II. PREMIÈRE ÉTAPE POUR GARANTIR LA SOUTENABILITÉ FINANCIÈRE DE LA PRISE EN CHARGE DU CANCER, LA STRUCTURATION EN DEUX PÔLES DE SOINS DOIT ÊTRE PORTÉE PAR L'INSTITUT NATIONAL DU CANCER

Par les plans cancer successifs, des voies de modernisation du système de soins ont été identifiées et mises en oeuvre par l'INCa dans le champ du cancer. Face aux défis et à l'évolution de la maladie vers une maladie chronique, accentuant les cas de polypathologie, il convient de renouveler ces efforts de structuration et de coordination. Or, lors de ses auditions, votre rapporteur spécial a noté que l'INCa était de façon récurrente qualifié d' « organisme facilitateur » ; il doit donc être le moteur des adaptations dans la prise en charge des cancers.

Le deuxième plan cancer fixait comme objectif un rapprochement entre les soins de ville et l'hôpital, ce que le troisième plan cancer a repris et renforcé, en vue de garantir un continuum entre les deux. De fait, les nouveaux traitements, la nécessité d'assurer la chaîne du dépistage à l'après-cancer conduisent à distinguer deux pôles qui doivent tenir une place complémentaire et conjointe en matière de cancers. Dans cette perspective, l'INCa doit investir deux voies d'action :

- aider à la structuration de chacun des deux pôles de soins, qui font face à deux enjeux différents : les soins de ville doivent être mieux appuyés dans le suivi de patients atteints d'un cancer ; les soins spécialisés doivent maintenir un haut niveau de sécurité et une mise à disposition des nouveaux traitements et équipements ;

- coordonner les deux pôles, selon une logique de parcours de soins.

Le renforcement du pôle des soins de premiers recours et sa bonne articulation avec les soins spécialisés permettra de concilier la proximité et la sécurité des prises en charge.

A. INTÉGRER LES SOINS DE PREMIER RECOURS AU SEIN DE LA « MAISON COMMUNE DU CANCER »

1. Une récente intégration des médecins généralistes dans les travaux et l'organisation de l'Institut national du cancer

Les prises en charge des patients impliquent davantage les professionnels de santé de ville, dans le cadre des allers retours plus fréquents entre l'hôpital et le domicile, ainsi que pour le suivi des effets indésirables des nouveaux traitements tels que les thérapies ciblées. Jusqu'au troisième plan cancer, les actions ont principalement visé à structurer et coordonner les professionnels du soin spécialisé, de sorte que les médecins généralistes demeuraient encore peu agrégés à la politique de lutte contre le cancer.

L'INCa a cherché à renforcer sa collaboration avec la médecine générale, à la fois en l'intégrant à ses instances et en produisant une expertise concise et rapide mettant à disposition la progression du savoir. Des médecins généralistes sont membres du comité des usagers et des professionnels (COMUP), instance consultative de l'INCa, et participent aux groupes de travail ad hoc et aux comités d'évaluation des projets. En outre, depuis 2015, un médecin généraliste est membre du conseil d'administration de l'Institut. L'INCa structure également son partenariat avec le collège de médecine générale (CMG). Des sessions communes ont été organisées lors du congrès 2016 de la médecine générale et un accord-cadre est en cours d'élaboration.

Outre une évolution des structures garantissant des relations d'échange, il importe que des relations de travail se nouent en vue d'associer concrètement les médecins généralistes à la prise en charge des patients atteints de cancer. Faisant face à une patientèle variée, les médecins généralistes n'ont souvent pas le temps de se former et d'investir les évolutions de la cancérologie. Le rôle de l'INCa est en ce sens de fournir des informations adaptées. Pour ce faire, l'INCa a lancé en 2016 des outils pour la pratique en cancérologie à destination des professionnels de premier recours, basés sur trois formats complémentaires :

- des outils synthétiques par cancer décrivant les étapes clés de la prise en charge et de l'articulation entre la ville et l'hôpital ;

- des fiches pratiques traitant de thématiques transversales à la prise en charge, portant essentiellement sur les soins de support ;

- un guide décrivant l'organisation des soins en cancérologie.

S'agissant des traitements médicamenteux, des recommandations de gestion et de prévention des effets indésirables des chimiothérapies orales ont été publiées en juillet 2015. Il est prévu que ces recommandations soient déclinées sous forme de fiches pratiques en vue d'alimenter une base nationale.

2. Quels nouveaux rôles pour les médecins généralistes dans la prise en charge des patients atteints d'un cancer ?

L'essor des chimiothérapies par voie orale interroge sur les nouveaux rôles des médecins généralistes dans l'organisation des soins des patients atteints d'un cancer. Les chimiothérapies orales n'en sont pas moins toxiques et s'accompagnent d'un grand nombre d'effets secondaires. Il ne s'agit en effet pas d'une déclinaison orale des traitements de chimiothérapie classique, mais de traitements innovants. C'est pourquoi, comme l'analyse l'INCa, le rôle des médecins traitants ne peut s'étendre à la prescription, mais concerne le suivi du traitement, avec une expertise et une coordination avec les spécialistes.

Toutefois, le rôle des médecins généralistes en amont, en matière de prévention primaire et de dépistages, doit être renforcé, ce qui permettrait de nouer des relations de travail avec l'INCa. L'augmentation du taux de couverture des dépistages doit conduire à une mobilisation plus forte des médecins traitants, ce qui passe d'abord par une meilleure information sur les différents dépistages possibles et sur les nouvelles techniques. Pour ce faire, les médecins généralistes doivent être mieux incités à se saisir du dépistage comme acte de soin. Dans le cadre de la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP), les médecins traitants bénéficient actuellement d'une rémunération complémentaire en fonction d'objectifs fixés pour le dépistage du cancer du sein, et le dépistage du cancer du col de l'utérus. Dans le cadre des négociations conventionnelles de 2016, la ROSP devrait intégrer la valorisation de nouvelles actions de prévention :

- le nouveau test de dépistage du cancer colorectal ;

- la lutte contre le tabagisme : conseil et prescription de traitements de substitution.

Recommandation n° 12 : Afin d'associer concrètement les médecins généralistes à la lutte contre le cancer, renforcer leur rôle dans la politique de dépistages généralisés. Pour ce faire, l'INCa doit développer des outils adéquats d'information sur les techniques de dépistage et les populations particulièrement exposées.

3. La nécessaire structuration du pôle de premier recours

Le continuum entre l'hôpital et les soins de ville doit prendre en compte l'ensemble des intervenants du premier recours, à savoir les médecins généralistes, mais aussi les pharmaciens, les infirmiers et les professionnels assurant les soins de support. Dans ce cadre, l'INCa devrait profiter de la mise en place progressive des relations avec les soins de ville pour nouer des liens avec les maisons de santé. Appelées à se développer, ces structures permettent également d'intégrer l'ensemble des acteurs des soins de ville.

Avec le développement des traitements à domicile, les patients atteints de cancer doivent pouvoir être suivis et accompagnés. Mais, alors que les médicaments tendent à être de plus en plus ciblés et que ces patients représentent une faible part des personnes qu'ils soignent, les professionnels des soins de ville doivent pouvoir s'appuyer sur une cellule spécialisée et avertie des effets secondaires. Cette fonction nouvelle, identifiée par l'INCa, ne doit pas faire l'objet d'une extension des missions actuelles des réseaux régionaux de cancérologie, mais, dans une logique de simplification, devrait plutôt être assurée par les futures plateformes territoriales d'appui, créées par la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016 58 ( * ) . Mises en oeuvre par les agences régionales de santé, ces nouvelles structures permettront d'associer et d'aider les professionnels du soin de premier recours dans la prise en charge de cas complexes, à travers des services et des compétences dédiés. L'objectif est de constituer un guichet unique d'appui, permettant aux professionnels d'obtenir une réponse claire et rapide, en simplifiant le paysage actuel. Elles doivent donc comprendre des actions spécifiques en direction du cancer, à l'élaboration desquelles l'INCa doit collaborer.

Recommandation n° 13 : Dans le cadre des liens nouveaux établis entre l'INCa et les professionnels des soins de ville, mieux prendre en compte le développement des maisons de santé et privilégier l'accompagnement des nouvelles plateformes territoriales d'appui au renforcement des missions de coordination des réseaux régionaux de cancérologie.


* 58 Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

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