Pierre RAYNAUD, ancien Directeur de l'Institut français de Marrakech

J'ai eu deux expériences très différentes au Maroc. A Meknès et Fès, j'étais un Français qui faisait de la coopération pour le compte de la France. Nous avons lancé de beaux projets, notamment une « cantate pour un coeur bleu » avec Jean-Louis Trintignant, dans le cadre du Festival des Musiques Sacrées. À Marrakech, nous avons ouvert la maison Denise Masson, en mémoire à la célèbre islamologue, pour favoriser le dialogue entre nos deux cultures. Si les Français sont présents pour vendre des cours dans les Instituts, ils n'ont plus vocation à donner des leçons. Je partage donc le point de vue exprimé par Youness Ajarraï. Nous devons porter un regard empathique sur le pays avec lequel nous travaillons et nous inscrire dans un rapport d'égalité. A Marrakech, en mettant l'institut au service des Marocains, la coopération est devenue plus enrichissante et a irrigué l'ensemble des secteurs. Le Maroc sait recevoir l'héritage français et le faire fructifier. Je crois que cette coopération culturelle et cet amour parfois incompris et un peu urticant entre nos deux pays, comme dans toute histoire d'amour, sont passionnants et durables.

Neila TAZI, Vice-Présidente de la Chambre des Conseillers, Directrice-productrice du Festival Gnaoua-musiques du monde d'Essaouira

Mahi Binebine a exposé ses peintures dans les galeries les plus prestigieuses du monde. Il a publié dix romans traduits dans plusieurs langues dont « Les Etoiles de Sidi Moumen », adapté au cinéma par Nabil Ayouch. Cet ouvrage retrace l'histoire des jeunes de ce quartier défavorisé de Casablanca qui ont commis les attentats du 16 mai 2003 au Maroc où 45 personnes ont péri. Depuis cet événement, Mahi Binebine est fortement engagé dans un centre culturel situé au coeur du bidonville de Sidi Moumen.

Mahi BINEBINE, Artiste, peintre et romancier

Le 16 mai 2003, nous pensions que nous étions immunisés contre le terrorisme. Or les 14 jeunes âgés de 16 à 25 ans qui ont commis ces actes étaient issus de notre pays. Je me suis donc intéressé à leur quartier d'origine. Celui-ci est en réalité une ville car il compte 300 000 habitants qui vivent dans une véritable déchetterie avec des égouts éventrés. Dans cette affaire, l'Etat m'a semblé responsable en laissant vivre des personnes dans des conditions aussi effroyables. Une mafia pseudo-religieuse s'est installée dans cette décharge pour instrumentaliser les jeunes qui ne sont que des victimes. Compte tenu du succès du roman et du film « Les chevaux de Dieu » de Nabil Ayouch, nous avons décidé de réinvestir les sommes gagnées dans un centre culturel à Sidi Moumen. Actuellement le centre fonctionne de façon autonome avec des financements. Un partenariat a été noué avec l'Institut français, l'Institut Goethe et l'Institut Cervantès pour les cours de langue qui y sont dispensés. Le centre qui accueille 1000 jeunes dispose d'une salle de cinéma, d'une médiathèque, d'une salle de danse et de musique, d'une cafétéria et d'un jardin où chaque enfant a planté un arbre qui porte son nom. Un centre a ouvert à Tanger et un autre centre verra le jour à Fès.

Emilie DELORME, Académie du Festival d'Aix

Chaque été, nous accueillons presque 300 jeunes (artistes, créateurs) issus de 45 pays dans le cadre d'une coopération euro-méditerranéenne. L'Orchestre des Jeunes de la Méditerranée a accueilli deux musiciens marocains grâce au partenariat avec l'Orchestre Philharmonique du Maroc. Le réseau Medinae regroupe des partenaires autour de la Méditerranée et travaille sur les musiques improvisées. Plusieurs groupes de musiciens sont nés de ce réseau notamment « Zyriab et nous », autour de la chanteuse marocaine Aber El Abed, qui revisite l'héritage arabo-andalou. Nous nous intéressons également aux grands textes de la littérature arabe avec un opéra réalisé à Aix-en-Provence autour de l'oeuvre « Kalila Wa Dimna » d'Ibn Al Muqaffa, qui sera présenté au Maroc le 23 mars pour l'ouverture du festival de Casablanca. Des pistes de réflexion sont proposées pour encourager la coopération culturelle franco-marocaine :

? la constitution d'un fonds de coopération artistique géré par les deux pays ;

? le soutien à la formation des acteurs culturels et aux métiers techniques de la culture ;

? l'obtention de visas de longue durée pour les artistes afin de mettre en place des coopérations sur le long terme ;

? l'ouverture des programmes européens aux pays voisins comme le Maroc.

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