B. MIEUX PROTÉGER LES ENTREPRISES EN CAS DE MANIFESTATIONS VIOLENTES

1. Assurer efficacement le maintien de l'ordre public

Des carences dans le maintien de l'ordre public par l'État ont permis aux violences et débordements de persister durant plusieurs mois, et ce jusqu'à la date de réalisation de ce rapport. La première demande formulée par les acteurs économiques, et la plus urgente, est celle d'un retour définitif à l'ordre public, afin que la liberté d'entreprendre soit assurée . Il ressort des auditions de votre rapporteur que les interdictions de manifester ont été les éléments déclencheurs d'un véritable retour au calme.

À ce titre, le groupe de travail salue la réflexion sur le maintien de l'ordre initiée par le ministère de l'Intérieur le 17 juin 2019 et visant à faire évoluer la doctrine et les méthodes employées par les forces de l'ordre à l'occasion de telles manifestations.

Le 10 avril 2019, la commission des lois du Sénat a formulé neuf propositions visant à renforcer la prévention en amont des manifestations, à adapter la doctrine opérationnelle du maintien de l'ordre pour mieux endiguer les actes de violence et de dégradation, et à améliorer la judiciarisation du maintien de l'ordre 77 ( * ) .

Parmi ces propositions, la commission recommande notamment d'amplifier l'effort de renseignement pour permettre la poursuite, en amont des manifestations, des personnes qui préparent la commission d'actes de violence (proposition n° 2). Elle appelle également à systématiser la pratique des retours d'expérience au sein de la préfecture de police, à l'issue de chaque opération de maintien de l'ordre d'ampleur (proposition n° 6).

Recommandation n° 1

Le groupe de travail invite l'État à se saisir au plus vite de l'ensemble de ces recommandations équilibrées .

En particulier, une amplification de l'effort de renseignement en amont et une amélioration constante des techniques de maintien de l'ordre dans ces manifestations sont à même de circonscrire l'intensité des violences et, partant, des préjudices subis par les entreprises situées dans les centres-villes.

2. Prévenir plus tôt et plus efficacement les commerçants

Bien que le groupe de travail le déplore, les corps intermédiaires semblent perdre de leur influence dans l'encadrement des revendications et protestations, au profit de rassemblements plus spontanés et trouvant leur origine dans les réseaux sociaux. Ces nouvelles modalités d'expression sont amenées à devenir plus fréquentes.

Or, ces mouvements vont vraisemblablement devenir également les moyens d'expression privilégiés et la cible des manifestants les plus violents . Il importe dès lors de préserver les commerçants et artisans de ces débordements.

Cela passe avant tout par un renforcement de la communication entre les services de l'État et les commerçants afin qu'elle ait lieu très en amont de la manifestation et soit fluide et rapide . Les services de sécurité ont bien souvent connaissance à l'avance des lieux de regroupement, de l'identité des manifestants les plus violents, voire de leurs intentions exactes. Durant la crise des « gilets jaunes », certaines préfectures ont alerté directement des entreprises (via l'usage de messageries électroniques notamment) ; d'autres ont prévenu les mairies et les chambres consulaires en leur chargeant de relayer le message auprès des commerçants. S'en sont suivies naturellement des différences importantes d'accès à l'information entre les communes et entre les commerçants eux-mêmes, selon l'action de la préfecture, de la chambre consulaire, des services de la ville, de leur usage des smart phones , etc. Les appels directs et répétés de la préfecture ont parfois en outre crée inutilement un climat de peur auprès des commerçants.

Recommandation n° 2

Le groupe de travail préconise de généraliser cette bonne pratique. À l'avenir, chaque préfecture pourrait s'engager à alerter les CCI, CMA, services de la ville et associations de commerçants le plus en amont possible de la manifestation avec des recommandations claires et écrites . Ces organismes se chargeraient ensuite de contacter leurs membres, adhérents ou usagers via des messageries électroniques instantanées . Pour les entreprises refusant, par choix ou impossibilité matérielle, de participer à ces messageries, le contact téléphonique ou par mail le plus amont possible doit être impératif. Il importe particulièrement que la sécurité des entreprises ne dépende pas des pratiques propres à chaque préfecture et que les conditions d'alerte soient harmonisées sur le territoire , de façon également à réduire la marge d'interprétation par les assureurs des consignes transmises par les autorités.

3. Des périmètres d'interdiction de circuler mieux ciblés

Dans certaines villes, notamment à Paris, des périmètres de limitation, voire d'interdiction, de la circulation ont été définis. L'approche de ces périmètres entraîne contrôles d'identité et fouilles corporelles et matérielles. La mise en place de telles mesures de sécurité est évidemment nécessaire , tant pour des raisons de sécurité des manifestants que pour faciliter le travail des forces de l'ordre.

Pour autant, certains périmètres semblent avoir été définis de façon excessivement larges au regard des risques réels de sécurité, et maintenu durant une durée anormalement longue durant la journée . Il en résulte une baisse drastique de l'activité des commerçants situés dans ces périmètres - comprenant fermeture ou déviation des transports en commun - alors même que le parcours de la manifestation ne nécessitait pas qu'ils soient concernés par une telle restriction d'accès. Afin de concilier à la fois la liberté de manifester, notamment dans des conditions de sécurité satisfaisantes, et la liberté du commerce, il importe de mieux cibler ces périmètres, en termes de taille et de durée .

Recommandation n° 3

Le groupe de travail préconise de mieux définir ces périmètres de restrictions de circulation afin de cerner au mieux les zones véritablement concernées, et de lever ces restrictions dès lors que le danger est écarté , afin de permettre à la vie économique de redémarrer. Pour ce faire, les préfectures pourraient lever les périmètres d'interdiction dès lors que la manifestation est dispersée. Que cette dernière soit mise entre parenthèse se comprend ; qu'elle soit durablement inexistante est anormal.


* 77 Commission des lois du Sénat, Communiqué de presse du 10 avril 2019 : « Actes de violence et de vandalisme à Paris : la commission des lois formule 9 propositions pour le maintien de l'ordre ».

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