B. L'INSTITUT NATIONAL DU CANCER DOIT ACCOMPAGNER LA RECONFIGURATION DE L'OFFRE DE SOINS EN CANCÉROLOGIE

1. La nécessité d'une reconfiguration de l'offre de soins en cancérologie

Trois raisons principales rendent nécessaire une reconfiguration de l'offre de soins en cancérologie :

- la redéfinition des critères d'agrément recommandée par votre rapporteur spécial ;

- les progrès scientifiques et technologiques qui rendent nécessaire l'acquisition de compétences et d'équipements pointus ;

- l'atténuation des inégalités territoriales d'accès aux soins spécialisés. Environ 16 % des établissements bénéficiant d'une autorisation de soins en cancérologie sont situés en région parisienne.

La compétence et l'autorité scientifique de l'INCa lui permettent d'aider à cette nouvelle structuration de l'offre de soins en cancérologie.

Le cadre organisationnel actuel a été défini en 2005 dans le cadre du premier plan cancer. La préparation du troisième plan cancer a mis en évidence qu'il convenait de définir une gradation de la prise en charge en cancérologie afin de mieux identifier les différents niveaux : établissements de recours, établissements à activité spécialisée, établissements de proximité. De fait, le contexte de fortes contraintes financières et du développement de thérapies plus sophistiquées et onéreuses plaide en faveur d'une approche pragmatique de spécialisation des équipes hospitalières en cancérologie. Cette spécialisation doit permettre d'assurer le lien nécessaire entre recherche et soins pour maîtriser les thérapies de pointe. À ce titre, l'action 2.9 du troisième plan cancer prévoit de définir ce qui relève d'un équipement de centre de proximité et ce qui relève d'une structure de recours intégrant des techniques hautement spécialisées. Dans cette perspective, les établissements autorisés en cancérologie doivent mieux associer leurs compétences au bénéfice des malades, selon une logique de subsidiarité et de spécialisation dans des modes de traitement. En effet, certains établissements sont fortement positionnés pour certaines techniques, à l'instar des centres de lutte contre le cancer, qui réalisent 43 % des séances de radiothérapie au plan national.

2. Des rapprochements entre établissements pour une organisation autour du patient, selon le principe de subsidiarité et les différentes spécialités

Comme les représentants au conseil d'administration de l'INCa le reflètent, les établissements de santé en cancérologie sont de types variés. Dans le cadre de la reconfiguration de l'offre de soins, l'INCa doit jouer un rôle pour accentuer les collaborations entre ces différents établissements. Déjà, sous l'impulsion de la fédération Unicancer, un mouvement de fusion entre centres de lutte contre le cancer a été engagé en juillet 2015 à la suite de la réforme territoriale. Si le processus se traduit par le regroupement juridique des dix-huit centres en neuf entités, les vingt sites devraient être maintenus.

Votre rapporteur spécial tient surtout à souligner la possibilité de renforcer les coopérations entre établissements, qui permettent le maintien de structures de soins éloignées des centres urbains et d'assurer le nécessaire équilibre entre proximité et sécurité des soins. Le patient peut ainsi effectuer son traitement à proximité de son domicile tout en bénéficiant de l'expertise d'un établissement de grande envergure. Certains centres de lutte contre le cancer mettent déjà des compétences médicales à disposition de certains hôpitaux dont l'autorisation d'activité serait sinon retirée 59 ( * ) . Avec l'aide des nouvelles technologies, comme la visioconférence, cette piste devrait être mieux investie.

De façon plus poussée, des regroupements peuvent être envisagés, notamment entre établissements fortement spécialisés dans une technique (radiothérapie, chirurgie, etc.). Par exemple, un regroupement entre centres de lutte contre le cancer et d'autres établissements leur permettrait de compenser leur spécialisation en radiothérapie et dans le traitement du cancer du sein. Dans ce cadre, les établissements pourraient augmenter leur activité et atteindre un seuil conforme aux standards internationaux en prenant en charge des patients adressés par l'établissement partenaire. Des partenariats de ce type ont déjà été engagés par l'Institut Curie avec l'hôpital Foch de Suresnes ou l'hôpital Ambroise Paré de Boulogne-Billancourt.

Dans son insertion au rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale de septembre 2015 portant sur les centres de lutte contre le cancer 60 ( * ) , la Cour des comptes insiste sur l'enjeu de coopérations renforcées, voire de fusions, entre ces centres et les centres hospitaliers universitaires, alors que quatorze des dix-huit centres de lutte contre le cancer partagent leur site immobilier avec un CHU ou se situent à proximité immédiate. La Cour des comptes relève pourtant que ces établissements entretiennent des relations extrêmement variables, allant d'une coopération limitée à la mise en commun d'équipements ou à la réalisation de projets médicaux. Elle recommande en ce sens de renforcer des coopérations plus intégrées au profit du patient, sous forme de répartition d'activités, de partage d'équipements lourds ou de mutualisations logistiques ou techniques. Votre rapporteur spécial soutient cette évolution qui s'inscrit dans la logique d'une concentration des ressources et des compétences sur les spécialités de chaque établissement. Des rapprochements ont d'ailleurs déjà été menés à bien. En particulier, l'Institut universitaire du cancer de Toulouse, mis en fonctionnement en 2014 sur l'ancien site d'AZF, accueille un hôpital regroupant une partie des activités de cancérologie du CHU de Toulouse et la totalité des activités du CLCC, l'Institut Claudius Regaud ainsi que le centre de recherche en cancérologie de Toulouse.

3. Les groupements hospitaliers de territoires doivent aider à structurer la spécialisation des établissements

Introduits par la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016 61 ( * ) , les groupements hospitaliers de territoires (GHT) constituent un nouveau mode de coopération entre établissements publics de santé à l'échelle d'un territoire. Ils visent à renforcer la coopération entre hôpitaux publics autour d'un projet médical portant une vision partagée de l'offre de soins. Les groupements hospitaliers de territoire peuvent permettre de revoir l'activité cancérologique entre établissements d'une localité, selon les types de cancers et les établissements. La réorganisation des soins en cancérologie selon une logique de spécialisation et de subsidiarité pourrait s'opérer dans le cadre de cette structure territoriale. Un travail commun devrait constituer un lien fédérateur, sur le modèle de ce que l'INCa a apporté comme vision depuis sa création.

La possibilité d'un partenariat entre GHT et établissements privés est prévue par la loi. Une convention définit alors l'articulation du projet médical de l'établissement avec celui du groupement. Par conséquent, chaque GHT pourra conclure une convention de partenariat avec les établissements privés intervenant en cancérologie, pour la partie du projet médical du GHT ayant trait à ce domaine. Dans le prolongement des liens entre établissements publics et privés intervenant en cancérologie, votre rapporteur estime que de tels partenariats devraient être conclus. À ce titre, la fédération Unicancer soutient cette démarche de partenariat entre centres de lutte contre le cancer et GHT. Dans son courrier du 18 avril 2016 adressé à la Cour des comptes sur le suivi des recommandations de l'insertion au rapport d'application des lois de financement de la sécurité sociale, Unicancer précise avoir émis une recommandation auprès des CLCC afin qu'ils proposent à leur ARS et aux établissements publics de participer en tant que partenaires aux volets cancérologiques de projets médicaux des GHT.

Recommandation n° 14 : Dans le cadre de la définition des nouveaux critères d'agrément en cancérologie, l'INCa doit pouvoir identifier les partenariats pertinents entre établissements et les accompagner dans leur formalisation. En tant que GIP mettant en relation les différents types d'établissements intervenant en cancérologie, l'INCa constitue la structure pertinente pour réfléchir et conduire la réorganisation de l'offre de soins. En particulier, chaque groupement hospitalier de territoire constitué devrait conclure un partenariat avec les établissements privés intervenant en cancérologie.


* 59 C'est notamment le cas entre le centre de lutte de cancer Paoli-Calmette de Marseille et les centres hospitaliers d'Ajaccio et de Gap.

* 60 Rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, « Les centres de lutte contre le cancer, un positionnement à redéfinir dans l'offre de soins », septembre 2015.

* 61 Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

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