fait des nouveaux médicaments anticancéreux 56 ( * ) : « des aléas financiers pèsent sur la campagne tarifaire 2016 des hôpitaux, sur les objectifs de maîtrise médicalisée des dépenses de médecine de ville et sur les dépenses de médicaments, notamment au titre des nouveaux traitements contre le cancer » . Il souligne que « les dépenses de médicaments sur la liste en sus, qui concentre les médicaments coûteux et innovants remboursés aux établissements de santé en plus des tarifs, continuent de progresser fortement (+ 5,1 %) alors que les autres dépenses de médicaments (médicaments de ville et médicaments rétrocédés) sont en retrait ».

La forte croissance du prix des traitements médicamenteux du cancer s'explique en partie par deux facteurs :

- des changements de paradigme : la médecine de précision avec les thérapies ciblées et l'immunothérapie ;

- de nouvelles stratégies, avec notamment des associations de médicaments de classe différente.

La fragmentation des traitements en cancérologie entraine une réduction du nombre de patients ciblés pour chaque médicament, faisant du cancer une maladie rare. Alors que le modèle économique du médicament en cancérologie a changé, passant de blockbusters à des « nichebusters », les modalités de son remboursement n'ont pas suivi ces évolutions. De plus, des médicaments initialement ciblés sur une tumeur peuvent ensuite se révéler efficaces dans le traitement d'autres types de tumeurs. Le principal sujet est donc celui de l'extension de l'utilisation des médicaments, qui accroît le marché potentiel de médicaments dont le prix a déjà été négocié pour un nombre plus réduit de patients.

Les conditions d'accès aux médicaments en France se comparent favorablement aux autres pays occidentaux : quasiment tous les médicaments anticancéreux avec autorisation de mise sur le marché sont disponibles et remboursés à 100 % dans le cadre du système des affections de longue durée (ALD). Ils sont en outre rendus disponibles avant leur autorisation de mise sur le marché pour les patients qui en ont le plus besoin grâce aux autorisations temporaires d'utilisation (ATU). Cependant, il s'ensuit une difficulté, comme l'a souligné le professeur Norbert Ifrah lors de son audition par la commission des affaires sociales du Sénat le 8 juin 2016 en tant que candidat pressenti à la présidence du conseil d'administration de l'INCa. En effet, les ATU sont délivrées avant que le prix du médicament soit négocié : les industriels pratiquent un prix libre. Par conséquent, une fois l'AMM accordée, il est complexe de négocier un prix fortement diminué. On parle d'ATU de cohorte avec un prix libre de la part des industriels. Or le modèle français est particulier par rapport à ces mises à disposition anticipées, car l'autorisation de mise sur le marché va de pair avec le remboursement du médicament, ce qui n'est pas le cas dans tous les pays occidentaux. Ainsi, aux États-Unis, lorsque la Food and Drug Administration donne une autorisation de mise sur le marché d'un médicament, elle ne s'engage pas sur son remboursement.

De plus, pour permettre un accès rapide aux médicaments, les agences nationales délivrant les autorisations de mise sur le marché ont tendance à remplacer le test ultime portant sur la survie du patient par des tests compagnons, des tests biologiques ou l'analyse des taux de réponse et de première rechute. Mais le lien direct entre le test compagnon et la survie n'est pas toujours étudié en profondeur. Ainsi, parmi les 55 derniers médicaments autorisés par la Food and Drug Administration aux États-Unis, 35 ont seulement fait l'objet de tests compagnons ; pour une vingtaine, le lien a été établi entre ces tests compagnons et la survie. Le professeur Norbert Ifrah a ainsi souligné les limites du cadre actuel, ainsi que les pistes d'évolution et le rôle de l'INCa dans cette perspective : « Pour autant, tant que le médicament n'a pas fait ses preuves du point de vue de la survie, on pourrait imaginer qu'il ne soit pas remboursé au même niveau que les médicaments mieux établis, afin de mieux partager l'effort. Cela doit être discuté avec les pouvoirs publics ; l'INCa ne décide pas du prix des médicaments, il ne fait que donner son avis sur les traitements et faciliter l'accès aux tests compagnons et aux médicaments (...).Il faut donc mener une réflexion internationale avec les laboratoires, mais aussi une réflexion propre dans laquelle l'INCa a un devoir d'information et d'expertise. Il doit donner son avis aux décideurs » 57 ( * ) .

Recommandation n° 11 : En s'appuyant sur l'expertise de l'Institut national du cancer, conduire une réflexion sur l'articulation entre l'autorisation d'utilisation puis l'autorisation de mise sur le marché des médicaments innovants et les modalités de remboursement afin de concilier réactivité dans la mise à disposition des nouvelles molécules et soutenabilité financière du système.

II. PREMIÈRE ÉTAPE POUR GARANTIR LA SOUTENABILITÉ FINANCIÈRE DE LA PRISE EN CHARGE DU CANCER, LA STRUCTURATION EN DEUX PÔLES DE SOINS DOIT ÊTRE PORTÉE PAR L'INSTITUT NATIONAL DU CANCER

Par les plans cancer successifs, des voies de modernisation du système de soins ont été identifiées et mises en oeuvre par l'INCa dans le champ du cancer. Face aux défis et à l'évolution de la maladie vers une maladie chronique, accentuant les cas de polypathologie, il convient de renouveler ces efforts de structuration et de coordination. Or, lors de ses auditions, votre rapporteur spécial a noté que l'INCa était de façon récurrente qualifié d' « organisme facilitateur » ; il doit donc être le moteur des adaptations dans la prise en charge des cancers.

Le deuxième plan cancer fixait comme objectif un rapprochement entre les soins de ville et l'hôpital, ce que le troisième plan cancer a repris et renforcé, en vue de garantir un continuum entre les deux. De fait, les nouveaux traitements, la nécessité d'assurer la chaîne du dépistage à l'après-cancer conduisent à distinguer deux pôles qui doivent tenir une place complémentaire et conjointe en matière de cancers. Dans cette perspective, l'INCa doit investir deux voies d'action :

- aider à la structuration de chacun des deux pôles de soins, qui font face à deux enjeux différents : les soins de ville doivent être mieux appuyés dans le suivi de patients atteints d'un cancer ; les soins spécialisés doivent maintenir un haut niveau de sécurité et une mise à disposition des nouveaux traitements et équipements ;

- coordonner les deux pôles, selon une logique de parcours de soins.

Le renforcement du pôle des soins de premiers recours et sa bonne articulation avec les soins spécialisés permettra de concilier la proximité et la sécurité des prises en charge.

A. INTÉGRER LES SOINS DE PREMIER RECOURS AU SEIN DE LA « MAISON COMMUNE DU CANCER »

1. Une récente intégration des médecins généralistes dans les travaux et l'organisation de l'Institut national du cancer

Les prises en charge des patients impliquent davantage les professionnels de santé de ville, dans le cadre des allers retours plus fréquents entre l'hôpital et le domicile, ainsi que pour le suivi des effets indésirables des nouveaux traitements tels que les thérapies ciblées. Jusqu'au troisième plan cancer, les actions ont principalement visé à structurer et coordonner les professionnels du soin spécialisé, de sorte que les médecins généralistes demeuraient encore peu agrégés à la politique de lutte contre le cancer.

L'INCa a cherché à renforcer sa collaboration avec la médecine générale, à la fois en l'intégrant à ses instances et en produisant une expertise concise et rapide mettant à disposition la progression du savoir. Des médecins généralistes sont membres du comité des usagers et des professionnels (COMUP), instance consultative de l'INCa, et participent aux groupes de travail ad hoc et aux comités d'évaluation des projets. En outre, depuis 2015, un médecin généraliste est membre du conseil d'administration de l'Institut. L'INCa structure également son partenariat avec le collège de médecine générale (CMG). Des sessions communes ont été organisées lors du congrès 2016 de la médecine générale et un accord-cadre est en cours d'élaboration.

Outre une évolution des structures garantissant des relations d'échange, il importe que des relations de travail se nouent en vue d'associer concrètement les médecins généralistes à la prise en charge des patients atteints de cancer. Faisant face à une patientèle variée, les médecins généralistes n'ont souvent pas le temps de se former et d'investir les évolutions de la cancérologie. Le rôle de l'INCa est en ce sens de fournir des informations adaptées. Pour ce faire, l'INCa a lancé en 2016 des outils pour la pratique en cancérologie à destination des professionnels de premier recours, basés sur trois formats complémentaires :

- des outils synthétiques par cancer décrivant les étapes clés de la prise en charge et de l'articulation entre la ville et l'hôpital ;

- des fiches pratiques traitant de thématiques transversales à la prise en charge, portant essentiellement sur les soins de support ;

- un guide décrivant l'organisation des soins en cancérologie.

S'agissant des traitements médicamenteux, des recommandations de gestion et de prévention des effets indésirables des chimiothérapies orales ont été publiées en juillet 2015. Il est prévu que ces recommandations soient déclinées sous forme de fiches pratiques en vue d'alimenter une base nationale.

2. Quels nouveaux rôles pour les médecins généralistes dans la prise en charge des patients atteints d'un cancer ?

L'essor des chimiothérapies par voie orale interroge sur les nouveaux rôles des médecins généralistes dans l'organisation des soins des patients atteints d'un cancer. Les chimiothérapies orales n'en sont pas moins toxiques et s'accompagnent d'un grand nombre d'effets secondaires. Il ne s'agit en effet pas d'une déclinaison orale des traitements de chimiothérapie classique, mais de traitements innovants. C'est pourquoi, comme l'analyse l'INCa, le rôle des médecins traitants ne peut s'étendre à la prescription, mais concerne le suivi du traitement, avec une expertise et une coordination avec les spécialistes.

Toutefois, le rôle des médecins généralistes en amont, en matière de prévention primaire et de dépistages, doit être renforcé, ce qui permettrait de nouer des relations de travail avec l'INCa. L'augmentation du taux de couverture des dépistages doit conduire à une mobilisation plus forte des médecins traitants, ce qui passe d'abord par une meilleure information sur les différents dépistages possibles et sur les nouvelles techniques. Pour ce faire, les médecins généralistes doivent être mieux incités à se saisir du dépistage comme acte de soin. Dans le cadre de la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP), les médecins traitants bénéficient actuellement d'une rémunération complémentaire en fonction d'objectifs fixés pour le dépistage du cancer du sein, et le dépistage du cancer du col de l'utérus. Dans le cadre des négociations conventionnelles de 2016, la ROSP devrait intégrer la valorisation de nouvelles actions de prévention :

- le nouveau test de dépistage du cancer colorectal ;

- la lutte contre le tabagisme : conseil et prescription de traitements de substitution.

Recommandation n° 12 : Afin d'associer concrètement les médecins généralistes à la lutte contre le cancer, renforcer leur rôle dans la politique de dépistages généralisés. Pour ce faire, l'INCa doit développer des outils adéquats d'information sur les techniques de dépistage et les populations particulièrement exposées.

3. La nécessaire structuration du pôle de premier recours

Le continuum entre l'hôpital et les soins de ville doit prendre en compte l'ensemble des intervenants du premier recours, à savoir les médecins généralistes, mais aussi les pharmaciens, les infirmiers et les professionnels assurant les soins de support. Dans ce cadre, l'INCa devrait profiter de la mise en place progressive des relations avec les soins de ville pour nouer des liens avec les maisons de santé. Appelées à se développer, ces structures permettent également d'intégrer l'ensemble des acteurs des soins de ville.

Avec le développement des traitements à domicile, les patients atteints de cancer doivent pouvoir être suivis et accompagnés. Mais, alors que les médicaments tendent à être de plus en plus ciblés et que ces patients représentent une faible part des personnes qu'ils soignent, les professionnels des soins de ville doivent pouvoir s'appuyer sur une cellule spécialisée et avertie des effets secondaires. Cette fonction nouvelle, identifiée par l'INCa, ne doit pas faire l'objet d'une extension des missions actuelles des réseaux régionaux de cancérologie, mais, dans une logique de simplification, devrait plutôt être assurée par les futures plateformes territoriales d'appui, créées par la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016 58 ( * ) . Mises en oeuvre par les agences régionales de santé, ces nouvelles structures permettront d'associer et d'aider les professionnels du soin de premier recours dans la prise en charge de cas complexes, à travers des services et des compétences dédiés. L'objectif est de constituer un guichet unique d'appui, permettant aux professionnels d'obtenir une réponse claire et rapide, en simplifiant le paysage actuel. Elles doivent donc comprendre des actions spécifiques en direction du cancer, à l'élaboration desquelles l'INCa doit collaborer.

Recommandation n° 13 : Dans le cadre des liens nouveaux établis entre l'INCa et les professionnels des soins de ville, mieux prendre en compte le développement des maisons de santé et privilégier l'accompagnement des nouvelles plateformes territoriales d'appui au renforcement des missions de coordination des réseaux régionaux de cancérologie.

B. L'INSTITUT NATIONAL DU CANCER DOIT ACCOMPAGNER LA RECONFIGURATION DE L'OFFRE DE SOINS EN CANCÉROLOGIE

1. La nécessité d'une reconfiguration de l'offre de soins en cancérologie

Trois raisons principales rendent nécessaire une reconfiguration de l'offre de soins en cancérologie :

- la redéfinition des critères d'agrément recommandée par votre rapporteur spécial ;

- les progrès scientifiques et technologiques qui rendent nécessaire l'acquisition de compétences et d'équipements pointus ;

- l'atténuation des inégalités territoriales d'accès aux soins spécialisés. Environ 16 % des établissements bénéficiant d'une autorisation de soins en cancérologie sont situés en région parisienne.

La compétence et l'autorité scientifique de l'INCa lui permettent d'aider à cette nouvelle structuration de l'offre de soins en cancérologie.

Le cadre organisationnel actuel a été défini en 2005 dans le cadre du premier plan cancer. La préparation du troisième plan cancer a mis en évidence qu'il convenait de définir une gradation de la prise en charge en cancérologie afin de mieux identifier les différents niveaux : établissements de recours, établissements à activité spécialisée, établissements de proximité. De fait, le contexte de fortes contraintes financières et du développement de thérapies plus sophistiquées et onéreuses plaide en faveur d'une approche pragmatique de spécialisation des équipes hospitalières en cancérologie. Cette spécialisation doit permettre d'assurer le lien nécessaire entre recherche et soins pour maîtriser les thérapies de pointe. À ce titre, l'action 2.9 du troisième plan cancer prévoit de définir ce qui relève d'un équipement de centre de proximité et ce qui relève d'une structure de recours intégrant des techniques hautement spécialisées. Dans cette perspective, les établissements autorisés en cancérologie doivent mieux associer leurs compétences au bénéfice des malades, selon une logique de subsidiarité et de spécialisation dans des modes de traitement. En effet, certains établissements sont fortement positionnés pour certaines techniques, à l'instar des centres de lutte contre le cancer, qui réalisent 43 % des séances de radiothérapie au plan national.

2. Des rapprochements entre établissements pour une organisation autour du patient, selon le principe de subsidiarité et les différentes spécialités

Comme les représentants au conseil d'administration de l'INCa le reflètent, les établissements de santé en cancérologie sont de types variés. Dans le cadre de la reconfiguration de l'offre de soins, l'INCa doit jouer un rôle pour accentuer les collaborations entre ces différents établissements. Déjà, sous l'impulsion de la fédération Unicancer, un mouvement de fusion entre centres de lutte contre le cancer a été engagé en juillet 2015 à la suite de la réforme territoriale. Si le processus se traduit par le regroupement juridique des dix-huit centres en neuf entités, les vingt sites devraient être maintenus.

Votre rapporteur spécial tient surtout à souligner la possibilité de renforcer les coopérations entre établissements, qui permettent le maintien de structures de soins éloignées des centres urbains et d'assurer le nécessaire équilibre entre proximité et sécurité des soins. Le patient peut ainsi effectuer son traitement à proximité de son domicile tout en bénéficiant de l'expertise d'un établissement de grande envergure. Certains centres de lutte contre le cancer mettent déjà des compétences médicales à disposition de certains hôpitaux dont l'autorisation d'activité serait sinon retirée 59 ( * ) . Avec l'aide des nouvelles technologies, comme la visioconférence, cette piste devrait être mieux investie.

De façon plus poussée, des regroupements peuvent être envisagés, notamment entre établissements fortement spécialisés dans une technique (radiothérapie, chirurgie, etc.). Par exemple, un regroupement entre centres de lutte contre le cancer et d'autres établissements leur permettrait de compenser leur spécialisation en radiothérapie et dans le traitement du cancer du sein. Dans ce cadre, les établissements pourraient augmenter leur activité et atteindre un seuil conforme aux standards internationaux en prenant en charge des patients adressés par l'établissement partenaire. Des partenariats de ce type ont déjà été engagés par l'Institut Curie avec l'hôpital Foch de Suresnes ou l'hôpital Ambroise Paré de Boulogne-Billancourt.

Dans son insertion au rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale de septembre 2015 portant sur les centres de lutte contre le cancer 60 ( * ) , la Cour des comptes insiste sur l'enjeu de coopérations renforcées, voire de fusions, entre ces centres et les centres hospitaliers universitaires, alors que quatorze des dix-huit centres de lutte contre le cancer partagent leur site immobilier avec un CHU ou se situent à proximité immédiate. La Cour des comptes relève pourtant que ces établissements entretiennent des relations extrêmement variables, allant d'une coopération limitée à la mise en commun d'équipements ou à la réalisation de projets médicaux. Elle recommande en ce sens de renforcer des coopérations plus intégrées au profit du patient, sous forme de répartition d'activités, de partage d'équipements lourds ou de mutualisations logistiques ou techniques. Votre rapporteur spécial soutient cette évolution qui s'inscrit dans la logique d'une concentration des ressources et des compétences sur les spécialités de chaque établissement. Des rapprochements ont d'ailleurs déjà été menés à bien. En particulier, l'Institut universitaire du cancer de Toulouse, mis en fonctionnement en 2014 sur l'ancien site d'AZF, accueille un hôpital regroupant une partie des activités de cancérologie du CHU de Toulouse et la totalité des activités du CLCC, l'Institut Claudius Regaud ainsi que le centre de recherche en cancérologie de Toulouse.

3. Les groupements hospitaliers de territoires doivent aider à structurer la spécialisation des établissements

Introduits par la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016 61 ( * ) , les groupements hospitaliers de territoires (GHT) constituent un nouveau mode de coopération entre établissements publics de santé à l'échelle d'un territoire. Ils visent à renforcer la coopération entre hôpitaux publics autour d'un projet médical portant une vision partagée de l'offre de soins. Les groupements hospitaliers de territoire peuvent permettre de revoir l'activité cancérologique entre établissements d'une localité, selon les types de cancers et les établissements. La réorganisation des soins en cancérologie selon une logique de spécialisation et de subsidiarité pourrait s'opérer dans le cadre de cette structure territoriale. Un travail commun devrait constituer un lien fédérateur, sur le modèle de ce que l'INCa a apporté comme vision depuis sa création.

La possibilité d'un partenariat entre GHT et établissements privés est prévue par la loi. Une convention définit alors l'articulation du projet médical de l'établissement avec celui du groupement. Par conséquent, chaque GHT pourra conclure une convention de partenariat avec les établissements privés intervenant en cancérologie, pour la partie du projet médical du GHT ayant trait à ce domaine. Dans le prolongement des liens entre établissements publics et privés intervenant en cancérologie, votre rapporteur estime que de tels partenariats devraient être conclus. À ce titre, la fédération Unicancer soutient cette démarche de partenariat entre centres de lutte contre le cancer et GHT. Dans son courrier du 18 avril 2016 adressé à la Cour des comptes sur le suivi des recommandations de l'insertion au rapport d'application des lois de financement de la sécurité sociale, Unicancer précise avoir émis une recommandation auprès des CLCC afin qu'ils proposent à leur ARS et aux établissements publics de participer en tant que partenaires aux volets cancérologiques de projets médicaux des GHT.

Recommandation n° 14 : Dans le cadre de la définition des nouveaux critères d'agrément en cancérologie, l'INCa doit pouvoir identifier les partenariats pertinents entre établissements et les accompagner dans leur formalisation. En tant que GIP mettant en relation les différents types d'établissements intervenant en cancérologie, l'INCa constitue la structure pertinente pour réfléchir et conduire la réorganisation de l'offre de soins. En particulier, chaque groupement hospitalier de territoire constitué devrait conclure un partenariat avec les établissements privés intervenant en cancérologie.

C. L'INCA DOIT AMÉLIORER LA COORDINATION ENTRE LES DEUX PÔLES DE SOINS

La définition d'une approche graduée et la structuration de deux pôles de soins rendent nécessaire une bonne coordination. Or il s'agit précisément du coeur de compétences de l'Institut national du cancer.

Cette coordination passe d'abord par une amélioration des outils d'échanges d'informations entre professionnels de santé. En place ou en cours de développement, ils sont de plusieurs types :

- le partage de l'information avec les équipes de premier recours doit à terme être facilité par la généralisation du dossier communicant de cancérologie d'ici la fin de l'année 2016. Cet outil doit réunir les comptes rendus des réunions de concertation pluridisciplinaire ainsi que le programme personnalisé de soins de chaque patient. Dans le même sens, le troisième plan cancer soutient les expériences d'ouverture sécurisée des systèmes d'information permettant aux médecins traitants d'accéder aux dossiers médicaux hospitaliers, et aux pharmaciens d'officine d'accéder aux données des pharmacies hospitalières ;

- l'INCa élabore également des référentiels organisationnels définissant le parcours des patients et les intervenants à chaque étape de leur prise en charge. Sur saisine de la DGOS, un référentiel de prise en charge par chimiothérapie orale est ainsi en cours de finalisation ;

- une expérimentation commune entre la direction générale de l'offre de soins et l'INCa a conduit à la création d'infirmiers de coordination (IDEC) sur trente-cinq sites hospitaliers et dix structures de ville. Le bilan de la première année de mise en oeuvre a montré les apports du dispositif pour l'information des patients et pour le suivi de l'observance des traitements par voie orale ;

- dans le cadre des feuilles de routes régionales du plan cancer, plusieurs ARS ont créé des plateformes téléphoniques dédiées aux professionnels de ville dans les établissements hospitaliers ;

- l'article 95 de la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016 prévoit la réalisation obligatoire d'une lettre de liaison ville-hôpital en sortie d'hospitalisation.

Cependant, pour rendre ces nombreux outils efficaces, il reste aux professionnels à s'en saisir. C'est pourquoi votre rapporteur spécial considère que les enseignements tirés des deux premiers plans cancer doivent alimenter la réflexion sur le renforcement de la coordination entre ville et hôpital. En effet, les mesures mises en oeuvre généralisaient souvent des pratiques pilotes et peu onéreuses de certains établissements, à l'instar des réunions de concertation pluridisciplinaires des centres de lutte contre le cancer, et témoignaient, à la suite de la formule juridique de GIP choisie pour l'INCa, de la volonté de placer les différents acteurs dans des relations concrètes de travail. Pour asseoir une expertise partagée, des liens forts doivent exister entre les acteurs du traitement spécialisé et les acteurs du premier recours, qui suivent les malades au quotidien. C'est pourquoi votre rapporteur spécial entend soutenir deux propositions concrètes :

- pour permettre aux futurs médecins généralistes de mieux appréhender le cancer, des stages dans les services de cancérologie pourraient leur être réservés, sur simple demande de leur part. Ces stages assureraient une diffusion du savoir et un rapprochement entre médecins spécialistes et généralistes ;

- pour étendre la coopération à tous les acteurs du soin et accompagner l'essor des traitements médicamenteux, il convient d'associer davantage les pharmaciens. Une pratique de l'Institut Jean Godinot de Reims peut servir d'exemple : depuis 2008, les pharmaciens accompagnent les médecins lors de la visite médicale dans les services d'hospitalisation du département d'oncologie médicale. Ils expliquent alors aux patients en sortie d'hospitalisation le détail de la prescription de leurs traitements et échangent avec eux. Le pharmacien de l'institut propose ensuite au patient d'envoyer l'ordonnance de prescription de sortie à son pharmacien d'officine de ville, ce qui garantit au patient la continuité du traitement et permet au pharmacien de ville de s'entretenir avec son homologue hospitalier.

Recommandation n° 15 : Afin de renforcer la coordination nécessaire au continuum ville-hôpital, outre des outils, l'INCa doit concentrer ses efforts pour promouvoir des liens concrets de travail entre les deux pôles de soins, gages d'une meilleure compréhension et de relations solides.

ANNEXES

Les annexes sont disponibles au format PDF.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 13 juillet 2016, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a entendu une communication de M. Francis Delattre, rapporteur spécial, sur l'Institut national du cancer (INCa) .

Mme Michèle André , présidente . - Je salue la présence de notre collègue René-Paul Savary, rapporteur pour avis de la mission « Santé » au nom de la commission des affaires sociales.

M. Francis Delattre , rapporteur spécial de la mission « Santé » . - L'Institut national du cancer a été créé par la loi de santé publique du 9 août 2004 dans le sillage du premier plan cancer couvrant les années 2003 à 2007. Il vit avec le plan cancer. Mis en place par le Président de la République Jacques Chirac, l'Institut national du cancer a été confirmé par les deux Présidents qui lui ont succédé. Par cette création, notre pays suivait l'exemple des États-Unis ou du Japon, qui s'étaient dotés d'un institut du cancer dès 1937 et 1962. Ce choix s'explique par l'importance du cancer dans nos sociétés, tant au plan individuel qu'au plan collectif. Rappeler quelques chiffres me semble primordial : le cancer concerne un Français sur vingt au cours de sa vie, entrainant la mort de 150 000 personnes chaque année. Le nombre de patients atteints d'un cancer a doublé depuis 1980 et, s'il convient de distinguer selon les localisations, pour certains d'entre eux, les progrès thérapeutiques tendent à en faire une maladie chronique. La grande nouveauté est que l'on peut vivre avec un cancer. Cette pathologie représente ainsi 10 % du budget de l'assurance maladie. L'ambition ayant présidé à la création de l'Institut national du cancer était d'appréhender la maladie dans tous ses aspects : la recherche, la santé publique, le soutien social et psychologique aux malades et à leurs proches.

De fait, quoique plus récent que les autres instituts du cancer, l'Institut national du cancer a participé d'une innovation, car il a été investi d'une double mission de recherche et de santé publique. Parmi les huit agences sanitaires financées par la mission « Santé » du budget général de l'État, l'Institut national du cancer relève donc d'une logique spécifique. Il dispose d'une vision large, car embrassant la recherche, la prévention et l'organisation des soins, mais centrée sur une pathologie : le cancer. Il est doté pour ce faire d'un budget d'une centaine de millions d'euros et s'appuie notamment sur le renfort de personnalités scientifiques internationales, avec son conseil scientifique, chargé de veiller à la cohérence de la politique scientifique et médicale.

Cette approche globale se retrouve dans la cotutelle exercée sur l'Institut par les ministères chargés de la santé et de la recherche. L'Institut national du cancer a été institué sous la forme d'un groupement d'intérêt public sans limitation de durée. Conformément à sa vocation d'organisme facilitateur et de « maison commune du cancer », ce statut juridique permet d'agréger l'ensemble des acteurs de la lutte contre le cancer, avec treize membres. On retrouve des institutions de recherche, tels l'Inserm ou le CNRS, des acteurs associatifs historiques, comme la Fondation ARC ou la Ligue contre le cancer, des fédérations d'établissements hospitaliers, ainsi que les principaux organismes de protection sociale. S'agissant des associations, seul un faible montant de leurs fonds est mis en commun avec l'Institut national du cancer pour le soutien d'actions de recherche. Elles soutiennent librement d'autres projets et interviennent également beaucoup en soutien aux familles des malades. Agence de coordination, de veille et d'expertise, l'Institut national du cancer coordonne les actions de la lutte contre le cancer. Il conjugue à ce titre des missions législatives de financement et de coordination de la recherche, d'organisation des soins et de soutien aux patients, et des responsabilités au titre des trois plans cancer successifs.

L'Institut a connu des débuts difficiles, en raison de sa particularité certes, mais également en raison de problèmes internes. Les magistrats de la Cour des comptes avaient ainsi souligné les lacunes initiales de la gestion de l'Institut, ainsi que la difficulté de son insertion parmi des acteurs déjà installés. À l'occasion d'un suivi des recommandations formulées, la Cour des comptes avait ensuite relevé les efforts de consolidation conduits, de sorte que la mise en route opérationnelle de l'Institut doit plutôt être datée de l'exercice 2007.

Par conséquent, trois raisons ont motivé ce contrôle. Tout d'abord, une décennie après la mise en oeuvre opérationnelle de l'Institut national du cancer, et alors qu'un changement à la présidence du conseil d'administration intervenait, une analyse approfondie devait être conduite. Ensuite, la rationalisation des agences sanitaires s'est pour l'instant traduite par la création le 1 er mai dernier de l'Agence nationale de santé publique, en regroupement de trois agences. Enfin, l'intuition que la logique intégrée portée par l'Institut national du cancer peut nourrir la réflexion concernant la soutenabilité des dépenses de santé, en soulignant l'importance des leviers en amont de la prise en charge : la recherche ainsi que la prévention. Il s'agissait également d'évaluer cet outil de la lutte contre le cancer et sa capacité à relever les défis posés par l'évolution de la maladie. En particulier, il convient que chaque citoyen, partout sur le territoire, puisse être soigné dans de bonnes conditions.

Après avoir présenté la situation financière de l'établissement, je vous ferai part de mes principaux constats concernant l'exercice par l'Institut national du cancer de ses missions. Enfin, je vous présenterai mes principales recommandations.

L'Institut national du cancer dispose d'un budget proche de cent millions d'euros, employant environ cent cinquante personnes. La particularité de sa mission se traduit par l'importance des dépenses d'intervention, qui représentent les deux tiers des dépenses de l'Institut.

Outre des ressources annexes provenant notamment des membres du groupement d'intérêt public, l'Institut national du cancer est financé à 90 % par deux subventions pour charges de service public provenant des deux ministères de tutelle. Si leur montant de 38 millions d'euros est aujourd'hui équivalent, la dotation du ministère de la recherche est demeurée stable depuis le début. Au contraire, la dotation du ministère de la santé a varié, montant d'abord en puissance, avant de diminuer sous l'effet de l'association des opérateurs aux efforts de consolidation budgétaire.

Cette diminution s'est traduite par des prélèvements sur le fonds de roulement de l'Institut, réduit de 27 % entre 2014 et 2016. Des pistes d'économies subsistent encore en interne, s'agissant notamment de la fonction immobilière. Pour autant, les principaux leviers à activer résident dans le pilotage par la direction générale de la santé de ses agences. Mutualisations et rapprochements doivent permettre de concilier maîtrise des dépenses et maintien des marges de manoeuvre nécessaire à l'exercice des missions de métier.

Cet enjeu de conciliation est d'autant plus fort pour l'Institut national du cancer que j'ai pu entendre les acteurs souligner le rôle d'organisme facilitateur tenu par l'Institut, tout en relevant l'ampleur des défis qu'il restait à traiter.

L'Institut national du cancer se conçoit comme « la maison commune du cancer », conception qui guide ses actions.

En matière de recherche, l'Institut national du cancer agit comme une agence de structuration, mettant en place, finançant et pilotant des structures. Je pense notamment aux sept cancéropôles, qui permettent de stimuler et de coordonner la recherche dans nos territoires. L'Institut national du cancer agit également comme une agence de moyens, soutenant des projets de recherche. Les conditions d'une double coordination entre acteurs de la recherche en cancérologie puis entre acteurs de la recherche en santé ont été définies avec la création de l'Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé (Aviesan).

L'Institut national du cancer incarne la voix des patients : il promeut donc particulièrement la recherche clinique et la traduction des innovations dans le système de soins. Les vingt-huit plateformes de génétique moléculaire effectuent des analyses de la tumeur en préalable à une thérapie ciblée. Elles garantissent un accès équitable à tous les malades, partout sur le territoire. L'Institut national du cancer participe ainsi à la modification de l'organisation des traitements, définissant les critères d'agrément des établissements pratiquant la cancérologie, publiant des référentiels et guides de bonnes pratiques à destination des professionnels, participant à la politique de prévention et de dépistage.

Il traite surtout les aspects socioéconomiques de la maladie, soutenant les malades dans leur compréhension du cancer et des traitements, dans le suivi des soins de support, dans leur réinsertion sociale. Soulignons le rôle de l'Institut national du cancer dans l'instauration d'un « droit à l'oubli » en 2015.

La vision grand angle de l'Institut national du cancer se révèle cruciale aujourd'hui face aux défis que l'évolution du cancer suscite pour la soutenabilité financière du système de santé. Les innovations se succèdent. Citons les récentes découvertes d'une équipe médicale de Clermont-Ferrand, ouvrant la voie à une nouvelle forme de biopsie, dite liquide car portant sur un prélèvement sanguin et non plus sur un prélèvement tissulaire de la tumeur. Les thérapies ciblées se développent, et le prix des molécules anticancéreuses augmente, entraînant une contrainte financière croissante. Dans ce cadre, l'expertise de l'Institut national du cancer doit nourrir une réflexion sur l'évolution de notre modèle d'organisation des soins et sur l'articulation entre autorisation et remboursement des médicaments innovants.

Avant de conclure, je souhaite vous présenter les principales recommandations que m'ont inspirées ces travaux. Deux axes les structurent : il s'agit de renforcer les procédures et les moyens d'action de l'Institut national du cancer et de tirer les enseignements de son approche intégrée pour répondre aux défis de soutenabilité financière de notre système de santé.

Tout d'abord, je formule quatre principales recommandations visant à renforcer la performance de l'Institut et le pilotage de la direction générale de la santé afin de conserver des marges de manoeuvre pour l'exercice des missions de métier.

Premièrement, alors que le bail de location des locaux occupés par l'Institut national du cancer à Boulogne-Billancourt arrive à échéance au 31 décembre 2017, il convient d'étudier les modalités d'un regroupement de l'Institut national du cancer au sein d'un des deux pôles géographiques où se situent les autres agences sanitaires.

Deuxièmement, ce regroupement ouvrirait la voie à ma deuxième recommandation : l'approfondissement des mutualisations entre agences sanitaires en vue de renforcer les rapprochements des fonctions support.

Troisièmement, pour améliorer les conditions du soutien financier à l'effort de recherche, je recommande de tirer rapidement les enseignements de la comparaison internationale des outils d'évaluation en fin de parcours des projets financés, en préalable à l'élaboration d'un dispositif national d'évaluation.

Quatrièmement, alors que les inégalités territoriales constituent une priorité du troisième plan cancer, afin d'améliorer la prise en compte des spécificités régionales en matière de cancer, je préconise d'associer les agences régionales de santé dès la conception de certains appels à projets, et non uniquement lors de la sélection des projets.

Ensuite, je formule trois séries de recommandations pour renforcer les outils à la disposition de l'Institut national du cancer et étendre son approche globale à la conception des politiques de santé, en vue de répondre aux contraintes financières plaçant notre système de santé sous tension. Le cancer constitue en effet un exemple emblématique du risque financier pouvant résulter du dynamisme des dépenses de santé, avec un taux de croissance annuel moyen des dépenses de 4,3 % entre 2011 et 2013, contre 0,7 % pour le nombre de patients soignés à ce titre.

Premièrement, pour améliorer la connaissance épidémiologique de la maladie et ainsi la traiter plus efficacement, je préconise d'octroyer à l'Institut national du cancer un accès permanent aux données du nouveau système national des données de santé.

Deuxièmement, dans le cadre de l'adaptation des modes de prise en charge des patients atteints d'un cancer, je recommande de structurer deux pôles de soins complémentaires et en étroite collaboration : un pôle de premier recours autour des soins de ville, et un pôle spécialisé, au travers de critères d'agrément renouvelés. Cette structuration fondée sur la coopération et la subsidiarité permettra de définir le bon équilibre entre sécurité et proximité des soins et de garantir une prise en charge efficace pour chaque patient, partout sur le territoire, et pour le système de santé.

Troisièmement, afin de répondre aux défis posés par le prix des nouvelles molécules, je recommande de s'appuyer sur l'expertise de l'Institut national du cancer pour conduire une réflexion sur l'articulation entre l'autorisation d'utilisation des médicaments et les modalités de leur remboursement.

En conclusion, dix ans après sa mise en route opérationnelle, le bilan de l'Institut national du cancer apparaît satisfaisant. Des procédures internes ont été instituées pour prendre en compte les risques inhérents à ses actions ; des adaptations ont été conduites pour permettre une bonne insertion de l'Institut national du cancer dans le monde de la recherche et pour permettre de concilier les deux visions différentes de l'Institut et des agences régionales de santé. Je tiens à souligner la qualité du travail des femmes et des hommes que j'ai pu rencontrer à l'occasion de ce contrôle.

Surtout, une idée directrice se dégage de mon contrôle : la vision globale portée par l'Institut national du cancer est riche d'enseignement pour assurer la soutenabilité financière de notre système de santé. Alors que les dépenses de santé suivent une tendance haussière sous la double influence du vieillissement démographique et des innovations thérapeutiques, cet opérateur décloisonne l'appréhension des politiques de santé, soulignant l'importance d'une action de prévention et de recherche en amont pour réduire les contraintes financières de prise en charge en aval.

Mme Michèle André , présidente . - Merci d'avoir abordé ce sujet sensible qui concerne ou concernera au moins un Français sur vingt. Nous avons tous parmi nos proches des personnes atteintes par cette maladie, représentant 10 % des dépenses de l'assurance maladie, ce qui est considérable. La question du coût de certains traitements revient régulièrement. Les cancérologues français travaillent habituellement à l'échelle internationale et de manière très structurée. Ce sont souvent des personnes extrêmement modestes, persuadées du combat qu'ils ont à mener en permanence contre l'évolution de cette maladie. Je vous remercie donc particulièrement d'avoir choisi cet angle de travail et de nous y faire réfléchir, notamment au sujet des relations avec les agences régionales de santé (ARS).

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis de la mission « Santé » au nom de la commission des affaires sociales. - Pour ce qui concerne la commission des finances, même si elle n'a pas de prix, la santé a un coût qui augmente considérablement compte tenu des innovations technologiques, ce dont on se réjouit, et de la longévité croissante de notre population. Pour maîtriser ce coût ne serait-ce que de manière indirecte, il faut parallèlement mener des actions de prévention pour retarder ou supprimer l'apparition de la maladie. D'où l'intérêt de faire de la recherche dans le champ médecine prédictive notamment. Demain, à travers le décryptage du génome, on pourra prédire que tel ou tel sujet est à risque. Je rappelle que le cancer fait partie des maladies en affection de longue durée (ALD) couvertes à 100 % par la sécurité sociale. L'ALD représente cent milliards d'euros par an et concerne 15 % de la population. Les 85 % restant ont des maladies prises en charge à la fois par la sécurité sociale et les mutuelles. Par ailleurs, les progrès sont importants, notamment en France. Je pense à l'immuno-oncologie qui en est au stade de la recherche, mais demain apportera des résultats extraordinaires avec des effets secondaires considérablement réduits par rapport à ceux de la chimiothérapie. Cet aspect est important pour l'inclusion de la personne malade dans la société. Pour la commission des affaires sociales, l'Institut national du cancer est un organisme incontournable dans la prise en charge et la prévention du cancer.

M. Roger Karoutchi . - De nombreux patients seraient orientés vers des chimiothérapies sans véritable nécessité. Or ce type de traitement a des conséquences graves, suscitant des effets secondaires, des effets permanents sur la vie des gens, et un coût financier considérable. L'Institut se préoccupe-t-il de cette situation ?

M. Claude Raynal . - Entendre qu'un organisme fonctionne bien et remplit ses missions fait plaisir. J'ai compris que l'Institut national du cancer avait un financement de 100 millions d'euros, qui était pris en charge de manière presque égale par le ministère chargé de la recherche et celui chargé de la santé, et le reste par les associations. Les chiffres peuvent-ils être précisés ? Chaque ministère verse 38 millions d'euros et le reste est financé par les dons et les associations, est-ce bien cela ?

M. Francis Delattre . - Il y a aussi des prélèvements sur le fonds de roulement de l'Institut. J'en profite pour évoquer la question en suspens des assurances vie en déshérence. Selon le récent rapport de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), un milliard trois cents millions d'euros sera reversé à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) au second semestre 2016. Il y a quelques mois, j'ai remarqué que dans la longue liste des bénéficiaires en attente figurent souvent des associations de recherche contre le cancer. Je ne comprends pas que les assureurs ne puissent retrouver ces associations.

M. Claude Raynal . - Il y a vingt ans, j'ai travaillé six mois avec l'une des deux grandes associations nationales de lutte contre le cancer, au moment où l'on élargissait l'action du financement de la recherche au soutien aux malades. Le débat avait duré une année. Je me réjouis que les financements n'aillent désormais pas uniquement à la recherche, mais également vers le soutien aux malades dont la situation dans le milieu hospitalier il y a vingt ans était très difficile. Des efforts ont été faits dans ce sens et les grands organismes de recherche ont accepté qu'une partie des fonds contribue au soutien aux malades et à leurs familles. Enfin, je suis d'accord avec René-Paul Savary sur l'importance de la médecine prédictive. Il y a là, si les recherches aboutissent, une piste pour réaliser des économies substantielles avec une bonne prévention. On est très proche d'arriver à des systèmes qui fonctionnent avec des coûts de soins largement diminués.

M. Serge Dassault . - La question de prévenir le cancer grâce à des analyses de sang me paraît fondamentale. Est-il envisageable de rendre la prise de sang obligatoire chaque année ? Il est dommage de ne traiter le cancer que lorsqu'on l'a, c'est-à-dire trop tard.

M. François Patriat . - Les établissements de santé, que ce soit des centres de lutte contre le cancer, des centres hospitaliers universitaires (CHU) ou des hôpitaux privés, font preuve à la fois d'une proximité et d'une humanité hors norme, aussi bien dans la partie curative lourde que dans la prévention. Le rapporteur spécial a évoqué un sujet sur lequel j'ai travaillé avec Adrien Zeller lors de la création du cancéropôle du Grand-Est. Les cancéropôles travaillent sur toutes les thématiques du cancer, que ce soit la prévention, le diagnostic, la recherche sur les cancers rares, comme le cancer du pancréas qui représente aujourd'hui 9 % des cas et pour lequel on ne connaît pas du tout l'étiologie. Francis Delattre a étudié les relations entre l'Institut national du cancer et les cancéropôles. J'ai pu voir que dans ce domaine le travail était parfaitement en symbiose. La question serait plutôt de savoir si l'Institut national du cancer peut avoir un rôle pour orienter les cancéropôles sur un type de recherche ou un autre ? Je précise qu'il y a des centres hospitaliers moins grands que d'autres qui ont fait des progrès extraordinaires dans le domaine du cancer, par exemple le cancéropôle de Besançon qui est à la pointe du diagnostic et de la technique d'auto-immunisation.

Mme Fabienne Keller . - L'Institut national du cancer a la charge de coordonner les acteurs dont en particulier les CHU et les centres de lutte contre le cancer, qui ont des missions assez proches. Se pose la question des synergies avec la vingtaine de centres de lutte contre le cancer, sachant qu'ils sont présidés par les préfets et ont une autre gouvernance que les CHU. Avez-vous pu vérifier qu'il y avait une complémentarité et un travail en commun entre ces centres et la médecine de ville ?

M. Daniel Raoul . - Le rapporteur spécial a-t-il senti des tensions entre les moyens affectés à la thérapie et ceux affectés à la recherche, à la prévention ? Il me semble qu'il y a plusieurs familles de traitements : la voie immunitaire et la voie chimique ou médicamenteuse, sans parler de la voie épigénétique.

M. Albéric de Montgolfier . - Ma question vise à préciser la remarque de Francis Delattre sur les assurances vie en déshérence. Est-ce à dire que les assureurs ne recherchent pas les organisations sans but lucratif qui seraient bénéficiaires de legs ? Autant on comprend les difficultés à rechercher des particuliers, autant cela n'est pas le cas pour des organisations sans but lucratif, des fondations par exemple dont la liste est limitative et les sièges sociaux connus.

M. Michel Canevet . - Je reviens sur la proposition du rapporteur de développer des pôles locaux. Cela suppose-t-il de nouveaux financements ou un simple regroupement de moyens et de compétences ? Et dans la première hypothèse, quel en serait le financement ?

M. Francis Delattre , rapporteur spécial de la mission « Santé » . - Concernant la procédure suivie par l'Institut national du cancer pour ses financements, il procède par appel à projets. Si un centre hospitalier universitaire ou un centre de lutte contre le cancer a un projet, il dépose une lettre d'intention. Une première étude est conduite. Si le projet est retenu, l'organisme qui le propose doit déposer un dossier complet, qui est étudié par un comité de scientifiques. Ensuite, les financements peuvent être alloués aux projets retenus, dans la limite de l'enveloppe budgétaire initialement définie. De façon générale, l'Institut national du cancer fait en sorte d'éliminer tous les doublons dans le financement des projets de recherche. Je pense également à la collaboration avec la recherche en santé publique au sein de la structure Aviesan. L'Institut national du cancer cherche à regrouper des compétences variées dans la recherche sur le cancer, à l'instar des informaticiens nécessaires pour la séquenciation du génome. L'Institut national du cancer effectue aussi un travail de veille sur les avancées de la recherche dans le monde afin de permettre une coordination pertinente.

Un deuxième champ de l'action de l'Institut national du cancer porte sur la recherche clinique. L'innovation thérapeutique concerne principalement les thérapies ciblées selon les caractéristiques de la tumeur.

Outre les actions en matière de recherche, l'Institut national du cancer intervient en collaboration avec les associations dans le soutien aux familles. Ce point est crucial, car on vit désormais avec et après un cancer.

S'agissant des comptes en déshérence, j'ai constaté le cas de personnes âgées ayant fait des legs à la Fondation ARC ou à d'autres associations, mais sans que celles-ci n'en bénéficient effectivement. Il faudrait que notre rapporteur général étudie ce sujet.

Par ailleurs, je n'ai pas détecté de tensions entre les aspects recherche et les aspects santé. De par son autorité scientifique, l'Institut national du cancer désamorce les tensions. Cette autorité a mis du temps à s'établir, mais elle est aujourd'hui solide. L'Institut national du cancer et les personnes qui le dirigent sont incontestables et s'imposent.

Nous attendons un bouleversement dans les traitements. En particulier, l'ambulatoire permettra de réaliser des économies. Une concentration des connaissances est appelée à s'opérer, mais il importe qu'elle puisse trouver un relais dans les territoires. C'est pourquoi je pense que le suivi doit pouvoir être assuré par des pôles locaux, comprenant des médecins généralistes et des pharmaciens. C'est une condition de la réussite du virage ambulatoire dans le traitement des cancers et un élément de réponse aux déserts médicaux.

La commission a donné acte de sa communication à M. Francis Delattre, rapporteur spécial et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Institut national du cancer

- M. Thierry Breton, directeur général et président par intérim ;

- M. Jérôme Viguier, directeur du pôle santé publique et soins ;

- Mme Christine Chomienne, directrice du pôle recherche et innovation ;

- Mme Chantal Belorgey, directrice des recommandations, du médicament et de la qualité de l'expertise ;

- Mme Carine Delrieu, directrice de la communication et de l'information.

Haute Autorité de santé

- Mme Agnès Buzyn, ancienne présidente de l'Institut national du cancer.

Direction générale de la recherche et de l'innovation

- M. Roger Genet, direction générale de la recherche et de l'innovation au ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieure et de la recherche ;

- Mme Christine Coste, adjointe du chef du service Performance, financement et contractualisation avec les organismes de recherche ;

- Mme Dominique Deville de Périère, chargée de mission en charge du suivi de l'Institut national du cancer au sein du département analyse des politiques d'organismes et enjeux territoriaux.

- Mme Jocelyne Bérille, chargée de mission auprès du directeur scientifique du département biologie et santé ;

Direction générale de la santé

- Mme Anne-Claire Amprou, directrice générale adjointe de la santé ;

- Mme Perrine Rame-Mathieu, adjointe à la sous-direction santé des populations ;

- Mme Amalia Giakoumakis, chargée de mission au sein de la même sous-direction.

Direction de la sécurité sociale

- M. Thomas Wanecq, sous-directeur du financement du système de soins ;

- Mme Hélène Monasse, chef du bureau des relations avec les professions de santé ;

Direction du budget

- M. Jean-François Juéry, sous-directeur de la 6 e sous-direction ;

- Mme Juliette Moisset, adjointe du chef du bureau des comptes sociaux.

Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne (FEHAP)

- M. Jean Trédaniel.

Fédération hospitalière de France (FHF)

- M. Norbert Ifrah, président de FHF cancer, représentant de la fédération hospitalière de France au conseil d'administration de l'Institut national du cancer.

Fédération Unicancer

- Mme Pascale Flamant, déléguée générale ;

- Mme Hélène Espérou, directrice projet médico-scientifique et qualité.

Fondation ARC

- M. Jacques Raynaud, président.

Ligue nationale contre le cancer

- Mme Jacqueline Godet, présidente.

Agence régionale de santé Île-de-France

- Mme Danièle Legrand, référent thématique cancérologie.

Cancéropôle Ile-de-France

- M. Wolf-Hervé Fridman, président ;

- M. Pierre Laurent-Puig, directeur scientifique ;

- Mme Pascale Gramain, secrétaire générale.

Cour des comptes

- M. Antoine Durrleman, président de la 6 e chambre ;

- Mme Céline Prévost-Mouttalib, rapporteur extérieur.

Institut national de recherche et de sécurité (INRS)

- M. Michel Héry, chargé de la prévention des cancers professionnels.

Syndicat MG France

- M. Philippe Marissal, vice-président ;

- M. Jean Godart.


* 1 Loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique.

* 2 En particulier, la Ligue nationale contre le cancer, association française créée le 14 mars 1918 par Justin Godart et reconnue d'utilité publique depuis 1920, ainsi que la fondation ARC, créée le 29 juin 1962 par Jacques Crozemarie sous le nom d'association pour la recherche sur le cancer et reconnue d'utilité publique depuis 1966.

* 3 Norbert Ifrah a été nommé président du conseil d'administration de l'Institut national du cancer par un décret du Président de la République publié au journal officiel le 29 juin 2016.

* 4 http://www.e-cancer.fr/Institut-national-du-cancer/Qui-sommes-nous/Missions

* 5 En particulier, l'Agence nationale de santé publique, la Haute Autorité de santé, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l'Agence nationale de la recherche, la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés et l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation.

* 6 « La mise en oeuvre du plan cancer », juin 2008, rapport public thématique, juin 2008.

* 7 « L'Institut national du cancer : une remise en ordre à parfaire », rapport public annuel, janvier 2009, pages 108 à 134.

* 8 « La lutte contre le cancer : une cohérence et un pilotage largement renforcés », rapport public annuel, février 2012, pages 25 à 48.

* 9 Décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique.

* 10 Loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé.

* 11 Décret n° 2012-745 du 9 mai 2012 relatif à la déclaration publique d'intérêts et à la transparence en matière de santé publique et de sécurité sanitaire.

* 12 Décret n° 2013-413 du 21 mai 2013 portant approbation de la charte de l'expertise sanitaire prévue à l'article L. 1452-2 du code de la santé publique.

* 13 Cour des comptes, rapport public thématique, « La gestion de la recherche publique en sciences du vivant », mars 2007, page 31.

* 14 Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé, créée le 8 avril 2009 par les organismes suivants : le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), les Centres hospitaliers régionaux et universitaires (CHRU), le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), la Conférence des présidents d'université (CPU), l'Institut national de la recherche agronomique (Inra), l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria), l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), l'Institut Pasteur, l'Institut de recherche pour le développement (IRD). D'autres organismes ont ensuite rejoint l'alliance au titre de membres associés.

* 15 Cette disposition est inscrite dans le troisième plan cancer mais également dans le COP.

* 16 Document stratégique unique approuvé par le conseil d'administration de l'INCa le 19 décembre 2013.

* 17 Rapport d'information déposé par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale en conclusion des travaux de la mission sur les agences sanitaires présenté par Yves Bur le 6 juillet 2011.

* 18 Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.

* 19 « Rapport final au Président de la République », plan cancer 2009-2013, juin 2013.

* 20 Ce groupe réunit les ARS de Bourgogne, Corse, Franche-Comté, Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées et de l'Océan indien.

* 21 « L'État et ses agences », Inspection générale des finances, mars 2012.

* 22 L'écart entre le montant cumulé des subventions pour charges de service public et le montant des dépenses réalisés s'explique par l'existence de ressources annexes : contributions des autres membres du GIP, autres subventions et ressources propres.

* 23 La Haute Autorité de santé, l'Agence de biomédecine et l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé se situent à Saint-Denis ; l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail se situe à Maisons-Alfort, à proximité de la nouvelle Agence nationale de santé publique, implantée à Saint-Maurice.

* 24 Rapport d'information déposé par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale en conclusion des travaux de la mission sur les agences sanitaires présenté par Yves Bur le 6 juillet 2011.

* 25 « La mise en oeuvre du plan cancer », juin 2008, rapport public thématique, juin 2008, page 22.

* 26 Rapport d'information déposé par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale en conclusion des travaux de la mission sur les agences sanitaires présenté par Yves Bur le 6 juillet 2011.

* 27 Circulaire du Premier ministre n° 5454/SG du 26 mars 2010 relative au pilotage stratégique des opérateurs de l'État.

* 28 Pour l'exercice 2016, le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » finance huit opérateurs de l'État participant à la mise en oeuvre des politiques nationales de prévention et de sécurité sanitaire.

* 29 L'article 166 de la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016 autorise, « Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution et dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement [...] à prendre par ordonnances toutes mesures relevant du domaine de la loi afin d'adapter, aux fins de favoriser ou de permettre la mutualisation des fonctions transversales d'appui et de soutien, les dispositions législatives relatives aux missions et au fonctionnement des organismes mentionnés aux articles L. 1222-1, L. 1411-4, L. 1418-1 et L. 5311-1 du code de la santé publique et à l'article L. 161-37 du code de la sécurité sociale, afin de faciliter la réorganisation du système d'agences relevant des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale ».

* 30 La loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a prévu la création de l'ANSP, regroupant trois agences sanitaires existantes, l'InVS, l'INPES et l'EPRUS. Les travaux préalables à l'élaboration de cette loi ont conclu à la stabilité structurelle du reste du système d'agences sanitaires.

* 31 Décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique.

* 32 Francim, HCL, InVS, INCa. Survie des personnes atteintes de cancer en France métropolitaine, 1989-2013, février 2016.

* 33 Loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique.

* 34 La recherche translationnelle doit permettre un échange mutuel des connaissances de la recherche fondamentale vers leur application au bénéfice des patients et des observations faites chez le malade vers la recherche fondamentale. Elle implique une étroite coopération entre chercheurs et cliniciens.

* 35 Principaux organismes intervenant dans la recherche sur le cancer : Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), l'Institut national de la recherche agronomique (Inra), l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria), l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), l'Institut Pasteur, l'Institut de recherche pour le développement (IRD).

* 36 Financements cumulés, ou gérés par l'INCa, de la recherche sur les cancers entre 2005 et 2014.

* 37 Rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, « Les centres de lutte contre le cancer, un positionnement à redéfinir dans l'offre de soins », septembre 2015.

* 38 La proportion d'essais académiques est de 4/5 e , contre 1/5 e pour les essais industriels.

* 39 Des établissements de santé spécialisés dans la lutte contre le cancer ont été créés dans les années 1920 afin de répondre à l'augmentation des cas de cancer et à l'apparition de nouvelles thérapies, avec en particulier la radiothérapie. L'ordonnance n° 45-2221 du 1 er octobre 1945 a ensuite institué les centres de lutte contre le cancer, nouveau type d'établissements privés sans but lucratif, associant soins, recherche et enseignement treize ans avant la création des centres hospitaliers universitaires par la réforme initiée par le professeur Debré en décembre 1958. Implantés dans 11 des 13 régions métropolitaines, les 18 centres de lutte contre le cancer représentent une part significative de l'offre de soins oncologiques et constituent un modèle original parmi le système hospitalier. En 2013, ils ont pris en charge 110 336 patients, soit près de 10 % des personnes atteintes de cancer.

Les réunions de concertation pluridisciplianires et la consultation d'annonce étaient déjà largement pratiquées dans les CLCC.

* 40 « La lutte contre le cancer : une cohérence et un pilotage largement renforcés », rapport public annuel, février 2012, pages 25 à 48.

* 41 « Rapport au ministre chargé de la sécurité sociale et au Parlement sur l'évolution des charges et produits de l'assurance maladie au titre de 2016 », CNAMTS, 2 juillet 2015.

* 42 Rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, « Les centres de lutte contre le cancer, un positionnement à redéfinir dans l'offre de soins », septembre 2015.

* 43 Cf. note 2.

* 44 Loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie.

* 45 « Rapport final au Président de la République », INCa, juin 2013.

* 46 Circulaire DHOS/CNAMTS/INCA/2007/357 du 25 septembre 2007 relative aux réseaux régionaux de cancérologie.

* 47 Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

* 48 Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé. De nombreuses dispositions concernent la place du patient dans le système de soins. En particulier, l'article 177 prévoit que des représentants d'associations d'usagers du système de santé agréées siègent au sein du conseil d'administration de neuf agences sanitaires ; l'article 184 institue les actions de groupe dans le domaine de la santé.

* 49 Circulaire de la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins n° DHOS/SDO/2005/101 du 22 février 2005 relative à l'organisation des soins en cancérologie.

* 50 Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

* 51 Ilot regroupé pour l'information statistique, en pratique un niveau géographique plus fin que le niveau communal.

* 52 « Surveillance médicale des expositions aux risques professionnels (Sumer) », direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) et direction générale du travail (DGT), édition 2010.

* 53 La fraction attribuable estime la proportion de cas (ou de décès) qui aurait pu être évitée si l'exposition à l'agent d'intérêt n'avait pas existé.

* 54 « Quelle prise en charge des cancers en 2020 ? », Unicancer, octobre 2013.

* 55 Ce terme recouvre plusieurs déclinaisons : téléconsultation, télésurveillance médicale et téléexpertise pour les cas complexes et rares.

* 56 Avis du Comité d'alerte n° 2016-1 sur le respect de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie 13 avril 2016.

* 57 Audition par la commission des affaires sociales du Sénat le 8 juin 2016 en application des dispositions de l'article L. 1451-1 du code de la santé publique.

* 58 Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

* 59 C'est notamment le cas entre le centre de lutte de cancer Paoli-Calmette de Marseille et les centres hospitaliers d'Ajaccio et de Gap.

* 60 Rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, « Les centres de lutte contre le cancer, un positionnement à redéfinir dans l'offre de soins », septembre 2015.

* 61 Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

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