III. LES CONSTATS DU GROUPE DE TRAVAIL APPELLENT DES ÉVOLUTIONS NÉCESSAIRES LA JUSTICE PRUD'HOMALE

Les propositions formulées par vos rapporteurs s'inscrivent, pour une part, dans le cadre actuel de la justice prud'homale , en cherchant à le rendre plus efficace pour les justiciables sans le remettre en cause. Certaines propositions sont plus ambitieuses, par exemple en matière de procédure avec la suppression du caractère obligatoire de la conciliation , mais elles sont également de nature expérimentale , afin de pouvoir mieux évaluer les effets de certaines réformes plus profondes, s'agissant notamment de l'organisation interne des conseils de prud'hommes ou de la place des magistrats dans la procédure prud'homale.

A. DES ÉVOLUTIONS S'INSCRIVANT DANS LE CADRE ACTUEL DE LA JUSTICE PRUD'HOMALE

1. Affirmer l'autonomie de la justice prud'homale et en confier la responsabilité au seul ministère de la justice

Si la justice prud'homale telle qu'elle fonctionne aujourd'hui connaît des limites, il n'apparaît pour autant pas souhaitable de remettre en cause son existence. En effet, il existe un consensus parmi les acteurs rencontrés par vos rapporteurs pour considérer que l'implication de juges issus du monde de l'entreprise dans le contentieux du droit du travail, représentant à la fois les salariés et les employeurs, est nécessaire et doit être maintenue.

Dans ses conclusions présentées, le 4 avril 2017, la mission d'information de la commission des lois sur le redressement de la justice 59 ( * ) a d'ailleurs « proposé, de façon pragmatique, le maintien de l'autonomie juridictionnelle » des conseils de prud'hommes et des tribunaux de commerce plutôt que leur rattachement à une juridiction unique de première instance, compte tenu de leur « forte identité juridictionnelle » et considérant que « le service de ces deux juridictions est entièrement assuré par des juges non professionnels, qui sont attachés à cette configuration, les justiciables concernés connaissent ces juridictions et leurs compétences particulières, de sorte que l'argument de la lisibilité de l'organisation judiciaire perd de sa portée ».

Si vos rapporteurs partagent cette position, estimant que la spécificité et l'autonomie de la juridiction prud'homale doivent être affirmées, elles n'ignorent pas les réflexions, évoquées lors des auditions, tendant à proposer le rattachement des CPH au pôle social des futurs tribunaux judiciaires, comme cela a pu être fait pour les tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS) et les tribunaux du contentieux de l'incapacité (TCI), dont les compétences ont été absorbées par certains TGI spécialement désignés à compter du 1 er janvier 2019.

Si un tel rattachement devait être envisagé à des fins de rationalisation de la gestion administrative, le caractère de juridiction autonome et paritaire des CPH, sous la présidence d'un conseiller prud'homal employeur ou salarié, ne devrait toutefois pas être remis en cause.

`Adopté sans aucune concertation avec les représentants de la prud'homie ou les organisations syndicales représentant les fonctionnaires de greffe, dans un projet de loi qui ne concernait pas la justice prud'homale, le rattachement des greffes des CPH à ceux des futurs tribunaux judiciaires a suscité une très forte hostilité, que vos rapporteurs ont clairement perçue lors des derniers mois de leurs travaux, de la part des fonctionnaires comme des conseillers eux-mêmes, au point de faire naître une crainte de suppression pure et simple des CPH à l'occasion du prochain renouvellement général des conseillers.

En nouvelle lecture, le Sénat avait supprimé cette disposition de mutualisation des greffes, au bénéfice de la réflexion en cours sur la situation de la justice prud'homale.

```Cette disposition ayant toutefois été promulguée, vos rapporteurs considèrent qu'il n'y a pas lieu aujourd'hui de la remettre en cause. Elles insistent néanmoins sur la nécessité de conserver un greffe dédié pour chaque CPH, d'une façon garantissant en pratique de façon effective le « bon fonctionnement du conseil », s'agissant notamment des effectifs.

Recommandation n° 1 : Affirmer la spécificité et l'autonomie de la juridiction prud'homale, dotée d'un greffe dédié, sans remise en cause du regroupement administratif des greffes du conseil de prud'hommes et du futur tribunal judiciaire.

La responsabilité ministérielle des CPH, juridictions judiciaires à part entière, est aujourd'hui partagée entre le ministère de la justice, en particulier la direction des services judiciaires (DSJ) pour la gestion des juridictions et la direction des affaires civiles (DACS) pour la définition de la procédure, et la direction générale du travail (DGT) du ministère du travail. Par exemple, les crédits destinés au financement de la formation initiale obligatoire des conseillers par l'École nationale de la magistrature (ENM) relèvent logiquement du budget du ministère de la justice, alors que les crédits destinés au financement de la formation continue facultative, délivrée par des organismes agréés relevant des organisations professionnelles et syndicales, relèvent du budget du ministère du travail.

Afin de conforter l'ancrage des conseillers prud'hommes eux-mêmes dans l'institution judiciaire, vos rapporteurs jugent nécessaire de confier au seul ministère de la justice, par cohérence, la responsabilité complète de la gestion et de l'édiction des normes concernant les CPH.

`Le processus de désignation des conseillers prud'hommes par les organisations professionnelles et syndicales est aujourd'hui partagé entre les deux ministères. Même si les conseillers sont « nommés conjointement par le garde des sceaux, ministre de la justice, et le ministre chargé du travail tous les quatre ans par conseil de prud'hommes, collège et section, sur proposition des organisations syndicales et professionnelles » 60 ( * ) , dans l'année suivant chaque cycle de mesure de l'audience syndicale et de l'audience patronale 61 ( * ) , qui permet de définir un nombre de sièges attribués à chaque organisation, ce processus de désignation est en pratique piloté par la DGT.

Il comporte des désignations initiales, dans le cadre du renouvellement général des conseillers et des désignations complémentaires, au moins une fois par an, afin de pourvoir les sièges demeurant ou devenant vacants après les désignations initiales.

Le décret 26 septembre 2018 62 ( * ) `a transféré le pilotage des désignations complémentaires a été transféré entièrement à la DSJ, de même que le contrôle de recevabilité des listes de candidats. Ainsi, si les deux ministères restent conjointement compétents pour définir le calendrier du renouvellement général, celui des désignations complémentaires relève de la seule DSJ et le contrôle de l'ensemble des candidatures appartient désormais à la chancellerie.

Vos rapporteurs jugent nécessaire d'aller plus loin et de transférer également à la DSJ, en vue du prochain renouvellement général de 2022, le pilotage de l'ensemble de ce renouvellement, la DGT se limitant à établir la répartition des sièges de conseillers prud'hommes entre les organisations, sur la base des mesures d'audience qu'elle organise.

De même, le conseil supérieur de la prud'homie devrait être rattaché auprès du seul garde des sceaux, le ministère du travail pouvant être appelé à contribuer à ses travaux en tant que de besoin. Actuellement, cet organisme consultatif est placé auprès des deux ministres.

Les crédits de la formation continue des conseillers prud'hommes devraient également être transférés à la DSJ. Selon les informations communiquées à vos rapporteurs, ils représentent de l'ordre de 45 millions d'euros pour le mandat 2018-2022 des conseillers. Il en serait de même pour la gestion des défenseurs syndicaux.

Dès lors, la seule mission du ministère du travail serait de calculer la répartition des sièges entre les organisations, les juridictions prud'homales relevant quant à elles entièrement du ministère de la justice.

Recommandation n° 2 : Confier au seul ministère de la justice la responsabilité complète de la justice prud'homale, sous réserve de la répartition des sièges entre organisations par le ministère du travail.

2. Rendre plus efficace la procédure devant les conseils de prud'hommes et créer les conditions de la conciliation
a) Réorganiser la procédure prud'homale de manière à rendre la conciliation facultative

Au vu de de la faiblesse du taux de résolution des affaires par voie de conciliation, vos rapporteurs se sont interrogées sur la réelle utilité de cette audience obligatoire de conciliation, compte tenu du coût et de la lourdeur d'une telle procédure.

Dès lors, sans ignorer le légitime attachement de principe des conseillers prud'hommes à la conciliation, laquelle fait partie de l'identité et de l'histoire de l'institution prud'homale, le groupe de travail préconise de supprimer le caractère obligatoire de la conciliation, pour en faire une option sur décision du CPH, mais formule en contrepartie plusieurs propositions en vue de renforcer la conciliation.

Ainsi, la procédure prud'homale serait repensée suivant un nouveau schéma, sans être dénaturée dans sa philosophie.

Dans un premier temps, toute affaire nouvelle -hormis les référés qui conserveraient leur procédure propre- serait examinée par un bureau d'orientation (BO), devant lequel la comparution des parties ne serait pas obligatoire, en personne comme par représentation. Le BO aurait pour mission d'orienter l'affaire, les conseillers membres ayant pu prendre connaissance du dossier en amont, grâce à des règles d'indemnisation plus adaptées, comme proposé plus loin.

Si l'affaire semble le justifier, le BO pourrait, par une mesure d'administration judiciaire, décider de l'orienter vers un bureau de conciliation (BC),. Il pourrait également décider de l'orienter vers un mode alternatif de règlement en dehors de la juridiction, s'il l'estime pertinent.

Le CPH pourrait ainsi continuer à concilier, si l'affaire le justifie à ses yeux, ou faire appel à un mode amiable extérieur, pouvant faire intervenir un médiateur inscrit auprès de la cour d'appel, des avocats ou encore un conciliateur de justice.

Il serait toujours possible aux parties de faire savoir au BO qu'elles ne souhaitent pas de conciliation, à charge pour le BO de l'apprécier.

Sinon, le BO pourrait orienter l'affaire vers un bureau de jugement (BJ), comme actuellement, en fixant le calendrier de la mise en état. Il s'agirait soit d'un BJ restreint, soit d'un BJ normal, soit un BJ présidé par un juge départiteur. Avant la tenue du BJ, un bureau de mise en état (BME) se réunirait, sans obligation de présence ou de représentation des parties, à la différence de ce qui est prévu aujourd'hui 63 ( * ) , pour s'assurer du bon déroulement de la mise en état et du respect de son calendrier.

Une telle simplification de la procédure, avec une différenciation selon les affaires, ne devrait pas conduire à un allongement des délais, mais vise à rendre la procédure plus efficace, en redonnant de la consistance à la tentative de conciliation, tout en orientant directement vers un jugement les affaires pour lesquelles la conciliation ne se justifie pas. Il s'agirait donc, selon vos rapporteurs, de tenter moins de conciliation, pour en réussir, en pratique, davantage, en les préparant et en les conduisant mieux.

Recommandation n° 3 : Rendre la conciliation facultative et mettre en place un nouveau schéma procédural dans lequel un bureau d'orientation, devant lequel la comparution des parties serait facultative, serait chargé d'orienter les affaires soit vers une médiation ou un autre mode amiable, soit vers un bureau de conciliation, soit vers un bureau de jugement, présidé le cas échéant par un magistrat professionnel.

Procédure proposée par le groupe de travail

b) Créer les conditions d'une conciliation réussie

Le bureau de conciliation ayant vocation à ne traiter que les affaires pour lesquelles une conciliation est envisageable, il serait souhaitable de rendre plus systématique la possibilité ouverte par le décret du 20 mai 2016 de prévoir l'affectation prioritaire de certains conseillers au bureau de conciliation. Ces conseillers devraient pouvoir bénéficier d'une offre de formation spécifique, qui pourrait être proposée par exemple par l'École nationale de la magistrature.

Recommandation n° 4 : Encourager la spécialisation dans chaque conseil de prud'hommes de certains conseillers dans la fonction de conciliation, en lien avec la formation spécialisée mise en place en la matière.

Recommandation n° 5 : Mettre en place une formation spécialisée par l'École nationale de la magistrature en matière de conciliation.

La dispense de comparution en personne apparaît de l'avis général comme un obstacle à la conciliation. En effet, en l'absence de leur client, les avocats ont peu tendance à accepter une offre de conciliation.

Recommandation n° 6 : Rétablir l'obligation pour les parties de comparaître personnellement lors de l'audience de conciliation.

En outre, par cohérence avec l'obligation du défendeur de motiver sa requête et de fournir des pièces 64 ( * ) , qui permet aux conseillers de prendre connaissance de l'affaire plus en détail, il serait nécessaire, afin de favoriser la tentative de conciliation sous l'égide des conseillers, de prévoir également l'obligation pour le défendeur de fournir des éléments à la juridiction 65 ( * ) .

Ainsi, avant la conciliation, un échange contradictoire aura pu avoir lieu, permettant aux conseillers de prendre connaissance des arguments des deux parties et de s'efforcer de les concilier en meilleure connaissance de cause.

Le fait que l'audience de conciliation, facultative, n'intervienne que dans un second temps laisserait davantage le temps au défendeur de préparer son dossier et de le transmettre au demandeur et au CPH.

Recommandation n° 7 : Prévoir l'obligation pour le défendeur de fournir des éléments suffisants en réponse au demandeur pour assurer le contradictoire et l'information des conseillers prud'hommes avant l'audience de conciliation.

Un des arguments fréquemment développés devant vos rapporteurs, lors des déplacements du groupe de travail, pour expliquer le faible taux de conciliation est le fait que les avocats ne seraient pas intéressés à concilier, notamment pour des questions financières. Outre qu'il n'est pas rare que les avocats des deux parties parviennent à trouver un accord transactionnel en dehors du CPH, en général après la conciliation, il semble que l'audience de conciliation, a fortiori avec une information inégale des parties, arrive trop tôt dans la procédure, les arguments n'étant pas encore suffisamment connus.

Dans le cadre du nouveau schéma procédural proposé par le groupe de travail, la phase facultative de conciliation arriverait plus tardivement, dans des conditions permettant aux parties de connaître leurs arguments.

Pour autant, il serait souhaitable que le mode de rémunération des avocats soit également de nature à favoriser la conciliation. S'il n'est pas possible d'encadrer les honoraires fixés par les avocats eux-mêmes, en revanche le barème de l'aide juridictionnelle pourrait être modifié afin que la conciliation, si elle réussit, puisse être rémunérée autant qu'une procédure prud'homale au stade du jugement, de façon à supprimer toute distorsion.

Recommandation n° 8 : Adapter le barème de l'aide juridictionnelle pour rendre la conciliation financièrement plus attractive pour les avocats.

Enfin, même si les conseillers rencontrés par le groupe de travail ont généralement exprimé leur hostilité à toute forme de règlement amiable des litiges prud'homaux en dehors du CPH, compte tenu de leur mission de conciliation, vos rapporteurs estiment nécessaire de pouvoir favoriser les modes alternatifs de règlement pour les conflits individuels du travail.

Ces modes amiables peuvent faire intervenir un médiateur inscrit auprès de la cour d'appel, des avocats ou encore un conciliateur de justice. Depuis 2016, L les conciliateurs de justice peuvent effectivement intervenir en matière de litiges du travail 66 ( * ) , mais cela reste rare en pratique, compte tenu des litiges habituels que les conciliateurs traitent aujourd'hui.

Dans la nouvelle procédure proposée par vos rapporteurs, au-delà de la faculté prévue en la matière depuis 2016, avec l'accord des parties 67 ( * ) , le bureau d'orientation, s'il le juge pertinent, devrait pouvoir renvoyer les parties vers un de ces intervenants, à condition d'en connaître la liste, ce qui suppose là encore de mieux associer les CPH à l'ensemble de l'institution judiciaire et à ses différents acteurs.

Recommandation n° 9 : Favoriser la médiation et le règlement amiable des litiges du travail.

c) Améliorer le fonctionnement des formations de jugement

Vos rapporteurs ont observé que les conseillers prud'hommes ne se sont que très marginalement saisis de la possibilité qui leur a été ouverte par la loi du 6 août 2015 ``de renvoyer les affaires directement devant une formation de jugement restreinte ou une formation de jugement présidée par un juge départiteur. Afin de réellement être en mesure de tester la pertinence d'une telle orientation, il serait utile que les parties puissent le demander elles-mêmes, a fortiori dans le nouveau schéma procédural préconisé par vos rapporteurs.

Recommandation n° 10 : En cas d'orientation vers un bureau de jugement, prévoir une orientation de droit vers un bureau de jugement restreint ou un bureau de jugement présidé par un magistrat professionnel si les parties le demandent.

Pour assurer la mise en état, les conseillers pourraient simplement s'assurer, en lien avec le greffe, a fortiori dans une procédure dématérialisée, que les parties procèdent bien aux échanges contradictoires dans les délais qui leur ont été impartis, avant de constater que l'affaire est en état d'être jugée, sans qu'il soit nécessaire de convoquer les parties en audience. Seuls les incidents ou les contestations pourraient justifier une audience de mise en état, car il y aurait matière à prendre une décision.

Ainsi simplifiée, la mise en état devant le CPH pourrait s'appliquer plus aisément. En tout état de cause, vos rapporteurs insistent sur le fait que les CPH doivent appliquer les règles de la mise en état des affaires, notamment en ayant recours lorsque c'est nécessaire aux ordonnances de clôture. Il appartient au président et au vice-président d'y veiller, dans le cadre des prérogatives renforcées que vos rapporteurs souhaitent leur confier, en matière procédurale notamment.

Recommandation n° 11 : Appliquer plus strictement les règles de la mise en état, sous l'autorité du président et du vice-président du conseil.

Vos rapporteurs ont pu constater au cours de leurs déplacements que la mise en place de conventions entre le CPH et le barreau du ressort peut permettre de prévenir un certain nombre de difficultés en rendant les procédures plus fluides et donc plus rapides. Une généralisation de ces initiatives locales serait donc un complément utile à l'application plus stricte des règles de la mise en état.

Recommandation n° 12 : Favoriser la conclusion par les conseils de prud'hommes de conventions de partenariat avec les barreaux, afin de définir des bonnes pratiques impliquant les avocats.

3. Donner à la justice prud'homale les moyens de remplir sa mission au service des justiciables

Comme la mission d'information de la commission des lois sur le redressement de la justice l'a montré, les juridictions judiciaires subissent depuis de nombreuses années un manque chronique de crédits et d'effectifs. Cette situation n'épargne pas les CPH, même si vos rapporteurs n'ont pas pu déterminer s'ils étaient atteints dans les mêmes proportions.

La loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice prévoit un relèvement significatif du budget du ministère de la justice, même si le Sénat avait voulu accentuer ce rattrapage budgétaire, à l'initiative des rapporteurs de sa commission des lois, nos collègues François-Noël Buffet et Yves Détraigne 68 ( * ) , au vu des estimations réalisées par la mission d'information précitée, reprises dans la trajectoire budgétaire déjà adoptée par le Sénat en octobre 2017 69 ( * ) . Ce rattrapage doit concerner en particulier les crédits destinés aux services judiciaires, souvent moins bien traités que l'administration pénitentiaire d'un point de vue budgétaire.

La loi prévoyait un accroissement des crédits de paiement de la mission « Justice » de 7 milliards d'euros en 2018 à 8,3 milliards d'euros constants en 2022, hors charges de pensions, ainsi qu'une augmentation nette de 6 500 emplois pour le ministère de la justice sur la même période, là où le Sénat jugeait nécessaire d'atteindre un montant de 8,99 milliards d'euros en 2022, avec une création nette de 13 728 emplois.

En tout état de cause, l'accroissement des crédits du ministère de la justice doit permettre de mettre à niveau les moyens dont disposent les CPH pour accomplir leurs missions, qu'il s'agisse des locaux, des moyens informatiques et des dépenses de fonctionnement courant, mais aussi des effectifs de greffe et de la situation matérielle des conseillers.

Recommandation n° 13 : Assurer l'adéquation entre les missions de la justice prud'homale et les moyens budgétaires qui lui sont alloués.

La mission d'information de la commission des lois sur le redressement de la justice a proposé de « réduire le nombre de conseillers prud'hommes dans les conseils de prud'hommes, lorsqu'il n'est pas justifié par un nombre important d'affaires, pour renforcer l'efficacité juridictionnelle et la qualité des décisions, sans dégrader les délais de jugement ». Vos rapporteurs souscrivent pleinement à cette proposition, que les déplacements du groupe de travail ont confortée.

En effet, afin que chaque conseiller prud'homal acquière dans ses fonctions de juge une expérience suffisante, il est nécessaire qu'il participe régulièrement à des formations de jugement. Dans un certain nombre de CPH, cela n'est aujourd'hui pas possible, compte tenu du nombre élevé de conseillers par rapport au nombre d'affaires, de sorte que certains conseillers peuvent ne siéger que quelques fois par an.

Il convient donc, à l'occasion du prochain renouvellement général en 2022, de réviser le nombre de conseillers prud'hommes, afin de le mettre davantage en adéquation avec le volume de l'activité contentieuse de chaque conseil. `Un nombre moyen théorique d'affaires par conseiller pourrait à cet effet être défini, prenant en compte les règles d'indemnisation'.

En outre, une révision du nombre de conseillers permettrait, d'un point de vue budgétaire, de mieux revaloriser leur situation matérielle, ainsi que le propose le groupe de travail par ailleurs (indemnisation, formation, moyens informatiques...).

Vos rapporteurs considèrent, en revanche, que la proximité permise par la présence d'au moins un CPH dans chaque département doit être conservée. Après la dernière réforme de la carte judiciaire, une nouvelle suppression de CPH ne serait pas compatible avec l'exigence d'accessibilité de la justice, alors que les litiges du travail, dont l'enjeu financier peut être modeste, sont des litiges de la vie courante qui méritent à ce titre d'être traités dans la proximité. La baisse du contentieux prud'homal, même si elle devait se poursuivre au cours des prochaines années, ne doit pas conduire à la suppression de lieux de justice.

Dans ces conditions, en dehors d'ajustements ponctuels pouvant résulter de circonstances locales ou de rationalisations immobilières, il n'y a pas lieu de remettre en cause la carte judiciaire prud'homale.

Recommandation n° 14 : Adapter le nombre de conseillers par conseil de prud'hommes, sans remise en cause de la carte judiciaire prud'homale, afin de tenir compte des évolutions démographiques, économiques et contentieuses.

Dans le cadre de la déclinaison de l'objectif de mise à niveau des moyens budgétaires de la justice prud'homale, vos rapporteurs insistent tout particulièrement sur les effectifs des magistrats professionnels, chargés des fonctions de juge départiteur auprès des CPH et de conseiller des chambres sociales des cours d'appel, mais également sur les effectifs de fonctionnaires de greffe.

Les recrutements importants de magistrats engagés ces dernières années doivent également contribuer à un meilleur fonctionnement de la justice prud'homale, en permettant de nommer davantage de juges départiteurs ou en les déchargeant d'une partie de leurs autres attributions 70 ( * ) , et doivent permettre de renforcer les effectifs des chambres sociales des cours d'appel.

Du fait de la taille souvent limitée des effectifs des personnels de greffe, une vacance de poste prolongée peut gravement altérer le fonctionnement normal du CPH, a fortiori compte tenu du rôle important qu'ils exercent auprès des conseillers, juges non professionnels'. La mutualisation des greffes des CPH et des tribunaux judiciaires doit permettre, selon vos rapporteurs, de remédier à ce phénomène dans le cadre d'une rationalisation administrative qui, toutefois, ne doit pas avoir pour effet de mutualiser la pénurie d'effectifs ou de faire peser des difficultés supplémentaires sur les CPH en prélevant sur les effectifs de leurs greffes. Comme pour toute juridiction, l'effectif du greffe du CPH doit être adapté à la réalité de la charge de travail et formé à ses particularités.

Comme pour les magistrats, des recrutements supplémentaires de greffiers sont prévus par le ministère de la justice. Vos rapporteurs seront donc attentives à la réalisation concrète de ces recrutements pour les CPH.

Recommandation n° 15 : Adapter le nombre de juges départiteurs pour tenir compte du volume du contentieux et réduire les délais de jugement.

Recommandation n° 16 : Adapter le nombre de conseillers dans les chambres sociales des cours d'appel pour tenir compte du volume du contentieux et réduire les délais de jugement.

Recommandation n° 17 : Pourvoir l'intégralité des postes de greffiers dans les greffes des conseils de prud'hommes.

La mission d'information précitée sur le redressement de la justice avait formulé une série de propositions sur l'immobilier judiciaire : assurer un financement régulier et suffisant de la programmation de l'immobilier judiciaire ; définir et mettre en oeuvre un programme pluriannuel de maintenance et d'entretien adapté aux spécificités de l'immobilier judiciaire ; engager un travail interministériel de diagnostic des enjeux et objectifs en matière d'immobilier judiciaire, qui pourrait être formalisé par un contrat d'objectifs entre les ministères de l'économie et des finances et de la justice ; renforcer le pilotage de la fonction immobilière du ministère de la justice ; renforcer les compétences et l'expertise du ministère de la justice et de l'agence publique pour l'immobilier de la justice, afin d'assurer un suivi performant des partenariats public-privé.

Les CPH doivent prendre leur place dans ces améliorations, afin que puissent être rationalisées leurs implantations immobilières, dans un souci de maîtrise des dépenses.

La situation des locaux judiciaires est en effet très hétérogène, pour toutes les juridictions de première instance : certains appartiennent à l'État, d'autres à des collectivités territoriales, en particulier des communes, d'autres encore sont loués, parfois depuis longtemps, à l'instar des locaux du CPH de Paris.

Recommandation n° 18 : Rationaliser les implantations immobilières des conseils de prud'hommes, dans le cadre d'une rationalisation globale de l'immobilier judiciaire.

Depuis les années 1990, outre les personnels de greffe, experts de la procédure, les magistrats disposent de plus en plus d'autres collaborateurs à leur côté, permettant de former progressivement ce qu'on appelle aujourd'hui l'équipe du juge. Ainsi, les assistants de justice ont été créés par la loi du 8 février 1995 71 ( * ) , pour apporter leur concours aux magistrats des tribunaux d'instance, des tribunaux de grande instance, des cours d'appel et de la Cour de cassation. Ils doivent avoir un diplôme de droit sanctionnant au moins quatre années d'études supérieures, sont recrutés par contrat de deux ans renouvelable deux fois et sont rémunérés à la vacation dans la limite de 80 heures par mois.

Fonctions plus pérennes et conçues pour des personnes souhaitant préparer le concours de la magistrature, les juristes assistants ont été créés par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI ème siècle 72 ( * ) , pour apporter leur concours aux magistrats des mêmes juridictions : ils doivent avoir un doctorat en droit ou un diplôme de droit sanctionnant au moins cinq années d'études supérieures assorti de deux ans au moins d'expérience professionnelle dans le domaine juridique et ils sont recrutés par contrat de trois ans renouvelable une fois, pour un temps partiel ou un temps plein.

Ni les assistants de justice ni les juristes assistants ne peuvent donc apporter leur concours aux conseillers prud'homaux. Or, dans la perspective de l'absorption du contentieux de la sécurité sociale par les tribunaux de grande instance, des postes de juristes assistants ont été créés pour assister les magistrats en charge des tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS) et des tribunaux du contentieux de l'incapacité (TCI).

Vos rapporteurs estiment, compte tenu de la situation des CPH, en particulier ceux les plus en difficulté au regard, notamment, du stock et des délais de jugement, que des crédits pour rémunérer des assistants de justice et des juristes assistants devraient être mis à disposition des CPH, afin d'assister les conseillers ainsi que les juges départiteurs 73 ( * ) dans la préparation de l'examen des affaires et de la rédaction des jugements. Cette pratique est aujourd'hui fréquente dans les tribunaux de grande instance et les cours d'appel, les magistrats étant en général désireux de bénéficier de collaborateurs qualifiés, sans que cela remette en cause leur indépendance et leur mission de juger.

Ainsi que le plan de soutien lancé à la suite de la loi de 2015 l'a montré, la qualité de la justice prud'homale et de ses jugements tirerait profit de la participation de tels collaborateurs, sans aucun risque de substitution avec les conseillers en raison de leurs fonctions bien circonscrites par la loi et limitées dans le temps.

Recommandation n° 19 : Permettre le recrutement au sein des conseils de prud'hommes d'assistants de justice et de juristes assistants pour assister les conseillers et les juges départiteurs dans la préparation des audiences et la rédaction des jugements.

4. Conforter le caractère juridictionnel des conseils de prud'hommes

Il n'importe pas seulement que la justice soit rendue de manière impartiale et sur des bases juridiquement solides, mais également que le justiciable soit convaincu de l'impartialité des juges et de la qualité des décisions rendues. Or, le taux d'appel des décisions des CPH et les auditions et déplacements du groupe de travail laissent penser que ces conditions ne sont pas toujours réunies.

Certains avocats ont ainsi considéré devant vos rapporteurs que le procès prud'homal représente à leurs yeux une phase préparatoire, et que c'est devant la cour d'appel qu'ils étaient réellement appelés à défendre leur dossier en droit.

a) Réaffirmer la fonction juridictionnelle des CPH par des mesures d'ordre symbolique

Plusieurs mesures d'ordre symbolique sont de nature à réaffirmer la fonction juridictionnelle des CPH.

Premièrement, si l'absence de tenue spécifique 74 ( * ) peut donner au justiciable l'impression d'être jugé par ses pairs, elle peut également nuire à l'autorité des conseillers prud'hommes, notamment lorsqu'ils doivent entendre la plaidoirie d'avocats qui, eux, portent la robe et a fortiori dans les formations de départage dans lesquelles siège un magistrat professionnel.

Prévoir le port d'une robe, ou à tout le moins donner aux conseillers la possibilité de la porter, pourrait contribuer à faire apparaître, aux yeux du justiciable, les conseillers prud'hommes pour ce qu'ils sont, c'est-à-dire des juges. L'aspect budgétaire ne saurait être un obstacle à la mise en oeuvre d'une telle recommandation. En effet, si le prix d'une robe peut être important pour certains conseillers, il pourrait être prévu que chaque conseil de prud'hommes soit doté de quelques robes qui seraient portées par les conseillers amenés à siéger.

Recommandation n° 20 : Prévoir le port de la robe pour les juges prud'homaux en remplacement de la médaille.

Deuxièmement, il importe pour qu'elle soit respectée que la justice soit rendue dans un lieu qui s'y prête. Vos rapporteurs ont pu constater au cours de leurs déplacements que si un certain nombre de CPH disposent d'une salle d'audience digne de ce nom, parfois partagée avec d'autres juridictions, d'autres sont contraints d'organiser les audiences dans des salles ne permettant pas le respect d'un minimum de solennité.

Recommandation n° 21 : Assurer dans chaque conseil de prud'hommes l'existence d'une salle d'audience conforme à sa fonction juridictionnelle.

Enfin, il a parfois été signalé à vos rapporteurs que les termes de conseil et de conseillers peuvent être ambigus et induire les justiciables en erreur quant à la nature de la procédure qu'ils engagent. Trois de vos rapporteurs considèrent ainsi qu'appeler les conseils de prud'hommes des tribunaux et les conseillers des juges serait de nature à revaloriser la fonction de conseiller prud'homal et à lever tout doute quant à la nature juridictionnelle de cette instance. Votre rapporteure Corinne Féret considère toutefois que ce changement pourrait à l'inverse apparaître comme une négation de la spécificité de ces juridictions paritaires.

Recommandation n° 22 : Changer la dénomination de conseil de prud'hommes en tribunal de prud'hommes, composé de juges prud'hommes.

b) Renforcer les exigences déontologiques

La loi organique du 8 août 2016 75 ( * ) a prévu pour les magistrats professionnels une obligation de déclaration d'intérêts 76 ( * ) . La loi de modernisation de la justice du XXIe siècle a étendu cette obligation aux juges consulaires 77 ( * ) mais pas aux conseillers prud'hommes. La déclaration d'intérêts est adressée aux chefs de juridiction et sert de support à un entretien déontologique.

Vos rapporteurs considèrent qu'une telle obligation contribuerait à mieux identifier en amont les risques de conflit d'intérêts et à faire une meilleure application des règles de déport.

Recommandation n° 23 : Instaurer une obligation de déclaration d'intérêts pour les conseillers prud'hommes, adressée au président ou au vice-président du conseil, afin de garantir leur impartialité en identifiant et en prévenant les risques éventuels de conflit d'intérêts, comme c'est le cas pour les magistrats professionnels et les juges des tribunaux de commerce.

Les juges professionnels sont astreints à des obligations de mobilité professionnelle. Les juges consulaires ne peuvent exercer plus de cinq mandats successifs dans un même tribunal de commerce et ne peuvent siéger au-delà de l'âge de 75 ans.

Considérant que, si l'expérience acquise est un atout incontestable, le poids des habitudes prises peut parfois être un obstacle à un fonctionnement fluide des CPH, vos rapporteurs estiment qu'il est nécessaire d'introduire une limitation du nombre de mandats consécutifs de président ou de vice-président de conseil de prud'hommes. Cette limite devra être fixée en tenant compte des difficultés que rencontrent les organisations syndicales et professionnelles pour trouver des personnes acceptant de s'engager dans la mission de conseiller prud'homme.

Recommandation n° 24 : Instaurer une limitation dans le temps du nombre de mandats consécutifs de président ou de vice-président de conseil de prud'hommes, comme c'est le cas pour les juges des tribunaux de commerce.

c) Réaffirmer la place des CPH parmi les autres juridictions

Vos rapporteurs ont pu constater que l'implication des premiers présidents varie d'un ressort à l'autre et est souvent plus faible pour les CPH géographiquement éloignés du siège de la cour d'appel. Or, il ressort des échanges menés par vos rapporteurs qu'une implication forte, passant par une responsabilisation des conseillers prud'hommes en tant que juges et une sensibilisation aux enjeux que représente leur fonction, peut avoir des effets bénéfiques. L'expérience semble montrer qu'une telle implication est de nature à vaincre les réticences des conseillers prud'hommes qui sont parfois avancées pour justifier une certaine distance des premiers présidents de cours d'appel.

Recommandation n° 25 : Demander aux chefs de cour d'accorder la même attention au bon fonctionnement des conseils de prud'hommes de leur ressort qu'au bon fonctionnement des autres juridictions, en vue de favoriser le sentiment d'appartenance des conseillers prud'hommes à l'institution judiciaire, avec les responsabilités et les exigences que cela implique.

Au cours de leurs déplacements, vos rapporteurs ont pu parfois constater une certaine défiance réciproque entre conseillers prud'hommes et magistrats professionnels. Cette défiance n'est pour autant pas généralisée et vos rapporteurs ont également pu constater des cas d'entente constructive. Les conseillers prud'hommes exerçant des fonctions juridictionnelles, ils participent au service public de la justice tout comme les magistrats professionnels. Il convient donc de les valoriser et de les responsabiliser davantage.

Cette valorisation passe par le développement des échanges avec les conseillers des chambres sociales des cours d'appel, en systématisant les bonnes pratiques mises en place dans le ressort de certaines cours, consistant par exemple à accueillir de façon régulière et organisée de conseillers prud'hommes lors des audiences et des délibérés des chambres sociales. À cette fin, chaque CPH devrait avoir un conseiller référent au sein de la cour d'appel comme interlocuteur permanent, à même de mieux faire connaître la jurisprudence de la cour et les décisions rendues en appel en matière prud'homale.

Recommandation n° 26 : Demander aux chefs de cour d'organiser des échanges réguliers entre les magistrats professionnels, notamment des cours d'appel, et les conseillers prud'hommes, afin de leur permettre d'assister aux audiences et aux délibérés des chambres sociales, mais aussi d'échanger sur les bonnes pratiques professionnelles et les questions de droit, en désignant des conseillers référents pour chaque conseil dans les chambres sociales.

Plus spécifiquement, vos rapporteurs ont pu constater lors de leurs déplacements que les relations entre les conseillers prud'hommes et les magistrats exerçant les fonctions de juge départiteur étaient très variables et inégales. Lorsqu'elles sont bonnes, le magistrat peut aider les conseillers à mieux exercer leurs fonctions. Ces relations sont néanmoins trop souvent limitées, voire inexistantes, ou teintées d'une méfiance réciproque.

Ainsi, la valorisation des conseillers prud'hommes passe non seulement par le développement des échanges avec les cours d'appel, mais aussi avec les juges départiteurs. Il est vrai que les conseillers prud'hommes et les juges départiteurs ont rarement l'occasion d'entretenir des relations, les premiers manquant de temps et les seconds étant occupés par leurs autres fonctions. En outre, en raison du principe d'indépendance résultant de l'exercice de fonctions juridictionnelles, il n'est pas possible de prévoir une obligation de dialogue ou de réunion régulière entre eux.

Néanmoins, au titre des bonnes pratiques, vos rapporteurs estiment nécessaire que soit fixé au niveau national, par le ministère de la justice, un cadre clair, sans que cela puisse être contraignant ni conduire à porter atteinte à la liberté de jugement ou au secret du délibéré, visant à préciser ce qui est possible, voire souhaitable dans les rapports entre eux. Ainsi, un juge départiteur devrait pouvoir consacrer du temps, de façon régulière, pour échanger avec les conseillers, répondre à leurs questions et leur donner des indications juridiques et procédurales générales. Le développement de ces pratiques de même que de relations plus confiantes, fluides et régulières, serait utile pour améliorer le fonctionnement des CPH.

Recommandation n° 27 : Définir un cadre clair au niveau national sur les relations entre les juges départiteurs et les conseillers prud'hommes, afin de permettre un appui juridique et procédural des premiers aux seconds, sans remise en cause de la liberté de jugement et du secret du délibéré.

Il ressort des auditions menées par vos rapporteurs que, dans certains CPH, il est rare que les formations de départage soient complètes. Cela peut résulter d'un certain désintérêt des conseillers prud'hommes, de difficultés à se libérer mais également d'un manque de collégialité de la part du magistrat professionnel qui n'incite pas les conseillers prud'hommes à siéger avec lui. Dans pareil cas, la décision n'est pas collégiale, le juge départiteur décidant seul.

Or, pour la qualité du délibéré comme pour des raisons pédagogiques, il serait souhaitable que les conseillers prud'hommes soient systématiquement présents aux audiences de départage.

Il faudrait pour cela que les présidents de CPH et les premiers présidents de cours d'appel soient le relais de cette nécessité et que les juges départiteurs associent suffisamment les conseillers prud'hommes à leurs délibérations. Il faudrait également que cette exigence soit prise en compte dans l'organisation des rôles.

Recommandation n° 28 : Mieux assurer la participation des conseillers prud'hommes aux audiences et aux délibérés de départage.

Par ailleurs, les décisions de renvoi à la formation de départage ne sont aujourd'hui pas motivées. Or, formaliser les raisons pour lesquelles la formation de jugement n'est pas parvenue à se mettre d'accord sur une affaire pourrait permettre au juge départiteur de mieux comprendre les difficultés qu'elle soulève.

Recommandation n° 29 : Motiver les décisions de renvoi à la formation de départage, pour formaliser et faire connaître au juge départiteur les points de désaccord entre les conseillers prud'hommes.

5. Améliorer les conditions d'exercice des missions des conseillers prud'hommes

L'exercice de la fonction de conseiller prud'homme constitue un engagement citoyen et l'indemnité, au demeurant faible, versée aux conseillers qui exercent leurs fonctions en dehors de leur temps de travail 78 ( * ) ne constitue guère une motivation déterminante 79 ( * ) .

Pour autant, l'absence d'indemnisation ou d'autorisation d'absence a été mise en avant par plusieurs interlocuteurs de vos rapporteurs pour expliquer l'impossibilité pour les conseillers de préparer davantage en amont les affaires qu'ils ont à traiter 80 ( * ) , voire pour se rendre à des réunions d'échanges organisées, par exemple, par les premiers présidents de cour d'appel ou par les magistrats départiteurs.

Dès lors, vos rapporteurs considèrent qu'il serait souhaitable de réviser la liste des activités mentionnées à l'article R. 1423-55 afin d'élargir la liste des activités juridictionnelles ou liées à la formation prud'homale pouvant donner lieu à des autorisations d'absence ou à une indemnisation 81 ( * ) .

Recommandation n° 30 : Réévaluer les conditions d'indemnisation et d'autorisation d'absence des conseillers prud'hommes afin de leur permettre de mieux préparer les audiences en amont, de prendre connaissance des dossiers et de participer à des réunions de travail pour améliorer leurs pratiques.

Vos rapporteurs jugent en outre indispensable de mettre en place une application informatique permettant d'automatiser la gestion administrative de cette indemnisation. Actuellement, elle est assurée par les greffes des CPH, ce qui constitue une tâche matérielle fastidieuse et chronophage, source de tension voire de conflit avec les conseillers eux-mêmes - comme ce fut le cas ces derniers mois, en raison de retards importants -, dont les greffes doivent vérifier le service fait pour pouvoir en demander le paiement, quelle qu'en soit la modalité. Pour éviter toute saisie inutile et gagner du temps, les conseillers pourraient directement déclarer leurs heures dans une application informatique et le greffe les valider.

Les représentants du ministère de la justice entendus par vos rapporteurs ont indiqué qu'un projet en ce sens était en cours. Ce dernier mérite d'aboutir rapidement.

Recommandation n° 31 : Automatiser la gestion de l'indemnisation des conseillers prud'hommes, pour alléger et simplifier la charge de travail des greffes des conseils de prud'hommes.

6. Renforcer la formation des conseillers prud'hommes

Le nécessaire renforcement de la formation des conseillers prud'hommes passe, selon vos rapporteurs, par l'instauration d'une obligation de formation continue destinée à prolonger la formation initiale dispensée par l'ENM depuis la réforme de 2015-2016.

Cette formation obligatoire pourrait également être assurée par l'ENM permettant ainsi une complémentarité entre la formation initiale et la formation continue. Il conviendrait alors bien entendu de donner à l'ENM les moyens de remplir cette mission nouvelle.

Cette obligation de formation continue pourrait être fixée, dans un premier temps, à cinq journées par mandat, ce qui représenterait, selon les données communiquées à vos rapporteurs par la DGT, un coût de 14,5 millions d'euros par mandat. À titre de comparaison, le budget prévu au titre de la formation continue pour la durée du mandat 2018-2021 est de 45 millions d'euros 82 ( * ) .

Recommandation n° 32 : Mettre en place une obligation de formation continue, assurée par l'École nationale de la magistrature, sans remise en cause de la possibilité pour les organismes agréés des organisations syndicales et professionnelles de proposer des formations aux conseillers prud'hommes.

L'instauration d'une obligation de formation continue ne fait pas obstacle à ce que les conseillers suivent par ailleurs des formations facultatives, dispensées par les organismes aujourd'hui compétents pour la formation des conseillers prud'hommes 83 ( * ) . Ces organismes doivent respecter un programme dont le contenu n'a pas été actualisé depuis 1981 et qui comprend notamment « la réforme du 18 janvier 1979, sa portée » 84 ( * ) .

Selon les informations communiquées à vos rapporteurs par la DGT, ce chantier serait en cours. Outre l'actualisation du contenu des formations, une déclaration d'absence de conflit d'intérêts pourrait être imposée aux formateurs qui sont également membres du conseil supérieur de la prud'homie.

Recommandation n° 33 : Actualiser et préciser le contenu réglementaire des formations dispensées par les organismes agréés.

Les magistrats professionnels, mais également les juges consulaires et les magistrats à titre temporaire ont accès à une large offre de formation continue, assurée notamment par l'École nationale de la magistrature. Ces formations sont ouvertes à d'autres professionnels du droit ou aux salariés et agents d'entreprises ou d'institutions liées par une convention avec l'ENM. Il apparaît souhaitable que ces formations soient proposées, dans la limite des places disponibles, aux conseillers prud'hommes qui le souhaitent. Outre l'approfondissement des connaissances juridiques que de telles formations permettraient, les échanges avec des magistrats professionnels seraient de nature à renforcer le sentiment d'appartenance au service public de la justice.

Recommandation n° 34 : Ouvrir aux conseillers prud'hommes les formations continues proposées par l'École nationale de la magistrature aux magistrats professionnels.

Lors des déplacements du groupe de travail, vos rapporteurs ont pu constater la faiblesse des moyens informatiques à la disposition des conseillers prud'hommes, qu'il s'agisse des ordinateurs, des applications informatiques ou de l'accès à des ressources juridiques ou documentaires en ligne.

Selon le ministère de la justice, chaque conseiller dispose d'un accès à la base en ligne LexisNexis , mais l'information ne semble pas avoir été correctement diffusée auprès des greffes de tous les CPH, ce à quoi il convient de remédier.

Compte tenu des missions assurées par les conseillers prud'hommes, chacun devrait disposer d'un ordinateur lui permettant, d'une part, de rédiger les jugements et d'accéder aux bases juridiques du ministère de la justice, comme les magistrats eux-mêmes 85 ( * ) `et, d'autre part, à terme, de prendre connaissance des dossiers de façon dématérialisée. Par ce biais, les conseillers devraient aussi pouvoir accéder à des outils en ligne d'aide à la motivation et à la rédaction des jugements (trames de jugement, guide de rédaction, motivations-types...), conçus à leur attention par le ministère de la justice.

Les représentants du ministère de la justice entendus par vos rapporteurs ont indiqué que le projet Portalis de dématérialisation de la chaîne civile et de suivi des affaires civiles 86 ( * ) devrait comporter la mise à disposition d'outils d'aide à la rédaction des jugements, tant pour les magistrats professionnels que les conseillers prud'hommes.

Recommandation n° 35 : Accroître les moyens informatiques des conseils de prud'hommes, développer l'accès aux ressources juridiques en ligne internes au ministère de la justice et mettre à disposition des conseillers prud'hommes des outils d'aide à la motivation et à la rédaction des jugements.

7. Améliorer l'organisation et le fonctionnement des conseils de prud'hommes

Les travaux du groupe de travail ont permis à vos rapporteurs de constater que le bon fonctionnement des conseils de prud'hommes dépend fortement de la personnalité des conseillers, en particulier des présidents et vice-présidents des CPH, ainsi que des présidents et vice-présidents de section, qui dirigent de fait les débats et les travaux des sections, mais aussi de l'implication des juges départiteurs et des premiers présidents de cours d'appel et, plus généralement, du contexte local au sein du CPH, les pratiques et les situations étant extrêmement variables. Or, une telle situation n'est pas satisfaisante du point de vue du justiciable, au regard du principe d'égalité devant la justice.

Dans les juridictions judiciaires de droit commun, si le président de la juridiction n'a pas d'autorité hiérarchique sur les magistrats du siège, qui sont indépendants dans l'exercice de leurs fonctions juridictionnelles, il dispose d'un pouvoir d'organisation de la juridiction et du travail des magistrats.

Si le code du travail prévoit que le président du CPH « assure l'administration et la discipline intérieure de la juridiction » 87 ( * ) , force est de constater que son autorité, de même que celle du vice-président, peut parfois être limitée, les présidents et vice-présidents des sections pouvant faire preuve d'une large autonomie. Leur autorité dans la juridiction n'est pas la même, en pratique, selon les constatations de vos rapporteurs, que celle d'un président de tribunal de grande instance.

Or, au vu de la grande diversité des situations et des pratiques d'un CPH à l'autre, le renforcement du rôle et de l'autorité du président et du vice-président, sans modification de leurs règles de désignation, serait un facteur de meilleure organisation et de fonctionnement plus homogène et conforme aux procédures.

Ainsi, le code du travail devrait affirmer que le président du CPH est responsable de son organisation, dans le respect du cadre fixé par la loi, ainsi que de son bon fonctionnement, du respect des procédures et du traitement rapide des affaires. A ce titre, il pourrait veiller à la manière dont les sections travaillent et appliquent la procédure et, le cas échéant, les rappeler au respect de la procédure ou encore aux exigences d'impartialité propres à tout juge. Il serait ainsi responsable de l'harmonisation des pratiques entre les sections. En lien avec le greffe, il devrait mettre en place des outils de pilotage du CPH. Il devrait également être chargé de veiller à la formation des conseillers, en leur proposant de se former en fonction des besoins constatés.

Des propositions ultérieures, visant à donner plus de souplesse et de capacités d'adaptation pour l'organisation interne de chaque CPH (transfert d'un conseiller d'une section à l'autre, désignation de certains conseillers spécialisés en matière de conciliation, affectation des conseillers entre sections et définition des sections elles-mêmes), sont également de nature à renforcer les fonctions de chef de juridiction du président et du vice-président.

Les fonctions de chef de juridiction supposent également des relations régulières avec les chefs de cour, essentiellement le premier président de la cour d'appel s'agissant des CPH, et avec le barreau.

Il conviendrait de tirer les conséquences d'une telle évolution, en améliorant le statut matériel des présidents et vice-présidents de CPH, en particulier sous l'angle des règles d'indemnisation, celle-ci pouvant être plus élevée que pour les autres conseillers.

Pour atteindre ses objectifs, cette évolution suppose une entente et une communauté de vues suffisante entre le président et le vice-président, dans le respect du caractère paritaire du CPH. À cette fin et, plus largement, pour mieux accompagner les présidents et vice-présidents de CPH dans l'exercice de leurs fonctions, il serait nécessaire de proposer une formation spécifique, laquelle pourrait être obligatoire, délivrée par l'ENM dans le cadre du développement de la formation continue des conseillers évoquée plus haut, à l'instar de ce qui existe pour les magistrats nommés chefs de juridiction.

Recommandation n° 36 : Accroître les prérogatives du président et du vice-président du conseil de prud'hommes pour en faire de vrais chefs de juridiction, notamment pour organiser la juridiction, rappeler la procédure et harmoniser les pratiques entre les sections, et adapter en conséquence leur statut matériel.

En complément de ce renforcement des prérogatives du président et du vice-président, la mise en place d'une instance regroupant avec eux les présidents et vice-présidents des sections permettrait également de contribuer à la bonne application de la procédure et à l'harmonisation des pratiques entre les sections. Une conférence des présidents, à laquelle les juges départiteurs pourraient être invités à assister, se réunirait de façon régulière, par exemple au moins une fois par trimestre, sous l'autorité du président, pour examiner toute question liée à l'organisation et au fonctionnement de la juridiction. Le premier président de la cour d'appel pourrait aussi saisir cet organe d'une question particulière.

Recommandation n° 37 : Instaurer une conférence des présidents au sein de chaque conseil de prud'hommes, regroupant les présidents et vice-présidents du conseil et des sections, instance de dialogue chargée notamment de délibérer des sujets d'intérêt commun et d'harmoniser les pratiques.

Si les modalités de transfert temporaire d'un conseiller vers une autre section ont été assouplies, des rigidités demeurent. Une telle question relève de façon éminente de la responsabilité d'un chef de juridiction.

Pour tenir compte de l'activité de chaque section, laquelle peut être « affectée par des tendances de long terme (...), mais également par des contentieux de masse liés au contexte local (fermeture d'un site industriel...) » ou encore par « des éventuelles vacances de mandat de conseiller », la mission d'information de la commission des lois sur le redressement de la justice avait recommandé de « revoir la répartition des conseillers entre les sections de chaque conseil de prud'hommes et permettre de la modifier en cours de mandat, pour l'adapter à l'évolution de l'activité contentieuse au sein de chaque section ».

À ce jour, il n'existe qu'un dispositif d'affectation temporaire d'un conseiller d'une section dans une autre section 88 ( * ) , en cas de « difficulté provisoire de fonctionnement d'une section », sur décision du président après avis conforme du vice-président, sous réserve de l'accord de l'intéressé. De plus, ce dispositif n'est valable que pour une durée de six mois renouvelable deux fois, soit un an et demi au plus. Un dispositif plus souple a existé transitoirement, avec une durée renouvelable sans limitation, avant le dernier renouvellement général 89 ( * ) , pour faire face aux vacances résultant de la longue durée du mandat des conseillers élus en 2008.

En outre, la modification des effectifs des sections d'un conseil de prud'hommes, en raison des modalités de désignation des conseillers, relève d'un décret, procédure particulièrement lourde, sans comparaison avec les modalités de changement d'affectation des magistrats au sein d'un tribunal de grande instance, réalisés par le président dans son ordonnance de roulement s'agissant des magistrats du siège 90 ( * ) .

Vos rapporteurs considèrent donc comme particulièrement opportun de permettre au président du CPH, après avis conforme du vice-président, de pouvoir affecter de façon définitive un conseiller dans une autre section, de façon à faire face à des difficultés permanentes de fonctionnement pouvant résulter d'une répartition inégale de la charge contentieuse entre sections. La proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice, déposée par notre collègue Philippe Bas et adoptée par le Sénat en octobre 2017, comportait d'ailleurs un tel dispositif.

Une telle répartition prendrait évidemment en compte l'expérience professionnelle et juridictionnelle de chaque conseiller, mais également l'exigence de bonne administration de la justice, en répartissant les conseillers en fonction des besoins de la juridiction.

Au surplus, alors que désormais les conseillers prud'hommes sont désignés et non plus élus, il ne semble pas problématique à vos rapporteurs qu'un conseiller soit désigné dans une section puis se trouve affecté dans une autre section, d'autant que la procédure comme le fond du droit sont largement les mêmes quel que soit le secteur d'activité. Cette plus grande fluidité entre sections n'est pas de nature à remettre en cause les règles de désignation des conseillers, en fonction de leur secteur d'activité et par section, permettant de préserver une diversité des origines professionnelles.

Recommandation n° 38 : Permettre au président et au vice-président du conseil de prud'hommes de transférer de façon définitive un conseiller d'une section à l'autre, selon des modalités simplifiées, voire leur permettre de répartir comme ils le souhaitent les conseillers entre les sections.

Le renouvellement des mandats de conseillers prud'hommes intervenu en 2017 a mis en lumière la difficulté de certaines organisations syndicales ou professionnelles à trouver des candidats acceptant de s'engager. À cet égard, un certain nombre d'assouplissements pourraient être envisagés. S'il ne semble pas opportun de revenir sur l'obligation de composition paritaire des listes entre femmes et hommes, vos rapporteurs considèrent qu'il serait possible d'autoriser les retraités à être candidats dans les CPH des ressorts voisins de celui de leur domicile, en vue de faciliter le recrutement des conseillers.

Recommandation n° 39 : Assouplir les conditions de candidature des retraités afin de leur permettre de se porter candidat dans les conseils de prud'hommes de ressorts voisins de celui de leur domicile.

8. Améliorer l'accessibilité de la justice prud'homale pour les justiciables

Vos rapporteurs ont rappelé qu'ils ne souhaitaient pas remettre en cause la carte judiciaire prud'homale, sous réserve d'ajustements ponctuels pouvant être localement nécessaires (petite taille des juridictions, meilleure organisation de l'immobilier judiciaire...).

Toutefois, l'accessibilité de la justice prud'homale ne repose pas sur la seule proximité géographique, mais aussi sur la facilité de saisine pour des justiciables parfois fragiles. La formalisation de la requête introductive visait à faciliter le traitement des affaires en objectivant dès son introduction la demande du requérant, permettant aux conseillers prud'hommes de disposer d'éléments suffisamment précis et détaillés pour comprendre le sens et le contexte de la demande et ainsi améliorer son traitement. Aussi, plutôt que de revenir sur cette réforme, dont les objectifs demeurent valables au regard de l'exigence de bon fonctionnement de la justice prud'homale, il convient d'accompagner les justiciables dans leurs démarches de saisine, dans le cadre de la politique d'accès au droit, coordonnée par les conseils départementaux d'accès au droit (CDAD) qui regroupent différents acteurs locaux, dont les magistrats, les barreaux, les services de l'État et les élus locaux, sous la présidence du président du tribunal de grande d'instance.

Ainsi, les salariés souhaitant trouver un accompagnement dans leurs démarches doivent pouvoir s'appuyer sur les structures d'accès au droit que sont les maisons de la justice et du droit, ainsi que les barreaux au travers des permanences gratuites d'avocats ou certaines structures associatives. Il existe dans certains départements des permanences spécialisées en droit du travail. Vos rapporteurs rappellent que les salariés doivent pouvoir trouver un accompagnement auprès des représentants syndicaux de leur entreprise ou des structures locales des organisations syndicales.

Par conséquent, compte tenu des litiges concernés, vos rapporteurs jugent nécessaire que les CPH soient plus étroitement associés à la politique locale d'accès au droit, au travers de leurs présidents et vice-présidents, par exemple en siégeant au sein des CDAD, qui existent dans quasiment tous les départements métropolitains.

Recommandation n° 40 : Développer les partenariats entre les conseils de prud'hommes et les structures d'accès au droit (conseils départementaux de l'accès au droit, maisons de la justice et du droit, barreaux...), afin que les justiciables soient mieux accompagnés dans le dépôt de leur requête.

S'agissant de l'accessibilité au sens géographique, le dense maillage territorial des CPH pourrait être complété par la tenue d'audiences foraines, dans les lieux de justice existants -en particulier un tribunal d'instance, demain chambre de proximité du tribunal judiciaire- mais dépourvus de CPH, lorsqu'un bassin d'emplois peut le justifier, compte tenu du nombre d'affaires. La dématérialisation de la procédure civile, le moment venu, grâce au projet Portalis , devrait permettre de simplifier l'organisation matérielle de telles audiences.

Il appartient aux premiers présidents, à l'échelle de leur ressort et en fonction des particularités locales, d'encourager cette modalité d'organisation quelque peu tombée en désuétude en dehors de quelques juridictions dont les présidents ou les magistrats sont convaincus de l'intérêt.

Au surplus, dans l'hypothèse de regroupements locaux de CPH, dans un but de meilleure organisation administrative, les audiences foraines permettraient de maintenir la proximité du service public de la justice.

Afin notamment de préserver l'accessibilité géographique de la justice prud'homale, le groupe de travail n'a pas retenu l'idée de mettre en place un mécanisme procédural de regroupement auprès d'un seul CPH des contentieux intéressant les salariés de plusieurs établissements d'un même employeur, une éventuelle harmonisation des décisions pouvant intervenir en appel.

Recommandation n° 41 : Favoriser l'organisation d'audiences foraines de conseils de prud'hommes pour garantir la proximité de la justice du travail, dans des sites judiciaires aujourd'hui dépourvus de conseils.

Alors que le code du travail prévoit que les défenseurs syndicaux qui n'assurent pas leur mission pendant un an sont retirés d'office des listes régionales, il n'existe pas de suivi de leur activité permettant d'assurer l'effectivité de cette disposition. Il n'est donc au demeurant pas possible de mesurer le succès de cette réforme. Afin que le statut de défenseur syndical corresponde à une activité réelle et non à la simple recherche d'un statut de salarié protégé, il convient de s'assurer que les défenseurs syndicaux inscrits sur les listes régionales exercent réellement une mission.

Recommandation n° 42 : Prévoir un suivi de l'activité des défenseurs syndicaux par les greffes des conseils de prud'hommes.

9. Transférer aux futurs tribunaux judiciaires le contentieux de l'inaptitude

Depuis 1976, les avis rendus par le médecin du travail quant à l'aptitude médicale du salarié à occuper son poste relevait des juridictions administratives.

Dans un souci de regroupement du contentieux du travail, la loi du 8 août 2016 a transféré ce contentieux aux conseils de prud'hommes. Depuis l'ordonnance du 22 septembre 2017, les CPH peuvent ainsi rendre des décisions au fond, se substituant le cas échéant à l'avis médical.

Ce transfert a entraîné des difficultés qui ne sauraient s'expliquer uniquement par l'insuffisance du nombre de médecins-inspecteurs.

Vos rapporteurs estiment qu'il serait souhaitable de transférer ce contentieux au futur tribunal judiciaire, les magistrats professionnels étant davantage habitués à manier les règles régissant les expertises judiciaires pour le faire dans le cadre du contentieux de la sécurité sociale par exemple.

Ce transfert devrait s'accompagner d'une dispense d'assistance par un avocat et de délais de réponse rapides.

Recommandation n° 43 : Transférer le contentieux de l'inaptitude au tribunal judiciaire.


* 59 Cinq ans pour sauver la justice ! Rapport d'information (n° 495, 2016-2017) de M. Philippe BAS, président-rapporteur, Mme Esther BENBASSA, MM. Jacques BIGOT, François-Noël BUFFET, Mme Cécile CUKIERMAN, MM. Jacques MÉZARD et François ZOCCHETTO, fait au nom de la commission des lois, déposé le 4 avril 2017. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/notice-rapport/2016/r16-495-notice.html

* 60 Art. L. 1441-1 du code du travail.

* 61 Art. L. 1441-2 du même code.

* 62 Décret n° 2018-813 du 26 septembre 2018 modifiant la répartition des compétences en matière de désignation des conseillers prud'hommes.

* 63 L'article R. 1454-1 du code du travail prévoit simplement la faculté pour une partie de demander au BCO une dispense de présence pour une audience ultérieure du BCO.

* 64 Art. R. 1452-2 du code du travail.

* 65 Art. R. 1452-4 du même code n'ouvrant aujourd'hui qu'une simple faculté.

* 66 Art. R. 1471-1 du code du travail, issu du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 relatif à la justice prud'homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail.

* 67 Art. R. 1471-2 du même code, issu du même décret.

* 68 Rapport (n° 11, 2018-2019) de MM. François-Noël Buffet et Yves Détraigne, fait au nom de la commission des lois, sur le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et sur le projet de loi organique relatif au renforcement de l'organisation des juridictions, déposé le 3 octobre 2018. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/rap/l18-011-1/l18-011-1.html

* 69 Proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice, adoptée par le Sénat le 24 octobre 2017, texte n° 7 (2017-2018). Le dossier législatif de cette proposition de loi est consultable à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl16-641.html

* 70 En cas de renvoi en départage, les délais de jugement moyens dépassaient 30 mois en 2017.

* 71 Art. 20 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative et décret n° 96-513 du 7 juin 1996 relatif aux assistants de justice.

* 72 Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle. Art. L. 123-4 et R. 123-30 et suivants du code de l'organisation judiciaire.

* 73 Le ministère de la justice a indiqué que les juges départiteurs auprès de certains gros conseils de prud'hommes bénéficiaient du concours de juristes assistants.

* 74 Les conseillers prud'hommes siègent en tenue de ville et portent autour du cou une médaille distinctive.

* 75 Loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature.

* 76 Art. 7-2 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

* 77 Art. L. 722-21 du code de commerce.

* 78 Les conseillers salariés bénéficient d'autorisations d'absence pour exercer leurs fonctions, l'employeur étant remboursé par l'Etat des salaires maintenus.

* 79 Vos rapporteurs soulignent que les fonctions de juge consulaire sont exercées à titre bénévole.

* 80 Seul le président ou un conseiller qu'il désigne peut bénéficier d'une indemnisation ou d'une autorisation d'absence au titre de l'étude préparatoire d'un dossier, à raison de 30 minutes par audience au stade du BCO ou en référé et de 1 heure au stade du bureau de jugement.

* 81 Les dépenses liées à l'indemnisation des conseillers prud'hommes et au remboursement des salaires maintenus représentent environ 16 millions d'euros par an.

* 82 Vos rapporteurs considèrent par ailleurs qu'une partie des 100 millions d'euros par mandature économisés du fait des nouvelles modalités de désignation des conseillers pourraient être mobilisés pour améliorer leur formation.

* 83 Aux termes de l'article D. 1442-1 du code du travail, ces organismes sont notamment des organismes privés à but non lucratif rattachés aux organisations syndicales et patronales agréés par le ministre du travail.

* 84 Arrêté du 11 décembre 1981 relatif au contenu des dossiers de demande d'agrément des stages de formation des conseillers de prud'hommes prévus aux art. D. 514-2 et D. 514-3 du code du travail, ainsi qu'à l'organisation de ces stages.

* 85 En particulier les bases JuriCa et Jurinet, bases de données de jurisprudence des cours d'appel et de la Cour de cassation, tenues par cette dernière.

* 86 Le projet Portalis a trois objectifs : améliorer le service rendu au justiciable en le rendant plus lisible et plus accessible ; moderniser la justice en dématérialisant les procédures judiciaires avec les justiciables et les auxiliaires de justice ; unifier en une seule chaîne applicative informatique au sein des juridictions le traitement de l'ensemble des procédures civiles, aujourd'hui gérées par des outils informatiques hétérogènes. Le calendrier du projet prévoit une mise en oeuvre en six étapes, pour un déploiement complet prévu en 2022.

* 87 Art. R. 1423-31 du code du travail.

* 88 Art. L. 1423-10 du code du travail. Il s'agit d'une mesure d'administration judiciaire, prise par ordonnance du président du conseil de prud'hommes et non susceptible de recours.

* 89 Art. 2 de la loi n° 2014-1528 du 18 décembre 2014 relative à la désignation des conseillers prud'hommes.

* 90 Chaque année, le président de la juridiction répartit les magistrats du siège dans les différents services de la juridiction, avant le début de l'année judiciaire, par une ordonnance dite de roulement, qui constitue une mesure d'administration judiciaire (art. L. 121-3 et R. 121-1 du code de l'organisation judiciaire). Cette ordonnance peut être modifiée en cours d'année, notamment pour « prendre en compte un changement dans la composition de la juridiction ».

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