B. LA MENACE DE LA DETTE

Depuis plusieurs années, le poids de la dette empêche de nombreux États africains d'investir dans certains secteurs dont la santé et l'éducation . L'encours total de la dette extérieure des pays d'Afrique subsaharienne (ASS), hors Afrique du Sud, s'élevait fin 2018 à environ à 600 milliards de dollars, dont 500 milliards à long terme, soit 370 milliards dus à des organismes publics et 130 dus à des personnes privés . La Chine détient à elle seule 40% de la dette africaine . Entre 2008 et 2018, la dette publique moyenne des pays africains est ainsi passée de 38 % à 56 % du Produit intérieur brut (PIB) du continent. Le FMI prévoit qu'elle atteindra 64 % du PIB en 2020 , ce qui semble faible comparé aux dettes des pays européens mais est en réalité très élevé pour des pays à qui les marchés financiers accordent moins leur confiance. Déjà, avant la pandémie, sur 39 pays pour lesquels le FMI et la Banque mondiale avaient fait des analyses de soutenabilité de la dette, 7 étaient considérés comme potentiellement incapables de rembourser leurs dettes en totalité, 12 en situation de risque élevé, et 20 en situation de risque faible ou élevé. La proportion significative des créanciers privés dans la dette publique extérieure des États d'Afrique sub-saharienne pèse particulièrement sur le budget des États endettés : les taux d'intérêt associés à ces dettes sont en moyenne très largement supérieurs à ceux proposés par les prêteurs publics tandis que les durées de remboursement sont nettement plus courtes.

Face à ces constats, le G20 a décidé le 15 avril dernier de reporter de douze mois les échéances du service de la dette dues par 76 pays, parmi lesquels 40 pays africains, pour un montant de 20 milliards de dollars . Pour la France, l'effort porte sur un milliard d'euros, dont 300 millions d'euros dus à l'AFD . Le moratoire comporte une conditionnalité consistant à « utiliser l'espace budgétaire créé pour augmenter les dépenses sociales, sanitaires ou économiques en réponse à la crise. Un système de suivi devrait être mis en place par les institutions financières internationales ». En revanche, il n'y a pas de moratoire sur les dettes privées, même si des discussions sont en cours avec les créanciers.

Ce moratoire sur la dette des pays africains doivent être ramené aux besoins constatés . La Commission économique pour l'Afrique (CEA) a établi des estimations de ces besoins globaux à court terme. Dans le meilleur des cas, c'est-à-dire avec l'adoption de mesures d'arrêt de la transmission accompagnées d'une distanciation stricte, il faudrait 44 milliards de dollars pour le dépistage et les équipements de protection individuelle, ainsi que pour le traitement de toutes les personnes nécessitant une hospitalisation et des soins intensifs. Si le coronavirus devait se propager sans mesure d'atténuation, 446 milliards de dollars seraient nécessaires pour combler le déficit de fournitures médicales nécessaires a` la lutte contre la pandémie. Lors de son audition par la commission, le docteur Nkengasong, directeur du Centre africain de prévention et de contrôle des maladies, a indiqué que l'Union africaine aurait besoin de 600 millions de dollars rien que pour appuyer les efforts des pays dans la gestion de la crise sanitaire.

Selon de nombreux analystes, le moratoire sur la dette, équivalent à un report de 20 milliards de dollars, est donc une mesure très insuffisante, car il ne fait que reporter une charge que les États devront ajouter à leurs échéances prévues l'année prochaine . Beaucoup risquent alors de se trouver dans l'incapacité de payer. Selon ces analystes, il conviendrait donc d'annuler tout ou partie de la dette détenue par les investisseurs public. Cela parait plus difficile à envisager pour les créanciers privés, qui ont un objectif de profit qui pourraient sanctionner les pays en cause à l'avenir. De manière générale, les institutions internationales ainsi que les banques de développement comme l'AFD estiment qu'il est nécessaire d'examiner individuellement la situation de chaque pays afin de tenir compte des capacités réelles de remboursement, des efforts accomplis et de la nécessité de préserver un accès futur aux marchés privés qui représentent une chance pour l'Afrique.

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