II. LA MONTÉE EN CHARGE RÉGULIÈRE D'EUROJUST, PRÉFIGURATION DU PARQUET EUROPÉEN

La construction progressive de l'espace de liberté, de sécurité et de justice s'est accompagnée du renforcement régulier d'Eurojust, particulièrement perceptible à compter des attentats terroristes de 2015.

Cette agence joue désormais un rôle important en matière de coopération judiciaire au niveau européen et entre les autorités et juridictions nationales. Des progrès sensibles ont été réalisés dans la transmission à Eurojust d'informations relatives à des poursuites en cours, ce qui illustre une confiance grandissante des autorités judiciaires à son égard. Par ailleurs, l'agence apportera une contribution décisive à la mise en place du parquet européen qui doit se constituer « à partir d'Eurojust », même si elle continuera d'exercer ses compétences en matière de protection des intérêts financiers de l'Union à l'égard des États membres non participants à cette coopération renforcée.

A. LE MANDAT ET LE FONCTIONNEMENT D'EUROJUST

Créée en 2002, dans le contexte des attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis, par une décision du Conseil 10 ( * ) , modifiée en 2008 11 ( * ) , l'Agence de l'Union européenne pour la coopération judiciaire en matière pénale, dite Eurojust , est une entité de concertation des parquets nationaux de l'Union européenne .

Le réseau des magistrats de liaison, créé en 1993, n'était plus suffisant pour avancer davantage : une structure centrale reposant sur un fonctionnement intergouvernemental était nécessaire. Pour autant, Eurojust n'est pas une « super autorité judiciaire », selon l'expression de l'un des interlocuteurs que vos rapporteurs ont rencontrés à Bruxelles, mais un « facilitateur » .

Eurojust est compétente pour le même type de criminalité qu'Europol 12 ( * ) , ainsi que pour la criminalité informatique, la fraude, la corruption, les infractions pénales au détriment des intérêts financiers de l'Union, le blanchiment des produits du crime et la participation à une organisation criminelle.

Les compétences d'Eurojust ont été renforcées par le traité de Lisbonne et sont définies à l'article 85 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). Ainsi, Eurojust, qui pouvait déjà demander aux États membres d'initier une enquête - ceux-ci peuvent refuser, mais doivent motiver leur refus -, peut désormais ouvrir elle-même cette enquête. S'agissant du déclenchement de poursuites, elle ne conserve qu'un pouvoir de proposition.

Les missions d'Eurojust s'articulent autour de trois objectifs majeurs :

- promouvoir et améliorer la coordination des enquêtes et des poursuites entre les autorités compétentes des États membres ;

- améliorer la coopération entre ces autorités, en facilitant notamment la mise en oeuvre de l'entraide judiciaire internationale et l'exécution des demandes d'extradition ;

- soutenir les autorités nationales afin de renforcer l'efficacité de leurs enquêtes et de leurs poursuites.

Eurojust est compétente pour échanger des informations avec les autres États membres dans le cadre de la coopération judiciaire pour lutter contre toute forme de crime organisé. Elle assure l'information réciproque entre les États membres. Elle peut déclencher une enquête ou demander aux autorités compétentes des États membres d'entreprendre une enquête ou des poursuites sur des faits précis, ainsi que de mettre en place une équipe commune d'enquête. Au cours d'une enquête, elle peut apporter son concours pour la traduction, l'interprétation et l'organisation de réunions de coordination.

Eurojust joue également un rôle déterminant pour encourager la coopération judiciaire entre les États membres et les États tiers , en particulier les pays des Balkans occidentaux et de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord. Elle a ainsi établi des points de contact en Algérie, en Égypte, en Irak, en Israël, en Jordanie, au Liban, en Arabie saoudite, en Tunisie et auprès de l'Autorité palestinienne, mais aussi en Colombie et en Libye. Eurojust dispose actuellement de points de contact dans 41 États tiers.

Chacun des 28 États membres a détaché un représentant permanent au siège d'Eurojust, situé à La Haye. Ces représentants sont des procureurs, des juges ou des officiers de police. Ensemble, ils remplissent le mandat d'Eurojust afin de coordonner les autorités nationales à chacune des étapes d'une enquête criminelle ou de poursuites judiciaires, et résolvent également les difficultés et problèmes pratiques engendrés par les divergences entre les systèmes juridiques des différents États membres. Eurojust peut accomplir ses tâches par l'intermédiaire d'un ou plusieurs membres nationaux ou bien en tant que collège. Les membres nationaux sont secondés par des adjoints, des assistants et des experts nationaux détachés par les États membres.

Ce réseau de correspondants nationaux a récemment démontré sa valeur ajoutée. Ainsi a-t-il constitué le premier point de contact pour la réponse aux attentats terroristes de Bruxelles en 2016 . Dans l'heure qui a suivi les attentats du 22 mars, Eurojust a activé son réseau de correspondants nationaux en matière de terrorisme pour s'assurer que les autorités judiciaires compétentes de tous les États membres puissent être disponibles en permanence afin de recevoir et traiter immédiatement toute demande urgente ou décision de coopération judiciaire. L'activation du réseau a permis d'offrir une assistance rapide à l'enquête belge sur cet acte terroriste d'envergure, en soutenant et en complétant l'action menée au niveau national par une attention particulière à la dimension internationale des attentats et à l'identification des réseaux criminels et des activités criminelles liées. L'appui d'Eurojust a notamment permis de localiser et de capturer l'un des complices des attentats de Bruxelles. Depuis lors, Eurojust a créé en son sein un Groupe contre-terrorisme, que préside M. Frédéric Baab, membre national pour la France d'Eurojust, depuis novembre 2017.

Par ailleurs, Eurojust s'appuie sur le Réseau judiciaire européen afin de recueillir des informations sur les mesures d'application nationales de la réglementation communautaire en vigueur, les modalités de saisine des tribunaux, l'assistance juridique ou encore l'organisation et le fonctionnement des professions juridiques dans chaque État membre. Les points de contact de ce réseau sont à la disposition des autorités judiciaires locales de leur État membre.


* 10 Décision 2002/187/JAI du Conseil du 28 février 2002 instituant Eurojust afin de renforcer la lutte contre les formes graves de criminalité.

* 11 Décision 2009/426/JAI du Conseil du 16 décembre 2008 sur le renforcement d'Eurojust et modifiant la décision 2002/187/JAI instituant Eurojust afin de renforcer la lutte contre les formes graves de criminalité.

* 12 Trafic illicite de stupéfiants, filières d'immigration clandestine, trafic de véhicules volés, traite des êtres humains, faux-monnayage et falsification, trafic de matières radioactives et nucléaires, cybercriminalité, terrorisme et criminalité organisée transnationale.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page