B. PORTER ASSISTANCE AUX POPULATIONS : UNE MISSION PLURIELLE, DES ACTEURS À VALORISER

1. Les organisations de protection civile, acteurs clés de la sortie de crise

Les organisations de secours et de protection civile sont des acteurs incontournables de la sortie de crise aux côtés des acteurs de secours de l'État. La délégation a entendu en audition des représentants de la Croix-Rouge et de la Protection civile 68 ( * ) ; les rapporteurs ont pu rencontrer durant leur déplacement des délégués de la PIRAC (Croix-Rouge Caraïbes) en Martinique et en Guadeloupe ainsi que des antennes de la Protection civile.

Les organisations sont plus ou moins organisées et présentes selon le territoire, les deux mentionnées précédemment étant les plus actives et nombreuses outre-mer.

Aussi, l'organisation peut se concevoir à l'échelle de bassins océaniques, dépassant les frontières françaises ; c'est le cas de la Croix-Rouge qui a ainsi monté deux plateformes d'intervention régionales : la plateforme d'intervention régionale Amériques Caraïbes (PIRAC) et la plateforme d'intervention régionale de l'océan Indien (PIROI). Par ailleurs, une base logistique est installée dans le Pacifique sud, en Nouvelle-Calédonie (la PIROPS).

L'action de la Croix-Rouge durant Irma

La Croix-Rouge française travaille sur quatre thématiques : le WASH, c'est-à-dire le rétablissement de l'eau, le problème des abris, la logistique, le médical.

La particularité de la gestion d'Irma a été celle pour la Croix-Rouge d'une action menée sur un territoire français avec, dans la réponse au soutien aux populations, la mobilisation de toutes les équipes spécialisées dans les grands événements à l'international.

La première cellule de crise a été réunie le 4 septembre, soit quarante-huit heures avant l'impact. Deux décisions importantes ont alors été prises : faire partir sur la zone des cadres opérationnels nationaux et préparer un détachement de la Croix-Rouge française. L'ouragan est passé sur la zone dans la nuit de mardi à mercredi. Le mercredi matin, le centre opérationnel de gestion interministérielle des crises (COGIC) a proposé d'embarquer du personnel de la Croix-Rouge à bord d'un avion ; dix-sept personnes sont donc parties le mercredi soir dans le premier détachement. L'avion est arrivé le jeudi matin en Guadeloupe, puis une partie de l'effectif est passée avec les troupes de sécurité civile sur l'île de Saint-Martin où avait été installé un réseau de télécommunications propre à la Croix-Rouge.

La première réponse immédiate a été donnée par les acteurs locaux. La plateforme d'intervention, la PIRAC, est ensuite entrée en action et les renforts ont été déclenchés depuis l'hexagone.

Dans la phase d'urgence, jusqu'à fin octobre, 500 personnes sont parties de l'hexagone pour venir renforcer les actions de la Croix-Rouge sur la zone Irma.

Les machines de traitement de l'eau disponibles au sein de la PIRAC n'ont pu être utilisées, faute d'eau de surface sur Saint-Martin ; de plus, la machine de désalinisation a été détruite. La Croix-Rouge a alors procédé à la distribution des bouteilles d'eau fournies par l'État. Le partenariat lié avec Veolia a permis à l'organisation d'avoir 12 tankers, répartis équitablement sur six zones.

La Croix-Rouge s'est aussi investie dans les 9 centres de mise à l'abri, qui très rapidement sont devenus des centres d'hébergement d'urgence, alors que les ouragans José et Maria étaient annoncés, menaçant la zone.

L'organisation a enfin participé aux évacuations , notamment au départ de Saint-Martin, à la gestion de l'afflux massif de personnes et, dans une moindre mesure, aux soins .

Source : Audition du 12 avril 2018

L'action des bénévoles des organisations de secours et de protection civile doit être saluée avec insistance . Les bénévoles éprouvent souvent des difficultés à se rendre disponibles, notamment vis-à-vis de leurs contraintes professionnelles pour suivre des formations pourtant obligatoires ou être mobilisés en temps de crise. Aussi, s'il est nécessaire de valoriser le travail mené au quotidien et lors de crises majeures comme en 2017, il est aussi utile de sécuriser les parcours et l'investissement des bénévoles et leur engagement.

Recommandation n° 51 : Dans le cadre d'une réflexion sur le statut du bénévole, distinguer le cas des bénévoles et secouristes de l'urgence et sécuriser le cadre juridique de leur mobilisation.

2. Le service militaire adapté, une force des territoires à valoriser

La participation des régiments du service militaire adapté aux plans de secours fait partie de l'ADN du SMA : cela a toujours été inscrit depuis 60 ans dans les textes cadre et fait pleinement partie du contrat opérationnel .

Dans le cas de crises liées à des événements naturels majeurs dans les outre-mer, le SMA a pour mission de participer aux plans de secours et d'assistance aux populations , en renfort des forces armées et en fonction de ses capacités disponibles.

Les jeunes du SMA bénéficiant souvent d'une formation aux travaux publics et les unités disposant des matériels correspondants, ils sont de précieux appuis de l'après-crise. Cette capacité doit être valorisée et préservée ; il doit également être envisagé de la pérenniser auprès des jeunes passés par le SMA mais ayant fini leur stage, par la mise en place d'une « réserve » par exemple.

L'engagement des régiments du service militaire adapté sur des zones de catastrophes naturelles : une option encadrée

L'engagement éventuel du SMA sur des théâtres de catastrophes naturelles est prévu et encadré par les textes 69 ( * ) .

Ainsi, l'engagement des unités du SMA « est réservé à la garde des emprises militaires ainsi qu'à des missions de sécurité civile pour apporter assistance ou secours aux populations . Excepté pour les cadres militaires, les missions en arme sont à exclure du cadre d'emploi. »

Aussi, cet engagement est conçu comme : « Contribution en appui des armées, par une capacité spécifique du SMA, inexistante, indisponible ou insuffisante au sein des armées (moyens de travaux publics, construction, etc.), à une intervention d'urgence pour porter assistance ou secours aux populations ».

Le SMA dispense également chaque année des formations « sauvetage déblaiement » (SDE) en liaison avec le commandement des formations militaires de la sécurité civile (COMFORMISC). Ces formations visent à acquérir des compétences spécifiques liées aux opérations de secours : quatre formateurs détachés par le COMFORMISC effectuent deux sessions de formation d'un mois, réparties entre la Martinique et la Guadeloupe, qui touchent au total une soixantaine de cadres et de jeunes.

Modalités de mobilisation du SMA

Toute demande de concours doit être adressée au commandant supérieur des forces armées (COMSUP), autorité d'emploi des unités du SMA dans leur zone de compétence. La demande de concours doit être adressée par la préfecture ou le haut-commissariat au COMSUP qui validera ou non l'engagement avec le centre de préparation et de commandement des opérations de l'état-major des armées (EMA/CPCO). Une fois connue du chef de corps du régiment du SMA concerné, la sollicitation du COMSUP doit être adressée au COMSMA qui validera ou non en lien avec la DGOM et le MOM - hors situation d'urgence exceptionnelle.

Lors de missions de secours aux populations, les régiments basculent sous ordre de l'amiral commandant les forces armées, les FAA par exemple aux Antilles.

Les unités du SMA peuvent être engagées de manière circonstancielle dans des missions opérationnelles sous commandement militaire. Ces interventions sont encadrées par la publication interarmées PIA--3.32.7 N° D-13-000397/DEF/EMA/EMP.3/NP du 11 janvier 2013 qui régit les activités militaires du SMA et sont déclinées pour chaque régiment par un contrat opérationnel spécifique au territoire fixé par les COMSUP.

Source : Réponses du ministère des outre-mer au questionnaire des rapporteurs

Le SMA a été fortement mobilisé durant les suites de l'ouragan Irma. Il a ainsi participé à des opérations d'élagage, de déblaiement, de renforcement d'infrastructures, de réparations de réseaux et d'appui au sauvetage.

Les rapporteurs ont pu rencontrer en Guadeloupe des jeunes du RSMA ayant participé aux opérations lors d'Irma en 2017. Ils ont tenu à échanger avec leurs cadres mais aussi directement avec eux, pour les entendre mais aussi les remercier pour leur engagement. Le colonel commandant le RSMA de Guadeloupe a pu insister auprès des rapporteurs sur la légitimité et l'efficience des jeunes du RSMA à agir dans leurs territoires , suscitant également chez eux une grande fierté.

Au plus fort de l'intervention, près de 420 militaires du SMA ont été engagés sur 7 îles de l'arc antillais .

L'engagement du SMA lors d'Irma et Maria aux Antilles en 2017

À la suite du passage de l'ouragan Irma le 6 septembre 2017 sur Saint-Martin et de l'ouragan Maria dans la nuit du 18 au 19 septembre en Guadeloupe et en Martinique, les formations du SMA stationnées aux Antilles-Guyane ont participé aux opérations de sécurité civile pour apporter assistance et secours aux populations.

Le plan d'intervention permettait de déployer 280 personnes au maximum en Martinique et 208 en Guadeloupe. Au plus fort de la crise Irma à la mi-septembre, 262 personnes ont été déployées , provenant en majorité du régiment de Guadeloupe, et pour un tiers du régiment de la Martinique.

Les moyens logistiques du SMA sont cependant insuffisants ; ce dernier doit être intégré dans la logistique de l'armée pour les transports et l'alimentation, et cela a d'autant plus été le cas dans les liaisons stratégiques entre la Guadeloupe, la Martinique et Saint-Martin.

Cette mobilisation simultanée de trois unités du SMA témoigne de la capacité d'action et de réaction face à une catastrophe naturelle de grande ampleur.

Sur le plan humain, l'engagement et la disponibilité des volontaires du SMA, qui ne sont pas des soldats professionnels, ont été jugés remarquables par le général commandant le SMA 70 ( * ) .

Le SMA s'est engagé dans la durée : il a été présent à Saint-Martin jusqu'au 15 novembre , contre fin octobre pour les forces armées. La durée du déploiement - de 15 jours à un mois - a eu cependant des impacts non négligeables sur le déroulement de la formation des jeunes.

Une faiblesse a également été signalée relative au manque d'encadrement du SMA.

Source : Audition des forces armées le 21 février 2018

Le général Thierry de Ladoucette commandant le SMA insistait sur la maturité acquise par les jeunes durant ces interventions en réalisant qu'ils pouvaient être utiles aux autres et servir d'exemple par leur travail et leur comportement.

Les jeunes du RSMA ont également été engagés en Guadeloupe à la suite de l'ouragan Maria, du 18 au 27 septembre 2017.

En avril-mai 2018, à la demande la préfecture de la Martinique, le régiment du SMA a été mobilisé sur la crise des sargasses pour venir en appui et aider au ramassage rapide des algues.

Recommandation n° 52 : Renforcer les capacités de mobilisation du SMA pour des interventions en cas de catastrophe naturelle et envisager la création d'une « réserve SMA » projetable sur zone.

3. Évacuer et héberger des populations fragiles : une mission plus rare à mieux organiser comme mis en lumière lors d'Irma
(1) L'évacuation et l'hébergement dans la zone : une improvisation réussie en Guadeloupe

La direction de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DJSCS) de Guadeloupe indique que sur les 6 000 à 7 000 personnes qui sont passées en Guadeloupe en provenance de Saint-Martin et Saint-Barthélemy entre le 11 et le 25 septembre, environ 1 900 ont demandé à être hébergées.

Chronologie des évacuations en Guadeloupe

Mercredi 6 et jeudi 7 septembre : passage Irma

Dimanche 10 : premières arrivées à l'aéroport

Lundi 11 : activation du hall dédié à l'accueil des sinistrés

Mardi 19 : alerte Maria

Mercredi 20 : fermeture du hall lors du passage de Maria

Jeudi 21 : réouverture du hall à 14 heures

Lundi 25 : fermeture du hall dédié de l'aéroport

La DJSCS a été pleinement mobilisée pour gérer cette situation qui ne faisait l'objet d'aucun plan établi et a été une improvisation réussie, notamment grâce à la mobilisation des agents de l'État.

La solidarité - en l'absence de solutions alternatives - a permis de loger chez les particuliers environ 1 500 personnes grâce à deux réseaux de bonnes volontés , une agence immobilière et une société de tourisme.

Les personnes qui ne pouvaient pas aller chez les particuliers pour différentes raisons - familles très nombreuses, personnes âgées, situations irrégulières évidentes, droits incomplets... - ont été orientées vers des « hébergements collectifs » ; cela a concerné approximativement 400 personnes.

Au fur et à mesure, et en fonction des suites du cyclone Maria, différentes structures comme des hébergements scolaires , des dépendances du diocèse ou des résidences de vacances ont été utilisées.

La succession des bénéficiaires dans ces hébergements s'est effectuée au rythme des places libérées durant la phase d'urgence qui a duré jusqu'à la fermeture du hall de l'aéroport.

À l'issue de cette phase, une « phase de transition » a permis aux services de l'État de prendre des positions sur les situations critiques, tant au niveau du bureau des étrangers que de la police aux frontières, et cela a entraîné un certain nombre de retours vers Saint-Martin. La volonté a été de ne pas générer « d'effet d'aubaine » qui aurait stabilisé en Guadeloupe une population à droits incomplets qui n'aurait pas pu se positionner ensuite dans une dynamique d'insertion.

Les hébergements collectifs ont tous été progressivement fermés ; le dernier a été libéré de ses occupants le 31 octobre 2017.

Des nuitées d'hôtel et les places d'hébergement disponibles dans le droit commun ont ensuite été utilisées pour faire face à ces situations qui se sont elles-mêmes décantées progressivement. Il restait alors, selon la DJSCS, 31 personnes dans trois hôtels sociaux et sans doute entre 30 et 40 chez les particuliers ; entre un tiers et la moitié disposaient de droits incomplets ou étaient en situation irrégulière particulière. Au 1 er janvier 2018, il ne restait qu'une dizaine de personnes repérées.

La DJSCS de Guadeloupe considère ainsi que le droit commun a permis de gérer les personnes en situation difficile et désireuse de rester en Guadeloupe. Il n'y a pas eu de déploiement d'un dispositif particulier .

(2) Les évacuations vers l'hexagone

La situation inédite d'Irma a également fait l'objet d'accueils et suivis particuliers des sinistrés partis vers l'hexagone.

1 700 personnes ont bénéficié des avions affrétés par l'État ou de places dédiées sur les lignes commerciales.

À leur arrivée aux aéroports, un accueil pluridisciplinaire a été mis en place avec la présence d'agents des ministères de la justice et de l'intérieur et des préfectures du Val-d'Oise et de Seine-Saint-Denis, d'associations de victimes (France Victime et FENVAC), ainsi que le CUMP (Centre d'urgence médico-psychologique) et la Croix-Rouge.

Les rescapés se sont vus offrir soutien psychologique, aide matérielle (logement temporaire, vêtements...) et proposition d'accompagnement par le réseau France Victimes.

Le ministère des outre-mer souligne cependant une difficulté importante : les sinistrés arrivés sur des vols commerciaux - et non affrétés par l'État -, tout comme les sinistrés qui ont financé leur billet - Air France ayant proposé des tarifs préférentiels - n'ont pas bénéficié du dispositif d'accueil.

Par ailleurs, la présence de mineurs français non accompagnés sur ces vols a nécessité une attention supplémentaire non anticipée.

Recommandation n° 53 : Prévoir, à l'échelle de chaque territoire - ou bassin océanique -, des schémas d'évacuation et d'hébergement d'urgence en cas de catastrophe naturelle.


* 68 Audition du 12 avril 2018.

* 69 Référence publication interarmées PIA-3.32.7, chapitres 201 et 204.

* 70 Audition des forces armées le 21 février 2018.

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