II. AMPLIFIANT SES FAIBLESSES HISTORIQUES, LE CHANGEMENT CLIMATIQUE APPELLE UNE RÉFORME DE NOTRE SYSTÈME D'INDEMNISATION, AINSI QU'UN EFFORT ACCRU EN MATIÈRE DE PRÉVENTION

A. UNE MODERNISATION DU SYSTÈME D'INDEMNISATION EST INDISPENSABLE POUR METTRE UN TERME À SES FAIBLESSES STRUCTURELLES ET RELEVER DURABLEMENT LE DÉFI DU CHANGEMENT CLIMATIQUE

1. Une procédure de reconnaissance des catastrophes naturelles qui manque de transparence, engendrant incompréhension et sentiment d'injustice pour les sinistrés et les élus locaux
a) Des critères et seuils techniques inintelligibles et instables
(1) Un périmètre instable car dénué de base normative et défini par voie de circulaire

Lors de la création du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, le législateur a limité le périmètre de la garantie CatNat aux « dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel » 95 ( * ) .

La loi de 1982 ne précise donc pas :

- les aléas naturels entrant dans le champ de cette garantie ;

- la méthode et les critères à appliquer pour caractériser l'intensité d'un agent naturel (organismes d'expertise sollicités, type de rapports demandés, critères et seuils à appliquer).

Ainsi, dans la mesure où la loi de 1982 ne prévoyait pas l'intervention de décrets d'application, aucun texte de nature réglementaire ne détermine précisément le périmètre de la garantie CatNat , tant du point de vue des aléas naturels susceptibles d'être pris en compte, que des critères et seuils permettant de considérer ces derniers comme « anormaux » .

Comme l'a évoqué Me Jean Merlet-Bonnan, avocat associé du cabinet Exème Action : « Si aucun texte réglementaire n'a été pris, l'administration, ayant horreur du vide, a émis des circulaires [...] c'est le seul droit existant aujourd'hui » 96 ( * ) .

(a) Une typologie des aléas naturels entrant dans le champ de la garantie CatNat résultant d'une superposition de règles, source de confusion pour les sinistrés

Défini par le biais de circulaires successives, et soumis à des modifications législatives ponctuelles, le périmètre des événements naturels relevant de la garantie CatNat se caractérise par son instabilité et sa complexité .

En effet, étant donné que la loi du 13 juillet 1982 ne désigne explicitement aucun aléa naturel, plusieurs circulaires ont cherché à dresser une typologie des phénomènes couverts par la garantie. Néanmoins, comme le montre le tableau suivant, les termes employés pour définir les aléas, de même que les classifications opérées, n'ont cessé d'évoluer depuis la création du régime.

Évolution de la typologie des aléas naturels relevant de la garantie CatNat
entre 1984 et 2014

Circulaire du 27 mars 1984

Circulaire du 19 mai 1998

Circulaire du 23 juin 2014

Inondations (cours d'eau sortant de leur lit)

Inondations et coulées de boue - inondations consécutives aux remontées de nappes phréatiques : inondations de plaine, inondations par crues torrentielles, inondations par ruissellement en secteur urbain, inondations consécutives aux remontées de nappes phréatiques, coulées de boues

Inondations et coulées de boues (ruissellement, crue ou débordement de cours d'eau)

Ruissellements d'eau, de boue ou de lave

Inondations par remontée de nappe phréatique

Glissements ou effondrements de terrain

Mouvements de terrain : effondrements et affaissements de terrain, éboulement et chutes de blocs et de pierres, glissements et coulées boueuses associées, laves torrentielles, mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols

Mouvements de terrain consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols

Subsidence (effondrement de terrain suite à la baisse de la nappe phréatique)

Autres mouvements de terrain

Séismes

Séismes

Séismes

Raz-de-marée

Phénomènes liés à l'action de la mer : submersion marine et recul du trait de côté par érosion marine

Inondations et chocs mécaniques liés à l'action des vagues (submersion, érosion)

Masses de neige ou de glace en mouvement (avalanches, coulées de neige, etc.)

Avalanches

Avalanches

Vents cycloniques

Source : mission d'information.

À titre d'exemple, en 1989 ont été intégrés au régime les dommages résultant des épisodes de sécheresse par retrait-gonflement des argiles - alors qu'initialement, seuls les phénomènes irrésistibles, imprévisibles et marqués par une cinétique rapide (inondations, submersion marine, etc.) étaient inclus dans le périmètre du régime.

De surcroît, le périmètre de la garantie CatNat a fait l'objet de deux évolutions législatives majeures depuis sa création.

Ainsi, alors que la circulaire du 27 mars 1984 excluait expressément « l'action directe du vent ou du choc d'un corps projeté par le vent » du champ du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, considérant que cet aléa relevait de la garantie « tempêtes », la loi du 13 décembre 2000 d'orientation pour l'outre-mer 97 ( * ) a étendu la garantie CatNat aux « effets du vent dû à un événement cyclonique pour lequel les vents maximaux de surface enregistrés ou estimés sur la zone sinistrée ont atteint ou dépassé 145 km/h en moyenne sur dix minutes ou 215 km/h en rafales ».

Par la suite, la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité 98 ( * ) a modifié l'article L. 125-1 du code des assurances pour étendre le champ du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles aux dommages causés par des « affaissements de terrain dus à des cavités souterraines et à des marnières », quand bien même ces événements ne peuvent être strictement considérés comme des risques naturels.

Résultant de la superposition de règles d'origine diverse, le périmètre des aléas couverts par le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles se caractérise donc par une certaine instabilité, source de confusion pour les sinistrés .

Comme l'a résumé M. Michel Luzi, trésorier-adjoint de l'Association française pour la prévention des catastrophes naturelles (AFPCN) : « La principale difficulté tient à la complexité du système. Cette complexité est le résultat de stratifications de décisions favorisant parfois la mutualisation des risques, parfois la responsabilisation des expositions. Comme souvent dans de telles conditions, la nouvelle règle s'impose pour un cas spécifique sans prendre en compte la gestion globale » 99 ( * ) .

À titre d'exemple, en raison des coûts très élevés pour s'assurer contre les effets du vent dans les territoires d'Outre-mer, le législateur a inclus les dommages en résultant au régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, mais uniquement au-delà d'une certaine limite théorique, pour distinguer localement les cyclones des tempêtes. Par conséquent, les effets du vent relèvent en général de la garantie tempête, sauf dans certains territoires, quand la vitesse du vent dépasse 145 km/h, auquel cas ils sont couverts par la garantie CatNat.

Votre rapporteure déplore qu'à cause de la multiplication des règles applicables, la distinction entre les événements assurables, relevant de garanties spécifiques, et les aléas non assurables, pris en charge par la garantie CatNat, demeure floue pour nombre de sinistrés .

Pourtant, comme l'a noté M. Roland Nussbaum, secrétaire général de l'AFPCN, dans sa contribution écrite : « Le dispositif de cat-nat devrait être transparent pour les victimes, certains aléas naturels relèvent des cat-nat, d'autres pas. Le sujet du régime de garantie ne devrait pas être perçu par la victime ».

Votre rapporteure serait donc favorable à une définition claire, par voie réglementaire, de la liste des agents naturels pouvant relever du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles.

Cet effort de transparence permettrait au secteur assurantiel de développer une offre de couverture plus complémentaire, pour des risques non couverts en raison de leur nature, ou de leur « normalité » quand l'intensité est en dessous des seuils.

Proposition : fixer par voie réglementaire la liste des agents naturels pouvant relever du régime des catastrophes naturelles afin d'identifier clairement son périmètre d'intervention.

(b) Des critères et seuils déterminés par l'administration, à l'origine d'un sentiment d'arbitraire
(i) Une grande marge de manoeuvre laissée à l'administration pour déterminer le périmètre de la garantie CatNat

Dans la mesure où aucun texte de nature législative ou réglementaire ne détermine la méthodologie à appliquer pour déterminer si un aléa naturel présente un caractère « anormal », l'administration a produit des circulaires visant à préciser :

- les critères à prendre en compte pour évaluer l'intensité des événements naturels, ainsi que la nature des rapports techniques permettant de mesurer ces critères ;

- pour chaque critère, les seuils au-delà desquels cette intensité peut être qualifiée d'anormale.

Comme l'a précisé la DGSCGC dans sa contribution écrite : « Ce sont les directions ministérielles composant la commission interministérielle qui définissent et adaptent les critères et les seuils de reconnaissance au fil du temps. Les critères, pas plus que les phénomènes éligibles, ne sont figés dans un texte législatif et réglementaire [...] afin d'assurer la plus grande souplesse possible à la procédure » 100 ( * ) .

Selon la mission catastrophes naturelles du ministère de l'Intérieur, le recours systématique à des circulaires serait justifié par la nécessité d'actualiser régulièrement les critères et les seuils pour tenir compte de l'évolution de la connaissance scientifique sur les phénomènes dans les travaux de la commission interministérielle.

Si votre rapporteure ne peut qu'être favorable à une actualisation des critères et des seuils pour tenir compte, notamment, des effets du changement climatique et de l'évolution de la connaissance, elle constate que le recours à des circulaires laisse une très grande de manoeuvre à l'administration , tant en termes de méthode d'élaboration que de contenu ou de calendrier, alimentant un soupçon d'arbitraire chez des sinistrés qui, en tout état de cause, peinent à comprendre le système.

Comme l'a fait valoir Me Jean Merlet-Bonnan, avocat associé du cabinet Exème Action : « Le seul document que nous possédions aujourd'hui nous indique que c'est la commission interministérielle qui fixe les critères d'études de l'événement climatique anormal. C'est donc la commission interministérielle créée par une circulaire de 1984 qui rend un avis sur des critères qu'elle a elle-même posés » 101 ( * ) .

Or, si l'élaboration des critères permettant d'évaluer l'intensité des aléas demeure avant tout dictée par des considérations scientifiques, la détermination des seuils applicables à chaque événement naturel se révèle en réalité être une question éminemment politique.

En effet, l'intensité d'un événement naturel n'est pas appréciée dans l'absolu par rapport à un seuil déterminé à l'avance, mais évaluée de manière relative par rapport à d'autres épisodes . Un événement naturel sera considéré comme anormal s'il dépasse en intensité les aléas survenus au cours d'une période déterminée - la « durée de retour » - fixée dans la plupart des cas à 10 ans, sauf en matière de sécheresse, selon les informations portées à la connaissance de votre mission d'information.

Comme l'a expliqué M. Sylvain Mondon, responsable du département des missions institutionnelles de Météo-France lors de son audition : « La commission fixe le seuil de durée de retour qui permet de prétendre à une indemnisation. Elle doit donc choisir ce qui est considéré comme un aléa exceptionnel et ce qui ne l'est pas » 102 ( * ) .

Votre rapporteure s'interroge sur les raisons ayant présidé à ce choix méthodologique, qui se révèle tout à fait incompatible avec la prise en compte des effets du changement climatique. En effet, à titre d'exemple, en matière de sécheresse, le calcul de la moyenne hydrique se fait sur une période de 25 ans, incluant donc les épisodes de catastrophes naturelles. En pratique, l'enclenchement du dispositif dépend donc du nombre d'incidents des années précédentes . Or, comme l'a souligné M. Patrick Josse, directeur de la climatologie et des services climatiques de Météo-France : « Dans le système actuel, où une situation météorologique est qualifiée d'anormale par rapport à ce qui s'est passé sur une période plus longue, plus les aléas deviennent fréquents en raison du changement climatique, moins les critères seront satisfaits, mécaniquement » 103 ( * ) .

Ainsi, selon M. Pierre Pannet, directeur régional Hauts-de-France, du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) : « Si la sécheresse de 2003 se produisait aujourd'hui, moins de communes seraient reconnues en état de catastrophe naturelle du fait des statistiques. Précisons qu'en 2050 une telle sécheresse serait récurrente une fois tous les trois à cinq ans, ce qui est considérable » 104 ( * ) .

Cette préoccupation est largement partagée, puisque Me Jean Merlet-Bonnan, avocat associé du cabinet Exème Action, a également insisté sur ce point : « On se retrouve avec des communes sinistrées pour lesquelles l'état de catastrophe naturelle n'a pas été reconnu du fait de la notion de récurrence [...] Cela signifie, en schématisant, que si les faits se reproduisent tous les dix ans, il ne s'agit plus d'un aléa, mais d'une situation régulière. La question va se poser de plus en plus avec le réchauffement climatique » 105 ( * ) .

S'il n'appartient pas à votre mission d'information de se prononcer sur la pertinence scientifique des critères élaborés par l'administration, elle ne peut que déplorer que les seuils fixés par la commission interministérielle conduisent à écarter nombre de communes, et in fine , de sinistrés, qui paraissaient parfaitement légitimes à demander une prise en charge.

Comme l'a résumé M. Pierre Pannet, directeur régional Hauts-de-France du BRGM : « Pour être clair, il s'agit davantage d'une question politique que scientifique. Aujourd'hui, la majorité des sinistres ne sont pas reconnus en état de catastrophe naturelle. Pourtant, même sans récurrence de vingt-cinq ans de sécheresse, les dégâts peuvent être considérables » 106 ( * ) .

(ii) Une opacité préjudiciable concernant les seuils applicables

Si les critères utilisés par l'administration pour apprécier l'intensité d'un agent naturel ont été peu ou prou formalisés par la circulaire du 23 juin 2014, votre rapporteure s'étonne que les seuils applicables à chaque critère, permettant de déterminer si l'événement présente un caractère anormal ne figurent dans aucun texte réglementaire facilement accessible aux administrés ou aux élus locaux 107 ( * ) . Au demeurant, comme l'a rappelé la DGSCGC dans sa contribution écrite : « La loi ne fixe aucune obligation d'information sur les critères et les méthodes d'analyse mis en oeuvre pour analyser les demandes communales ».

Éléments figurant dans les circulaires

Circulaire du 27 mars 1984

Liste des éléments à annexer aux dossiers, indépendamment de l'aléa concerné

Circulaire du 19 mai 1998

- Liste, pour chaque aléa, des rapports techniques nécessaires à l'examen du dossier,

- Données devant figurer dans chaque rapport

Circulaire du 23 juin 2014 (annexe)

- Nature du rapport technique à produire pour chaque type de catastrophe naturelle,

- Service technique concerné par la production de ce rapport,

- Données à renseigner (c'est-à-dire des critères retenus) dans le rapport

Circulaire du 10 mai 2019

- Définition des caractéristiques des mouvements de terrain différentiels,

- Méthodologie mise en oeuvre pour caractériser l'intensité des épisodes de sécheresse-réhydratation des sols,

- Modalités d'instruction des demandes communales de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle en matière de sécheresse-réhydratation des sols.

Source : mission d'information.

À titre d'exemple, la circulaire du 23 juin 2014 précise que le critère à prendre en compte dans le cas d'un séisme est la magnitude à l'échelle de Richter, sans préciser à partir de quelle magnitude le séisme sera considéré comme un phénomène exceptionnel caractérisé par une intensité anormale.

La grande liberté d'appréciation dont dispose l'administration pour déterminer les critères et seuils à partir duquel un aléa relève de la garantie CatNat engendre une opacité totale quant à la méthodologie retenue .

Cette opacité est très préjudiciable au régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, en ce qu'elle accrédite l'idée d'un certain arbitraire dans les décisions rendues. Par ailleurs, si la circulaire du 10 mai 2019 relative à la sécheresse apporte sur ce point des précisions bienvenues, votre rapporteure regrette qu'un tel effort n'ait été entrepris pour chaque type de catastrophe naturelle.

Votre rapporteure note enfin qu'un tableau de synthèse précisant les critères et les seuils applicables sera mis à disposition des communes au cours de l'année 2019, via l'application iCatNat (voir supra ). Néanmoins, force est de constater que les administrés n'auront pas accès à ce document. Votre rapporteure serait donc favorable à l'édiction d'un décret précisant, pour chaque phénomène, les critères retenus, les seuils applicables et les organismes d'expertise consultés .

En effet, contrairement à la diffusion d'une circulaire, l'édiction d'un texte réglementaire classique est habituellement précédée de la consultation d'organismes créés à cet effet, voire dans certains cas de consultations ouvertes permettant la participation du public, tant en amont qu'en aval des processus décisionnels (débat public, concertation préalable, enquêtes publiques). Pour toutes les décisions ayant une incidence sur l'environnement, la participation du public à l'élaboration des textes constitue même une obligation 108 ( * ) . Ces consultations présentent deux avantages majeurs : les efforts de concertation se traduisent souvent par une meilleure qualité de la norme, tandis que la publicité qui accompagne ce processus en accroît l'acceptabilité pour les administrés. Le choix de renvoyer à un décret d'application la fixation des données techniques applicables contribuerait donc à objectiver la méthode retenue et à mettre fin à son opacité .

Ce décret pourrait également préciser que les seuils et critères font l'objet d'une révision périodique et prévisible pour tous , permettant de prendre en compte les impacts du changement climatique sur la fréquence des événements naturels.

Proposition : formaliser la méthodologie retenue pour apprécier l'intensité anormale d'un agent naturel en mettant pleinement à profit les différents mécanismes de participation du public.

(2) Des critères trop techniques et incompréhensibles pour les sinistrés : le cas emblématique de la sécheresse

Il ressort des auditions menées par votre mission d'information que le principal grief formulé à l'encontre des critères définis par l'administration tient à leur caractère complexe et opaque.

Ainsi, 78 % des personnes ayant participé à la consultation en ligne organisée par votre mission d'information considèrent que les critères retenus par l'administration ne sont pas assez transparents.

Résultats de la consultation en ligne

Source : consultation en ligne organisée par la mission d'information.

Résultant en premier lieu de la multiplicité des critères en vigueur pour le même type d'aléas , cette complexité se trouve renforcée par l'instabilité des critères , régulièrement modifiés par la commission interministérielle.

Critères en vigueur pour les inondations

Source : DGSCGC.

Évolutifs et très techniques, les critères utilisés par la commission interministérielle s'avèrent totalement incompréhensibles pour les sinistrés . Les critères relatifs à l'appréciation du phénomène de sécheresse-réhydratation sont de ce point de vue particulièrement emblématiques : peu lisibles à cause de leur instabilité, ils demeurent largement incompris des sinistrés et génèrent un sentiment d'injustice très fort en cas de non-reconnaissance 109 ( * ) .

(a) Des critères difficilement lisibles en raison de leur instabilité

Les critères relatifs à la sécheresse sont caractérisés par une forte instabilité , puisque selon M. Patrick Josse, directeur de la climatologie et des services climatiques de Météo-France : « La construction de ces critères résulte de plusieurs évolutions, initiées à la demande de la commission interministérielle « catnat », en 2000, 2003 et 2011. Nous sommes ainsi parvenus à un ensemble de critères complexes et peu lisibles pour les acteurs du dispositif, au premier rang desquels les sinistrés ».

Comme l'a relevé l'association des maires de Meurthe-et-Moselle dans sa contribution écrite : « La constante variation des critères utilisés par le pouvoir exécutif dans la reconnaissance de l'intensité anormale d'un phénomène de subsidence ne permet pas, à l'évidence, aux communes de comprendre et d'appréhender le droit applicable » 110 ( * ) .

En pratique, deux types de critères coexistent pour évaluer l'intensité d'un événement de type sécheresse :

- un critère géotechnique , instauré en 1989 , permettant d'identifier les sols présentant une prédisposition au phénomène de retrait-gonflement en fonction de la variation du niveau d'humidité. Ce critère s'appuie sur des données techniques recueillies par le BRGM et accessibles au public 111 ( * ) ;

- un critère météorologique , introduit en 2000 , permettant de mesurer le niveau d'humidité des sols superficiels. Ce critère s'appuie sur un indice d'humidité du sol, le Soil Wetness Index (SWI), qui évalue l'état de la réserve en eau du sol par rapport à sa réserve optimale. Les rapports météorologiques sont produits par Météo-France sur une base annuelle, au premier trimestre de l'année N+1 (et non sur événements, comme pour les autres aléas).

En réalité, il existe plusieurs critères météorologiques, en fonction des saisons ; à un critère annuel, analysé sur douze mois, se superposent en effet un critère estival et un critère intermédiaire, introduits respectivement en 2003 et en 2011 par l'administration, pour caractériser les phénomènes intenses sur une courte période en été et au printemps.

Pour de nombreuses associations de sinistrés et d'élus, les critères relatifs à la sécheresse sont donc illisibles et incompréhensibles . Ainsi, dans sa contribution écrite, l'association des maires du Rhône et de la Métropole de Lyon a relevé que : « Les critères apparaissent peu lisibles. [Le critère météorologique] n'est pas cohérent avec celui utilisé pour mesurer la sécheresse agricole, ce qui n'est pas compréhensible pour la population » 112 ( * ) .

En parallèle, selon l'association Les oubliés de la canicule : « Les différents critères de reconnaissance météorologiques et géologiques restent très obscurs pour la majorité des sinistrés qui ne comprennent pas d'être écartés de facto malgré la présence avérée d'argile dans leur sol . [...] Des zones classées par Géorisques en non argileuses se révèlent pourtant être traversées par des veines argileuses » 113 ( * ) .

Le constat d'une complexité excessive attachée aux critères permettant d'apprécier l'intensité d'un épisode de sécheresse est visiblement partagé par l'administration , puisque la circulaire du 10 mai 2019 évoque « l'élaboration progressive d'une série de critères qui se sont accumulés au fin des années et dont la pertinence atteint ses limites [...] aujourd'hui en décalage avec les progrès les plus récents accomplis dans la connaissance de cet aléa [...] de nature très technique, devenus complexes à déchiffrer et difficiles à exposer simplement aux élus locaux et aux sinistrés ».

La circulaire du 10 mai 2019 définit donc de nouveaux critères applicables en matière de sécheresse, tout en fournissant un certain nombre d'explications quant à la méthodologie utilisée pour les obtenir et les analyser.

Les nouveaux critères sécheresse adoptés par la commission interministérielle

En 2018, la commission interministérielle a souhaité simplifier et harmoniser les critères. Les travaux engagés par les directions ministérielles membres de la commission ont débouché sur la publication de la circulaire du 10 mai 2019. Les nouveaux critères seront mis en oeuvre à partir du printemps 2019, dans le cadre de l'analyse des demandes communales relatives à l'épisode de sécheresse de l'année 2018.

La révision porte sur deux points :

- les informations techniques les plus pertinentes scientifiquement seront désormais prises en compte dans l'analyse des demandes communales, grâce à l'intégration des progrès la modélisation hydrométéorologique réalisée par Météo France. L'amélioration de cette modélisation permettra, selon la circulaire, une meilleure représentation des processus physiques régissant l'eau dans le sol ;

- pour chaque saison, le critère sera désormais le même, conformément à ce qui existe pour d'autres aléas du dispositif catnat. Concrètement, il s'agira de comparer l'état du SWI pour la saison considérée à la climatologie calculée sur une cinquantaine d'années. Un seuil unique (durée de retour, ou fréquence d'occurrence statistique du phénomène) permettra de caractériser l'intensité anormale d'un épisode de sécheresse-réhydratation des sols, fixé à 25 ans par la commission interministérielle.

Selon l'administration, ces évolutions permettront :

- d'améliorer la solidité technique des décisions prises en utilisant les connaissances scientifiques de l'aléa les plus récentes et en mobilisant les outils de modélisation hydro-climatiques de Météo-France les plus performants ;

- de mieux caractériser les épisodes de sécheresse-réhydratation des sols sur les périodes automnale et hivernale jusqu'à présent mal prises en compte ;

- de réduire fortement les délais d'instruction des demandes communales au titre de la sécheresse-réhydratation des sols. La mise en oeuvre des nouveaux critères s'appuiera en effet sur des études établies trimestriellement et plus annuellement.

Source : circulaire du 10 mai 2019.

Dans la mesure où ces critères n'ont pas encore été mis en oeuvre par la commission interministérielle, votre mission d'information n'a pas été en mesure d'évaluer les effets des modifications apportées sur la lisibilité et l'acceptabilité des décisions rendues .

À titre préliminaire, ces nouveaux critères appellent cependant plusieurs remarques. En premier lieu, l'établissement du critère météorologique repose toujours sur la simulation réalisée par Météo-France , et non sur une appréciation de la situation à l'échelon local (voir infra ). Dès lors, l'application des critères se traduira toujours par des décisions difficilement acceptables pour les sinistrés.

Par ailleurs, la fixation d'une durée de retour de 25 ans demeure très arbitraire , la circulaire se contentant de préciser que « l'autorité administrative considère que l'intensité d'un épisode de sécheresse est anormale dès lors que l'indicateur d'humidité des sols présente une durée de retour supérieure ou égale à 25 ans », sans fournir d'autre explication. En tout état de cause, le changement climatique ne sera pas davantage pris en compte dans la nouvelle méthodologie ; plus le nombre d'épisodes de sécheresse augmentera, moins les communes bénéficieront d'une reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.

Enfin, dans la mesure où les épisodes de sécheresse peuvent se situer à cheval sur plusieurs saisons, votre rapporteure s'interroge sur les potentiels effets restrictifs, en termes de reconnaissance, du nouveau découpage par saison .

Votre rapporteure prend donc acte des modifications apportées, mais tient à rappeler qu'au-delà des efforts de simplification, la priorité demeure de mieux communiquer sur les critères en vigueur. Comme l'a relevé Mme Ghislaine Verrhiest-Leblanc, membre du conseil d'administration de l'AFPCN : « Les critères précis ne sont peu ou pas connus et une communication sur ce point est à développer » 114 ( * ) . Ainsi, des efforts de formation et d'information à destination des particuliers paraissent indispensables.

Proposition : Mettre en place une information claire et intelligible à destination des particuliers sur les critères et les seuils d'intervention.

(b) Un critère géotechnique perfectible

Lors de ses auditions, votre mission d'information a pu constater que le critère géotechnique faisait l'objet de nombreuses remises en cause de la part des associations de sinistrés mais aussi des experts.

Ces critiques visent en premier lieu la pertinence de ce critère pour apprécier l'exposition au phénomène de retrait-gonflement des argiles. Ainsi, l'association des maires du Rhône a-t-elle souligné, dans sa contribution écrite que : « Le critère géologique apparaît quant à lui inutile , du moins dans le Rhône. La quasi-totalité des communes (45 sur 46) remplissent le critère de 3 % du territoire concerné ; la 46 e étant susceptible d'être intégrée quand même. Le critère n'est donc pas discriminant » 115 ( * ) .

En parallèle, ce critère serait peu adapté, car variant selon la taille de la commune . Toujours selon l'association des maires du Rhône : « plus une commune est étendue, moins elle aurait de probabilité d'atteindre le seuil de 3 % de son territoire, alors qu'elle pourrait avoir sur ce territoire une superficie concernée plus étendue qu'une commune voisine qui aurait un territoire moins vaste » 116 ( * ) .

À ces réserves quant à la méthodologie pour définir un sol argileux s'ajoute une remise en cause récurrente de l'exactitude de la cartographie réalisée par le BRGM, qui se fonde sur la nature des sols, et non sur une analyse des argiles. Dans sa contribution, l'association Les oubliés de la canicule relève qu'ainsi : « Des zones classées par Géorisques en non argileuses se révèlent pourtant être traversées par des veines argileuses ».

Par ailleurs, lors de son audition, l`OMH du Grand Nancy a souligné que : « La carte du BRGM de 1950 est très inexacte. L'aléa était identifié comme négligeable, alors qu'il était de moyen à fort en réalité. Par ailleurs, des sondages diligentés par l'OMH ont montré qu'il y avait des poches mal identifiées ».

Votre rapporteure estime donc qu'une révision de la carte du BRGM s'impose, tandis que la réalisation d'études géotechniques ponctuelles devrait être encouragée, de manière à promouvoir une approche plus fine de ces risques.

(c) Un critère météorologique largement incompris par les sinistrés, à l'origine d'un vif sentiment d'injustice

Si les deux critères applicables en matière de sécheresse font l'objet de critiques récurrentes, ces dernières se concentrent cependant principalement sur le critère météorologique , les sinistrés estimant que la méthodologie utilisée pour calculer ce critère ne permet pas de rendre compte de la réalité du terrain .

Méthodologie pour calculer le critère météorologique

Pour mesurer le critère météorologique, Météo France utilise un modèle hydrométéorologique, le modèle SIM (Safran Isba-Modcou) qui représente le bilan hydrique des sols superficiels à partir des données météorologiques recueillies par son réseau d'observation : températures de l'air, niveaux de précipitation, niveaux de rayonnement, vents, etc. Le modèle utilisé permet ainsi de représenter les échanges entre le sol et l'atmosphère et prend en compte l'évapotranspiration (évaporation des eaux et transpiration des végétaux), l'infiltration, le ruissellement, le drainage et les débits des cours d'eau.

C'est sur la base des résultats du modèle hydrométéorologique, que Météo-France détermine l'indice d'humidité des sols superficiels, le SWI. Si l'indice est proche de 1, le sol est considéré comme très humide. À l'inverse, une valeur de l'indice proche de 0 révèle un sol très sec.

Les indices d'humidité des sols superficiels sont établis par maille géographique . Une maille recouvre une zone de 64 km 2 , soit un carré de 8 km de côté. Le territoire de France métropolitaine est ainsi couvert par 8 981 mailles géographiques, qui sont numérotées et recouvrent tout ou partie d'une commune. À chaque maille correspond un indice d'humidité des sols différent.

L'indice d'humidité des sols superficiels est établi de manière journalière pour chacune des 8 981 mailles géographiques couvrant le territoire. Pour établir l'indicateur d'humidité des sols superficiels d'un mois donné, Météo-France s'appuie sur la moyenne des indices d'humidité des sols superficiels journaliers traités par le modèle hydrométéorologique au cours de ce mois et des deux précédents. Ainsi l'indicateur d'humidité des sols superficiels du mois de juillet est établi en s'appuyant sur la moyenne des indices journaliers d'humidité des sols superficiels des mois de mai, juin et juillet. Cette méthode permet de tenir compte de la cinétique lente des phénomènes de sécheresse géotechnique qui se manifestent sur plusieurs mois.

Source : circulaire du 10 mai 2019.

Ainsi, dans la mesure où il est calculé par le biais d'une modélisation et non mesuré sur le terrain , le critère météorologique fait l'objet de nombreuses remises en question.

En premier lieu, le maillage réalisé par Météo-France, de 64 km², serait bien trop large pour restituer une image fidèle des conditions météorologiques locales. En effet, sur une même maille, certains territoires peuvent subir une sécheresse plus importante du fait de l'absence de perméabilité de certains sols selon leur situation géographique (les parcelles situées sur des côtes ou en hauteur sont moins irriguées). Ainsi, selon l'association Les oubliés de la canicule : « Il n'y a aucun lien entre les modèles statistiques (modèle SIM) et la réalité du terrain » 117 ( * ) .

Reposant sur un découpage administratif arbitraire, ce maillage serait, en outre, à l'origine d'inégalités de traitement difficilement justifiables .

Mailles couvrant la commune de Loches

Source : circulaire du 10 mai 2019.

À titre d'exemple, une commune étant reconnue en état de catastrophe naturelle dès lors qu'une partie seulement de son territoire est touchée par un épisode de sécheresse, si seule la maille 4390 remplit le critère météorologique, la commune de Loches sera reconnue, mais pas la commune limitrophe de Beaulieu-les-Loches, rattachée aux mailles 4391 et 4507.

Effectivement, à de nombreuses reprises, votre rapporteure a pu constater que des communes voisines, ayant subi des dommages comparables mais situées sur des mailles différentes, n'étaient pas prises en charge de la même manière, l'une étant reconnue en état de catastrophe naturelle et l'autre non. Cette discrimination entre des territoires voisins mais rattachés à des circonscriptions administratives différentes semble inévitable tant que les demandes et décisions de reconnaissance s'effectuent au niveau communal.

Ces décisions n'en demeurent pas moins difficilement compréhensibles et acceptables, dans la mesure où elles paraissent déconnectées du terrain et du vécu des sinistrés 118 ( * ) .

Le faible taux de reconnaissance pour les demandes relatives à un épisode de sécheresse engendre une incompréhension très vive et largement répandue quant à l'application du critère météorologique. Ainsi, entre 2012 et 2018, le taux de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle se situe autour de 52,5 %, quand il atteint 81,4 % pour les inondations et 75,3 % pour les mouvements de terrain.

Taux de reconnaissance des demandes communales
par année et par aléa* depuis 2012

Sécheresse

Inondations**

Mouvements de terrain

Demandes

Reconnues

Taux R

Demandes

Reconnues

Taux R

Demandes

Reconnues

Taux R

2012

3 155

2 227

70,6 %

4 698

3 914

83,3%

245

166

67,8%

2013

2 419

954

39,4%

676

568

84,0%

92

66

71,7%

2014

1 987

188

9,5%

3 450

2 885

83,6%

169

115

68,0%

2015

1 292

729

56,4%

1 614

1 325

82,1%

61

45

73,8%

2016

516

70

13,6%

2 864

2 332

81,4%

169

135

79,9%

2017

1 534

718

46,8%

2 103

1 538

73,1%

222

193

86,9%

2018

2 583

2 199

85,1%

1 043

830

79,6%

53

41

77,4%

Total

13486

7085

52,5 %

16448

13392

81,4 %

1011

761

75,3%

* uniquement pour les aléas sécheresse, inondations et mouvements de terrain, qui comptabilisent 98 % des demandes de reconnaissance

** Inondations et coulées de boue, remontées de nappe phréatique et submersions marines

Source : mission d'information.

En pratique, ces statistiques démontrent que de nombreuses communes estiment pouvoir faire l'objet d'une reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, alors que dans les faits elles ne remplissent pas les critères établis.

Vécue comme une profonde injustice, cette situation est interprétée par de nombreux sinistrés comme la preuve que l'administration cherche à limiter les reconnaissances de catastrophes naturelles, pour des raisons financières. Selon l'association Les oubliés de la canicule : « Les critères à respecter dans le bilan hydrique sont beaucoup trop restrictifs, d'où le sentiment qu'ils servent plus à évincer un maximum de personnes pour éviter un trop grand nombre de reconnaissances de catastrophe naturelle » 119 ( * ) .

Votre rapporteure déplore que les critères demeurent largement incompréhensibles pour les sinistrés et se traduisent par un taux de rejet très élevé des demandes communales de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.

In fine , au regard des problématiques spécifiques qui entourent la caractérisation du phénomène de retrait-gonflement des argiles, ainsi que l'indemnisation des dommages qui en résultent, votre rapporteure s'interroge sur l'opportunité de créer à terme un régime ad hoc pour la sécheresse , permettant de s'affranchir du cadre juridique en vigueur pour les catastrophes naturelles (procédure, critères, seuils) tout en garantissant une prise en charge adéquate.

(d) Un refus du juge administratif de contrôler les critères en raison de leur complexité

À l'incompréhension de ces critères s'ajoute l'impossibilité d'en contester la pertinence devant le juge administratif .

En effet, étant donné la complexité des critères établis, le juge administratif refuse de se prononcer sur le fonds des dossiers de reconnaissance - c'est-à-dire sur les éléments d'appréciation dont a bénéficié le ministre avant de rendre sa décision - en cas de recours contentieux contre un arrêté interministériel. Le juge se contente ainsi de contrôler le respect de la procédure et de la composition de la commission interministérielle, ainsi que la conformité de l'appréciation retenue par le ministère aux données météorologiques qui lui sont fournies.

Les communes ne sont donc pas en mesure d'exiger que de nouveaux éléments soient portés à la connaissance du ministre avant qu'il ne rende sa décision.

Par conséquent, selon Me Jean Merlet-Bonnan, avocat associé du cabinet Exème Action : « Les recours contre les arrêtés interministériels refusant de reconnaître les catastrophes naturelles existent, mais les communes baissent les bras en se disant que la jurisprudence leur sera défavorable quoiqu'il arrive, en tout cas en l'absence d'éléments techniques supplémentaires ou d'expertises judiciaires » 120 ( * ) . Il a effectivement été indiqué à votre mission d'information que les rares recours conclusifs contre les arrêtés de non-reconnaissance ne portent que sur des vices de forme, qui ne remettent pas in fine en cause le sens des décisions prises.

Dans ce contexte, les associations de sinistrés entendues par votre mission d'information plaident pour que la décision de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle se fonde également sur une étude du terrain 121 ( * ) . Ainsi, selon l'association Les oubliés de la canicule : « L'étude de sol paraît plus pertinente que de se baser sur les critères de bilan hydrique » 122 ( * ) .

S'il semble peu réaliste de préconiser la réalisation d'une telle étude pour chaque commune sinistrée, il serait envisageable d'offrir aux communes dont la demande de reconnaissance a été rejetée, la possibilité de faire appel, à leurs frais, à une contre-expertise normalisée sur le terrain, en s'inspirant du dispositif existant pour le régime des calamités agricoles.

Les documents d'expertise ainsi établis pourraient être transmis, via l'application iCatNat, par les communes à la commission interministérielle, afin que leur dossier soit réexaminé.

Votre rapporteure estime qu'en tout état de cause, la mise en place de cette « clause d'appel » contribuerait à une meilleure prise en compte des réalités locales et renforcerait l'acceptabilité des décisions de reconnaissance ou de non-reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.

Proposition : instaurer une clause d'appel permettant aux communes dont la demande de reconnaissance a été rejetée de faire réaliser une expertise de terrain.

b) Une procédure opaque, qui affaiblit l'acceptabilité des décisions

Les citoyens ne comprennent pas toujours comment sont prises les décisions, ce d'autant que la procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle ne fait l'objet d'aucun encadrement législatif ou réglementaire .

En effet, la loi de 1982 se borne à préciser qu'une fois l'arrêté interministériel signé, la décision doit être « notifiée à chaque commune concernée par le représentant de l'État dans le département, assortie d'une motivation. L'arrêté doit être publié au Journal officiel dans un délai de trois mois à compter du dépôt des demandes à la préfecture. De manière exceptionnelle, si la durée des enquêtes diligentées par le représentant de l'État dans le département est supérieure à deux mois, l'arrêté est publié au plus tard deux mois après la réception du dossier par le ministre chargé de la sécurité civile » 123 ( * ) .

La procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle relève donc exclusivement des différentes circulaires émises par le ministère de l'Intérieur.

(1) Une composition de la commission interministérielle problématique

La commission interministérielle a été créée par la circulaire du 27 mars 1984, au terme de laquelle « le Ministre de l'Intérieur et de la décentralisation saisit la Commission interministérielle chargée d'émettre un avis sur le caractère de catastrophe naturelle ». Cette même circulaire définit sa composition.

Composition de la commission interministérielle CatNat

Au terme de la circulaire n° 84-90 du 27 mars 1984 relative à l'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles, la commission interministérielle est composée de :

- un représentant du ministère de l'intérieur - direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises ;

- un représentant du ministère de l'outre-mer - direction générale de l'outre-mer (si un territoire ultra-marin est concerné) ;

- un représentant du ministère de l'économie et des finances - direction générale du trésor ;

- un représentant du ministère de l'action et des comptes publics - direction du budget ;

- un représentant de la Caisse centrale de réassurance (CCR) ;

- des experts désignés par le ministère de la transition écologique et solidaire, spécialisés en fonction des phénomènes étudiés en commission.

Votre mission d'information regrette, en premier lieu, que les organismes susceptibles de défendre un point de vue « financier » - direction du Trésor, direction du Budget, CCR - représentent à eux seuls 50 % des membres de la commission .

Sans aller jusqu'à supposer que les décisions de reconnaissance ou de non-reconnaissance sont gouvernées par des motivations financières, la surreprésentation de ces organismes est incontestablement problématique au regard de la théorie des apparences , les sinistrés pouvant être amenés à douter du caractère objectif des décisions rendues.

De surcroît, la présence de membres de la Caisse centrale de réassurance ne manque pas d'interpeller les associations de sinistrés et les juristes , qui s'interrogent sur le rôle exact joué par cet organisme.

Selon les informations communiquées à votre mission d'information, la CCR apporte une expertise en matière d'assurance, sans donner son avis sur les demandes étudiées . Si tel est le cas, rien ne semble justifier la présence de la CCR au sein d'une commission chargée de rendre un avis technique sur le caractère anormal ou non d'un événement naturel.

Dans la mesure où la présence de la CCR sème le doute quant à l'impartialité de la commission interministérielle , sans que le caractère indispensable de sa participation ait été démontré, il serait préférable que la CCR s'abstienne de siéger au sein de la commission.

En parallèle, votre mission d'information relève que le ministère de la transition écologique et solidaire n'est pas dûment représenté au sein de la commission , puisque le rôle des experts se limite à apporter des éléments d'analyse pour éclairer les membres de la commission sur le contenu des rapports d'expertise figurant dans le dossier - ce rôle limité étant confirmé par l'absence de signature par le ministre de l'environnement des arrêtés interministériels portant reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.

Dès lors, de deux choses l'une : soit la composition de la commission vise à représenter l'ensemble des administrations qui sont parties prenantes au régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, soit elle rassemble des compétences techniques.

Dans le premier cas , rien ne justifie que le ministère de la transition écologique et solidaire ne se prononce pas sur les demandes étudiées, au même titre que les autres administrations. Cela est d'autant plus vrai dans le contexte actuel de réchauffement climatique.

Dans le second cas, seule la DGSCGC, qui a instruit les dossiers communaux et présente un avis sur le fond, ainsi que les experts techniques du ministère de la transition écologique et solidaire, semblent réellement en mesure de se prononcer sur le fond des demandes communales.

Ainsi, en tout état de cause, la composition de la commission interministérielle doit être révisée , ne serait-ce que pour renforcer l'acceptabilité des arrêtés interministériels publiés sur le fondement des avis qu'elle rend.

Votre rapporteure plaide donc pour que l'existence de la commission interministérielle soit inscrite dans la loi, et que sa composition soit renvoyée au niveau réglementaire.

L'élaboration de ce texte réglementaire pourrait être mise à profit pour revoir la composition de la commission , afin de mieux pondérer la présence d'organismes susceptibles de défendre un point de vue financier. En parallèle, la commission pourrait compter en son sein un représentant du ministère de la transition écologique et solidaire, bénéficiant des mêmes prérogatives que les autres représentants de directions ministérielles. Cette évolution du rôle du ministère compétent en matière d'environnement et de prévention permettrait en outre de compléter utilement les intérêts défendus par les autres ministères présents.

Votre rapporteure serait par ailleurs favorable à la présence d'élus locaux au sein de la commission interministérielle . Ces élus pourraient être désignés par le ministre chargé des collectivités territoriales, comme le sont les élus siégeant au sein du Comité national de gestion des risques en agriculture. Sans prendre part aux délibérations, ils assureraient un rôle d'observateurs, garantissant le respect de la procédure et l'impartialité des décisions rendues.

Proposition : inscrire dans la loi l'existence de la commission interministérielle, en revoyant sa composition pour une représentation plus équilibrée des parties prenantes.

(2) Une répartition des rôles à clarifier

Les rôles joués par les différents services de l'État, au niveau central et déconcentré, demeurent relativement opaques pour les sinistrés.

(a) À l'échelon territorial, la préfecture, simple boîte aux lettres ?

Ainsi, de nombreux administrés s'interrogent sur la compétence exacte du préfet de département lors de l'instruction de la demande communale.

Les circulaires ministérielles confient dans un premier temps aux préfets la mission de « veiller à éviter les saisines abusives de la commission pour des demandes manifestement hors du champ d'application de la loi n° 82-600 modifiée [...] afin de ne pas initier une procédure qui s'exposerait d'évidence à un refus » 124 ( * ) . Les préfets seraient donc chargés de filtrer les demandes , ce qui interpelle quant aux pouvoirs d'appréciation dont ils disposent pour écarter certaines demandes.

Une fois ce premier tri réalisé, les préfets sont chargés d'instruire les demandes communales , en demandant aux organismes d'expertise les rapports correspondant aux événements mentionnés et en vérifiant que les dossiers complets. Or, plusieurs parties prenantes s'interrogent quant à la réalité de cette première phase d'instruction , avançant que la préfecture pourrait ne jouer qu'un simple rôle de boîte aux lettres. La mention d'un « courrier de transmission » adressé à la DGSCGC dans la circulaire du 10 mai 2019 viendrait accréditer cette hypothèse.

Dans le cas d'une inondation, le rôle du préfet se limiterait ainsi à récupérer les rapports de ses services internes, un rapport géologique, un rapport local de Météo-France ainsi que le formulaire Cerfa du maire, et à transmettre ces éléments au ministère sans autre étude complémentaire.

Selon les services de l'État en Charente : « La mission de la préfecture de département (SIDPC) se limite à collecter les formulaires de demande communale de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle des communes, à en vérifier la complétude et à les transmettre à l'administration centrale de manière dématérialisée (depuis mars 2018) via l'application iCatNat pour instruction par la commission interministérielle [...] La préfecture ne dispose par conséquent d'aucune compétence sur le fond » 125 ( * ) .

En matière de sécheresse, selon Me Jean Merlet-Bonnan, avocat associé du cabinet Exème Action : « On a constaté que le préfet se contentait de transmettre le Cerfa sans autre analyse . Les seules études techniques sont effectuées au niveau national, sauf lorsque la commune demande pour la première fois la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle et n'a jamais fait l'objet d'une étude géotechnique pour déterminer si le terrain comporte des argiles pouvant donner lieu à un tel événement » 126 ( * ) .

Votre rapporteure ne remet nullement en cause l'utilité de cette instruction à l'échelon territorial, mais s'interroge sur l'impact de cette étape en termes de délais de traitement pour les demandes communales . En effet, étant donné l'urgence pour les sinistrés de pouvoir bénéficier d'une indemnisation en cas de sinistre, tout devrait être mis en oeuvre pour rationaliser autant que possible la procédure de reconnaissance .

S'il paraît judicieux de mettre à profit la proximité géographique du préfet avec les communes sinistrées pour procéder à une première instruction, encore faudrait-il que cette dernière soit significative, permettant de faire remonter au ministère de réels éléments d'appréciation quant à la nature des événements naturels subis .

Enfin, les communes n'ont pas connaissance des divers éléments et expertises versés à leur dossier. Selon l'association des maires de Meurthe-et-Moselle : « L'absence de transparence de cette procédure de reconnaissance ne permet pas de contrôler la teneur et réalité du contenu des dossiers constitués par les préfectures » 127 ( * ) . Votre rapporteure estime que cette opacité ne peut que nuire à l'acceptabilité des décisions rendues ultérieurement 128 ( * ) , et que, par conséquent, les communes devraient pouvoir bénéficier d'un accès permanent au dossier les concernant. Par ailleurs, la préfecture devrait être en mesure d'informer régulièrement les communes sur l'avancement de la procédure de reconnaissance.

Proposition : permettre aux communes de suivre, du début à la fin, l'avancement de leur demande de reconnaissance.

(b) Au niveau central, la DGSCGC, véritable décisionnaire ?

Le dossier communal est ensuite réceptionné et instruit par la DGSCGC du ministère de l'intérieur, qui vérifie que l'ensemble des rapports d'expertise demandés sont annexés aux demandes communales . La DGSCGC présente ensuite chaque demande communale en commission interministérielle et propose un avis motivé .

À ce stade, plusieurs éléments interpellent votre rapporteure . En premier lieu, selon Me Jean Merlet-Bonnan, avocat associé du cabinet Exème Action : « La demande comporte également le propre avis du ministère, alors que la commission interministérielle est saisie pour rendre un avis préalable. Encore plus surprenant, la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises, qui délivre cet avis, préside aussi la commission interministérielle. On marche quelque peu sur la tête ! » 129 ( * ) .

Par ailleurs, la circulaire de 2014 rappelle la liste des rapports d'expertise à fournir, ainsi que les données qui doivent y figurer, par type de catastrophe naturelle. Ces éléments objectifs sont destinés à rendre compte le plus précisément possible de la nature de l'événement naturel , afin que la commission interministérielle soit en mesure de se prononcer sur son caractère anormal ou non. Ainsi, selon la DGSCGC : « Les dossiers complets présentés en commission sont mis à la disposition de ses membres avant la tenue de la réunion . Ils constituent la base des échanges techniques en séance. Les rapports d'expertise sont donc des pièces indispensables au travail en commission : il n'est pas possible aux représentants des directions ministérielles de se prononcer sur l'intensité d'un phénomène naturel sans rapport d'expertise » 130 ( * ) .

Données à fournir par type d'aléas

Type de catastrophe naturelle

Rapport technique à fournir

Données à inclure dans le rapport technique

Service technique concerné

Inondations et coulées de boue (ruissellement)

Météorologique

Cumul des précipitations sur un pas de temps de 1h à 48h

Météo-France

Inondations et coulées de boue (crue ou débordement de cours d'eau)

Météorologique

Cumul de précipitations

Durée de retour et quantile décennal

Météo-France

Hydrologique

Caractéristique de la crue : débit ou cote

Durée de retour associée ou positionnement par rapport à un historique de crue + débit décennal

DREAL, DDT ou RTM

Inondations par remontée de nappe phréatique

Météorologique

Période de recharge de la nappe phréatique

Météo-France

Hydrogéologique

Origine et caractéristique du débordement (niveau piézométrique), intensité

Durée de retour associée ou positionnement par rapport à quelques références

BRGM

Inondations et chocs mécaniques liés à l'action des vagues (submersion / érosion)

Météorologique

Hydrographique / océanique

Vents

Marée

Houle

Surcote (intensité de la dépression

Météo-France

SHOM

CEREMA

Service affaires maritimes

Mouvements de terrain consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols

Météorologique

Rapport annuel sécheresse

Météo-France national

Géotechnique

Présence d'argile sur la commune

BRGM

Autre mouvement de terrain

Données préalables

Cumul mensuel des précipitations et durée de retour associée et périodes de gel sur les 6 mois précédant le mouvement de terrain

Météo-France

Météorologique

Idem avec la période précise retenue

Météo-France

Géotechnique

Origine naturelle ou non du mouvement de terrain, l'intensité anormale du phénomène à l'origine du mouvement de terrain

Si possible une estimation du volume déplacé

Évaluation de la dangerosité de la situation

BRGM

Cyclone

Météorologique

Force du vent

Vent à partir de 145 km/h en moyenne sur 10 minutes ou 215 km/h en rafales

Météo-France

Séisme

Sismologique

Magnitude sur l'échelle de Richter

Intensité macrosismique

Bureau central sismologique français (BCSF)

Source : circulaire du 23 juin 2014.

Or, selon Me Jean Merlet-Bonnan, avocat associé du cabinet Exème Action : « En fait, les informations dont nous disposons indiquent que le ministère se contente de transmettre un tableau rempli préalablement contenant, en matière de sécheresse notamment, les critères définis par la commission interministérielle, avec des indications de Météo-France [...] Aussi le rapport de Météo-France en matière de sécheresse qui est transmis à cette commission interministérielle n'est-il qu'un simple rapport de quatre à cinq pages couvrant toute la France, qui se contente de publier trois à quatre cartes où Météo-France indique les zones en état de catastrophe naturelle  » 131 ( * ) .

Dans sa contribution écrite, l'association des maires de Meurthe-et-Moselle avance également que : « cette hermétique commission ne rend pas d'avis motivé et se contente d'un tableau qui reprend exactement, pour les phénomènes de subsidence, les données de Météo France » 132 ( * ) .

Procès-verbal d'une commission interministérielle sur une demande de reconnaissance « sécheresse »

Votre rapporteure ne peut donc que s'interroger sur la nature exacte de l'examen réalisé par la commission interministérielle, et donc sur le rôle joué par cette dernière au cours de la procédure de reconnaissance : s'agit-il d'un véritable organe appelé à étudier le fond des dossiers ou d'une simple chambre d'enregistrement des avis motivés de la DGSCGC ? Par ailleurs, si la commission interministérielle procède bien elle-même à une analyse des dossiers, de quels éléments disposent-elles réellement pour rendre ses avis ? Selon les textes, la commission devrait en effet étudier un dossier complet.

Cette question se pose avec d'autant plus d'acuité que la commission consacre un temps infime à l'examen de chaque dossier . Selon Me Merlet-Bonnan : « l'on a constaté que l'avis de la commission interministérielle était rendu après une seule séance de travail d'une demi-journée, alors qu'elle est censée étudier 800 à 900 dossiers ».

Informés de cette situation, les associations de sinistrés s'interrogent bien légitimement sur le sérieux avec lequel la commission étudie leurs demandes . Ainsi selon l'association Les oubliés de la canicule : « Comment en une journée des décisions de reconnaissance CatNat peuvent être prises pour des centaines de communes ? » 133 ( * ) .

Étant donné les enjeux, tant du point de vue du montant des dommages subis que du nombre de communes concernées, l'examen des dossiers apparaît donc au mieux bien léger, au pire totalement décorrélé des réalités locales . Cette situation est d'autant moins acceptable, que dans la grande majorité des cas, les avis rendus par la commission sont suivis par les ministres.

La procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle alimente donc, en l'état actuel, un fort sentiment d'arbitraire auprès des sinistrés, qui estiment que la commission ne cherche pas réellement à connaître la réalité du terrain .

Ce sentiment est d'autant plus vif que la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle revêt une dimension très symbolique . Lors des auditions menées par votre mission d'information, plusieurs associations ont insisté sur le désarroi des sinistrés qui, confrontés à une non-reconnaissance après de longs mois d'attente, se sentent oubliés par les pouvoirs publics. Pour certains, le refus de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle est associé à une négation de leurs difficultés et du caractère dramatique de leur situation.

Ainsi, in fine , une écrasante majorité (82 %) des personnes ayant participé à la consultation en ligne considèrent que la procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle n'est pas suffisamment transparente.

Résultats de la consultation en ligne

Source : consultation en ligne organisée par la mission d'information.

Par conséquent, une clarification des éléments à disposition de la commission interministérielle lors de l'examen des dossiers serait indubitablement bienvenue . Alors que de nombreuses associations de sinistrés plaident pour une suppression pure et simple de cette commission , estimant qu'« une commission technique mise en place à l'occasion du dispositif d'alerte de l'événement (pourrait) statuer sur les critères en temps quasi réel et prononcer l'éligibilité catnat dans la journée [...] sans prendre toutes les victimes en otage d'un arrêté au processus aujourd'hui dépassé » 134 ( * ) , il importe de lever le doute quant au caractère fondé et sérieux des avis qu'elle rend .

Pour ce faire, la commission pourrait être soumise à une obligation légale de publier systématiquement sur internet, pour chaque dossier examiné, l'avis rendu ainsi que les rapports d'expertise utilisés . Cet effort de transparence paraît indispensable à l'aune des soupçons qui entachent actuellement la confiance des sinistrés dans le fonctionnement de la commission.

Proposition : imposer à la commission de publier systématiquement sur internet l'avis rendu et les rapports d'expertise utilisés.

c) Une motivation sommaire des décisions

L'article L. 125-1 du code des assurances prévoit que la décision des ministres relative à chaque commune ayant demandé la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle est « notifiée à chaque commune concernée par le représentant de l'État dans le département, assortie d'une motivation ».

Le devoir de motiver des décisions administratives constitue donc bien une obligation de nature légale qui s'impose aux représentants de l'État dans le département.

Or, dans la plupart des cas, cette motivation se révèle très sommaire, le maire n'étant destinataire que d'un courrier succinct du préfet , relevant que les critères de reconnaissance ne sont pas remplis et que par conséquent la commune n'est pas reconnue en état de catastrophe naturelle. À ce courrier sont annexés de simples extraits de rapports techniques, accompagnés d'une note explicative technique relative aux critères.

Fiche de notification des motivations transmise aux communes

Au demeurant, selon Me Jean Merlet-Bonnan : « La motivation est prévue par les textes, mais son absence n'a aucune conséquence légale » 135 ( * ) . En effet, certaines juridictions administratives considèrent qu'il n'y a pas matière à motiver les arrêtés, dans la mesure où il ne s'agit pas d'actes individuels.

Les autorités administratives semblent parfaitement conscientes de cette situation, puisque la circulaire du 10 mai 2019 apporte plusieurs correctifs destinés à « faciliter la mise en oeuvre de l'obligation de motivation » des décisions adoptées par arrêtés interministériels.

Désormais, afin de permettre aux préfets de département de remplir cette mission, la DGSCGC du ministère de l'intérieur leur transmet « le détail des motivations des décisions de reconnaissance et de non reconnaissance des demandes communales à l'occasion de la publication au Journal officiel des arrêtés interministériels précités. Cette transmission est assurée dans l'application iCatNat avec l'ensemble des informations utiles permettant d'assurer cette obligation de notification des motivations (courriers-types, détail des données techniques, etc.) ».

De surcroît, en matière de sécheresse-réhydratation des sols, la DGSCGC mettra à la disposition des services déconcentrés pour chaque demande communale :

- une fiche synthétisant les données techniques , notamment les indicateurs d'humidité des sols superficiels et les durées de retour, ayant conduit l'autorité à reconnaître ou ne pas reconnaître une commune en état de catastrophe naturelle. Elle sera accompagnée d'une fiche explicative reprenant les informations contenues dans la circulaire ;

- un extrait cartographique permettant à la commune d'identifier le rattachement de son territoire aux mailles géographiques à l'échelle desquelles les données météorologiques sont établies .

Votre rapporteure prend acte de ces évolutions, qui semblent aller dans le bon sens. Elle tient néanmoins à souligner que le premier point ne constitue pas, loin s'en faut, une véritable innovation, puisque les communes sont déjà destinataires d'une telle fiche, assortie d'une note explicative. Dans les faits, la nouvelle fiche de motivation se révèle quasiment identique à l'ancienne.

Nouvelle fiche de notification des motivations

Source : circulaire du 10 mai 2019.

Si le deuxième point semble en revanche apporter des éléments nouveaux, il reste à vérifier que l'extrait cartographique sera suffisamment lisible et compréhensible pour les communes. Votre rapporteure suivra avec attention la mise en oeuvre de ces instructions.

En tout état de cause , il semble indispensable de présenter avec plus de pédagogie les motifs de refus de reconnaissance, tant pour les sinistrés, confrontés à des situations individuelles difficiles, que pour les élus locaux, qui demeurent en première ligne pour expliquer la décision à leurs administrés .

Ainsi, selon l'association des maires du Rhône : « La pédagogie des décisions rendues doit être une priorité, en rendant accessible à tous la justification qui la fonde » 136 ( * ) . Concrètement, les motivations pourraient faire l'objet d'une publication en préfecture , de façon à améliorer le degré d'information des citoyens et la transparence des décisions. Il serait également souhaitable que les services déconcentrés soient en mesure de fournir, à la demande du maire ou des sinistrés, des éléments de contexte et des explications quant à la méthodologie suivie par la commission pour rendre la décision. Par conséquent, un effort de formation des personnels travaillant en préfecture semble nécessaire.

De surcroît, votre rapporteure estime que l'arrêté interministériel transmis à la commune devrait être accompagné de tous les rapports d'expertise ayant servi de support à la décision de reconnaissance .

Proposition : présenter avec plus de pédagogie les motifs de refus de reconnaissance, par une publication des motivations en préfecture et une meilleure formation des services déconcentrés.

d) Des délais de traitement hétérogènes

La procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle est encadrée par plusieurs délais, synthétisés dans le tableau ci-après.

Étape

Délai

Texte visé

Dépôt de la demande communale de reconnaissance

18 mois maximum à compter du début de l'événement naturel

Article L. 125-1 du code des assurances

Transmission par le préfet de département de la demande communale à la DGSCGC

1 mois maximum à compter du dépôt de la demande à la préfecture

Circulaire de 1984

Publication de l'arrêté interministériel

3 mois maximum à compter du dépôt de la demande à la préfecture et au plus tard 2 mois après la réception du dossier par le ministre de l'intérieur

Article L. 125-1 du code des assurances

Déclaration du sinistre à l'assurance

10 jours au plus tard après la publication de l'arrêté interministériel

Article A. 152-1 du code des assurances

Indemnisation du sinistré

3 mois maximum à compter de la date de remise de l'état estimatif des biens ou de la date de publication de la décision administrative constatant l'état de catastrophe naturelle

Article L. 125-1 du code des assurances

Sinistre Indemnisation

24 mois maximum

NC

Source : mission d'information.

Ainsi, en théorie, un assuré ayant été victime d'une catastrophe naturelle doit être indemnisé intégralement dans un délai maximum de 2 ans à compter de la survenue du sinistre .

(1) Des délais d'instruction trop longs, en particulier en matière de sécheresse

Aux termes de l'article L. 125-1 du code des assurances, « l'arrêté doit être publié au Journal officiel dans un délai de trois mois à compter du dépôt des demandes à la préfecture. De manière exceptionnelle, si la durée des enquêtes diligentées par le représentant de l'État dans le département est supérieure à deux mois, l'arrêté est publié au plus tard deux mois après la réception du dossier par le ministre chargé de la sécurité civile ».

La circulaire du 27 mars 1984 demande aux préfets d'adresser les dossiers de demande de reconnaissance communale au ministère de l'intérieur dans un délai d'un mois à compter de la date de début du sinistre . La circulaire souligne « le caractère impératif de ce délai », rappelant que la date de publication de l'arrêté interministériel constitue le point de départ des délais d'indemnisation.

De la même manière, la circulaire du 19 mai 1998 rappelle « qu'il importe [...] que les délais d'envoi des dossiers au ministère de l'intérieur [...] soient les plus réduits possible. Le délai d'un mois, généralement respecté, constitue une bonne mesure ».

Néanmoins, et malgré la création d'une procédure accélérée de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle en cas d'événement de nature exceptionnelle (voir supra ), les délais d'instruction des demandes communales dépassent régulièrement les délais prescrits , pour plusieurs raisons :

- la commission interministérielle CatNat ne se réunit habituellement qu'une fois par mois et doit traiter de très nombreux dossiers ;

- dans le cas de la sécheresse, les services centraux doivent attendre la publication du rapport annuel de Météo-France, au premier semestre de l'année N+1, pour vérifier que le critère météorologique a bien été rempli. La décision est ainsi souvent rendue entre 18 mois et 2 ans après l'événement.

Les associations de sinistrés et d'élus locaux ont toutes insisté sur la lenteur du processus de reconnaissance. Ainsi, selon l'association des maires du Rhône et de la Métropole de Lyon : « Les délais d'instruction apparaissent trop longs pour les habitants concernés (parfois 18 mois ou 2 ans après l'événement). Si la mise en place d'un système d'information accessible aux communes pourra peut-être permettre de gagner du temps dans la constitution des dossiers en préfecture, c'est aussi le temps d'instruction en administration centrale qui examine l'ensemble des dossiers de France et les soumet à la commission interministérielle qui peut prendre du temps » 137 ( * ) .

Les résultats de la consultation en ligne sont à cet égard particulièrement éloquents, puisque 81 % des répondants se déclarent insatisfaits - dont 54 % « très insatisfaits » - de la rapidité de la procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.

Résultats de la consultation en ligne

Source : consultation en ligne organisée par la mission d'information

Ces délais d'instruction sont d'autant plus éprouvants pour les sinistrés qu'ils ne peuvent, dans l'attente de la décision de la commission interministérielle, commencer les travaux de reconstruction . Ainsi, selon Mme Marie-Hélène Pierre, maire de l'Isle-d'Espagnac : « L'attente (entre le dépôt de la demande et l`étude du dossier au ministère de l'Intérieur) est apparue insupportable aux yeux des sinistrés qui ont vu les dégâts s'aggraver, les laissant sans pouvoir d'action, l'indemnisation par l'assurance étant conditionnée à la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle » 138 ( * ) .

Selon M. Christian Sanchidrian, délégué général de l'Union nationale des associations de lutte contre les inondations (UNALCI) : « La question des délais revient régulièrement dans les retours que nous avons eus, avec un constat inversement proportionnel à l'importance de la catastrophe : si les procédures s'enclenchent nécessairement plus rapidement dans le cadre d'un sinistre de grande ampleur, elles demeurent plus complexes et interviennent plus tardivement pour les événements de moindre envergure » 139 ( * ) .

Cette situation est d'autant plus inadmissible que, les critères d'éligibilité du régime CatNat étant très normés, la décision de reconnaissance ou non pourrait techniquement être rendue très rapidement . En effet, pour M. Roland Nussbaum, secrétaire général de l'Association française pour la prévention des catastrophes naturelles (AFPCN) : « Avec les moyens et technologies en place, il est quasiment possible de dire si le seuil d'éligibilité est atteint ou non dans les heures, voire moins, qui suivent l'événement. Une commission technique mise en place à l'occasion du dispositif d'alerte de l'événement peut statuer sur les critères en temps quasi réel et prononcer l'éligibilité cat-nat dans la journée » 140 ( * ) .

Aux yeux des sinistrés, la procédure de reconnaissance en elle-même est ainsi particulièrement lourde et complexe, surtout pour les épisodes de sécheresse 141 ( * ) . Selon l'association Les oubliés de la canicule : « Il est urgent d'alléger la procédure et de raccourcir les délais de reconnaissance CatNat sécheresse pour accélérer la mise en oeuvre des indemnisations » 142 ( * ) . En effet, force est de constater la persistance d'une différence de traitement difficilement acceptable entre les personnes sinistrées à la suite d'une inondation, qui bénéficient souvent d'une reconnaissance rapide de l'état de catastrophe naturelle, et les personnes victimes d'un épisode de sécheresse, pour lesquelles la procédure est invariablement plus longue. Si votre rapporteure se félicite de la célérité avec laquelle sont traitées les inondations, elle regrette que tous les sinistrés ne bénéficient pas du même traitement.

Selon la contribution écrite transmise par la DGSCGC, la réforme des critères appliqués par la commission interministérielle en matière de sécheresse-réhydratation des sols, initiée en 2019, « conduira à réduire fortement les délais d'instruction pour ce type d'aléa » 143 ( * ) . Votre rapporteure suivra donc avec une attention particulière l'évolution des délais de traitement en matière de sécheresse.

Votre rapporteure note également que la mise en place d'un système d'information accessible aux communes permettra de gagner du temps dans la constitution des dossiers en préfecture. Néanmoins, il semblerait que la phase la plus chronophage se situe à l'échelon central , quand l'administration examine l'ensemble des dossiers et les soumet à la commission interministérielle. Il serait donc judicieux d'identifier les étapes les plus chronophages de la procédure, afin de garantir un traitement plus rapide des dossiers.

Proposition : Accélérer le traitement des dossiers à l'échelon central.

(2) Un délai de déclaration du sinistre insuffisant

Selon l'article A. 125-1 du code des assurances, « l'assuré doit déclarer à l'assureur ou à son représentant local tout sinistre susceptible de faire jouer la garantie dès qu'il en a connaissance et au plus tard dans les dix jours suivant la publication de l'arrêté interministériel constatant l'état de catastrophe naturelle ».

Dans les faits, l'application de cette disposition se heurte à deux types de difficultés.

En premier lieu, selon l'association des maires du Rhône et de la Métropole de Lyon : « Certaines assurances refusent d'enregistrer la déclaration avant la publication de reconnaissance de catastrophe naturelle. Ce délai apparaît dès lors bien trop court et prive certains sinistrés de la possibilité de faire jouer leur assurance, après souvent de longs mois d'attente » 144 ( * ) .

Les assurés sont dès lors contraints de déclarer leur sinistre dans un laps de temps d'autant plus court , que la décision de reconnaissance leur est transmise par l'intermédiaire de la mairie. Or, selon la contribution commune de l'association des sinistrés d'Indre-et-Loire (ASSIL) et de l'association des communes en zones argileuses (ACZA) : « Les petites mairies notamment n'ont pas toujours les moyens d'informer dans les temps les sinistrés ». La brièveté de ce délai se traduit donc dans certains cas par l'impossibilité, pour certains sinistrés, de mettre en jeu leur assurance, après plusieurs mois d'attente. De fait, 85 % des personnes ayant répondu à la consultation en ligne organisée par votre mission d'information estiment que ce délai de 10 jours est insuffisant.

Résultats de la consultation en ligne

Source : consultation en ligne organisée par la mission d'information.

Il s'avère par ailleurs que, dans les cas de sécheresse, les sinistrés ont tout intérêt à attendre la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle s'ils veulent obtenir une indemnisation . En effet, selon l'ASSIL et l'ACZA : « Les assurances refusent de prendre en charge les sinistrés des communes ayant eu une reconnaissance (en 2017 par exemple) mais ayant déclaré leur sinistre les années précédentes alors même que la sécheresse de 2017 a pu les concerner [...] et que les personnes n'ayant pas déclaré du tout à leur assurance de sinistre peuvent, elles, prétendre à indemnisation » 145 ( * ) .

Paradoxalement, des personnes n'ayant déclaré aucun sinistre à leur assurance sur la période pourront bénéficier d'une prise en charge après la publication de l'arrêté interministériel.

Dans ce contexte, votre rapporteure suggère de porter le délai de déclaration du sinistre de dix jours à trente jours après la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, de manière à garantir que tous les assurés ayant droit à une indemnisation puissent réellement en bénéficier . Si, dans les faits, de nombreuses assurances acceptent les déclarations tardives, un arrêté ministériel pourrait généraliser cette pratique tout en sécurisant le dispositif.

Proposition : porter à trente jours à compter de la déclaration de l'état de catastrophe naturelle le délai de déclaration du sinistre auprès de l'assurance.

(3) Des délais d'indemnisation variables selon la situation des sinistrés

Selon l'article L. 125-2 du code des assurances, « les indemnisations résultant de cette garantie doivent être attribuées aux assurés dans un délai de trois mois à compter de la date de remise de l'état estimatif des biens endommagés ou des pertes subies, sans préjudice de dispositions contractuelles plus favorables, ou de la date de publication, lorsque celle-ci est postérieure, de la décision administrative constatant l'état de catastrophe naturelle ».

D'après les associations de sinistrés, le régime d'indemnisation est efficace quand peu de sinistrés sont concernés, et dans ce cas, l'indemnisation est généralement reçue dans un délai de quatre mois. Cependant, selon l'ASSIL et l'ACZA : « Quand il y a de nombreux sinistrés les délais ne sont plus respectés. Certains sinistrés ont pu attendre plus d'un an pour avoir leur indemnisation » 146 ( * ) .

Les résultats de la consultation en ligne organisée par votre mission d'information, qui corroborent cette analyse, sont sans équivoque : seuls 10 % des participants ont été indemnisés dans le délai réglementaire de 3 mois à compter de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, tandis que 39 % des répondants affirment avoir attendu plus d'un an.

Résultats de la consultation en ligne

Source : consultation en ligne organisée par la mission d'information.

In fine , le délai moyen entre le sinistre et son indemnisation varie entre un an et demi et deux ans et demi , sachant qu'ensuite il faut prendre en compte la période des travaux. En matière de sécheresse, le délai entre le sinistre et l'indemnisation varie entre 15 mois au mieux et jusqu'à 12 ans lors d'expertises judiciaires . Par conséquent, selon l'association Les oubliés de la canicule : « Les sinistrés de la sécheresse doivent (alors) passer l(es)'hiver(s) avec des fissures traversantes, des risques d'éboulement et des maisons invendables » 147 ( * ) .

Les retards subis dans l'indemnisation demeurent un des principaux griefs des sinistrés à l'encontre du régime CatNat 148 ( * ) , comme l'illustrent les résultats de la consultation en ligne organisée par votre mission d'information, dans laquelle 86 % des répondants se sont déclarés insatisfaits de la rapidité de l'indemnisation.

Résultats de la consultation en ligne

Source : consultation en ligne organisée par la mission d'information.

Selon M. Stéphane Pénet, directeur des assurances de dommages et de responsabilité de la FFA, ces délais plus longs peuvent être liés à plusieurs facteurs :

- l'assuré peut contester l'offre qui lui a été faite par son assureur et demander une contre-expertise, voire aller en justice, ce qui rallonge considérablement le délai d'indemnisation. Ainsi, selon M. Stéphane Pénet : « Nous respectons les droits des assurés, mais les litiges retardent le processus » 149 ( * ) . De plus, quand survient un événement de grande ampleur, les experts manquent souvent de disponibilité ;

- lorsqu'il y a de nombreux dommages sur une zone réduite, les professionnels du bâtiment ne sont parfois pas en mesure de faire face à la demande et le simple fait d'obtenir des devis peut devenir compliqué ;

- enfin, des destructions exigeant des travaux de gros oeuvre nécessitent l'intervention de plusieurs experts afin d'établir l'évaluation de la réparation.

Comme l'a reconnu M. Bertrand Labilloy, directeur général de la CCR : « Les délais moyens sont satisfaisants. Mais l'écart-type peut parfois être élevé. Il n'est pas satisfaisant, en effet, qu'une personne qui a subi un dommage en octobre 2015 n'ait toujours pas été indemnisée. Certaines situations sont kafkaïennes. À Saint-Martin, par exemple, on a parfois du mal à savoir qui est en cause et à trouver la solution au problème » 150 ( * ) . Les délais de mise en oeuvre du régime d'indemnisation doivent donc être ajustés, de manière à garantir un équilibre entre un laps de temps raisonnable pour chaque étape du processus, et une indemnisation rapide, dans l'intérêt prioritaire des sinistrés, confrontés à des situations souvent très difficiles.

2. Des élus locaux en première ligne mais souvent démunis

Confrontés pour certains à des catastrophes naturelles de très grande ampleur, les élus locaux se situent en première ligne dans la gestion de la crise, puis la procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.

Or, comme l'a résumé M. Christian Sanchidrian, délégué général de l'UNALCI : « le rôle du maire est perçu de façon ambivalente car certains sinistrés ont l'impression qu'il est à la fois juge et partie [...] Une même personne demande parfois de l'aide à la mairie, avant de l'attaquer en justice » 151 ( * ) . En effet, c'est au maire qu'il incombe de déposer une demande de reconnaissance communale puis de tenir informés les sinistrés de l'avancement de la procédure.

Partant, il arrive que la responsabilité du maire soit mise en jeu par les sinistrés eux-mêmes, en raison des choix mêmes qu'il est obligé de faire - sans aide de l'État, pour la plupart.

Dans ce contexte, l'association des maires du Rhône et de la Métropole de Lyon n'a pas manqué de rappeler que : « L'information sur les délais et les étapes restant à franchir doit être plus régulière pour le maire et les habitants concernés » 152 ( * ) .

a) Un délai de 18 mois pour décider, ou non, de déposer une demande communale

En pratique, il appartient au maire de décider de déposer, ou non, une demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pour sa commune .

Or, il a été porté à la connaissance de votre mission d'information quelques cas dans lesquels les maires ont pu esquisser des réticences à initier cette procédure , de peur de faire augmenter la sinistralité de la zone, ce qui se traduirait par une diminution de la valeur des biens immobiliers. Quand les sinistrés sont peu nombreux, le maire peut en effet subir des pressions de la part de ses administrés, lui demandant de s'abstenir de déposer une demande communale 153 ( * ) . Selon M. Christian Sanchidrian, délégué général, de l'UNALCI : « [Un] autre motif de réticence est la crainte que des manquements à la sécurité soient mis en évidence. Pour éviter ce risque, la commune préfère traiter le coût des dégâts par des arrangements à l'amiable » 154 ( * ) .

Ce choix est lourd de conséquences , pour les sinistrés, d'une part, pour le maire, d'autre part, puisqu'il s'expose à de potentiels recours administratifs, les sinistrés demeurant libres de contester devant le juge administratif la décision de refuser de déposer une demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle auprès du préfet de département.

La responsabilité du maire est d'autant plus grande que, selon l'article L. 125-1 du code des assurances, toute demande de reconnaissance doit intervenir dans un délai maximal de dix-huit mois à compter du début de l'événement naturel . Passé ce laps de temps, un maire qui saisirait le ministère de l'intérieur se verrait automatiquement refuser la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. Ses administrés pourraient alors, en théorie, se retourner contre lui pour cause de demande tardive.

Or, pour les épisodes de sécheresse en particulier, le maire n'est pas toujours conscient de la nécessité de déposer une demande , dans la mesure où certains sinistrés, ne connaissant pas le fonctionnement de la procédure de reconnaissance, ni même l'existence du phénomène de retrait-gonflement des argiles, n'alertent pas les services communaux de leur situation. L'éventuel décalage temporel entre la survenance d'un épisode de sécheresse, caractérisé par une cinétique lente, et l'apparition des premières fissures peut également être source de confusion pour les sinistrés.

Comme l'a relevé Me Jean Merlet-Bonnan, avocat associé du cabinet Exème Action : « Le sinistré qui constate un désordre sur sa maison ne sait pas toujours qu'il s'agit d'une catastrophe naturelle. Il n'a pas toujours le réflexe d'effectuer cette déclaration auprès de sa commune. Très souvent, c'est le maire lui-même qui prend les devants en publiant un article dans un bulletin municipal ou dans le journal local pour réclamer des déclarations » 155 ( * ) .

Pour être en mesure d'initier la procédure de reconnaissance dans les délais fixés, le maire doit donc veiller à la bonne information de ses administrés. Néanmoins, dans les petites communes, force est de constater que les maires ne sont pas toujours sensibilisés à ces enjeux. Selon l'association Les oubliés de la canicule : « Les maires surtout dans les petites et moyennes communes ne sont pas assez informés et ne prennent aucune initiative quant à une information auprès de leurs administrés notamment affichage sur les panneaux municipaux, visites de domiciles » 156 ( * ) .

Ce constat est partagé par la préfecture de Charente, dans sa contribution écrite : « Le niveau d'information des élus locaux en matière d'exposition aux risques naturels est insuffisant. Les élus minimisent souvent les risques du fait de l'absence d'événements récents significatifs » 157 ( * ) .

b) L'épineuse question de la datation du phénomène naturel

Les élus locaux sont confrontés à un deuxième type de difficulté dans le cadre de la procédure de reconnaissance. En effet, si le maire décide de déposer une demande communale, il doit remplir un formulaire Cerfa lui demandant de dater la survenance de l'événement naturel .

Cette datation doit être très précise , puisque la circulaire du 10 mai 2019 rappelle que « le Cerfa doit préciser les dates de début et de fin de reconnaissance complètes ( jour, mois, année ). Les dates imprécises (« année 20XX », « juin à septembre 20XX », etc.) entraînent le rejet de la demande qui ne peut être instruite » et que « les demandes communales ne doivent pas être à cheval sur deux années civiles. Dans ce cas, les communes doivent être invitées à déposer deux demandes distinctes pour chaque année civile ».

Si dans le cas d'une inondation, la datation ne soulève aucun problème spécifique, elle se révèle plus difficile à établir pour les épisodes de sécheresse . En effet, selon l'association des maires de Meurthe-et-Moselle : « Les communes éprouvent, à juste titre, de grandes difficultés pour remplir leurs demandes de reconnaissance s'agissant des phénomènes de subsidence. Contrairement à un phénomène ponctuel, à l'instar d'une inondation, il n'est pas possible de déterminer avec exactitude la date où prend place un phénomène de subsidence puisqu'il suppose une sécheresse et une réhydratation des sols. Un tel phénomène s'étale donc dans le temps sans que l'on puisse déterminer avec précision un début et une fin » 158 ( * ) . De surcroît, selon Me Jean Merlet-Bonnan, avocat associé du cabinet Exème Action : « Le maire ne reçoit pour ce faire aucune aide des services » 159 ( * ) .

La sélection d'une date de début et de fin de survenance du phénomène naturel est cependant loin d'être un choix anodin . En effet, c'est sur la base de ces dates que l'organisme d'expertise compétent des services de l'État procède à l'analyse du phénomène et identifie, recueille et exploite les données techniques nécessaires à la réalisation de son rapport technique.

Si l'événement est mal daté, les experts risquent de rejeter la demande, au motif qu'aucun phénomène d'une intensité anormale ne justifie de reconnaissance aux dates sollicitées par la commune.

Le cas échéant, la municipalité sera contrainte de déposer une nouvelle demande avec des dates de reconnaissance modifiées, s'exposant au risque de se voir opposer un refus pour cause de demande tardive - c'est-à-dire déposée plus de 18 mois après le début de l'événement naturel -, et entraînant, en tout état de cause, des retards dans les délais d'indemnisation des particuliers.

Dans ce contexte, comme l'a mis en exergue Mme Marie-Hélène Pierre, maire de l'Isle-d'Espagnac : « La question se pose de savoir quelle période retenir pour que cela fonctionne » 160 ( * ) . L'absence de consignes claires quant à la datation des événements naturels place ainsi les maires dans une situation extrêmement délicate vis-à-vis de leurs administrés. Partant, les services de l'État devraient être davantage impliqués en matière d'information et de conseil à destination des mairies. Il serait par exemple souhaitable que les communes bénéficient, au sein de chaque préfecture départementale, d'un interlocuteur unique leur fournissant assistance et conseil dans leurs démarches . En tout état de cause, les maires devraient être systématiquement destinataires de consignes claires quant au remplissage du formulaire Cerfa de demande de reconnaissance .

Proposition : Systématiser l'assistance et le conseil aux maires de communes sinistrées par les services préfectoraux.

c) La gestion de crise, pendant et après la catastrophe naturelle

En cas de catastrophe naturelle , les maires sont chargés de faire appel aux différents fonds destinés à soutenir les collectivités territoriales puis d'en gérer l'utilisation , notamment pour les équipements publics non assurables (voir supra ).

De l'avis des élus locaux rencontrés, la gestion de ces fonds soulève des difficultés d'ordre technique et juridique, en raison notamment de leur dispersion. Il en est de même concernant les mécanismes de solidarité spontanée, nécessitant un accompagnement et un encadrement pour recevoir les fonds et les utiliser. Or, bien souvent, les services communaux ne disposent pas toujours des personnels compétents pour réaliser ces diverses missions.

Au demeurant, les services communaux sont très sollicités par la gestion de l'immédiate après-crise. Ainsi selon Mme Guilaine Debras, maire de Biot : « Un gros travail de répartition des dons en numéraire a été fait au Centre communal d'action sociale (CCAS) par une commission d'attribution des aides composée du CCAS, de la Croix Rouge et du secours catholique » 161 ( * ) .

Durant la crise, la mairie de Biot a également participé à diverses initiatives, comme « l'organisation d'une banque offre-demande pour tous les dons matériels » ou encore « la mise en place d'un lieu de restauration ou de navettes pour se déplacer dans la zone inondable ».

Or, le coût des ressources humaines mobilisées pour mener à bien ces initiatives et de manière plus générale, gérer les conséquences d'une catastrophe naturelle, n'est en réalité jamais indemnisé ou compensé , quand bien même il serait conséquent. Selon Mme Guilaine Debras : « Nous estimons à 4 ETP le coût ressources humaines pour la gestion de l'inondation de 2015 » 162 ( * ) . La situation financière des communes sinistrées est souvent d'autant plus critique que le surcroît de dépenses induit par la catastrophe naturelle s'accompagne parfois d'une érosion des recettes assises sur la fiscalité directe locale. Il convient donc de prêter une attention particulière à la situation financière globale des communes après un sinistre, de manière à prendre en compte ces différents éléments.

En parallèle, les maires doivent tenir informés les sinistrés de l'avancement de l'instruction de demande communale, et les avertir quand paraît l'arrêté interministériel . Quand la commune n'a pas été reconnue en état de catastrophe naturelle, il incombe aux élus d'expliquer à leurs administrés les tenants et aboutissants de la décision ministérielle. Or, bien souvent, les maires s'avouent désemparés face aux sinistrés, ne sachant comment leur venir en aide .

Plusieurs maires, comme celui d'Ecuras, ont fait part à votre rapporteure de leur désarroi : « Demain, j'ai un de mes administrés qui reçoit un expert en bâtiment afin d'essayer d'évaluer le prix des réparations qui pourraient coûter 80 000 à 90 000 euros. Je serai présent aussi et je pense que si rien n'est fait sur cette maison, l'écartement des fissures qui s'accentuent tous les ans la rendra inhabitable et dangereuse d'ici peu. Ces personnes ne peuvent pas, et vous pouvez le comprendre, engager des travaux de cet ordre. Je ne comprends pas que nous n'ayons pas été reconnus, car le terrain chez nous est très argileux [...] ce qui engendre des phénomènes de retrait très importants en cas de manque d'eau mais aussi le contraire dès qu'il pleut » 163 ( * ) .

De manière générale, lors des déplacements réalisés sur le terrain, de nombreux maires ont fait part à votre rapporteure de l'état d'extrême solitude dans lequel il se trouvait pour faire face au sinistre et gérer ses conséquences. Dans la mesure où ils sont en première ligne, les maires doivent être davantage accompagnés dans la gestion des catastrophes naturelles . Cet accompagnement pourrait prendre plusieurs formes.

En premier lieu, votre rapporteure regrette qu'il n'y ait pas davantage de partage d'expérience entre les élus confrontés à des aléas exceptionnels . Une petite équipe de maires expérimentés dans ce domaine pourrait donc être constituée, à l'initiative des associations d'élus du territoire, afin d'épauler les maires victimes d'un sinistre. Cette « cellule de soutien » pourrait notamment orienter les maires confrontés à un refus de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, les conseiller quant à l'opportunité d'initier un recours gracieux ou contentieux, et les assister dans leurs démarches visant à obtenir divers types d'aide financière .

En parallèle, les services de l'État pourraient réaliser et diffuser, à destination des maires, un guide pratique détaillant les différentes démarches à initier dans les jours qui suivent une catastrophe naturelle, qu'elles s'agissent d'impératifs logistiques (acheminement de produits de première nécessité, opérations de relogement), administratifs (demande de reconnaissance, contacts avec la préfecture) ou humains (accompagnement psychologique des administrés).

Propositions :

- mettre en place dans chaque département une « cellule de soutien » composée d'élus locaux chargés d'accompagner les maires confrontés à des catastrophes naturelles ;

- réaliser et diffuser aux mairies un guide des démarches à effectuer dans l'après-crise.

3. Un système de franchises à renouveler
a) Une modulation des franchises légales en cas de sinistralité importante

Dans les communes non dotées d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles pour le risque faisant l'objet d'un arrêté interministériel, la franchise légale se voit appliquer un coefficient multiplicateur en fonction du nombre de constatations de l'état de catastrophe naturelle intervenues pour le même risque au cours des cinq années précédant la date de la nouvelle constatation (voir supra ).

Ce dispositif, s'il vise à renforcer le lien entre indemnisation et prévention, de façon à responsabiliser les assurés, demeure au mieux incompris, au pire vécu comme une sanction par les sinistrés, et alimente un fort sentiment d'injustice.

En effet, la logique même de ce dispositif interpelle, la modulation de la franchise ne dépendant pas de mesures de prévention que les sinistrés auraient pu prendre eux-mêmes ; elle pénalise doublement les sinistrés, puisqu'ils ne sont de toute évidence pas responsables du retard pris par les pouvoirs publics dans l'élaboration d'un plan de prévention de risques, tout en étant davantage exposés à de potentiels dommages, du fait même de l'absence de ces plans.

L'association Les oubliés de la canicule a ainsi évoqué « l'injustice d'une situation subie hors de leur possibilité d'intervention : pourquoi les sinistrés devraient-ils supporter plus de franchise de la part de leur assurance si leur commune n'a pas de PPR, qu'y peuvent-ils ? » 164 ( * ) .

Ce point de vue est largement partagé par les représentants du monde assurantiel, puisque selon M. Stéphane Pénet, directeur des assurances de dommages et de responsabilité de la FFA : « Le dispositif de pénalité de franchise [...] semble inefficace . Le sinistré ne comprend pas qu'une pénalité de franchise lui soit appliquée pour des raisons qui ne sont pas de son fait. Cela est vécu comme une sanction et pas du tout comme un acte de sensibilisation comme le voulait au départ le législateur » 165 ( * ) .

Par ailleurs, ce système de modulation semble parfaitement incompatible avec les conséquences attendues du changement climatique sur la fréquence des catastrophes naturelles, puisque les territoires les plus exposés aux événements climatiques seraient également les plus pénalisés.

Votre rapporteure demeure favorable au maintien d'une franchise légale à la charge des assurés , dans la mesure où la solidarité nationale ne doit pas conduire à une déresponsabilisation. Le système actuel n'en demeure pas moins incompréhensible pour les sinistrés, et doit être réformé.

Proposition : supprimer le dispositif de modulation des franchises en fonction de l'existence d'un plan de prévention des risques naturels (PPRN).

b) Un fonctionnement désavantageux pour les petites communes, dont le traitement est identique à celui réservé aux entreprises

Pour les biens à usage professionnel (bâtiments et véhicules terrestres à moteur), le code des assurances ne fixe qu'une franchise légale minimale, l'article A. 125-1 précisant bien que « sera appliquée la franchise prévue par le contrat, si celle-ci est supérieure » 166 ( * ) . Ainsi, un assuré victime de plusieurs catastrophes naturelles pourra voir sa franchise contractuelle augmenter proportionnellement à son exposition aux risques.

Or, ce fonctionnement est très désavantageux pour les collectivités territoriales, puisqu'aux termes de la circulaire du 27 mars 1984, les biens appartenant aux collectivités locales sont « assimilés aux biens à usage professionnel ». Selon M. Jean-Luc de Boissieu, président du conseil d'administration de la Société mutuelle d'assurance des collectivités locales (SMACL) : « Les collectivités sont traitées aujourd'hui comme des entreprises même si cette pratique ne relève d'aucun texte réglementaire » 167 ( * ) .

Dans ce contexte, plusieurs maires de petites communes sinistrées ont fait part à votre mission d'information de leurs difficultés à s'assurer après plusieurs épisodes de catastrophe naturelle , en raison de primes et de franchises contractuelles très élevées . Ainsi, selon Mme Guilaine Debras, maire de Biot, commune victime de plusieurs événements naturels, dont une inondation de très grande ampleur en 2015 : « L'année qui a suivi la catastrophe, la ville a dû relancer son marché d'assurance. L'assureur historique n'a pas souhaité postuler à nouveau. Seule une assurance s'est positionnée [et] les conditions du contrat sont sans appel : la franchise de la ville est actuellement d'un million d'euros en cas de sinistre lié à une catastrophe naturelle » 168 ( * ) .

Par ailleurs, dans la mesure où les biens appartenant aux collectivités sont assimilés aux biens à usage professionnel, le montant de la franchise légale est exprimé en pourcentage et non en valeur absolue , équivalent à 10 % des dommages matériels directs.

Pour les communes plus petites ou isolées, ce système est d'autant plus pénalisant, qu'au terme de la circulaire du 27 mars 1984, la franchise doit être « appréciée par événement et par contrat » et « s'applique, en outre, par établissement » . La circulaire précise bien que « lorsque plusieurs bâtiments d'une commune sont sinistrés, la franchise pour les locaux à usage professionnel est applicable pour chaque bâtiment ou groupe de bâtiments ». Les communes se voient donc appliquer la franchise autant de fois qu'elles ont de bâtiments sinistrés.

Le reste à charge paraît d'autant plus élevé pour les communes que les franchises qui s'appliquent dans les contrats d'assurance, par exemple dans le cas d'un incendie, demeurent souvent inférieures aux franchises légales CatNat. Ainsi, comme l'a évoqué M. Bertrand Labilloy, directeur général de la CCR : « Les différences entre le contrat de base et la garantie CatNat en termes de franchise sont également difficiles à comprendre pour les sinistrés, avec des franchises parfois inférieures quand la commune n'est pas reconnue en état de catastrophe naturelle » 169 ( * ) .

Dans la mesure où les communes sinistrées doivent également financer la réparation des voiries et autres biens non assurables, elles n'ont souvent d'autre choix que de se tourner vers l'État ou le département pour obtenir les crédits indispensables à la reconstruction , avec tous les inconvénients qu'une telle démarche entraîne en termes de délais, d'incertitude et de coût pour les finances publiques.

Au regard de ces éléments, votre rapporteure serait favorable à l'instauration d'une différence de traitement entre les collectivités territoriales en fonction de leur taille , de façon à ce que les biens des petites communes soient assimilés aux biens à usage non professionnels, et non plus aux biens à usage professionnel .

Ainsi, pour les communes dont le nombre d'habitants est inférieur à un certain seuil, la franchise légale applicable constituerait un plafond et non plus un plancher pour la franchise contractuelle, conformément au régime en vigueur pour les biens des particuliers.

De surcroît, cette franchise légale pourrait être exprimée en valeur, et non plus en pourcentage des dommages.

Proposition : plafonner en valeur les franchises contractuelles et légales applicables pour les petites communes.

c) Des restes à charge trop élevés pour les petits commerçants et artisans

La franchise pour les biens à usage professionnel est égale à 10 % des dommages matériels directs, avec un minimum de 1 140 euros, porté à 3 050 euros pour les dommages imputables à la sécheresse-réhydratation des sols.

Exprimé en pourcentage, ce montant peut représenter des sommes considérables en valeur absolue, notamment pour les entreprises qui utilisent un matériel coûteux.

Dans certains cas, le coût de la franchise, ajouté à la vétusté et au faible remboursement des pertes d'exploitation, peut être rédhibitoire pour les commerçants et petits artisans, ne leur permettant pas de relancer leur activité à l'issue d'un sinistre, comme l'a reconnu M. Bertrand Labilloy directeur général de la CCR : « Ce pourcentage peut parfois dépasser le plafond de solvabilité d'un petit commerçant ou d'un petit artisan » 170 ( * ) .

C'est également ce qu'a soutenu M. Stéphane Pénet, directeur des assurances de dommages et de responsabilité de la FFA : « En 2016, lors des grandes inondations, nous avons été confrontés à des boulangeries ou magasins totalement inondés, avec près de 200 000 ou 300 000 euros de réparations. La franchise étant de 10 %, certains petits commerçants assurés n'ont pas pu redémarrer leur activité, parce que ces 30 000 euros de franchise les ont ruinés » 171 ( * ) .

Votre rapporteure considère donc que les modalités de fixation des franchises vont directement à l'encontre de l'esprit du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, destiné à assurer la résilience des territoires.

Dès lors, votre rapporteure serait favorable à un plafonnement, en valeur, des franchises légales pour les artisans et commerçants . Une nouvelle rédaction de l'annexe I de l'article A. 125-1 du code des assurances pourrait préciser le seuil, exprimé en chiffre d'affaires pour les professionnels en-deçà duquel les biens à usage professionnel ne sont plus soumis à une franchise exprimée en pourcentage du montant des dommages subis, mais en valeur absolue.

En parallèle, et afin de garantir la soutenabilité financière du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, les assureurs pourraient se voir accorder une plus grande liberté dans la fixation des franchises applicables aux grandes entreprises.

Proposition : plafonner en valeur les franchises légales applicables pour les petits commerçants et artisans. Octroyer aux assureurs une plus grande liberté dans la détermination des franchises applicables aux grandes entreprises.

4. Des difficultés récurrentes avec les assureurs
a) Un niveau d'indemnisation variable à l'origine d'inégalités de traitement

Les associations de sinistrés entendues 172 ( * ) ont fait l'expérience de niveaux d'indemnisation très inégaux sur le territoire et se sont émues de cette iniquité de traitement 173 ( * ) .

Le niveau moyen des indemnisations versées dépend en effet de nombreuses variables : la prise en compte, ou non, de la vétusté, la déclaration des risques réalisée par l'assuré et la méthodologie utilisée pour estimer les dommages.

(1) La prise en compte de la vétusté

Le montant des indemnisations ne sera donc pas le même selon que l'assuré a souscrit, ou non, une garantie « valeur à neuf » , permettant le rachat de la vétusté moyennant une surprime .

Selon l'article L. 121-1 du code des assurances, « l'assurance relative aux biens est un contrat d'indemnité ». L'assurance doit donc respecter le principe indemnitaire selon lequel l'assuré ne doit être indemnisé que de son préjudice .

Ainsi, l'indemnité due par l'assureur est destinée à replacer l'assuré dans la situation qui aurait été la sienne si le sinistre ne s'était pas produit, sans pour autant dépasser le montant de la valeur de la chose assurée au moment du sinistre ; l'application du contrat ne doit pas permettre un enrichissement.

La prise en compte de la vétusté est librement définie dans le contrat d'assurance. La circulaire de 1984 rappelle donc que « l'application de la loi intervient dans la limite des garanties figurant à chaque contrat » et que « les dommages sont réglés en valeur d'usage ou en valeur à neuf selon que l'extension de garantie valeur à neuf aura ou non été souscrite ».

La prise en compte de la vétusté

Pour l'indemnisation des dommages aux biens immobiliers , l'assurance prend en charge le prix de reconstruction, mais la part excédant les 25 % de vétusté n'est pas indemnisée .

Les contrats d'assurance prévoient généralement un règlement de l'indemnité due pour la reconstruction du bâtiment sinistré en deux temps :

- dans un premier temps, une indemnité « immédiate » est versée, correspondant à la valeur de la reconstruction à neuf, de laquelle est déduite la vétusté du bien ;

- dans un second est versée une indemnité « différée », correspondant au versement du complément retenu au titre de la vétusté, dans un délai de deux ans à compter de la survenance du sinistre.

Ex : pour une maison dont la valeur de reconstruction est estimée à 200 000 € avec 40 % de vétusté, l'indemnité « immédiate » versée correspondra à 200 000 € x (100 % - 40 %) = 160 000 €, tandis que l'indemnité « différée » sera égale à 200 000 € x 25 % = 50 000 €, soit 170 000 € au total.

Pour l'indemnisation des dommages aux biens mobiliers, si la garantie « valeur à neuf » n'a pas été souscrite, l'assuré sera indemnisé en fonction de la « valeur d'usage », c'est-à-dire la valeur de biens identiques neufs au jour du sinistre, déduction faite de la vétusté.

Pour certains biens (électroménager par exemple), les assureurs peuvent décider de racheter la vétusté, même si aucune garantie n'a été souscrite.

Source : mission d'information.

Cependant, comme l'a relevé M. Michel Canit, maire de Saint-Sornin : « Le rachat de la vétusté avec la garantie « valeur à neuf » n'est pas forcément sur tous les contrats » 174 ( * ) alors même que la vétusté pose un problème spécifique en matière d'équipement collectif pour les collectivités ainsi que pour les particuliers.

Selon M. Antoine Quantin, directeur des réassurances et des fonds publics de la CCR : « Si l'on indemnisait sans tenir compte de la vétusté, les gens ne seraient plus incités à entretenir leur bien. On peut faire de la pédagogie, proposer la garantie remboursement à neuf, mais il paraît difficile de supprimer la référence à la vétusté » 175 ( * ) .

(2) La déclaration des risques réalisée par l'assuré

Le comportement de l'assuré peut être, parfois, directement à l'origine d'une prise en charge insuffisante. Ainsi, tout contrat d'assurance demeure établi sur la base de la déclaration de risque faite par l'assuré (travaux exécutés, usage et valeur des biens assurés, surfaces construites) permettant à l'assureur de fixer les coûts et les conditions de l'assurance. Il appartient par ailleurs à l'assuré de déclarer toute modification du risque intervenant après la souscription du contrat, afin que l'assureur puisse adapter ses conditions de garantie (construction d'une piscine ou d'une clôture par exemple).

Toute erreur ou omission lors de cette déclaration peut avoir des conséquences préjudiciables pour l'assuré . Ainsi, la prise en charge ne sera pas adaptée si la déclaration était sous-évaluée.

Votre mission d'information admet qu'il incombe en premier lieu aux particuliers de veiller à l'exactitude de leurs déclarations. Néanmoins, les assurances doivent être particulièrement attentives à l'information et la sensibilisation des assurés.

(3) Les divergences dans l'estimation des dommages

Enfin, des différences de prise en charge peuvent résulter de la méthode utilisée pour estimer le montant des indemnités à verser à l'assuré.

Comme l'a rappelé M. Stéphane Pénet, directeur des assurances de dommages et de responsabilité de la FFA : « Les assureurs doivent remettre l'assuré dans la situation dans laquelle il était avant l'événement » 176 ( * ) .

Pour les petits sinistres ne nécessitant pas obligatoirement la visite d'un expert, le montant de l'indemnisation est déterminé sur la base d'un devis communiqué à la compagnie d'assurance, que celle-ci peut accepter ou refuser de valider.

En revanche, selon M. Stéphane Pénet : « Pour les sinistres plus importants , (les assurances) mandatent un expert indépendant qui se rend sur place pour constater les dommages et émet un rapport à l'assureur. C'est sur la base de ce rapport que l'assureur propose un montant d'indemnisation à l'assuré » 177 ( * ) .

En pratique, aux termes de l'article L. 121-17 du code des assurances : « Les indemnités versées en réparation d'un dommage causé à un immeuble bâti doivent être utilisées pour la remise en état effective de cet immeuble ou pour la remise en état de son terrain d'assiette, d'une manière compatible avec l'environnement dudit immeuble . Toute clause contraire dans les contrats d'assurance est nulle d'ordre public ».

L'assurance est donc tenue de remettre en l'état l'immeuble ; cependant , plusieurs techniques de réparation peuvent être proposées par les experts d'assurance et l'assurance elle-même, pour des coûts très variables et donc des indemnités versées plus ou moins conséquentes. Selon l'association Les oubliés de la canicule : « Le niveau d'indemnisation varie en fonction de différents critères [...] et cela peut aller de 1 000 euros jusqu'au prix d'une maison selon le procédé de reprise d'oeuvre employé déterminé par l'étude de sol » 178 ( * ) .

Votre rapporteure regrette que, dans certains cas, les experts d'assurance et d'assurés ne tirent parti de cette relative liberté d'appréciation pour préconiser des prises en charge insuffisantes et inefficaces aux sinistrés 179 ( * ) . En effet, certains experts se contenteraient parfois de réaliser des études de sols limitées, de type G0 (correspondant à un simple carottage), alors que seule une étude de type G5, comprenant des conseils de construction, permet de réparer les habitations de manière durable.

En tout état de cause, les auditions menées par votre mission d'information ainsi que les déplacements réalisés sur le terrain ont mis en évidence une grande hétérogénéité quant aux prescriptions des experts d'assurance. De nombreux sinistrés ont en effet été confrontés à des expertises inadaptées, voire des pratiques clairement abusives. Dans l'Aude, à titre d'exemple, un expert d'assurance a spécifiquement prescrit à un sinistré l'intervention d'un artisan de Nîmes, alors même que le rôle de l'expert doit se borner à identifier et chiffrer les travaux nécessaires - pas de choisir les entreprises adéquates pour réaliser ces travaux.

Enfin, selon Me Gwenahel Thirel, avocat au Barreau de Rouen, certaines compagnies d'assurance continueraient à l'heure actuelle de proposer des techniques de reprise d`oeuvre dont il a été prouvé l'inefficacité, telles que :

- les réparations par agrafage des fissures , préconisées dans les années 1990 par méconnaissance, puisque les agrafes ne résistent pas aux épisodes successifs de sécheresse ;

- les reprises partielles , c'est-à-dire l'installation de micropieux longrines sur les parties sinistrées uniquement. Utilisée à partir des années 2000, cette technique crée des « points durs », générant des sinistres dits « de seconde génération » lorsque survient une nouvelle sécheresse 180 ( * ) ;

- les recours à l'injection d'un produit chimique dans le sol superficiel. Développée dans les années 2010, cette méthode fait actuellement l'objet de nombreux recours contentieux, la Cour d'appel de Bourges ayant d'ores et déjà rappelé qu'elle « ne tend qu'à stabiliser l'humidité du terrain en s'opposant aux échanges atmosphériques, dans le seul but de limiter les mouvements " retraits-gonflements ", source de désordre, (et) n'est donc pas une technique de réparation » 181 ( * ) . De la même manière, selon la Cour d'appel d'Aix en Provence : « la mise en oeuvre (de cette technique) constituerait une réponse palliative, inadaptée à l'étendue et à la gravité des dommages subis » 182 ( * ) . Cette technique ne permettrait donc finalement que de retarder les cycles d'hydratation et de déshydratation, sans offrir de réparation pérenne des habitations.

Le choix d'une technique de réparation, à la suite de dommages résultant d'une catastrophe naturelle, est d'autant plus crucial que les assureurs peuvent opposer la prescription biennale aux sinistrés qui verraient les dégâts s'aggraver.

La prescription biennale

Aux termes de l'article L. 114-1 du code des assurances : « Toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance. Toutefois, ce délai ne court :

1° En cas de réticence, omission, déclaration fausse ou inexacte sur le risque couru, que du jour où l'assureur en a eu connaissance ;

2° En cas de sinistre, que du jour où les intéressés en ont eu connaissance, s'ils prouvent qu'ils l'ont ignoré jusque-là . »

En pratique, la prescription biennale est le délai de deux ans laissé aux assurés pour réclamer à leur assurance le règlement de l'indemnité qui leur est due et, le cas échéant, dénoncer une faute dans l'exécution du contrat d'assurance (par exemple, une prise en charge inefficace à la suite d'un sinistre sécheresse, se traduisant par l'apparition de nouveaux dommages).

Or, en matière d'indemnisation des catastrophes naturelles, ce délai de deux ans semble trop restrictif notamment parce que :

- de nombreux sinistrés n'ont pas connaissance de cette règle , qui est rarement mise en exergue dans les contrats d'assurance. Pour améliorer l'information des assurés, la Cour de cassation a donc précisé que l'assureur devait intégrer dans le corps du texte des conditions générales la reproduction intégrale des articles L. 114-1 et L. 114-2 du code des assurances ;

- ce délai n'est pas interrompu par le recours à un expert d'assuré .

Au demeurant, les pratiques sont d'autant moins acceptables que, selon Me Gwenahel Thirel, avocat au Barreau de Rouen : « La jurisprudence retient que l'assureur doit une réparation pérenne et durable (et que) la réparation doit être recherchée par des travaux qui permettent un arrêt complet des désordres existants par des mesures habituelles qui doivent empêcher la survenance de désordres nouveaux ».

Or, selon les informations communiquées à votre rapporteure, les connaissances scientifiques et techniques actuelles démontrent que seule une reprise totale avec des micropieux sur l'ensemble de la mesure est en mesure de stabiliser le sol, et de garantir une réparation pérenne et durable .

Votre rapporteure considère que l'absence de règles communes quant à la prise en charge des dommages se traduit par des inégalités de traitement très préjudiciables aux sinistrés, et particulièrement aux plus vulnérables d'entre eux. Elle serait donc favorable à l'instauration d'un cadre réglementaire plus contraignant à l'égard des assurances, passant notamment par l'inscription dans le code des assurances de l'obligation de garantir une « réparation pérenne et durable de nature à permettre un arrêt complet et total des désordres existants ».

Proposition : compléter le code des assurances par un article précisant que l'assurance doit garantir une réparation pérenne et durable.

De surcroît, en cas de sécheresse, la prise en charge devrait inclure de manière obligatoire la réalisation d'une étude de sol de type G5, afin de garantir une réparation durable des habitations.

Proposition : imposer la réalisation d'une étude de sol de type G5 à l'occasion de la gestion du sinistre.

Par ailleurs, afin que les sinistrés soient en mesure d'engager la responsabilité contractuelle de leur assurance si les moyens mis en oeuvre pour assurer une réparation durable se révèlent insuffisants et que par conséquent de nouveaux désordres surviennent, votre rapporteure propose de porter à cinq ans le délai de prescription pour l'indemnisation des catastrophes naturelles.

Proposition : appliquer le délai de prescription de droit commun de cinq ans pour l'indemnisation des catastrophes naturelles.

Enfin, votre rapporteure déplore que l'absence de réglementation de la profession des experts se traduise par une telle disparité dans le traitement réservé aux sinistrés. Bien souvent, ces derniers en sont réduits à accepter les préconisations des experts, ne disposant pas des canaux d'information leur permettant de contester le diagnostic établi et redoutant, en tout état de cause, le retard considérable dans l'indemnisation de leurs dommages qu'une telle démarche engendrerait.

Au surplus, selon les informations transmises à votre mission d'information, le recours à des experts d'assurés entraînerait des difficultés supplémentaires pour les sinistrés. Selon M. Michel Canit, maire de Saint Sornin : « L'intervention d'experts d'assurés a complexifié le règlement du sinistre et a dans bien des cas été défavorable aux sinistrés eux-mêmes » 183 ( * ) .

Ainsi, votre rapporteure estime qu'une harmonisation des pratiques et des référentiels est indispensable pour résorber les inégalités de traitement sur le territoire et prémunir les sinistrés contre d'éventuelles préconisations manifestement inadaptées.

Proposition : harmoniser les pratiques et les référentiels en vigueur pour les experts d'assurance et les experts d'assurés.

b) Un périmètre des frais pris en charge à ajuster

La garantie catastrophe naturelle des contrats d'assurance habitation ne couvre que les dommages matériels causés aux biens assurés et découlant directement de l'événement. Cependant, les dommages indirects, non couverts par la garantie de base peuvent faire l'objet d'une garantie facultative, dans des conditions à négocier avec l'assurance.

Le tableau suivant récapitule les dommages et frais couverts dans le contrat d'assurance.

Dommages et frais couverts - garantie de base

Dommages et frais non couverts - garantie facultative

Dommages matériels directs aux bâtiments, au matériel et au mobilier ;

Honoraires d'architecte, de décorateur, de contrôle technique ;

Frais de démolition et de déblais des biens assurés sinistrés ;

Frais de pompage, de nettoyage et de désinfection des locaux sinistrés et toute mesure de sauvetage ;

Frais d'études géotechniques nécessaires à la remise en état des biens garantis ;

Fondations et murs de soutènement de l'habitation (en cas de sécheresse) ;

Murs de clôture, et matériel à l'extérieur si ces biens sont couverts par le contrat ;

Véhicules assurés en dommage - la seule garantie responsabilité civile obligatoire ne couvrant pas ce type de sinistre

Frais de déplacement et de relogement y compris en cas d'impossibilité d'accès à une habitation, la perte d'usage, la perte de loyers, le remboursement de la cotisation d'assurance dommages ouvrage, les pertes indirectes ;

Remboursement des honoraires d'experts d'assurés ;

Frais d'études géotechniques ou autres, exposés pour justifier ou instruire la procédure aboutissant à la constatation de l'état de catastrophe naturelle par arrêté interministériel ;

Terrains, végétaux, arbres et plantations ;

Préjudice moral ;

Source : FFA.

Au regard des auditions menées , votre rapporteure s'interroge sur l'opportunité de modifier le périmètre des frais obligatoirement couverts par la garantie CatNat.

(1) Vers une intégration des frais de relogement au sein de la garantie CatNat ?

Actuellement, la garantie des frais de relogement constitue souvent une garantie « annexe » des contrats d'assurance habitation. Si rien ne les y oblige, la plupart des assurances prennent d'ores et déjà en charge les frais de relogement , mais pour des durées très hétérogènes d'un contrat à un autre.

Votre mission d'information a pu constater que l'inclusion des frais de relogement temporaire dans le périmètre de la garantie CatNat constituait une demande forte et récurrente des assurés 184 ( * ) , largement soutenue par le secteur assurantiel.

Ainsi, la Fédération française de l'assurance (FFA) a défendu une proposition visant à faire entrer dans le régime légal d'indemnisation des catastrophes naturelles les frais de relogement des personnes sinistrées , pour une période à établir - la détermination d'une durée fixe de prise en charge permettant d'en maîtriser le coût.

En tout état de cause, selon les estimations transmises par la FFA à votre mission d'information, le coût de cette mesure demeurerait modeste, variant entre 6 millions d'euros et 10 millions d'euros par an, ce qui représente entre 0,6 % et 1 % du montant total des indemnisations versées.

Enfin, l'intégration des frais de relogement dans le périmètre de la garantie CatNat permettrait de diminuer la sollicitation du FARU par les collectivités territoriales pour reloger les sinistrés après un événement climatique, et ainsi de recentrer ce fonds sur sa mission première, à savoir l'hébergement d'urgence.

Proposition : intégrer les frais de relogement d'urgence dans le périmètre de la garantie CatNat.

(2) Le problème très spécifique des véhicules assurés aux tiers

La garantie civile obligatoire ne couvrant pas les dommages résultant de catastrophes naturelles, votre mission d'information a relevé que de nombreuses personnes demeuraient en réalité « mal assurées ».

En effet, les personnes disposant de faibles revenus tendent à économiser sur les assurances, notamment sur celle de leur véhicule. Ainsi, près de 15 % des propriétaires de voiture ne s'assureraient qu'au strict minimum, contre les dommages aux tiers, et par conséquent ne seraient pas indemnisés en cas de catastrophe naturelle, avec des conséquences parfois très lourdes : impossibilité de se déplacer, de se rendre à son lieu de travail, de conduire ses enfants à l'école, etc.

Votre rapporteure estime qu' il appartient aux assureurs de réellement jouer leur rôle de conseil , en prévenant les propriétaires qu'avec ce type d'assurance minimum, ils ne seront pas couverts contre les dommages résultant des catastrophes naturelles. À minima , cette information devrait figurer dans le corps du texte des conditions générales de la garantie responsabilité civile.

Proposition : préciser, dans le corps du texte des conditions générales de la garantie responsabilité civile, que les dommages liés aux catastrophes naturelles ne sont pas couverts.

5. Améliorer la couverture assurantielle des agriculteurs
a) Un équilibre à trouver entre l'assurance multirisques climatiques et le régime des calamités agricoles

Le régime d'indemnisation des dommages subis par les agriculteurs français repose sur deux piliers qu'il convient de ne pas rendre concurrents mais bien complémentaires.

Un régime purement assurantiel, avec une aide de l'État comme c'est le cas aux États-Unis, prendrait le risque de faire peser de nouvelles charges sur les producteurs, d'autant que les assurances sont déjà très onéreuses pour certaines productions, tout en alimentant un risque sur la soutenabilité financière du régime tant pour les assurances que pour l'État.

À l'inverse, il importe de soutenir le développement d'une logique assurantielle permettant aux agriculteurs de bénéficier d'indemnisations plus favorables, plus rapides et prenant davantage en compte les réalités de leur exploitation.

C'est un subtil équilibre entre les deux régimes qu'il convient de trouver en améliorant la couverture assurantielle sans faire disparaître le régime des calamités, notamment lors de la survenance d'événements exceptionnels.

Dès aujourd'hui, l'exclusion mécanique des agriculteurs assurés, même avec de faibles garanties, du régime des calamités agricoles est source d'injustices pour les producteurs. Une meilleure articulation entre les deux solutions doit être trouvée pour ne pas désinciter au recours à l'assurance récolte tout en ne laissant pas certains agriculteurs sans solution opérationnelle.

D'autres dispositifs permettent, en outre, d'améliorer la résilience des exploitations agricoles aux risques climatiques. C'est par exemple le cas de la dotation pour épargne de précaution (DEP), adoptée par le législateur en loi de finances pour 2019, qui incite les agriculteurs à se constituer une épargne, monétaire ou en nature, par le biais d'une déduction fiscale.

Toutefois, le taux de pénétration de ce dispositif dépend aujourd'hui de l'interprétation de la DEP au regard du règlement européen « de minimis » qui plafonne le montant total des aides octroyées à une exploitation à 15 000 € sur trois exercices fiscaux glissants, vidant ainsi considérablement la mesure de sa substance. Une négociation européenne pourrait être entamée rapidement afin de ne pas soumettre ce régime au règlement européen susmentionné. En tout état de cause, une réponse rapide de l`administration à cette interrogation juridique des agriculteurs est nécessaire dans les plus brefs délais.

b) Les ressources du FNGRA doivent être sauvegardées

Les ressources du fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) sont insuffisantes en cas de crise majeure, telle une sécheresse. Dans ces conditions, l'abondement du fonds par des crédits du budget général de l'État devient nécessaire. Cela a été le cas à hauteur de 81 millions d'euros en 2016 tandis qu'aucun abondement n'a été réalisé en 2017.

Cet équilibre financier fragile résulte d'une pratique budgétaire presque usuelle mais regrettable de prélèvement sur la trésorerie des opérateurs de l'État lors du bouclage du budget. En 2015, le FNGRA avait ainsi perdu près de 255 millions d'euros de trésorerie.

Comme l'a rappelé M. Baptiste Gatouillat, vice-président des Jeunes agriculteurs, lors d'une table ronde réunissant les différents syndicats agricoles : « la profession a particulièrement mal vécu la ponction par l'État de 250 millions d'euros sur le fonds des calamités, même si on est en train de récupérer cet argent. Cette attitude est tout bonnement scandaleuse » 185 ( * ) .

Votre rapporteure regrette que les efforts financiers réalisés par les agriculteurs pour faire face aux aléas naturels auxquels ils sont soumis aient été dévoyés pour servir au désendettement de l'État . Cette approche exclusivement budgétaire est fortement déstabilisatrice pour les agriculteurs et témoigne d'un vrai manque d'ambition pour renforcer la protection d'un secteur.

En outre, ce prélèvement a considérablement obéré la soutenabilité financière du fonds, qui repose désormais uniquement sur la volonté non garantie de l'État d'intervenir par à-coups selon les besoins en fin de gestion compte tenu d'une trésorerie proche de zéro.

Le FNGRA est avant tout le fonds d'indemnisation des calamités agricoles. Or les dépenses du fonds sont de nature à augmenter considérablement dans les années à venir, compte tenu du changement climatique.

Pour renforcer la soutenabilité du régime face à ces défis, il apparaît nécessaire de déplafonner la contribution additionnelle aux primes ou cotisations afférentes à certaines conventions d'assurance alimentant le FNGRA. L'argent des agriculteurs doit leur revenir compte tenu des risques climatiques auxquels ils sont exposés. Cela est de nature à réduire le risque d'une intervention de l'État moins importante.

Proposition : déplafonner le rendement de la contribution additionnelle aux primes ou cotisations afférentes à certaines conventions d'assurance alimentant le fonds national de gestion des risques en agriculture .

c) Une meilleure information des agriculteurs sur les modalités d'indemnisation qui leur sont proposées est indispensable

Il est indéniable que les deux systèmes de couverture des risques en agriculture sont complexes. En outre, les outils assurantiels sont très récents et nécessitent une appropriation progressive par les agriculteurs.

Comme l'a souligné M. Baptiste Gatouillat, « il y a un problème d'ordre psychologique chez les agriculteurs : ils voient l'assurance comme un investissement et s'attendent donc à pouvoir récupérer les sommes qu'ils y ont mises. C'est à nous de leur faire comprendre l'enjeu par une meilleure communication » 186 ( * ) .

Pour votre rapporteure, l'État doit aussi participer à cet effort de communication. Afin que les agriculteurs puissent être sensibilisés à la problématique générale de la gestion des risques au sein de leur exploitation, un effort en matière de formation et de communication sur ces outils est nécessaire. Cela passe par la publication de guides clairs et explicites par les chambres d'agriculture et les services préfectoraux, ainsi qu'à une meilleure sensibilisation aux risques lors de leur formation diplômante.

Proposition : renforcer la formation et l'information des agriculteurs à l'égard des risques climatiques, de l'outil assurantiel et du régime des calamités agricoles.

d) Pour une optimisation des délais d'indemnisation

Selon les services du ministère de l'agriculture, « les agriculteurs assurés en multirisques climatiques sont globalement satisfaits des délais et des montants d'indemnisation » 187 ( * ) . En tout état de cause, la célérité des procédures assurantielles apparaît plus satisfaisante que celle du régime des calamités agricoles.

Mme Cécile Muret, secrétaire nationale de la Confédération paysanne, indiquait lors de la table ronde susmentionnée : « des dossiers concernant la sécheresse de 2018 continuent d'arriver pour que les directions départementales des territoires (DDT) les défendent. Cela signifie que certaines fermes attendent 18 mois après l'aléa pour être indemnisées » 188 ( * ) .

Effectivement, la dernière réunion du comité national de gestion des risques en agriculture (CNGRA) en avril 2019 a validé la demande de déclaration de l'état de calamité agricole dans plusieurs départements pour la période de sécheresse de 2018. S'ouvre alors la période de remontée des dossiers individuels d'indemnisation qui allonge encore un peu plus les délais.

Le versement d'un acompte significatif permet, dans certains cas, d'indemniser plus rapidement les agriculteurs comme le rappelait M. Joël Limouzin, vice-président de la FNSEA : « Si je partage l'idée que le dispositif du fonds d'indemnisation est beaucoup trop lent à opérer, l'année 2018 a permis de l'accélérer : un acompte de 50 % a été versé à certains départements dès la mi-janvier, ce qui a permis aux agriculteurs d'acheter du fourrage » 189 ( * ) . Le versement anticipé de cet acompte bonifié pourrait être mobilisé plus systématiquement.

Enfin, quand le sinistre a lieu durant un pic d'activité, notamment l'été, le délai de 30 jours pour réaliser leur déclaration sur TéléCALAM peut apparaître court pour certains agriculteurs. Une appréciation plus souple de ce délai par l'administration est nécessaire pour tenir compte des contraintes particulières de chaque culture.

e) Les garanties et protections proposées aux agriculteurs doivent être améliorées

Les agriculteurs sinistrés sont confrontés à des effets de seuil massifs tant pour le régime assurantiel que pour le régime des calamités agricoles. Ces seuils sont de nature à considérablement limiter leur couverture vis-à-vis des risques climatiques.

Le premier d'entre eux concerne l'incitation à s'assurer .

Les agriculteurs souhaitant souscrire une assurance « par groupes de cultures » doivent assurer, au minimum, 70 % de la surface de l'exploitation pour les grandes cultures alors que la couverture assurantielle est moins indispensable pour certaines cultures. C'est ce que rappelait M. Jean-Louis Fenart, président de la Coordination rurale du Pas-de-Calais, lors de la table ronde organisée par votre mission : « prenez les pommes de terre de consommation : moins je produis et plus je gagne, car il vaut beaucoup mieux vendre 35 tonnes de pommes de terre à 280 euros que 45 tonnes à 50 euros. Les producteurs de betteraves pourraient en dire autant. Et pourtant, il faudrait que l'on s'assure à 70 % ».

Un autre exemple réside dans les seuils permettant l'éligibilité au régime des calamités agricoles.

D'une part, le seuil de 30 % de perte de rendement exclut, de facto , du bénéfice du régime des agriculteurs ayant subi des pertes très fortes sur une culture moins résistante à un aléa climatique que d'autres. Comme l'expliquait Mme Cécile Muret : « dans ma ferme, nous cultivons une trentaine d'espèces, dont des carottes, sur un hectare. Une perte accusée sur cette culture ne permettra pas forcément d'entrer dans les critères généraux pour bénéficier du fonds, car il faudrait atteindre le seuil de 30 % de l'ensemble de la production ».

Cette situation devient très fréquente pour la culture de fourrages valorisée par des ruminants. Il en résulte, comme le rappelait Mme Muret, que « bien souvent, les éleveurs qui achètent du fourrage pour compenser les pertes de production de fourrage se retrouvent écartés des critères de perte de production ».

D'autre part, imposer un seuil de 13 % du produit brut théorique de l'exploitation pour le montant des dommages nuit gravement aux exploitations les plus diversifiées.

Le produit brut théorique est égal à la somme des productions physiques théoriques des diverses productions de l'exploitation, valorisées aux prix figurant au barème, augmentée des aides PAC et déduction faite des indemnités d'assurance.

Ainsi, la totalité des productions étant intégrée dans le calcul, et non uniquement celles impactées par la sécheresse, certaines exploitations se voient exclues du régime alors qu'elles ont subi une perte de rendement très importante sur certaines cultures seulement. En conséquence, le régime en vient à privilégier des systèmes de production en monoculture alors même que le deuxième pilier de la PAC accompagne les agriculteurs vers plus de diversification.

Il en résulte le paradoxe que ce sont les exploitations qui permettent une meilleure résilience des agriculteurs face aux aléas climatiques mais également aux aléas de marché, à savoir les exploitants en polyculture, qui sont les plus pénalisées par le système.

Proposition : réduire les effets de seuil permettant l'entrée dans le régime des calamités agricoles en rendant éligible un agriculteur remplissant soit le critère de perte de rendement soit le critère de perte de produit brut.

Le règlement européen du 13 décembre 2017 dit « omnibus » 190 ( * ) a pourtant permis un assouplissement des seuils de déclenchement des assurances climatiques en permettant aux États-membres le souhaitant :

- de déclencher l'indemnisation dès 20 % de pertes et non plus de 30 % ;

- de permettre une subvention sur 70 % des primes d'assurance et non plus de 65 %.

Or la France n'a pas souhaité faire usage de cette souplesse jusqu'à présent.

Cet immobilisme traduit, sans doute, certaines divergences entre les syndicats agricoles. Si la FNSEA « regrette qu'il n'y ait pas eu une ambition de l'État français pour activer le règlement Omnibus dès 2018, comme les Italiens l'ont fait », la Confédération paysanne rappelle que « cette prime d'assurance est prise en charge à 70 % par le deuxième pilier de la PAC » et craint ainsi, si ce levier était activé, une réduction du budget dédié aux mesures destinées à la transition écologique qui n'avantagerait que les producteurs ayant la capacité de s'assurer.

Si le coût des contrats et le coût budgétaire pour la puissance publique risquent d'augmenter en cas de mise en oeuvre de ces nouveaux taux, la souplesse permise par le règlement omnibus permettrait incontestablement d'offrir une meilleure protection des agriculteurs contre leurs risques.

Proposition : diminuer, comme le permet le droit européen, le seuil de déclenchement à 20 % de pertes et augmenter le taux de subvention publique à la prime d'assurance du contrat socle à 70 % (au lieu de 65 %).

Enfin, les mesures prises par les agriculteurs pour limiter leur perte de production à la suite d'un sinistre sont couvertes par des garanties non subventionnées. Ce mécanisme est très peu incitatif et traduit une injustice envers les agriculteurs les plus engagés dans la sauvegarde de leur récolte en cas de sinistre. Il pourrait être envisagé de subventionner ces garanties couvrant les frais engagés par les agriculteurs à la suite d'un sinistre pour limiter les pertes de production.

Proposition : Soutenir les mesures préventives mises en oeuvre par les agriculteurs pour limiter au maximum les pertes de production après un sinistre.

f) La moyenne retenue dans les barèmes départementaux doit être adaptée au changement climatique

Si les prix figurant au barème s'appuient sur les données de l'année précédente uniquement, ce n'est pas le cas des rendements.

Pour les rendements moyens figurant dans les barèmes départementaux pour les productions végétales, les rendements du barème doivent être, aux termes de l'article D. 361-14 du code rural et de la pêche maritime, « ceux observés localement, pour la culture considérée, au cours des cinq dernières campagnes précédant celle de l'élaboration du barème, en excluant des calculs l'année de la plus forte récolte et l'année de la plus faible récolte ». C'est le système de la moyenne olympique.

Or ce système n'est pas adapté à la réalité du changement climatique qui se traduit, pour les agriculteurs, par une augmentation de la fréquence des sinistres.

En effet, la récurrence des sinistres réduit, mécaniquement, compte tenu des modalités de calcul, la moyenne départementale, et exclut de facto de l'éligibilité au régime des calamités agricoles de nombreux agriculteurs dans la mesure où le seuil de 30 % d'écart à la moyenne est plus difficilement atteignable.

Pour M. Joël Limouzin, vice-président de la FNSEA : « pour ce qui concerne les rendements de référence, la moyenne olympique concentre les difficultés. Dans l'idéal, il faudrait mettre au point un système fondé sur le potentiel agronomique d'une exploitation ; mais, pour l'heure, un tel dispositif est beaucoup trop complexe, compte tenu des aléas climatiques ».

En attendant une telle évolution qui serait la plus proche du terrain, M. Baptiste Gatouillat, vice-président des Jeunes agriculteurs, estimait que « des évolutions sont nécessaires sur les moyennes olympiques de rendement. Il faudrait notamment prendre en compte une échelle beaucoup plus grande pour apprécier les tendances climatiques ».

Cette évolution permettrait effectivement d'améliorer la résilience et la performance du régime des calamités agricoles dans un contexte de changement climatique affectant un nombre croissant d'agriculteurs.

Toutefois, cela nécessiterait, sans doute, une modification dans le cadre de la réforme de la PAC puisque c'est l'article 37 du règlement n° 1305/2013 relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) et abrogeant le règlement (CE) no 1698/2005 du Conseil qui détermine les modalités de calcul de cette moyenne olympique.

Proposition : allonger la durée permettant le calcul de la moyenne olympique pour mieux évaluer la perte de rendement théorique des agriculteurs permettant d'être éligible au régime des calamités agricoles.


* 95 Article L. 125-1 du code des assurances.

* 96 Audition du 13 février 2019.

* 97 Loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 d'orientation pour l'outre-mer.

* 98 Loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité.

* 99 Contribution écrite de l'AFPCN transmise à votre mission d'information.

* 100 Contribution écrite de la DGSCGC transmise à votre mission d'information.

* 101 Audition du 13 février 2019.

* 102 Audition du 20 février 2019.

* 103 Ibid.

* 104 Audition du 4 avril 2019.

* 105 Audition du 13 février 2019.

* 106 Audition du 4 avril 2019.

* 107 À l'exception de la circulaire du 10 mai 2019, qui concerne uniquement la sécheresse.

* 108 Article L. 123-19-1 du code de l'environnement.

* 109 Selon un contributeur ayant participé à la consultation en ligne : « Nous avons le sentiment que ce risque naturel lié à la sécheresse n'est pas pris en compte au même titre que les inondations, plus spectaculaires et médiatisées, alors que les conséquences en sont tout aussi graves. Il y a donc un fort sentiment d'abandon, voire de mépris, ressenti par les sinistrés de la sécheresse ».

* 110 Contribution écrite de l'association des maires de Meurthe et Moselle transmise à votre mission d'information.

* 111 www.georisques.gouv.fr

* 112 Contribution écrite de l'association des maires du Rhône et de la Métropole de Lyon transmise à votre mission d'information.

* 113 Contribution écrite de l'association Les oubliés de la canicule transmise à votre mission d'information.

* 114 Contribution écrite de l'AFPCN transmise à votre mission d'information.

* 115 Contribution écrite de l'association des maires du Rhône transmise à votre mission d'information.

* 116 Ibid.

* 117 Contribution écrite de l'association Les oubliés de la canicule transmise à votre mission d'information.

* 118 Comme l'a relevé une personne ayant contribué à l'espace participatif en ligne : « la sécheresse ne s'arrête pas aux frontières, tout comme les nuages radioactifs ».

* 119 Contribution écrite de l'association Les oubliés de la canicule transmise à votre mission d'information.

* 120 Audition du 20 février 2019.

* 121 Selon un contributeur ayant participé à la consultation en ligne de votre mission d'information : « Il n'est pas normal de n'avoir aucun recours. La garantie décennale passée, si l'avis de catastrophe naturelle n'est pas reconnu, vous n'avez que vos yeux pour pleurer. Aucune assurance ne prend en charge les dégâts causés par la sécheresse. Pour la plupart, une maison c'est l'achat d'une vie, en un été, on perd tout [...], les économies d'une vie, ce qui aurait dû servir de sécurité financière en cas de perte d'autonomie sur les vieux jours ».

* 122 Contribution écrite de l'association Les oubliés de la canicule transmise à votre mission d'information.

* 123 Article L. 125-1 du code des assurances.

* 124 Circulaire du 19 mai 1998

* 125 Contribution écrite de la préfecture de Charente transmise à votre mission d'information.

* 126 Audition du 13 février 2019.

* 127 Contribution écrite de l'association des maires de Meurthe-et-Moselle transmise à votre mission d'information.

* 128 Selon une contribution recueillie sur l'espace participatif mis en ligne par votre mission d'information : « La transparence administratif dans le suivi et le traitement des dossiers de déclaration des sinistres éviterait de nombreuses questions et requêtes de la part des administrés qui ont l'impression que la réponse attendue (classement ou non de leur sinistre) relève de la chance, au même titre qu'une loterie ».

* 129 Ibid.

* 130 Contribution écrite de la DGSCGC transmise à votre mission d'information.

* 131 Audition du 13 février 2019.

* 132 Contribution écrite de l'association des maires de Meurthe-et-Moselle transmise à votre mission d'information.

* 133 Contribution écrite de l'association Les oubliés de la canicule transmise à votre mission d'information.

* 134 Contribution écrite de l'association Les oubliés de la canicule transmise à votre mission d'information.

* 135 Audition du 13 février 2019.

* 136 Contribution écrite de l'association des maires du Rhône transmise à votre mission d'information.

* 137 Contribution écrite de la mairie de l'Isle-d'Espagnac transmise à votre mission d'information.

* 138 Contribution écrite de l'UNALCI transmise à votre mission d'information.

* 139 Audition du 20 février 2019.

* 140 Contribution écrite de l'AFPCN transmise à votre mission d'information.

* 141 Selon une contribution recueillie sur l'espace participatif mis en ligne par votre mission d'information : « Non seulement, nous avons des dégâts suite à la sécheresse, mais en plus c'est un parcours du combattant pour que le préjudice subi soit reconnu ».

* 142 Contribution écrite de l'association Les oubliés de la canicule transmise à votre mission d'information.

* 143 Contribution écrite de la DGSCGC transmise à votre mission d'information.

* 144 Contribution écrite de l'association des maires du Rhône transmise à votre mission d'information.

* 145 Contribution écrite commune de l'ASSIL et de l'ACZA transmise à votre mission d'information.

* 146 Ibid.

* 147 Contribution écrite de l'association Les oubliés de la canicule transmise à votre mission d'information.

* 148 Selon une contribution recueillie sur l'espace participatif mis en ligne par votre mission d'information : « Pour ma part, je vis dans une maison qui est fissurée à l'intérieur et à l'extérieur, froide, humide, avec des fenêtres et des volets qui ne ferment plus correctement, une porte d'entrée qui n'est plus sécurisée, un portail qui ne ferme plus, un carrelage qui se fissure, des plinthes qui bougent et laissent passer le froid... pendant ce temps, je paye la facture de chauffage d'une « maison courant d'air » avant que l'assurance daigne prendre en charge mon dossier... au mieux dans six mois, ce n'est pas pensable... ».

* 149 Audition du 13 février 2019.

* 150 Audition du 6 février 2019.

* 151 Audition du 20 février 2019.

* 152 Contribution écrite de l'association des maires du Rhône transmise à votre mission d'information.

* 153 Votre mission d'information note que la décision d'élaborer un PPRI relève d'une problématique très similaire. En effet, la mise en oeuvre des dispositifs d'indemnisation, et notamment le montant des franchises restant à la charge des assurés en cas de sinistre, dépend de l'existence ou non de ces plans de prévention. Pour autant, la mise en place d'un PPRI conduit à officialiser l'exposition d'une partie du territoire, donc à diminuer la valeur des biens sur ce territoire.

* 154 Contribution écrite de l'UNALCI transmise à votre mission d'information.

* 155 Audition du 13 février 2019.

* 156 Contribution écrite de l'association Les oubliés de la canicule transmise à votre mission d'information.

* 157 Contribution écrite de la préfecture de Charente transmise à votre mission d'information.

* 158 Contribution écrite de l'association des maires de Meurthe-et-Moselle transmise à votre mission d'information.

* 159 Audition du 13 février 2019.

* 160 Contribution écrite de la mairie de l'Isle-d'Espagnac transmise à votre mission d'information.

* 161 Contribution écrite de la mairie de Biot transmise à votre mission d'information.

* 162 Ibid.

* 163 Contribution écrite de la mairie d'Ecuras transmise à votre mission d'information.

* 164 Contribution écrite de l'association Les oubliés de la canicule transmise à votre mission d'information.

* 165 Audition du 13 février 2019.

* 166 « Pour les biens à usage professionnel, le montant de la franchise est égal à 10 % du montant des dommages matériels directs non assurables subis par l'assuré, par établissement et par événement, sans pouvoir être inférieur à un minimum de 1 140 euros ; sauf en ce qui concerne les dommages imputables aux mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et/ ou à la réhydratation brutale des sols, pour lesquels ce minimum est fixé à 3 050 euros. Toutefois, sera appliquée la franchise prévue par le contrat, si celle-ci est supérieure à ces montants ».

« Pour les véhicules terrestres à moteur, quel que soit leur usage, le montant de la franchise est de 380 € pour chaque véhicule endommagé. Toutefois, pour les véhicules terrestres à moteur à usage professionnel, sera appliquée la franchise prévue par le contrat, si celle-ci est supérieure ».

* 167 Contribution écrite de la SMACL transmise à votre mission d'information.

* 168 Contribution écrite de la mairie de Biot transmise à votre mission d'information.

* 169 Contribution écrite de la CCR transmise à votre mission d'information.

* 170 Audition du 6 février 2019.

* 171 Audition du 13 février 2019.

* 172 Notamment l'ASSIL.

* 173 Selon une contribution recueillie sur l'espace participatif en ligne de votre mission d'information : « Ce résultat constaté sur le terrain ne correspond visiblement pas à l'esprit de la loi qui, à l'origine, devait pourtant constituer un dispositif faisant appel à la solidarité nationale entre tous les Français ».

* 174 Contribution écrite de la mairie de Saint-Sornin transmise à votre mission d'information.

* 175 Audition du 6 février 2019.

* 176 Audition du 6 février 2019.

* 177 Ibid

* 178 Contribution écrite de l'association Les oubliés de la canicule transmise à votre mission d'information.

* 179 Selon une contribution recueillie sur l'espace participatif mis en ligne par votre mission d'information : « Même quand l'état de catastrophe naturelle est reconnu, un nouveau combat commence avec les assurances, qui indemnisent a minima en optant pour les techniques les moins coûteuses et non pérennes ».

* 180 Lors de son déplacement en Charente, votre mission d'information a pu constater les dégâts causés par les reprises partielles, en visitant deux maisons mitoyennes, dont l'une avait fait l'objet d'une reprise partielle et l'autre d'une reprise totale. Alors que l'habitation ayant bénéficié d'une reprise totale demeurait en bon état, celle pour laquelle une reprise partielle avait été effectuée présentait de nombreuses fissures récentes.

* 181 Cour d'appel de Bourges - 8 février 2007 - n° 06/00735.

* 182 Cour d'appel d'Aix-en-Provence - 15 octobre 2015 - n° 2015/320.

* 183 Contribution écrite de la mairie de Saint-Sornin transmise à votre mission d'information.

* 184 Selon un contributeur de la consultation en ligne organisée par votre mission d'information : « Une chose incompréhensible lors des catastrophes naturelles est la clause d'exclusion de la prise en charge par les assurances du relogement. Ce dernier fait partie de l'urgence afin de pouvoir faire face au traumatisme, quelque soient les revenus des sinistrés, peu de personnes sont je pense en mesure d'assumer un loyer et un prêt bancaire sur une résidence principale ».

* 185 Audition du 9 avril 2019.

* 186 Ibid.

* 187 Contribution écrite de la DGPE transmise à votre mission d'information.

* 188 Audition du 9 avril 2019.

* 189 Ibid.

* 190 Règlement (UE) 2017/2393 du parlement européen et du conseil du 13 décembre 2017 modifiant les règlements (UE) n° 1305/2013 relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), (UE) n° 1306/2013 relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune, (UE) no 1307/2013 établissant les règles relatives aux paiements directs en faveur des agriculteurs au titre des régimes de soutien relevant de la politique agricole commune, (UE) n° 1308/2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles et (UE) n° 652/2014 fixant des dispositions pour la gestion des dépenses relatives, d'une part, à la chaîne de production des denrées alimentaires, à la santé et au bien-être des animaux et, d'autre part, à la santé et au matériel de reproduction des végétaux.

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