B. UNE PARTIE DES DIFFICULTÉS S'EXPLIQUE PAR UN MANQUE DE MOYENS ET UNE ARTICULATION INSUFFISANTE AVEC L'INSTITUTION JUDICIAIRE

1. Des moyens financiers et humains des CPH parfois insuffisants
a) Des services de greffes parfois en effectifs insuffisants

Chaque conseil de prud'hommes comporte un greffe, assuré par des fonctionnaires de l'Etat et dirigé par un greffier fonctionnel ou un directeur de greffe, chargé de la gestion matérielle et financière du CPH et le cas échéant de la gestion des locaux.

Vos rapporteurs ont pu constater que les équipes des greffes sont parfois très réduites et que le bon fonctionnement de certains CPH dépend fortement d'un engagement important des fonctionnaires du greffe. Au-delà de la question même des effectifs des greffes, il apparaît que les postes vacants sont parfois pourvus avec beaucoup de retard, les CPH ne bénéficiant pas sur ce point d'un traitement plus favorable que les autres juridictions de première instance.

b) Les locaux et les moyens matériels

Vos rapporteurs ont pu constater au cours de leurs déplacements la grande diversité des conditions matérielles des conseils de prud'hommes. Si certains conseils, comme celui de Martigues, bénéficient de locaux neufs, parfois dans un bâtiment partagé avec une autre juridiction, d'autres se trouvent dans des locaux plus ou moins vétustes.

Tous les CPH ne disposent pas d'une salle d'audience permettant de rendre la justice dans les conditions de solennité qui seraient souhaitables.

Par ailleurs, les moyens informatiques mis à la disposition des CPH sont souvent présentés comme insuffisants, même s'il est apparu à vos rapporteurs que les informations relatives aux ressources mises à leur disposition n'arrivent pas toujours jusqu'aux conseillers prud'hommes.

c) L'insuffisante formation des conseillers

Si l'intérêt de la justice prud'homale réside dans la connaissance qu'ont les conseillers des réalités du monde du travail, il n'en demeure pas moins que la fonction de juge exige des connaissances juridiques. Cela est d'autant plus vrai que le droit du travail s'est complexifié depuis quelques années.

Or, si les conseillers prud'homaux salariés ont droit à six semaines d'absence par mandat au titre de la formation continue 58 ( * ) , il n'existe aujourd'hui aucune obligation. L'instauration d'une obligation de formation initiale va dans le bon sens, mais ses effets devront être mesurés à l'avenir et cette formation initiale n'aborde en tout état de cause pas le fond du droit.

d) Une interrogation sur le nombre élevé de conseillers prud'hommes

Le nombre de conseillers prud'hommes n'a pas été modifié malgré la réforme de la carte judiciaire et la baisse du contentieux. Or, les auditions menées par vos rapporteurs mettent en évidence la nécessité pour un conseiller prud'homme de traiter des dossiers de manière régulière pour développer une expérience suffisante de l'exercice de ses fonctions juridictionnelles et améliorer ses capacités de traitement des affaires.

2. Du côté de la justice professionnelle
a) Des juges départiteurs insuffisamment nombreux et peu spécialisés

Aux termes de l'article L. 1454-2 du code du travail, les juges départiteurs sont désignés parmi les juges du tribunal de grande instance « notamment en fonction de leurs aptitudes et de leurs connaissances particulières ».

Toutefois vos rapporteurs ont pu constater que le rôle de juge départiteur est souvent attribué par défaut. Le départage n'est en outre généralement qu'une des multiples fonctions exercées par les magistrats concernés, qui ne peuvent donc y consacrer qu'une part limitée de leur temps de travail et de leur énergie.

b) Des relations souvent difficiles entre conseillers prud'hommes et magistrats professionnels

Les conseillers prud'hommes et les magistrats professionnels, tant les juges départiteurs que les conseillers de cours d'appel, concourent conjointement au service public de la justice.

Or, vos rapporteurs ont pu constater au cours de leurs déplacements que les relations entre eux sont parfois difficiles ou inexistantes.

Les conseillers prud'hommes considèrent parfois, de manière erronée, que leur autonomie fait obstacle à ce qu'ils puissent échanger avec les juges professionnels et faire appel à leur expertise juridique.

À l'inverse, les juges professionnels peuvent parfois manquer de considération à l'égard des conseillers prud'hommes et renoncer à établir avec eux le même dialogue que celui qu'ils entretiennent avec leurs collègues magistrats.


* 58 Art. L. 1442-2 du code du travail.

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