PREMIÈRE PARTIE - LES OUTRE-MER, TERRITOIRES CONFRONTÉS À UNE KYRIELLE DE RISQUES NATURELS

A. DES ALÉAS MULTIPLES ET PARFOIS CUMULATIFS, UNE VULNÉRABILITÉ PLURIELLE

1. Une grande diversité d'aléas sur l'ensemble des territoires

Les territoires ultramarins concentrent de nombreux risques naturels, qui se cumulent parfois sur des surfaces souvent extrêmement réduites.

a) Dans le bassin Atlantique
(1) Saint-Pierre-et-Miquelon

À une vingtaine de kilomètres à peine de la côte sud de Terre-Neuve, Saint-Pierre-et-Miquelon se démarque des autres territoires ultramarins français par la nature des risques auxquels les îles sont le plus fréquemment exposées.

Le territoire connaît des conditions climatiques extrêmes en hiver, avec des vents forts, des marées élevées et des tempêtes qui présentent un risque de submersion . Aussi, Saint-Pierre et Miquelon-Langlade ont déjà connu des phénomènes de submersion importants au cours de leur histoire. Le réchauffement climatique laisse craindre, alors que certaines zones sont situées au ras de la mer, que ces épisodes ne se manifestent plus régulièrement.

À ces phénomènes s'ajoute le risque tsunami - comme l'a montré l'effondrement des Grands Bancs de Terre-Neuve en 1929 - éventuellement en lien avec l'activité volcanique dans l'Atlantique est.

(2) Les Antilles

Les Antilles, la Guadeloupe, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et la Martinique sont confrontées à une large palette de risques naturels.

Les Antilles font partie des départements les plus exposés au risque sismique : elles sont classées en niveau 5 du zonage sismique réglementaire, soit le plus fort en territoire français . La mémoire collective a retenu une manifestation particulièrement tragique : le séisme de 1843 en Guadeloupe. Plus récemment, ont marqué les esprits le séisme des Saintes en 2004 - qui a atteint une magnitude de 6.3 sur l'échelle de Richter et une intensité VIII - et celui de Martinique en 2007 - avec une magnitude de près de 7.

Des tsunamis - locaux ou lointains - ayant pour origine un séisme majeur ou un important glissement de terrain sous-marins peuvent également impacter les zones littorales.

Le risque d'ouragan est une réalité saisonnière. L'année 2017 l'a montré avec l'enchaînement inédit de trois cyclones majeurs : Irma, José et Maria en septembre. Les îles de Saint-Martin et Saint-Barthélemy ont été particulièrement frappées par l'intensité exceptionnelle d'Irma, quand la Guadeloupe et la Martinique ont subi les conséquences de Maria. Les changements climatiques font redouter des cyclones régulièrement plus forts.

La Martinique est soumise à de nombreux risques naturels tels que les séismes, les tsunamis , les éruptions volcaniques , les cyclones tropicaux voire ouragans.

La Guadeloupe est également exposée à des mouvements de terrain de nature diverse. Dans les zones côtières, les falaises littorales sont soumises à érosion , engendrant des chutes de blocs et des écroulements en masse. L'archipel est aussi régulièrement impacté par des phénomènes cycloniques, allant de la simple dépression tropicale à l'ouragan majeur. Le massif volcanique actuellement actif est celui de la Soufrière, au sud de l'île de la Basse-Terre. La récurrence des éruptions phréatiques est estimée de 20 à 100 ans .

On considère ainsi que 15 % de la population guadeloupéenne est située en zone potentiellement inondable par crue torrentielle ou ruissellement , et 11 % par submersion marine . Les inondations peuvent survenir hors saison cyclonique et les différents types d'inondations sont souvent concomitants

Le département de la Guadeloupe offre ainsi un exemple de l'exposition des populations ultramarines à un cumul de risques.

(3) La Guyane

La Guyane, seul territoire ultramarin continental, n'est pas épargnée par les risques naturels. Elle est notamment exposée aux mouvements de terrain , ce risque concernant principalement l'île de Cayenne avec une attention particulière pour les monts Cabassou où un glissement de terrain a fait 13 morts en 2004, et le Mont Baduel, où une action spécifique de l'État est mise en place depuis 2016.

Le département est également exposé aux inondations par débordement de cours d'eau et ruissellement.

Le littoral est exposé à des submersions marines et à l'érosion côtière. Le risque d'érosion du littoral est de mieux en mieux connu grâce à la mise en place de l'observatoire de la dynamique côtière , avec un suivi en particulier des plages de l'île de Cayenne, de Kourou et d'Awala-Yalimapo. Le littoral est soumis à des phénomènes d'érosion-accrétion très importants sous l'influence du passage successif de bancs de vase issus de la décharge sédimentaire du fleuve Amazone dans l'océan Atlantique. La côte est ainsi en évolution constante. Les fluctuations de trait de côte peuvent atteindre jusqu'à 6 km en 50 ans dans certains secteurs , avec des variations annuelles comprises entre 100 et 300 mètres.

b) Dans l'océan Indien
(1) La Réunion

La situation géographique de La Réunion l'expose aux épisodes cycloniques ; conjugués à des reliefs importants , cela en fait une région soumise à un aléa d'inondation de très forte intensité : le territoire enregistre des records mondiaux de pluviométrie sur les périodes comprises entre 3 heures et 12 jours. Le cyclone Berguitta, en 2018, en a été un exemple.

M. David Goutx, directeur interrégional pour l'océan Indien de Météo France, expliquait 1 ( * ) ainsi que le relief très escarpé de La Réunion provoque aussi un effet amplificateur des pluies. L'île détiendrait ainsi des records mondiaux de cumul pluviométrique sur 12, 24 ou 72 heures, liés généralement au passage de cyclones.

Cet aléa se conjugue par ailleurs à des phénomènes de mouvements de terrain qui concernent la quasi-totalité de l'île, ceux-ci pouvant prendre la forme de mouvements de très grande ampleur - glissement des cirques -, de mouvements plus localisés ou de phénomènes d'érosion des sols préjudiciables aux activités agricoles et à la qualité des eaux.

En zone de risque sismique modéré (niveau 2), le sud-est de l'île est dominé par un volcan, le Piton de la Fournaise. C'est un volcan effusif, un des plus actifs de la planète !

(2) Mayotte

Mayotte est exposée à divers aléas avec notamment des phénomènes de ruissellement et de concentration dans les ravines. Le territoire connaît des mouvements de terrain réguliers. Si l'île n'a pas connu de cyclone majeur dans la période récente, son positionnement géographique l'expose à ce risque. Surtout, l'île est dans une position de forte vulnérabilité, de par l'étendue d'un habitat informel à flanc de colline.

Enfin, l'île est sujette au risque sismique , celui-ci étant estimé moyen ; l'année 2018 et les séismes en essaim qui n'ont cessé depuis le 10 mai l'ont montré.

c) Dans le bassin Pacifique
(1) La Nouvelle-Calédonie

La Nouvelle-Calédonie est exposée à de nombreux risques, au rang desquels le risque tsunami , comme les autres îles du Pacifique. Les risques littoraux sont également présents, avec les fortes houles. Le territoire se trouve en bordure de la plaque australienne qui entre en subduction sous la plaque Pacifique, exposant également celui-ci au risque sismique.

Les cyclones sont identifiés comme le danger météorologique majeur pour la Nouvelle-Calédonie. Des épisodes destructeurs ont durablement marqué la mémoire collective, comme les cyclones Colleen en 1969, Alison en 1975, Harry en 1989, Fran en 1992, Béti en 1996 ou Erica en 2003. Le cyclone Gita et la dépression tropicale Hola au début de l'année 2018 ont encore montré le caractère récurrent de ce risque. L'archipel connaît également des mouvements de terrain, parfois importants, induits par de fortes précipitations.

Enfin, l'aléa inondation est très présent : plus de 6 000 cours d'eau, rivières ou thalwegs sont ainsi recensés sur la Grande Terre. Les crues et inondations se caractérisent par leur intensité, avec des précipitations apportées par les événements climatiques tropicaux et en raison de la configuration des fortes pentes des bassins versants : le phénomène de « crues éclairs » avec des montées d'eau très importantes sur un temps très court.

(2) La Polynésie française

La Polynésie française est particulièrement vulnérable aux risques naturels littoraux et liés à des événements climatiques. Les 118 îles du pays sont situées en zone inter-tropicale , ce qui les expose à des dépressions et cyclones de manière régulière, avec des conséquences en termes de vents, pluies diluviennes et crues torrentielles , inondations, mouvements de terrain, houles et marées de tempête. Des houles saisonnières générées dans les mers du Sud sont également ressenties dans le territoire.

Les îles hautes sont sujettes à des mouvements de terrain en raison de leur structure, des roches volcaniques altérées par des pluies tropicales abondantes.

Le Pacifique n'est enfin pas à l'abri du risque sismique et les failles présentes dans l'océan Pacifique peuvent générer des tsunamis atteignant les îles. Les anneaux coralliens formés par les atolls sont fréquemment submergés par la houle.

Les études estiment que la moitié de la population de Polynésie française a été déjà confrontée à un phénomène naturel dangereux tel que cyclone, tsunami, houle ou glissement de terrain.

(3) Wallis-et-Futuna

Les îles Wallis et Futuna sont particulièrement exposées aux risques de cyclones et de tsunamis.

Wallis et Futuna se trouvent à proximité de zones frontières entre les plaques tectoniques de l'Australie et du Pacifique, sujettes à une activité tectonique, sismique et volcanique intense. Les îles Wallis et Futuna, distantes de 230 kilomètres, ont des expositions aux phénomènes naturels très différentes : aussi, Futuna et Alofi sont deux îles d'origine volcanique situées sur la jonction de la plaque Pacifique et la plaque indo-australienne, ce qui explique l'activité tellurique dont elles sont victimes.

Le climat y est chaud et tropical, tempéré par les vents océaniques, avec une période cyclonique entre novembre et avril . Il est à noter qu'en cas de cyclone des vagues également très importantes peuvent menacer les rivages au même titre qu'un tsunami. Cela a d'ailleurs été le cas à Futuna en 2010 avec le cyclone Tomas qui a conduit à la formation de vagues - estimées jusqu'à 8 mètres de haut - qui ont dévasté toute la côte Nord-Est.

L'implantation en bord de mer de la majeure partie de l'habitat , constitue un facteur aggravant en matière d'exposition au risque de tsunamis auquel sont soumises les îles de Wallis et Futuna.

2. Les outre-mer, des territoires vulnérables

Un risque se définit par le cumul de l'éventualité d'un aléa et de l'existence d'une vulnérabilité.

Les outre-mer se caractérisent par des vulnérabilités de différents ordres :

- le caractère exigu et insulaire de la totalité des territoires à l'exception de la Guyane ;

- la multi-insularité qui caractérise plusieurs territoires des trois bassins océaniques : Saint-Pierre-et-Miquelon et la Guadeloupe dans l'océan Atlantique, Mayotte dans l'océan Indien, les trois territoires du Pacifique avec le cas particulier de la Polynésie française, archipel étendu sur une surface supérieure à celle de l'Europe ;

- l' éloignement des territoires, de l'hexagone, d'une part, et des pays voisins, d'autre part ;

- la forte densité démographique qui caractérise de nombreuses régions et la concentration des populations et activités sur les zones littorales ;

- la persistance de l' habitat informel et précaire , comme en Guyane, à Mayotte - avec le cas des bangas - ou à Saint-Martin.

La ville de Fort-de-France est un exemple de cette vulnérabilité, avec sa géomorphologie - des mornes -, et la concentration démographique dans des quartiers populaires avec une occupation des sols non conforme aux préconisations, alors que la Martinique est soumise à des risques de séismes, de tsunamis, de cyclones, de mouvements de terrain et d'inondations.


* 1 Déplacement à Toulouse du 9 mars 2018.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page