B. L'APPROFONDISSEMENT DU MARCHÉ INTÉRIEUR

La Commission souhaite également contribuer à un approfondissement du marché intérieur et doter celui-ci d'une base industrielle renforcée.

1. Une révision de la politique de la concurrence ?

La Commission devrait présenter au deuxième trimestre 2017 des mesures donnant aux autorités nationales de la concurrence les moyens de mieux faire respecter les règles, quel que soit le secteur. Il conviendra d'être extrêmement vigilant sur cette initiative. Nous ne pouvons que constater l'obsolescence de la politique de la concurrence telle qu'elle est actuellement menée par la Commission européenne. En matière agricole, la politique de la concurrence, contrairement à l'esprit originel du traité de Rome, apparaît trop favorable aux consommateurs au détriment des producteurs, qui peinent à se regrouper.

Votre commission des affaires européennes avait décidé de prendre part à la consultation publique, lancée en novembre 2015 par la Commission européenne, sur l'application du droit de la concurrence. Une proposition de résolution européenne avait, à cette occasion, été adoptée. Le texte insistait sur le fait que les autorités nationales de concurrence devaient pouvoir prendre en compte les réalités économiques objectives et, en conséquence, définir le marché pertinent à l'échelle européenne. Elles pourraient prendre leur part dans la réindustrialisation de l'Europe en appliquant le droit européen de la concurrence de façon à ce que les entreprises puissent conquérir de nouveaux marchés à l'échelle tant européenne que mondiale 6 ( * ) .

Le groupe de travail sur les marchés agricoles, mis en place par la Commission européenne en janvier 2016, a proposé, dans son rapport présenté le 14 novembre dernier, de clarifier les règles en la matière et de les rendre fonctionnelles afin d'améliorer véritablement les possibilités de coopération entre les agriculteurs 7 ( * ) . Plus largement, la politique de la concurrence doit être désormais dynamique. Le marché européen n'est pas isolé mais s'intègre au marché mondial. L'action de la Commission européenne tend à conforter une concurrence statique entre acteurs de petite taille. Une telle stratégie apparaît inadaptée à la mondialisation des échanges. La Commission européenne indique aujourd'hui que la politique de la concurrence doit être menée d'une manière qui soutienne la croissance et la création d'emplois. Elle entend à la fois prévenir les comportements anticoncurrentiels et faire prévaloir une logique commerciale dans le cas de fusions 8 ( * ) . Cette intention doit se traduire concrètement.

2. Le marché unique du numérique

La Commission européenne souhaite effectuer une évaluation à mi-parcours de sa stratégie numérique lancée en 2015, alors que la plupart des textes - contrats numériques, droit d'auteur, blocage géographique, portabilité, livraison des colis, services de médias audiovisuels, WiFi4EU, télécommunications et utilisation de la bande de fréquence 700 MHz pour les services mobiles - sont toujours débattus par les législateurs. Vos rapporteurs rappellent leur souhait, déjà exprimé en 2016, de voir rapidement mis en oeuvre un grand marché unique du numérique. La politique de la concurrence européenne doit, dans ce domaine, favoriser la constitution de grands groupes européens. L'Union européenne doit dépasser son rôle de simple consommatrice et devenir une véritable productrice de contenus numériques. Il convient à cet effet de promouvoir un « principe d'innovation », qui contrebalancerait le principe de précaution.

Plusieurs dispositifs sont annoncés en vue de faire émerger un véritable marché unique du numérique. La Commission devrait ainsi présenter une initiative en matière de droit des sociétés visant à faciliter l'utilisation des technologies numériques tout au long du cycle de vie d'une entreprise. Elle souhaite aussi présenter des propositions en vue d'un portail numérique unique présentant le marché intérieur.

Vos rapporteurs rappellent que le développement du marché unique passe nécessairement par une réflexion sur l'économie numérique, les nouvelles technologies étant au coeur du développement de l'«uberisation». L'Union européenne doit être proactive en la matière. Elle doit aider les PME afin de leur permettre de combattre les pratiques déloyales qui peuvent être imposées par de grandes plateformes numériques placées en position dominante. Une législation européenne devrait permettre de réguler le fonctionnement des plateformes et protéger, par la même occasion, le citoyen et ses données.

Au-delà, comme l'a indiqué à plusieurs reprises votre commission des affaires européennes, toute avancée du marché unique numérique pour le commerce ne peut se faire au détriment des consommateurs, notamment en ce qui concerne la fourniture de contenus numériques et l'achat en ligne de biens matériels 9 ( * ) . Les projets de directive qui ont été présentés par la Commission européenne s'apparentent davantage à des règlements, d'application uniforme. Pour certains pays dans lesquels la législation sur les transactions et les services rendus est imprécise, cela constitue un progrès. Pour d'autres, comme la France et l'Allemagne, qui ont un niveau élevé de protection, l'ensemble peut être vu comme une régression, avec un risque d'abaissement du niveau d'exigence. Il convient donc de préserver certains acquis, sans que cela affecte le principe d'une politique européenne commune. D'autres textes doivent également être suivis de près tant ils impliquent une réflexion sur le partage de compétences entre l'Union européenne et les Etats membres, qu'il s'agisse de l'attribution de la bande de fréquences entre 470 et 790 MHz ou de la réforme du droit d'auteur 10 ( * ) .

3. L'Union de l'énergie et l'économie durable

Les fondements de l'Union de l'énergie ont été mis en place en 2015 et 2016. Elle ne devrait pas faire l'objet d'une nouvelle intervention législative en 2017. Certains textes sont toujours en débat, à l'image de celui visant la sécurité de l'approvisionnement en gaz. Vos rapporteurs souscrivent aux objectifs de l'Union de l'énergie : sécurité et solidarité énergétiques, marché intérieur, maîtrise de la consommation d'énergie, la décarbonation et la promotion de la recherche et de l'innovation. Il convient cependant de rappeler, à ce stade, que si l'Union de l'énergie doit être encouragée, son développement doit répondre à plusieurs conditions. Toute intervention de l'Union européenne doit être traitée sans préjudice de la compétence reconnue à chaque État membre de déterminer le mix énergétique sur son territoire. Tout texte doit, de fait, respecter scrupuleusement la répartition des compétences entre l'échelon de l'Union et l'échelon national, telle qu'elle résulte du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

Le Sénat avait ainsi soulevé, en avril dernier, un problème de subsidiarité concernant le mécanisme d'échange d'informations en ce qui concerne les accords intergouvernementaux et les instruments non contraignants conclus entre des États membres et des pays tiers dans le domaine de l'énergie 11 ( * ) . La mise en place progressive de l'Union de l'énergie ne doit pas, par ailleurs, dissuader les États membres qui souhaitent coordonner leurs politiques énergétiques à mettre en place une coopération renforcée visant les sources primaires, la distribution au meilleur prix, la sécurité des réseaux d'acheminement et le stockage de l'électricité.

Faute de nouveau texte concernant l'Union de l'énergie, la priorité pour la Commission en 2017 consistera, dans le domaine énergétique, en la mise en oeuvre de la stratégie sur la mobilité à faible intensité de carbone, présentée en juillet dernier. L'intervention se concentrera sur des révisions au titre du programme REFIT des règlements sur les voitures particulières et les véhicules utilitaires légers. La Commission européenne souhaite également proposer un nouveau texte visant l'interopérabilité des systèmes de péage.

La Commission européenne propose également l'adoption d'un nouveau paquet économie circulaire visant l'utilisation, la réutilisation et le recyclage des matières plastiques, les normes minimales en matière de qualité de l'eau. Les premiers textes devraient être publiés au cours du deuxième trimestre 2017. Notre commission s'est montrée réservée à deux reprises par le passé sur les projets de la Commission en matière de recyclage, jugeant que les mesures préconisées étaient notamment contraires au principe de subsidiarité 12 ( * ) . Les résolutions adoptées à cette occasion avaient cerné les difficultés financières que les projets de la Commission pouvaient engendrer pour les collectivités locales. Elles avaient également mis en avant le recours trop important aux actes délégués et aux actes d'exécution pour préciser des éléments du dispositif, qui ne pouvaient être considérés comme « non essentiels » au sens du traité. Aux yeux de vos rapporteurs, tout nouveau projet devra prendre en compte l'impact pour les collectivités locales et être le plus précis possible.


* 6 Résolution européenne du Sénat n°112 (2015-2016) sur l'harmonisation de l'application des règles européennes de concurrence par les autorités nationales, 20 mars 2016.

* 7 Improving market outcomes - Enhancing the position of framers in the supply chain, novembre 2016.

* 8 Audition de Mme Margrethe Vestager, commissaire européenne à la concurrence par les commissions des finances et des affaires européennes du Sénat, jeudi 1 er décembre 2016.

* 9 Résolution européenne n°103 (2015-2016) portant avis motivé sur la conformité au principe de subsidiarité de la proposition de directive concernant certains aspects des contrats de fourniture numérique, COM(2015) 634 final, et la proposition de directive concernant certains aspects des contrats de ventes en ligne et de toute autre vente à distance de biens, COM(2015) 635 final, 7 mars 2016.

* 10 Communication de M. André Gattolin et Mme Colette Mélot sur la stratégie numérique, Réunion de la commission des affaires européennes du 6 octobre 2016.

* 11 Résolution européenne portant avis motivé n°125 (2015-2016) sur la conformité au principe de subsidiarité de la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil (COM (2016) 53 final) établissant un mécanisme d'échange d'informations en ce qui concerne les accords intergouvernementaux et les instruments non contraignants conclus entre des États membres et des pays tiers dans le domaine de l'énergie, et abrogeant la décision n° 994/2012/UE, 11 avril 2016.

* 12 Résolution européenne n° 29 (2014-2015) sur la proposition de directive Paquet « déchets » (COM (2014) 397), 9 décembre 2014 et Résolution européenne portant avis motivé n° 78 (2015-2016) sur la conformité au principe de subsidiarité du paquet « déchets » [COM (2015) 593 final, COM (2015) 594 final, COM (2015) 595 final et COM (2015) 596 final], 2 février 2016.

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