B. L'ÉVOLUTION DES TRAITEMENTS MODIFIE EN PROFONDEUR L'ORGANISATION ET L'ACCÈS AUX SOINS

En 2014, 1,147 million de personnes ont été hospitalisées en lien avec le diagnostic, le traitement ou la surveillance d'un cancer. L'activité de cancérologie représente un quart de l'activité hospitalière totale : 13 % des hospitalisations complètes, 10 % des hospitalisations ambulatoires, 48 % des séances, essentiellement en chimiothérapie, avec 2,3 millions de séances.

Les trois plans cancer ont permis d'enregistrer des progrès dans la prise en charge des patients atteints d'un cancer, notamment en améliorant la coordination des professionnels et en assurant un parcours de soins. Toutefois, des inégalités persistent. Le degré d'adaptation des différents types d'établissements à la prise en charge particulière induite par le cancer est encore variable et la mise en oeuvre des mesures et des bonnes pratiques est encore relativement hétérogène selon les établissements, ainsi qu'entre métropole et territoires ultramarins. La prise en charge des patients et l'accès aux innovations demeurent marqués par des inégalités d'accès dans l'espace, mais aussi dans le temps.

La proximité des soins s'apprécie aussi au travers des files d'attente pour accéder à des équipes de niveau approprié et aux équipements nécessaires. Si le délai moyen d'accès à l'IRM par exemple est de 27 jours en 2015 et en diminution depuis 2010 (29 jours), les différences de délais entre secteurs et territoires persistent. Le délai moyen du secteur public est plus long que le secteur privé avec 31 jours contre 23 jours en moyenne. Surtout, le délai d'attente moyen pour une IRM varie du simple au triple, de 18,6 jours en Languedoc-Roussillon contre 61,5 jours en Basse Normandie en 2013. De surcroit, inégalités territoriales et sociales peuvent se conjuguer, dans la mesure où la coordination n'est pas faite par le système de soins, il revient au patient de la faire.

De plus, ces efforts doivent être renouvelés pour intégrer les évolutions dans les traitements de la maladie. Le soin est confronté au bouleversement des pratiques historiques, avec l'essor du diagnostic moléculaire, parfois porté à distance, de la radiologie précise voire interventionnelle, de la chirurgie et la chimiothérapie ambulatoires, et de la forte réduction du nombre de séances de radiothérapie nécessaires grâce aux nouveaux appareils.

En 2013, la fédération Unicancer a conduit une étude prospective sur l'évolution des prises en charges du cancer à horizon de l'année 2020 54 ( * ) . Actualisée en 2015, elle met en lumière les évolutions structurantes à anticiper dans la prise en charge de la maladie et les défis qui s'ensuivent pour le système de soins. En particulier, six grandes tendances sont dégagées :

- le développement de la chirurgie ambulatoire : le nombre de séjours de chirurgie ambulatoire devrait plus que doubler d'ici 2020, pour représenter par exemple la moitié des actes de chirurgie du cancer du sein ;

- la réduction du nombre de séances de radiothérapie, qui pourrait concerner la moitié des traitements des cancers du poumon, avec une diminution de 30 à 5 séances en moyenne. Les nouveaux équipements rendent possibles des traitements plus ciblés et plus efficaces. Toutefois, ces nouvelles techniques imposent des temps de préparation et de réalisation des séances plus longs d'entre 60 % et 200 %. Cette évolution pose un défi de financement, dans la mesure où il est actuellement basé sur le nombre de séances, ce qui n'incite pas à développer ces nouvelles pratiques ;

- l'essor de la chimiothérapie à domicile grâce au développement des traitements oraux. La chimiothérapie orale représente aujourd'hui environ 25 % des traitements ; elle pourrait atteindre 50 % d'ici 2020. Cette forte diffusion nécessite une meilleure articulation avec les acteurs de la médecine de ville (médecin généraliste, infirmier, pharmacien) et un accompagnement thérapeutique des patients pour garantir une bonne observance des traitements ;

- le traitement ciblé des tumeurs grâce à leur caractérisation à l'aide de la biologie moléculaire. En particulier, la caractérisation des tumeurs et du dépistage génétique devrait se généraliser pour les populations à risque. La moitié des actes de biologie moléculaire devrait être pratiquée dans le cadre du diagnostic, contre 10 % en 2013 ;

- la radiologie interventionnelle, permettant des interventions guidées par l'imagerie et donc des actes moins invasifs. Le nombre de séjours pour ce type d'actes devrait être multiplié par quatre d'ici 2020, à condition de définir une tarification adaptée ;

- la généralisation des soins de support pour une prise en charge globale du patient. Ils exigent également une organisation coordonnée des différents professionnels intervenant dans le traitement du malade.

De façon générale, ces évolutions entraînent deux défis principaux, concernant l'organisation des soins et la prise en charge financière. S'agissant de l'organisation des soins, elles conduisent à des modes d'organisation moins fondés sur le séjour hospitalier et nécessitant une plus grande coordination entre tous les acteurs du traitement. En raison de la forte spécialisation de l'activité en cancérologie et des traitements médicamenteux combinés, notamment avec l'essor de l'immunothérapie, deux pôles se distinguent pour l'analyse et le traitement de la tumeur, ainsi que pour le suivi quotidien du patient. De par sa connaissance des nouveaux modes de traitement et son rôle pour assurer la coordination, l'INCa doit permettre répondre à ce défi.

Le troisième plan cancer vise à mieux associer les professionnels de premier recours à la prise en charge des patients atteints de cancer, en améliorant les liens entre l'hôpital et la médecine de ville. En particulier, la télémédecine 55 ( * ) est identifiée comme un moyen de réduire les inégalités d'accès aux soins spécialisés, notamment pour les départements à faible démographie médicale ou les territoires ultramarins.

Cependant, malgré les efforts mis en oeuvre, l'articulation entre la ville et l'hôpital demeure largement perfectible. Or l'apparition de médicaments ciblés administrés par voie orale constitue un fort enjeu, dans la mesure où ils entrainent des effets secondaires très spécifiques, propres à chaque processus de traitement en raison de l'association de molécules pour répondre aux caractéristiques de chaque tumeur. Il s'agit par conséquent d'assurer les conditions d'une coopération entre le spécialiste et les professionnels du premier recours. Devant faire face seuls à une grande variété de patients, ces professionnels ont besoin d'une information concise.

L'immunothérapie

L'immunothérapie est un traitement qui consiste à administrer des substances qui vont stimuler les défenses immunitaires de l'organisme afin de lutter contre différentes maladies . Les premiers essais remontent aux années 1970 . L'immunothérapie allergénique constitue une application ancienne et répandue d'immunothérapie , mieux connue sous le nom de désensibilisation .

L'immunothérapie vise à répondre à l' efficacité limitée du système immunitaire face aux cellules cancéreuses. Notre corps est protégé par un système immunitaire , composé de cellules spécialisées, produites par la moelle osseuse. Elles assurent la protection de l'organisme contre les attaques extérieures (microbes, virus...). Alors que les défenses immunitaires devraient aussi reconnaître et détruire les cellules cancéreuses, elles sont souvent incapables de le faire. Le principal écueil de l'immunothérapie du cancer réside dans le fait que les cellules tumorales ne sont pas ou mal reconnues comme étrangères .

Les recherches en immunothérapie permettent de mieux comprendre comment les cellules cancéreuses échappent aux défenses immunitaires : en particulier, certaines cellules cancéreuses peuvent développer un camouflage ou même prendre l'initiative et bloquer l'action des défenses immunitaires .

L'immunothérapie constitue une piste importante de la recherche cancérologique actuelle . Les développements récents enregistrés dans cette discipline s'expliquent grâce à un changement de point de vue . Désormais le cancer n'est plus uniquement vu comme une maladie des gènes, mais aussi comme une maladie de l'organisme , de l'environnement de la tumeur et du système immunitaire. En effet, les cellules tumorales prolifèrent au sein de l'organisme, en échappant au système immunitaire. C'est en comprenant comment elles y parviennent que les chercheurs peuvent aujourd'hui proposer de nouvelles solutions pour les contrecarrer.

Le but des traitements d'immunothérapie est de restaurer la capacité d'action du système immunitaire face aux cellules cancéreuses . Plusieurs traitements d'immunothérapie sont d'ores et déjà disponibles. Ils ne constituent jamais le traitement dominant, mais peuvent aider à éradiquer la tumeur . De fait, l'immunothérapie prend petit à petit sa place dans le traitement de certains cancers, aux côtés de la chirurgie, de la radiothérapie et de la chimiothérapie. De nouveaux anticorps permettent de prendre le relais d'autres traitements ayant échoué à vaincre la tumeur . Ces anticorps visent à empêcher la prolifération cellulaire. Ils sont obtenus par des techniques récentes qui les rendent plus spécifiques et mieux tolérés.

Les premiers essais démontrent qu' il est possible de traiter des malades atteints de cancers très avancés . Toutefois, ces médicaments ne sont pas sans effets secondaires . Il est donc très important de développer en parallèle des travaux visant à limiter ces effets.

Source : commission des finances du Sénat


* 54 « Quelle prise en charge des cancers en 2020 ? », Unicancer, octobre 2013.

* 55 Ce terme recouvre plusieurs déclinaisons : téléconsultation, télésurveillance médicale et téléexpertise pour les cas complexes et rares.

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