III. UN DIALOGUE POLITIQUE AVEC LA COMMISSION EUROPÉENNE QUI RESTE INÉGAL

Le dialogue politique est complémentaire des résolutions de l'article 88-4 de la Constitution qui s'adressent au Gouvernement qui représente la France dans les négociations au Conseil. Il permet en effet de faire connaître directement la position du Sénat aux institutions européennes, d'abord à la Commission européenne, à laquelle les avis politiques sont adressés, mais aussi au Parlement européen, également destinataire de ces avis.

La Commission dispose en principe d'un délai de trois mois pour répondre aux observations formulées dans l'avis politique de la commission des affaires européennes. Ces réponses sont directement adressées au président de la commission des affaires européennes, avec copie au Président du Sénat. Elles sont généralement signées par M. Maro efèoviè, vice-président de la Commission chargé des relations interinstitutionnelles et de la prospective, et cosignées dans la grande majorité des cas par le commissaire européen en charge du secteur sur lequel porte l'avis politique.

Les 15 avis politiques adoptés par la commission des affaires européennes entre le 1 er octobre 2019 et le 30 septembre 2020, ont tous reçu une réponse de la Commission. Le rapporteur se félicite de cette situation qui, comme l'année dernière, illustre le dialogue nourri et régulier instauré avec Bruxelles. Il réitère également son appréciation d'une qualité globalement satisfaisante des réponses apportées par la Commission dans le cadre du dialogue politique, et souhaite que les efforts entrepris soient étendus à l'ensemble de ces réponses et poursuivis par la nouvelle Commission, afin de réduire au maximum le caractère encore sans doute trop formel de cet exercice.

• Dans la majorité des cas, les réponses de la Commission veillent, au moins partiellement, à prendre en compte les différents aspects abordés dans l'avis politique de la commission des affaires européennes.

L'avis politique sur les enfants privés de tout lien avec leur parent européen à la suite d'un enlèvement commis par leur parent japonais a reçu une réponse relativement détaillée et informative. La Commission prend le soin de préciser que « la prévention des enlèvements d'enfants est un élément essentiel de la politique de l'Union européenne en matière de protection des droits de l'enfant ». Elle promeut l'adhésion des pays tiers à la convention de La Haye de 1980 sur l'enlèvement international d'enfants et surveille son application, notamment en participant aux commissions spéciales organisées par la conférence de La Haye de droit international privé, même si la Commission fait observer que, « dans le système établi par la convention de La Haye de 1980, il n'y a toutefois pas une autorité supérieure à laquelle les parties peuvent s'adresser en cas de violations présumées de la convention ». La Commission se dit « bien consciente des problèmes liés à la mise en oeuvre de la convention au Japon, dus à l'inexistence dans le système juridique de cet État de la garde conjointe et du droit de visite ». Toutefois, ces difficultés existent non seulement pour les couples mixtes, mais également pour les ressortissants japonais. Il n'en demeure pas moins que « la pratique actuelle et le manque de respect des décisions judiciaires garantissant un droit de visite qui sont constatés au Japon ne semblent pas compatibles avec les engagements internationaux du Japon dans le cadre de la convention des droits de l'enfant ».

Au-delà de ce constat, déjà connu de la commission des affaires européennes, la Commission indique que « plusieurs tentatives ont été diligentées pour sensibiliser les autorités japonaises dans la lignée des nombreuses actions entreprises par la délégation de l'Union européenne au Japon ». Ainsi, une lettre conjointe des ambassadeurs de l'Union européenne avait été envoyée, en mars 2018, à la ministre japonaise de la justice, Mme Yoko Kamikawa. De même, le 2 août 2018, Vìra Jourová, alors commissaire en charge de la justice et des consommateurs dans la précédente Commission, avait également écrit à la ministre. Depuis cette date, la délégation de l'Union européenne a soulevé la question au cours de plusieurs réunions avec les autorités japonaises. Cette délégation a également maintenu un contact régulier avec les organisations représentant les parents, ainsi que les parents eux-mêmes. Dans le cadre de la célébration du 30 e anniversaire de la convention des droits de l'enfant, la délégation de l'Union européenne a soutenu plusieurs initiatives en lien avec des influenceurs japonais et publié un article visant à sensibiliser l'opinion publique japonaise sur cette question et sur ses ramifications internationales. La Commission indique que « les ambassades et consulats des États membres, et plusieurs de nos partenaires internationaux sensibles à la situation de ces familles, sont aussi en mesure de jouer un rôle important pour apporter un appui personnalisé à leurs ressortissants ». Elle est informée du fait que des rencontres bilatérales ont également eu lieu avec certains États membres, y compris la France.

La Commission continue, en collaboration avec le Service européen pour l'action extérieure, de profiter des différentes enceintes pour aborder ce problème, par exemple lors du deuxième comité mixte institué par l'accord de partenariat stratégique Union européenne - Japon, qui a eu lieu à Bruxelles, le 31 janvier 2020. Les prochaines consultations relatives aux droits de l'Homme qui doivent se tenir avec le Japon permettront d'aborder à nouveau la question. La Commission précise que, « en fonction de la réponse des autorités japonaises, une démarche européenne, encourageant le Japon à mieux mettre en oeuvre la convention, menée éventuellement avec les États tiers partageant nos positions, pourrait être envisagée dans le futur ». Pour ce qui concerne la requête de la commission des affaires européennes d'établir une liste européenne concernant les pays tiers qui ne respectent pas les obligations découlant de la convention de La Haye de 1980, la Commission indique que « seulement les États membres, qui appliquent la convention dans la pratique, sont en mesure d'avoir les données nécessaires » et que « l'établissement d'une telle liste et les fonds nécessaires [...] impliquent donc une décision formelle du Conseil, qui devrait être prise par les États membres à l'unanimité ».

La Commission a aussi apporté une réponse détaillée à l'avis politique visant à améliorer la lutte contre la fraude aux financements européens dans le cadre des politiques de voisinage . Elle dit ainsi partager l'opinion exprimée par la commission des affaires européennes concernant l'importance de la lutte contre la fraude dans le cadre des politiques de voisinage et « veillera à ce que l'Office [européen de lutte antifraude, OLAF] dispose des ressources adéquates pour s'acquitter de son mandat », l'OLAF pouvant mener des enquêtes dans les pays voisins en coopération avec les autorités compétentes du pays concerné. La Commission estime que « la création du Parquet européen [...] renforce le cadre européen de lutte contre la fraude » et fait observer que la législation européenne est en cours de modification pour assurer une étroite collaboration entre l'OLAF et le Parquet européen sur la détection des fraudes dans l'Union européenne.

Pour ce qui concerne précisément la nécessité d'un contrôle plus approfondi des financements alloués à la politique européenne de voisinage, demandé par l'avis politique, la Commission rappelle que ses services gérant des programmes avec des profils de risques similaires travaillent en étroite coopération dans des groupes de travail supervisés par l'OLAF et la Direction générale du Budget (DG BUDG). L'un de ces groupes de travail est chargé du suivi de l'aide extérieure de l'Union, notamment de la politique de voisinage. De plus, la Commission « s'assure constamment que les accords de contribution financière et de garantie conclus par sa Direction générale du voisinage et des négociations d'élargissement (DG NEAR) comportent des dispositions robustes et efficaces de lutte contre la fraude ». S'agissant de la détection et du signalement des cas de fraude, l'OLAF gère la base de données IMS 14 ( * ) de la Commission, qui est utilisée par les États membres, les pays candidats, les candidats potentiels et certains pays tiers afin qu'ils puissent s'acquitter pleinement de leur obligation de rapporter tous les cas de fraude et d'irrégularités. Cette base de données est également utilisée par les autorités de gestion des États membres dans le cadre des programmes de coopération transfrontalière de la politique de voisinage. La Commission indique que « la politique de voisinage constituera par ailleurs un thème important du rapport sur la protection des intérêts financiers qui a été publié à l'été 2020 ». Enfin, répondant directement à cette disposition de l'avis politique, elle fait observer que, « au cours des dernières années, la politique de voisinage a fait l'objet d'un grand nombre de rapports spéciaux de la Cour des comptes [européenne] auxquels la Commission a contribué en répondant aux questions politiques, opérationnelles et financières abordées par ces rapports ».

L'avis politique relatif au programme de travail de la Commission européenne pour 2020 a reçu également une réponse très complète et détaillée.

La Commission note d'abord que « la pandémie de Covid-19 impacte profondément [son] travail » et l'a conduite à adapter son programme de travail annuel, le calendrier de certaines des actions proposées ayant été revu. Même si elle « reste fermement déterminée à mettre en oeuvre ses priorités fixées au début du mandat », son activité a été très largement consacrée à la gestion des conséquences de cette crise sanitaire, l'objectif étant d'élaborer « une réponse européenne globale et coordonnée, en étroite coopération avec le Conseil européen, le Parlement européen, le Conseil, les États membres et de nombreuses autres parties prenantes ». À ce titre, les priorités ont porté sur la santé publique et les incidences socio-économiques de la crise, en particulier le plan de relance.

Puis la Commission renvoie à l'annexe à sa réponse, qui présente ses observations aux positions adoptées par l'avis politique sur chacune des priorités politiques de la Présidente Ursula von der Leyen.

Sur le Pacte vert pour l'Europe, visant la neutralité climatique à l'horizon 2050 et conçu à la fois comme la nouvelle stratégie de croissance européenne et comme la ligne conductrice du programme de travail annuel, la Commission annonce la présentation, faite à l'automne dernier, d'un objectif climatique plus ambitieux allant de 50 % à 55 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport aux émissions de 1990. Poursuivant l'ambition de mobiliser les secteurs public et privé, la Commission a proposé, en janvier 2020, un plan visant à débloquer au moins 1 000 milliards d'euros d'investissements durables pour la décennie à venir, dans le cadre duquel elle a notamment prévu un mécanisme pour une transition juste, axé sur les régions et les secteurs les plus touchés par la transition. En lien avec le souhait de la commission des affaires européennes que le Pacte vert porte une attention particulière à la réduction de l'empreinte environnementale et à la préservation et la restauration de la biodiversité, la Commission a adopté, en mars 2020, une nouvelle stratégie en matière de politique industrielle et un nouveau plan d'action en faveur de l'économie circulaire. D'autres stratégies, présentées depuis lors, portent également sur ces sujets, par exemple en faveur de la biodiversité, la stratégie dite « De la ferme à la table », en matière de produits chimiques ou encore pour les forêts. Par ailleurs, la Commission travaille à l'élaboration d'une proposition de mécanisme d'ajustement des émissions de carbone aux frontières de manière à ce que le prix des importations reflète davantage leur teneur en carbone. Elle envisage aussi la révision en 2021 de la directive sur la taxation de l'énergie pour aligner la fiscalité sur les objectifs en matière de climat. En réponse à l'avis politique qui insistait sur la liberté de choix par les États membres de leur mix énergétique pour atteindre les objectifs climatiques européens et nationaux, la Commission indique que « toutes les actions proposées respecteront les dispositions pertinentes du traité ». Enfin, elle évoque le plan de relance européen, Next Generation EU , qui s'inscrit dans le cadre financier pluriannuel 2021-2027, dont l'objectif est de stimuler une reprise permettant de sortir de la crise, en particulier grâce à des investissements dans les transitions verte et numérique.

Pour ce qui concerne l'Europe adaptée à l'ère du numérique, la Commission rappelle qu'en relation avec les modalités de déploiement de la 5G, elle a approuvé, en janvier 2020, la boîte à outils commune de mesures d'atténuation sur laquelle les États membres se sont mis d'accord pour faire face aux risques en matière de sécurité liés au déploiement de la 5G. Elle mentionne également sa communication de février 2020, intitulée « Façonner l'avenir numérique de l'Europe », et sa proposition d'acte sur les services numériques, présentée à la fin de l'année dernière, ainsi que sa stratégie pour les données, qui prévoit notamment la création d'espaces communs des données devant faciliter l'accès et le partage des données, surtout pour les PME, et la mise en place d'un cadre cohérent rassemblant les différentes règles applicables pour les services en cloud . Plus précisément, l'acte sur les services numériques devrait introduire des dispositions visant à renforcer les règles applicables aux services numériques dans l'ensemble de l'Union européenne, en clarifiant le rôle et les responsabilités des plateformes en ligne. Enfin, la communication consacrée à l'intelligence artificielle, présentée en février 2020, a pour objectif d'insister sur les valeurs fondamentales et, par conséquent, d'asseoir la confiance des citoyens en cette technologie.

Sur une économie au service des personnes, la Commission indique que la première étape de la mise en oeuvre du plan d'action sur le socle des droits sociaux a consisté en la présentation, en janvier de l'année dernière, d'une communication sur la modernisation de l'économie sociale de marché, qui a également lancé un processus de dialogue et de consultation sur ce sujet. Deux phases de la consultation des partenaires sociaux sur une proposition relative aux salaires minimums ont alimenté l'initiative législative sur ce sujet, présentée fin 2020. Le programme SURE a été mis en place pour fournir une assistance financière aux régimes de chômage partiel dans le contexte de la pandémie de Covid-19, la Commission indiquant que cette action « ne préjuge pas de la mise en place d'un instrument permanent ». Par ailleurs, dans le cadre de l'approfondissement de l'Union économique et monétaire, la Commission a engagé, en février 2020, un réexamen du cadre de gouvernance économique et lancé le débat sur l'efficacité du cadre actuel de surveillance économique et budgétaire en vue de réformes éventuelles du six-pack et du two-pack . Dans le cadre du plan de relance européen, la Commission a proposé une nouvelle facilité pour la reprise et la résilience : construite sur la proposition de règlement visant à établir un cadre de gouvernance pour l'Instrument budgétaire de convergence et de compétitivité (IBCC) pour la zone euro, cette nouvelle facilité devrait apporter un soutien financier à grande échelle aux réformes et aux investissements réalisés par les États membres, et ainsi atténuer les conséquences économiques et sociales de la pandémie et mieux préparer aux défis des transitions écologique et numérique. Elle devrait également aider les États membres à remédier aux difficultés relevées dans le cadre du Semestre européen. Sur le dossier fiscal, la Commission rappelle son engagement à recourir aux dispositions des traités autorisant l'adoption de propositions selon la procédure de codécision et en vertu de décisions prises à la majorité qualifiée au Conseil, cette évolution devant introduire plus d'efficacité et de rapidité à intervenir. Sa communication sur la fiscalité des entreprises pour le XXI e siècle proposera des pistes pour adapter le système fiscal des entreprises à l'économie moderne, en particulier sa viabilité et son équité. Elle fera également le point sur la réforme du cadre international de l'impôt sur les sociétés et sur le défi de la numérisation, actuellement discutés au sein de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Enfin, sur la politique de cohésion, la Commission présentera sa vision à long terme pour les zones rurales en 2021, qui abordera des sujets tels que l'évolution démographique, la connectivité, le risque de pauvreté ou encore l'accès aux services.

Pour ce qui concerne une Europe plus forte sur la scène internationale, la Commission rappelle qu'elle a proposé une modernisation de la dimension extérieure du budget européen, en fusionnant les instruments existants en un seul instrument de voisinage, de développement et de coopération internationale. Les priorités de partenariat et les programmes d'association faisant l'objet d'un réexamen en 2020 devraient se concentrer également sur les priorités européennes en matière de transitions verte et numérique, ainsi que sur les défis liés à la migration. La Commission annonce par ailleurs un plan économique et d'investissement pour les Balkans, axé, là aussi, sur les transitions verte et numérique, mais aussi sur l'État de droit. Elle rappelle sa communication de février 2020 sur le processus d'adhésion et la perspective européenne des Balkans occidentaux, qui expose ses propositions pour renforcer la méthodologie de l'élargissement, approuvées par le Conseil européen du 26 mars 2020. Des objectifs politiques pour le Partenariat oriental au-delà de 2020 ont été présentés en mars de l'année dernière : ces nouvelles priorités politiques se concentreront sur le soutien à la transformation écologique, la transformation numérique, l'intégration régionale et des économies plus performantes. Une attention particulière sera également portée au respect permanent des critères de libéralisation du régime des visas, tandis que l'ouverture de nouveaux dialogues sur ce sujet avec les pays du Partenariat oriental sera conditionnée à des résultats en matière de mobilité. Par ailleurs, la Commission se dit toujours mobilisée pour rétablir le bon fonctionnement de l'organe de règlement des différends de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), aujourd'hui bloqué. En avril dernier, l'Union européenne et quinze autres membres de l'OMC, dont le Brésil, la Chine, le Mexique et l'Australie, ont notifié à l'OMC une mesure provisoire sous la forme d'un accord d'arbitrage intermédiaire multipartite. En réponse à la demande de la commission des affaires européennes de prendre toute mesure permettant de neutraliser les sanctions extraterritoriales prises par des États tiers, la Commission rappelle son « rejet » des effets extraterritoriaux des sanctions des pays tiers, qu'elle estime contraires au droit international. Sa future communication sur le renforcement de la souveraineté économique et financière de l'Europe devrait envisager un mécanisme de sanctions renforcé, garantissant que l'Europe résiste mieux aux sanctions extraterritoriales de pays tiers.

S'agissant de la promotion de notre mode de vie européen, la Commission indique que sa nouvelle stratégie sur l'union de la sécurité, présentée fin juillet dernier, tient compte de l'évolution des menaces, en particulier la montée en puissance des nouvelles technologies et l'émergence de menaces de plus en plus complexes. Le terrorisme, l'extrémisme violent, la cybercriminalité et la criminalité organisée deviennent de plus en plus transnationaux. La Commission rappelle que les colégislateurs ont trouvé un accord provisoire sur le règlement relatif à l'Agence de l'Union européenne pour l'asile. Enfin, le nouveau Pacte sur la migration et l'asile, présenté en septembre dernier, repose sur une approche globale de la gestion des migrations.

Sur un nouvel élan pour la démocratie européenne, la Commission insiste sur la lutte contre les discriminations, la crise sanitaire ayant mis en évidence des inégalités au sein des sociétés européennes et des atteintes aux valeurs fondamentales de l'Union européenne. Elle annonce la présentation, effective fin 2020, de deux stratégies, l'une en faveur de l'égalité des personnes LGBTI et l'autre pour l'égalité et l'inclusion des Roms. La Commission évoque également son intention de renforcer sa coopération avec le Conseil de l'Europe, dans le respect du mandat de chacun, y compris en vue de la préparation du premier rapport annuel de la Commission sur l'État de droit dans l'Union. Pour ce qui concerne la demande de la commission des affaires européennes d'un droit d'initiative des parlements nationaux, la Commission « se félicite du souhait du Sénat de contribuer positivement à l'élaboration de son programme de travail » et dit tenir compte des contributions des parlements nationaux dans la préparation de sa programmation. Elle estime cependant qu' « il appartient aux parlements nationaux, dans ce contexte, soit de demander aux représentants de leur État membre au Conseil de transmettre leur point de vue à la Commission, soit d'écrire directement à la Commission ». Ce faisant, elle écarte toute perspective de « carton vert ». Enfin, elle observe que « les parlements nationaux et régionaux ont aussi un rôle important à jouer au sein de la conférence sur l'avenir de l'Europe et sont encouragés à organiser des manifestations liées à la conférence. Leur participation devrait faire en sorte que la Conférence puisse atteindre chaque partie de l'Union européenne ».

La Commission a par ailleurs apporté une réponse très étayée à l'avis politique demandant le renforcement des mesures exceptionnelles de la politique agricole commune (PAC) pour faire face aux conséquences de la pandémie de Covid-19 et l'affirmation de la primauté effective des objectifs de la PAC sur les règles européennes de concurrence . Cette réponse reflète des désaccords, bien connus, entre la commission des affaires européennes et la Commission.

Celle-ci fait observer que « la pandémie de Covid-19 a eu un impact moins important sur l'agriculture européenne, et plus largement sur la chaîne d'approvisionnement alimentaire, que sur d'autres secteurs économiques, totalement à l'arrêt » et que « les flux commerciaux, tant au sein de l'Union sur son marché intérieur, que vers et en provenance des pays tiers, se sont globalement également bien maintenus ». Pour autant, « des complications ont été constatées le long de la chaîne en termes logistiques (transports, manutention) et de travail (accès à la main-d'oeuvre, notamment saisonnière), et les changements soudains de la demande, en particulier la fermeture des établissements de restauration, ont perturbé certains secteurs plus que d'autres (parfois même certains segments au sein d'un même secteur) ».

C'est pourquoi des mesures exceptionnelles ont été adoptées par la Commission sur la base du règlement (UE) n° 1308/2013 du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles, en soutien aux secteurs particulièrement touchés, sur la base de l'article 222 dudit règlement pour le lait cru, les pommes de terre industrielles et le secteur des plantes et fleurs. Par trois règlements d'exécution adoptés fin avril 2020, la Commission a autorisé les agriculteurs, leurs associations et les organisations interbranches de chaque secteur à prendre des mesures collectives de stabilisation du marché, en dérogation aux règles de concurrence, pendant une période de six mois. Pour faire face aux perturbations de marché, la Commission a également adopté des mesures de marché incluant une aide au stockage privé dans les secteurs des produits laitiers et de la viande. En outre, ces mesures de marché ont introduit davantage de flexibilité dans l'application des programmes sectoriels (vin, fruits et légumes, huile d'olive, apiculture et programme scolaire de l'Union finançant la distribution de lait et de fruits et légumes dans les écoles) de manière à réorienter les financements vers les mesures de gestion de crise.

La Commission indique avoir constaté, au cours des dernières années, une sous-utilisation régulière d'environ 110 millions d'euros, soit environ 10 %, des enveloppes allouées aux États membres au titre des programmes nationaux d'aide dans le secteur vitivinicole (PNA). Elle estime que cette sous-consommation de crédits serait « considérable » en 2020 car « les opérateurs ne sont pas en mesure d'achever leurs opérations et ne seraient donc pas éligibles aux paiements » du fait de la pandémie. C'est la raison pour laquelle elle a adopté plusieurs règlements visant à assouplir les règles relatives aux PNA et permettre, sous certaines conditions, le paiement partiel des opérations. Selon elle, deux nouvelles mesures, la distillation de crise et le stockage de crise, vont permettre de compenser la sous-consommation habituelle, ainsi que la sous-consommation supplémentaire provoquée par la pandémie. Elle n'a pas détaillé les règles de mise en oeuvre de ces nouvelles mesures pour laisser aux États membres une grande souplesse d'utilisation.

La Commission indique que l'ensemble de ces mesures devrait être financé par le budget 2020, sans nécessiter le recours à la réserve de crise, cette dernière s'étant « révélée inefficace, principalement en raison de son financement annuel via une ponction sur les paiements directs aux agriculteurs ». Ce constat est partagé par la commission des affaires européennes. La Commission justifie donc ses propositions pour la PAC post-2020, qui prévoient « une réserve agricole flexible et opérationnelle, dont le financement ne se fera plus aux dépens des paiements directs aux agriculteurs ». Elle a proposé une réserve agricole d'au moins 400 millions d'euros - l'avis politique demande son accroissement -, la possibilité étant toutefois prévue d'un montant plus élevé en fonction des prévisions de dépenses pour les mesures de crise. De surcroît, la nouvelle réserve agricole mettrait fin, selon la Commission, à la pratique « fastidieuse » du financement consistant actuellement à ponctionner les paiements directs et à rembourser par la suite les fonds non utilisés.

Des mesures de sauvegarde peuvent être envisagées dans le cas où les importations d'un produit augmentent de façon significative et dans des conditions qui provoquent, ou sont susceptibles de provoquer, de sérieux préjudices aux producteurs concernés au sein de l'Union européenne, à la suite d'une « enquête détaillée » démontrant que les importations causent un déséquilibre notable du marché. Ainsi, la grande volatilité des prix mondiaux du sucre n'a pas eu, à ce jour, un impact significatif sur le prix européen. En outre, les importations de sucre au cours des mois de mars et avril étaient inférieures d'environ 15 % à celles de l'année passée sur la même période. D'après les licences d'importation délivrées, les importations d'éthanol en avril 2020 étaient inférieures de 30 % par rapport à celles de l'année passée. Selon la Commission, il n'y aurait donc pas de perturbation du marché européen du sucre et de l'éthanol due aux importations, ce que contestait l'avis politique. Elle estime que l'intervention publique étant un outil permettant d'anticiper une baisse extrême des prix en cas de forte perturbation du marché, elle ne vise pas à assurer un niveau de revenu minimum aux agriculteurs. D'autres outils de la PAC, tels que les paiements directs ou l'outil de stabilisation des revenus, ont pour objectif de soutenir ces revenus.

La Commission reprend ensuite longuement les arguments qui l'avaient conduite, en juin 2018, à proposer une révision de la PAC post-2020, sur les aspects économiques, environnementaux, climatiques et sociaux. Le Sénat a adopté plusieurs résolutions européennes sur l'avenir de la PAC, dans lesquelles il mettait en évidence d'importantes divergences de vues avec la Commission. Celle-ci, dans sa réponse à l'avis politique, indique toutefois que « la PAC continuera d'être aux côtés des agriculteurs européens avec un large éventail d'outils, y compris des dérogations spécifiques aux règles de concurrence prévues par la législation agricole, pour soutenir le revenu agricole, favoriser la gestion des risques et la compétitivité, et faire face aux éventuelles crises ». De même, « dans le cadre des négociations commerciales, la Commission continuera de reconnaître dûment la sensibilité du secteur agricole, en veillant à obtenir un résultat lui offrant des garanties suffisantes ».

Pour ce qui concerne précisément la concurrence, la Commission relève les particularités du secteur agricole qui bénéficie d'un régime spécifique en la matière, reconnu d'ailleurs par la CJUE qui a admis des dérogations aux règles de la concurrence pour assurer la mise en oeuvre des objectifs de la PAC. La Commission estime que l'action des autorités européennes de concurrence a « aidé les agriculteurs à obtenir de meilleures conditions lors de la vente de leurs produits à des acheteurs de taille importante ou à des coopératives, en mettant fin à des pratiques concertées tendant à faire baisser les prix payés aux producteurs (notamment, en France, les prix payés par les abattoirs aux producteurs de viande porcine) ou en affranchissant les producteurs de clauses d'exclusivité abusives imposées par certaines coopératives en position dominante (notamment, en France, dans le secteur du sucre de betterave) ». En outre, la Commission « souscrit pleinement » au caractère bénéfique des activités collectives menées par les organisations de producteurs dans le cadre du règlement (UE) n° 1308/2013. Elle soutient le renforcement du pouvoir de négociation des producteurs agricoles ainsi qu'une répartition plus équitable de la valeur ajoutée tout au long de la chaîne d'approvisionnement. Elle indique que ces objectifs l'ont conduite à mettre en oeuvre les recommandations de la task force sur les marchés agricoles, relatives aux organisations de producteurs et organisations interprofessionnelles, à la transparence du marché et aux pratiques commerciales déloyales. Selon la Commission, le règlement (UE) 2017/2393 du 17 décembre 2017, dit « règlement Omnibus », a clarifié les règles de concurrence applicables aux producteurs agricoles qui planifient leur production et vendent leurs produits dans le cadre d`organisations de producteurs reconnues, a facilité l'adoption de mesures de coopération de crise par les agriculteurs et a garanti aux producteurs le droit à des contrats écrits de la part de leurs partenaires commerciaux. Elle estime également que son initiative d'octobre 2019 pour la transparence des marchés contribue à réduire l'asymétrie d'information en fournissant des informations sur les prix et les marchés dans les principaux secteurs agricoles à tous les stades de la chaîne. La directive (UE) 2019/633 du 17 avril 2019 sur les pratiques commerciales déloyales dans les relations interentreprises au sein de la chaîne d'approvisionnement agricole et alimentaire, applicable à partir de cette année, protège les fournisseurs de produits agroalimentaires faibles contre les comportements déloyaux de la part des plus gros acheteurs et garantit que les agriculteurs peuvent porter plainte auprès des autorités pour faire cesser ces pratiques et éventuellement infliger des amendes.

La Commission considère que, si « aucune de ces mesures prises isolément ne constitue une panacée, elles contribueront ensemble au renforcement des agriculteurs dans la chaîne », et appelle les filières à se saisir de ces différents outils. Elle se dit « prête à travailler avec les colégislateurs pour améliorer les dispositions qui renforcent la position des agriculteurs dans la chaîne alimentaire ».

La Commission estime que d'autres mesures introduites par le « règlement omnibus » doivent être appliquées avant d'être réexaminées. Tel est le cas, par exemple, du nouvel article 152, paragraphe 1 bis , du règlement (UE) n° 1308/2013, qui permet aux producteurs de vendre leurs produits via une organisation de producteurs et de déterminer un prix de vente commun et unique pour ces quantités. Cette disposition devrait aider les agriculteurs à concentrer leur offre et à améliorer leur poids dans les négociations commerciales. Cependant, eu égard au principe de la liberté entrepreneuriale des agriculteurs, la Commission considère que des restrictions aux ventes individuelles des agriculteurs ne semblent pas nécessaires pour atteindre les objectifs de l'organisation commune de marché, et peuvent même avoir des conséquences négatives pour les producteurs.

Sur la dimension commerciale internationale du secteur agro-alimentaire européen, la Commission rappelle qu'au cours des dernières années, la balance entre les exportations de l'Union européenne et les importations a connu une évolution positive. En 2019, les exportations agro-alimentaires de l'Union ont continué à croître à un taux de 7,6 % par rapport à l'année précédente, la France gagnant des parts importantes de marché avec une valeur annuelle d'exportation de 30 milliards d'euros. La Commission se dit « pleinement consciente » que l'ouverture commerciale pourrait être plus problématique pour certains secteurs, et connaît la sensibilité des produits agricoles dans les négociations commerciales. Pour ce qui concerne plus particulièrement l'annonce de la conclusion des négociations commerciales entre l'Union européenne et le Mexique, qui avait provoqué le « vif étonnement » de la commission des affaires européennes, la Commission précise qu' « il ne s'agit nullement de nouvelles négociations mais uniquement de l'annonce de la fin des négociations portant sur la modernisation du volet commercial de l'accord global entre l'Union européenne et le Mexique, entreprise en 2016 et conclue d'abord par un accord politique de principe en avril 2018. Cependant, le Mexique n'ayant présenté son offre concernant les marchés publics au niveau fédéré que fin 2019, la fin des négociations n'a pu être annoncée que le 28 avril 2020. Cette annonce ne signifie pas que la modernisation de l'accord est en vigueur. La Commission espère présenter l'accord au Conseil et au Parlement européen avant la fin [2020] ».

Selon la Commission, « la modernisation de l'accord présente d'intéressantes opportunités pour le secteur agroalimentaire français et européen, car le Mexique est un acheteur important de produits agricoles, en particulier dans le secteur laitier où l'Union européenne a obtenu des quotas importants, mais aussi dans le secteur du porc et de la volaille qui sont presque libéralisés [...]. Les produits agricoles transformés ont tous été entièrement libéralisés. Cet accord rendra également le commerce avec le Mexique plus facile et plus prévisible grâce à l'ambitieux chapitre sanitaire et phytosanitaire, apportant des solutions concrètes aux exportations de fruits et légumes et de produits animaux ». Elle ajoute : « Grâce à [cette] modernisation, l'industrie viticole et spiritueuse française et européenne bénéficiera de dispositions de facilitation des échanges sur le commerce des vins et spiritueux avec des dispositions claires sur l'étiquetage et les pratiques oenologiques qui apporteront une certitude à long terme ». En outre, « l'accord protégera 36 indications géographiques agroalimentaires françaises et 40 indications géographiques viticoles françaises. Le niveau de protection accordé est le plus élevé possible, équivalent à celui existant actuellement dans l'Union européenne pour ses propres indications géographiques ».

En outre, la Commission a apporté une réponse très détaillée, dans une annexe à sa lettre examinant les différents points soulevés par l'avis politique relatif à la modernisation de la politique européenne de concurrence .

Elle observe d'abord que la commission des affaires européennes soutient les objectifs poursuivis par la politique européenne de concurrence, mais « prend note des doutes qu'elle a exprimés au sujet de sa capacité d'appréhender un environnement économique de plus en plus complexe, mondialisé et numérisé ». Elle prend l'engagement de « veiller à ce que la politique et les règles de concurrence de l'Union restent adaptées à l'économie moderne, vigoureusement appliquées et contribuant à une industrie européenne forte, tant sur le plan interne que sur la scène mondiale » et rappelle qu'elle procède actuellement à l'évaluation et au réexamen de ses règles de concurrence.

Puis la Commission examine les différents éléments de l'avis politique.

Sur les analyses sectorielles systématiques de l'état de la concurrence, proposées par la commission des affaires européennes, l'action de la Commission bénéficie déjà, selon elle, d'échanges permanents entre ses services. La DG Concurrence associe les autres DG concernées à tous ses travaux sur les affaires de concurrence ou sur la politique de concurrence afin de bénéficier à tous les stades du processus de leur connaissance du marché et des secteurs concernés. Par exemple, pour le contrôle des concentrations, les DG concernées reçoivent toutes les notifications d'opérations de concentration et les propositions de mesures correctives, et sont consultées sur les projets de décision dans les premières phases des procédures, ainsi que sur les mesures préliminaires telles que l'adoption d'une communication des griefs. Elles sont également invitées à participer aux auditions et aux réunions du comité consultatif. Il en va de même pour les procédures relatives aux pratiques anticoncurrentielles et aux aides d'État. En outre, la Commission explique que la structure de base de la DG Concurrence, avec des unités chargées des concentrations, des pratiques anticoncurrentielles et des aides d'État, spécialisées par secteur de l'économie, « garantit le regroupement de connaissances sectorielles spécifiques ainsi qu'une coopération étroite avec les collègues des DG sectorielles ». Par ailleurs, la DG Concurrence est compétente pour mener, dans certains secteurs et sur certains marchés, des enquêtes auxquelles d'autres DG sont associées, en particulier des enquêtes par secteur. La Commission précise que neuf enquêtes sectorielles ont été menées, la dernière ayant été ouverte le 16 juillet 2020 dans le secteur de l'Internet des objets en ce qui concerne les produits et services destinés aux consommateurs, après des enquêtes sur le commerce électronique, les produits pharmaceutiques, les services financiers (assurances commerciales et banque de détail), l'énergie, la 3G, les lignes louées ou encore les services d'itinérance. En outre, la DG Concurrence publie aussi des rapports annuels consacrés à la politique de la concurrence.

Pour ce qui concerne la notion de bien-être du consommateur, la Commission partage l'avis de la commission des affaires européennes selon lequel le prix ne saurait être l'unique facteur à prendre en compte dans l'appréciation des atteintes à la concurrence et aux intérêts des consommateurs. Une « multitude de paramètres » doivent être pris en compte, dont l'incidence du comportement examiné sur les prix, la qualité, l'innovation et le choix. La Commission dit d'ailleurs évaluer régulièrement ces autres paramètres. Pour autant, elle estime que, « si la mise en oeuvre effective des règles de concurrence de l'UE peut faciliter la réalisation d'objectifs plus vastes de l'action publique tels que la protection de l'environnement, la justice sociale, le maintien d'une inflation faible et le plein emploi, il existe, pour atteindre lesdits objectifs, d'autres instruments d'action directement conçus à cet effet et adaptés à leur objet ».

S'agissant de l'allongement de l'horizon temporel pour prendre en compte la concurrence potentielle future, la Commission doit, lorsqu'elle contrôle les opérations de concentration, examiner si l'entrée de nouveaux concurrents sera éventuellement assez rapide pour dissuader ou contrecarrer l'exercice d'un pouvoir de marché par l'entité issue de la concentration. Selon ses lignes directrices sur l'appréciation des concentrations horizontales, la Commission constate que l'entrée sur le marché n'est normalement considérée comme intervenant en temps utile que si elle s'effectue dans un délai de deux ans. L'horizon temporel appliqué dépend de chaque affaire et de chaque secteur. La Commission tient compte de l'ensemble des facteurs et des évolutions probables du marché dans la mesure où ceux-ci sont connus ou peuvent être raisonnablement prévus au moment de l'examen de la concentration. Elle va au-delà du délai de deux ans pour les concentrations où les spécificités du secteur le permettent, par exemple parce que les cycles de développement des produits sont longs ou parce que les possibilités de participer à un appel d'offres sont peu fréquentes. Pour la concentration Bayer/Monsanto, la Commission a examiné une possible entrée sur un des marchés en cause dans un délai de huit à dix ans. Dans la concentration Siemens/Alstom, l'entrée potentielle de concurrents chinois sur le marché a été évaluée sur une période pouvant atteindre cinq à dix ans. Pour cette affaire, la Commission précise que, « même en choisissant un horizon à dix ans, l'entrée de nouveaux concurrents sur le marché ne pouvait être considérée comme suffisamment susceptible d'exercer une pression concurrentielle significative sur l'entité issue de la concentration ». Selon la Commission, allonger de manière générale ou excessive le délai d'évaluation de l'arrivée de nouveaux concurrents et de la concurrence potentielle peut présenter des « inconvénients graves » : accroître le caractère incertain de l'appréciation et donc augmenter le risque que l'entrée prévue ne se produise pas comme envisagé, avec un préjudice pour les clients européens ; avoir des conséquences négatives pour les clients pendant des années avant que l'entrée prévue sur le marché ne se concrétise ; nuire à la bonne application des règles de concurrence sur les marchés numériques en rapide évolution. D'ailleurs, la Commission « n'a pas connaissance d'autres ordres juridiques, y compris les États-Unis, dans lesquels est appliqué un horizon temporel plus long, d'au moins cinq ans, pour évaluer la concurrence potentielle comme élément compensateur dans l'examen des opérations de concentrations ». Plus largement, selon la Commission, assouplir les conditions relatives à l'appréciation des concentrations pour faciliter l'autorisation de certaines concentrations industrielles européennes pourrait entraîner des effets anticoncurrentiels et nuire aux clients industriels et aux consommateurs dans l'Espace économique européen, et restreindre la possibilité pour la Commission d'intervenir contre des opérations clairement anticoncurrentielles réalisées par des entreprises établies en dehors de l'UE ou actives dans des secteurs différents, notamment dans le secteur numérique.

Sur la définition des marchés pertinents aux fins d'application du droit de la concurrence de l'Union européenne, la Commission convient que la communication de 1997 sur la définition du marché en cause pourrait utilement faire l'objet d'une révision. C'est pourquoi elle en a engagé une évaluation, comprenant une consultation publique. Elle entend analyser tous les aspects de la définition du marché de produit et du marché géographique et « s'emploiera, à l'avenir également, à effectuer des appréciations de la définition du marché fondées sur des données économiques solides et conformes aux prescriptions du droit primaire et du droit dérivé de l'Union, ainsi qu'aux orientations contraignantes données par le juge de l'Union ».

Pour ce qui concerne le renforcement de la flexibilité dans l'application du droit européen de la concurrence, la Commission indique qu'elle est en train d'étudier la manière d'exploiter le plein potentiel des outils dont elle dispose, notamment le pouvoir d'imposer des mesures correctives en plus des traditionnelles injonctions de ne pas faire. Le 16 octobre 2019, dix-huit ans après avoir eu recours à cet instrument pour la dernière fois, elle a imposé des mesures provisoires au fournisseur de puces Broadcom . Ce précédent démontre, selon la Commission, qu'elle effectue, au cas par cas, une analyse approfondie de l'opportunité d'imposer des mesures provisoires et n'hésite pas à les prononcer lorsque les critères prévus dans le règlement n° 1/2003 sont remplis. La Commission considère que « ce serait toutefois une erreur de supposer que des modifications du critère juridique donneraient automatiquement lieu à un plus grand nombre de cas d'application utile de mesures provisoires ». Les mesures provisoires sont en effet conçues comme des mesures exceptionnelles qui pourraient ne pas être adaptées à des théories du préjudice nouvelles ou à des affaires complexes dans lesquelles un effet anticoncurrentiel doit être établi. Enfin, une analyse d'impact est également en cours pour explorer la nécessité d'un nouvel outil en matière de concurrence. En fonction du résultat de cette analyse, ce nouvel outil pourrait compléter les règles de concurrence actuelles en autorisant la Commission à s'attaquer à des problèmes de concurrence structurels que les règles existantes ne permettent pas de résoudre. Le groupe de travail du Conseil sur la concurrence a débattu de cette question au cours de sa réunion du 16 juillet 2020. Par ailleurs, en ce qui concerne les mesures correctives dans le domaine du contrôle des concentrations, la Commission privilégie les mesures structurelles, c'est-à-dire les cessions, car tant la pratique que des recherches ex post auraient révélé l'efficacité supérieure des mesures correctives structurelles par rapport aux mesures comportementales, et car les structures de marché concurrentielles sont celles qui permettent d'obtenir les résultats les plus efficients. Une concentration anticoncurrentielle se traduit sur le marché par un changement structurel prolongé qui produit des effets négatifs. Une mesure corrective doit empêcher ce changement structurel et avoir un effet durable. En outre, une cession n'appelle pas de suivi à long terme, avec tous les risques que celui-ci comporte. Les autorités de la concurrence ne sont pas efficaces dans la régulation à long terme des marchés et ne disposent pas des ressources nécessaires. Enfin, la préférence de l'Union pour les mesures correctives structurelles est partagée par d'autres ordres juridiques, par exemple ceux des États-Unis et de l'Allemagne ; elle est aussi reconnue dans les travaux du Réseau international de la concurrence. Malgré cette préférence, la Commission indique recourir à des mesures correctives comportementales ou en matière d'accès dans certaines affaires de concentration, lorsqu'il est établi que des mesures de cette nature sont aussi efficaces que des cessions.

Sur l'intégration de nouveaux concepts d'analyse adaptés au numérique afin d'assurer un suivi préventif des comportements des acteurs, évoquée par l'avis politique, la Commission fait observer qu'elle a lancé, début juin dernier, une consultation publique sur le paquet relatif aux services numériques, qui devrait comporter des dispositions visant à réguler les grandes plateformes en ligne qui exercent un rôle de contrôleur d'accès, et à faire en sorte que l'équité et la concurrence continuent d'exister sur les marchés sur lesquels leur influence se fait sentir - les propositions de la Commission ont été présentées en décembre dernier. Pour la Commission, cette initiative et celle relative au nouvel outil en matière de concurrence sont complémentaires et parallèles. De surcroît, la Commission indique examiner si les seuils du règlement sur les concentrations reposant sur le chiffre d'affaires permettent suffisamment de soumettre au contrôle les opérations qui en relèvent, notamment dans le secteur numérique.

Enfin, pour ce qui concerne la proposition de la commission des affaires européennes d'évaluer a posteriori et de manière transparente les décisions prises en matière de concurrence, la Commission explique qu'elle réalise des évaluations ex post de ses décisions antérieures en matière de concentration et de pratiques anticoncurrentielles, en recourant à diverses méthodes qu'elle applique de préférence de façon combinée (méthodes qualitatives telles que des entretiens structurés, méthodes quantitatives descriptives et méthodes quantitatives plus complexes telles que des analyses d'impact contrefactuelles). Le premier exemple d'évaluation ex post effectuée par la Commission est l'étude de 2005 sur les mesures correctives dans les affaires de concentration, qui a abouti à la conclusion que les mesures correctives structurelles, telles que les cessions, étaient très efficaces. En revanche, l'efficacité des mesures correctives accordant un accès à l'infrastructure ou à la technologie apparaît plus douteuse. La DG Concurrence a aussi piloté ou effectué en interne plusieurs évaluations ex post de décisions individuelles dans des affaires de concentration et de pratiques anticoncurrentielles dans les secteurs de l'énergie et des télécommunications, ainsi que sur le marché des disques durs. Les études sur les secteurs de l'énergie et des télécommunications ont principalement porté sur les effets sur les prix des interventions au titre des règles de concurrence, tandis que l'évaluation du marché des disques durs visait à définir une méthode pour mesurer les effets des opérations de concentration sur l'innovation. Selon une étude de 2015, les mesures correctives appliquées dans les affaires de concentration avaient largement éliminé les effets anticoncurrentiels des concentrations sur les prix. Par ailleurs, la DG Concurrence a créé un poste de conseiller principal chargé des évaluations économiques ex post de la politique de concurrence. Toutefois, en raison de contraintes budgétaires, le nombre d'évaluations rétrospectives effectuées en interne est limité, la majorité des travaux étant confiée à des consultants externes placés sous la supervision d'un groupe de pilotage coordonné par le conseiller principal et composé de fonctionnaires de la DG Concurrence, mais aussi d'autres directions générales. Selon la Commission, cette méthode présente l'avantage de garantir l'indépendance des évaluations effectuées, tout en tirant parti des connaissances spécialisées et de l'expérience des fonctionnaires ayant travaillé sur les affaires et dans les domaines d'intervention examinés.

La réponse de la Commission à l'avis politique relatif à la mobilité des professionnels de santé au sein de l'Union européenne , quoique divergente sur bien des points avec la position de la commission des affaires européennes, est, elle aussi, argumentée. La Commission assure d'abord que le suivi de la mise en oeuvre des textes relatifs à la mobilité des professionnels de santé, et de la directive 2018/958/UE du 28 juin 2018 relative à un contrôle de proportionnalité avant l'adoption d'une nouvelle réglementation de professions, « se fera dans le but, entre autres, d'assurer la sécurité des patients ». Elle dit également « prend[re] très au sérieux les préoccupations exprimées dans l'avis du Sénat ».

La réponse apporte des précisions dans une annexe présentée de façon thématique. L'absence de réponse sur l'information que la carte professionnelle européenne pourrait comporter sur les qualifications du professionnel de santé, demandée par l'avis politique, est toutefois regrettable.

Sur le contrôle continu, public, indépendant et transparent des formations relevant de l'annexe V de la directive 2005/36/CE du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, dispensées dans les États membres, la Commission estime que le contrôle est assuré actuellement par plusieurs acteurs qui permettent ensemble de garantir les conditions minimales des formations des professions de santé couvertes par l'annexe V dans l'Union européenne. Le suivi et le contrôle des formations se fait d'abord au niveau national au titre des compétences des États membres en matière d'éducation et de santé. Selon la Commission, la notification dans le système informatique du marché intérieur (IMI) par les autorités nationales compétentes représente un garde-fou supplémentaire. Cette notification implique une vérification au niveau de l'État membre des formations encodées. Les formations non notifiées ne font pas parties de l'annexe V et ne peuvent donc prétendre à une reconnaissance automatique. Il y a ensuite une vérification des notifications et de leur contenu, effectuée par la Commission. Après examen des formations soumises, et en cas de doute, la Commission revient vers les autorités nationales compétentes. Enfin, un contrôle a posteriori reste possible après vérification des listes publiées dans l'annexe V ou plaintes adressées à la Commission. Sur ce point, la Commission « ne partage pas la conclusion du Sénat selon laquelle il y aurait absence de contrôle des formations dispensées dans les États membres ».

Pour ce qui concerne l'harmonisation a minima des formations prévues par la directive 2005/36/CE, la Commission précise que cette harmonisation résulte des négociations entre les États membres et le Parlement européen, le texte en vigueur étant un compromis. En outre, la révision de la directive sur les qualifications professionnelles par la directive 2013/55/UE du 20 novembre 2013 permet, selon une procédure simplifiée, l'adaptation d'une partie des exigences de formation des professions, pour s'aligner sur le progrès scientifique et technique. La Commission indique travailler sur ce plan. Ainsi, pour elle, « les exigences communes de formation, même si elles ne sont pas identiques, répondent néanmoins aux exigences élevées de sécurité du patient ». Pour ce qui concerne la plus grande harmonisation des actes autorisés à la pratique pour chaque profession et une plus grande concordance entre les spécialités nationales, la Commission rappelle que l'article 26 de la directive 2005/36/CE permet à la Commission, par actes délégués, l'inscription de nouvelles spécialisations médicales, communes à au moins 2/5 e des États membres.

S'agissant de la nécessité de permettre un contrôle systématique de la maîtrise suffisante de la langue du pays d'accueil, la Commission fait observer que la directive 2005/36/CE précise que les professionnels bénéficiant de la reconnaissance des qualifications professionnelles doivent avoir les connaissances linguistiques nécessaires à l'exercice de la profession dans l'État membre d'accueil. Des contrôles peuvent être imposés par les autorités nationales pour les professions ayant des implications en matière de sécurité des patients. Ces contrôles peuvent être réalisés après la délivrance d'une carte professionnelle européenne ou après la reconnaissance d'une qualification professionnelle. De même, un manque constaté de la maîtrise de la langue, de nature à nuire à l'exercice d'une profession au point d'aller à l'encontre de la sécurité du patient, conduirait à l'échec de la réalisation des mesures de compensation. La Commission précise toutefois que le terme « contrôle » ne signifie pas automatiquement « test » : le contrôle consiste d'abord à vérifier les documents fournis ; en cas d'échec de la vérification, un examen ou une interview orale sera demandé au candidat. Elle rappelle également que le contrôle linguistique doit être proportionné à l'activité à exercer et que le professionnel concerné peut intenter un recours contre ce contrôle en vertu du droit national.

Sur l'application de la directive 2018/958/UE sans préjudice pour la sécurité des patients et la qualité des soins, demandée par l'avis politique, la Commission rappelle que l'application cohérente et constante du principe de proportionnalité permettra d'assurer au mieux une sécurité optimale des patients par une réglementation des professions de santé proportionnée et basée sur le respect des principes d'intérêt généraux inscrits dans les traités, dont celui de la santé publique, afin d'assurer un haut degré de protection de la santé humaine.

L'avis politique sur l' évaluation des technologies de santé a reçu une réponse complète, portant sur chacune des observations sénatoriales, et argumentée, même si la commission des affaires européennes et la Commission ne partagent pas nécessairement les mêmes positions - la proposition de la Commission avait d'ailleurs fait l'objet d'un avis motivé du Sénat, en avril 2018, au titre du contrôle de subsidiarité. La Commission indique d'abord qu'elle « partage le point de vue du Sénat selon lequel la pandémie de Covid-19 a montré les limites de la coopération entre États membres dans le domaine de la santé et que cette coopération devra être renforcée ». Ce renforcement concerne notamment le domaine de l'évaluation des technologies de santé.

Sur le choix de la base juridique, que l'avis motivé contestait, la Commission rappelle que le contenu et les objectifs de sa proposition, eu égard aux problèmes mis en évidence dans l'analyse d'impact, avaient motivé le recours à l'article 114 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). Elle prend toutefois note de la position du Parlement européen en première lecture, favorable à l'ajout de l'article 168 paragraphe 4 du TFUE en tant que deuxième base juridique, comme le demandait la commission des affaires européennes.

L'avis politique recommandait de limiter, dans un premier temps, le champ des technologies à évaluer en commun pour permettre la mise en place de pratiques garantissant la qualité des évaluations. La Commission note que sa proposition prévoit une période transitoire de trois ans suivant la date de mise en application du règlement, pendant laquelle le groupe de coordination sélectionnerait un nombre limité de médicaments et dispositifs médicaux pour des évaluations cliniques communes, l'objectif étant de garantir la qualité des évaluations dans un premier temps. Le Parlement européen corrobore cette approche, tout en proposant une prolongation de la période transitoire à quatre ans pour les médicaments et sept ans pour les dispositifs médicaux.

La commission des affaires européennes demandait que les évaluations cliniques communes respectent pleinement les compétences des États membres dans le domaine de l'évaluation des technologies de santé, notamment en ce qui concerne leur utilisation au niveau national, la possibilité pour un État membre d'effectuer une évaluation clinique complémentaire et le lien entre une évaluation clinique commune et une évaluation globale faite par l'État membre. La Commission estime que sa proposition fixe des limites claires aux conclusions des rapports d'évaluation clinique commune afin que ces évaluations n'empiètent pas sur l'évaluation globale faite par l'État membre. En effet, selon elle, les États membres resteraient libres de décider : des détails du processus national d'évaluation des technologies de santé, c'est-à-dire de la réalisation ou non d'une évaluation non clinique et/ou d'un processus d'évaluation pour compléter l'évaluation clinique commune ; des conclusions sur la valeur ajoutée globale des technologies de santé évaluées sur la base du rapport d'évaluation clinique commune ; de la manière dont les résultats du processus global d'évaluation devraient, le cas échéant, être utilisés dans le cadre de décisions en matière de tarification et de remboursement. Néanmoins, la Commission admet que la répartition des compétences pourrait être plus précise sur ce point. En première lecture, le Parlement européen a ainsi introduit la possibilité pour les États membres d'effectuer des analyses cliniques complémentaires.

L'avis politique estimait que le règlement lui-même devrait fixer, d'une manière plus claire et approfondie, les conditions relatives à la qualité, à la transparence et à l'indépendance des évaluations cliniques communes et des consultations scientifiques communes. La Commission se dit « convaincue que l'équilibre entre le contenu de l'acte de base et le recours à la législation tertiaire est approprié ». Elle rappelle que les normes en la matière sont souvent techniques et susceptibles d'évolutions du fait de développements scientifiques, ce qui nécessite de la flexibilité. Elle indique toutefois avoir l'intention de rechercher avec les colégislateurs le bon équilibre entre l'acte de base et la législation tertiaire.

Enfin, l'avis politique appelait l'attention sur l'importance de l'identification précoce des technologies de santé émergentes pouvant avoir une incidence majeure sur la santé des patients, notamment en cas de pandémie. La Commission considère que l'identification des technologies de sante émergentes est un pilier essentiel du système d'évaluation des technologies de santé. Selon elle, sa proposition a pour but la mise en place des études qui permettraient au groupe de coordination d'identifier les technologies pouvant avoir une incidence majeure sur la santé des patients aussitôt que possible dans leur développement.

Sur l'avis politique visant à adapter le régime de protection dont bénéficie le loup en application de la convention de Berne et de la législation européenne , la Commission, bien que sur une position différente de celle exprimée par la commission des affaires européennes, a répondu de façon argumentée.

Elle cite d'abord la stratégie de l'Union européenne en faveur de la biodiversité à l'horizon 2030, publiée en mai 2020, qui cherche à remédier aux obstacles et aux lacunes dans la mise en oeuvre de la législation européenne en matière de protection de la nature. Elle « reconna[ît] pleinement le rôle essentiel du pastoralisme et du pâturage extensif pour atteindre un état de conservation favorable des habitats de prairies protégés par la directive Habitats » et indique « encourager[...] également la gestion efficace de toutes les zones protégées dépendantes du pastoralisme, en particulier dans le cadre du réseau Natura 2000 ». Enfin, elle se dit « conscient[e] du fait que le pastoralisme est menacé [...] et que le retour des grands prédateurs dans les zones où ils avaient disparu peut exercer une pression supplémentaire, si aucune mesure de protection adéquate n'est mise en place ».

La Commission fait observer que l'objectif principal de la directive Habitats est la réalisation et le maintien d'un état de conservation favorable pour les habitats et les espèces, y compris le loup. Selon elle, « bien que le loup soit présent dans de nombreuses régions de l'Union européenne, la plupart des populations n'ont pas atteint un état de conservation favorable. La base scientifique pour modifier le statut du loup au titre de la directive Habitats n'est donc pas établie ». Dans le cas de la France, où la population de loups est estimée à 580 individus, elle considère que « les données scientifiques indiquent que cette population est encore loin d'avoir atteint un état de conservation favorable. De plus, il convient de rappeler que même lorsque ce statut est atteint, l'obligation de protection au titre de la directive vise également à garantir le maintien de cet état ».

La Commission indique que son plan d'action de 2017 pour le milieu naturel, la population et l'économie a notamment « renforcé la promotion de la coexistence entre les grands prédateurs et les populations des régions concernées ». Dans ce cadre, elle aide les États membres et les parties prenantes à concevoir et à mettre en place des solutions permettant de concilier la conservation des grands carnivores et les intérêts et les besoins de la population, y compris au travers d'une plateforme européenne dédiée, qui a été déclinée au niveau régional - la Commission soutient ainsi une plateforme régionale consacrée au parc naturel régional du Vercors, qui se concentre sur l'incidence des chiens protégeant les troupeaux d'animaux sur d'autres utilisateurs, les randonneurs par exemple. Par ailleurs, les lignes directrices sur les aides d'État dans les secteurs agricole et forestier et dans les zones rurales pour la période 2014-2020 ont été révisées en novembre 2018. Cette révision a augmenté le montant maximal des aides à l'investissement en faveur des mesures de prévention, qui peuvent désormais atteindre 100 % si l'investissement vise à prévenir les dommages causés par des animaux protégés tels que le loup. L'indemnisation des dommages directs et indirects causés par des animaux protégés peut également être accordée jusqu'à concurrence de 100 %. La Commission note que les programmes français de développement rural au titre de la PAC financent des mesures de protection énumérées dans le plan national d'actions 2018-2023 sur le loup et les activités d'élevage. Ces mesures de protection comprennent l'installation de clôtures électrifiées, la formation des bergers quant aux pratiques à adapter dans un environnement peuplé d'animaux sauvages, l'achat de chiens de garde, la construction d'abris pour les bergers vivant à proximité de leurs troupeaux, ainsi que des études visant à tester l'adaptation des méthodes d'élevage extensif en présence de prédateurs. La Commission indique aborder « régulièrement le sujet du loup avec les autorités françaises », par exemple lors du dialogue sur la nature du 12 novembre 2019 au cours duquel ses services ont demandé aux autorités françaises d'accélérer leur évaluation de la mise en oeuvre des mesures de protection afin de maximiser leur efficacité.

La Commission explique qu'elle a finalisé la mise à jour de son document d'orientation sur la protection stricte des espèces animales d'intérêt communautaire au titre de la directive Habitats, qui couvre aussi le loup. Cette mise à jour clarifie les mesures de flexibilité applicables au régime dérogatoire de la directive de manière à permettre le contrôle létal du loup et d'autres espèces protégées. La délivrance de dérogations revient aux autorités françaises. Ainsi, en 2019, la France a utilisé de telles dérogations pour l'abattage de 97 loups, représentant près de 20 % de la population de loups en France.

Enfin, pour ce qui concerne le transfert du loup de l'annexe II vers l'annexe III de la convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe, dite convention de Berne, demandé par l'avis politique, la Commission note que « les États membres n'ont pas soutenu les propositions antérieures de l'une des parties contractantes en ce sens. En outre, toute réflexion visant à modifier le statut du loup en vertu de la convention de Berne devrait être fondée sur des preuves scientifiques solides justifiant un tel changement ».

• Sur plusieurs sujets, en revanche, plus nombreux cette année que l'année dernière, la Commission n'apporte que des réponses trop partielles, voire superficielles aux avis politiques de la commission des affaires européennes. Surtout, ces réponses ne comportent pas d'informations véritablement utiles, celles-ci étant déjà connues.

Alors que, sur le cadre financier pluriannuel (CFP) de l'Union européenne 2021-2027 , la commission des affaires européennes avait adopté un avis politique très complet et décliné en différentes rubriques (approche générale des dépenses, politique agricole commune, politique de cohésion, prise en compte des régions ultrapériphériques et des pays et territoires d'outre-mer, Pacte vert pour l'Europe, gestion des migrations, Fonds européen de la défense et politique spatiale, recherche et stimulation des investissements, Union économique et monétaire, ressources et processus d'adoption du CFP), la Commission ne lui a apporté qu'une réponse trop succincte et, surtout, incomplète. Peut-être sa réserve s'explique-t-elle par le fait que les négociations sur le CFP étaient alors encore en cours.

Ainsi, la Commission « se félicite du soutien exprimé par le Sénat en faveur d'un certain nombre d'éléments importants de ses propositions, tels que le financement de nouvelles priorités, la suppression progressive de tous les rabais et l'introduction d'un panier de nouvelles ressources propres », mais « prend également note des réserves émises par le Sénat, notamment au sujet de la proposition de légère réduction des fonds prévus pour la politique agricole commune (PAC) et la politique de cohésion ». Après avoir rappelé que sa proposition de CFP cherche à concilier le retrait du Royaume-Uni et la nécessité de consacrer davantage de ressources aux priorités nouvelles telles que la recherche et l'innovation, l'espace et la défense, la Commission cherche à rassurer en indiquant qu'elle « est résolument en faveur d'une PAC solide et bien financée » et qu'elle « reconnaît l'importance des paiements directs comme forme essentielle de soutien au revenu ». Elle estime que « les réductions proposées sont légères et, associées à une modernisation de la PAC, [...] ne compromettront ni la valeur ajoutée ni les performances de cette dernière. La nouvelle architecture verte de la PAC consistera en éléments communs (tels que les programmes écologiques obligatoires au titre du premier pilier), mais laissera aux États membres une marge de manoeuvre pour répondre aux besoins spécifiques de leurs agriculteurs et de leurs communautés rurales ». De même, la politique de cohésion « restera la principale politique d'investissement de l'Union et un moteur essentiel de la création d'emplois, d'une croissance durable et de l'innovation dans nos régions. Les régions ultrapériphériques se verront allouer des moyens pour développer leurs atouts, tels la croissance bleue, les sciences de l'espace et les énergies renouvelables, et pour renforcer leur intégration dans leur espace régional et intensifier la coopération entre elles ou avec les pays voisins dans le cadre des nouveaux programmes Interreg ». Néanmoins, ces affirmations sont formulées en termes généraux et ne démontrent pas comment les priorités mentionnées par l'avis politique seront bel et bien financées de façon pluriannuelle. La Commission se contente de demander de lui faire confiance... La même observation peut être formulée pour le Fonds pour une transition juste.

Par ailleurs, la Commission « prend acte » de l'appel lancé par la commission des affaires européennes en faveur d'un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières. Elle indique avoir « l'intention de proposer un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières dans certains secteurs pour réduire le risque de fuite de carbone, si les écarts entre les niveaux d'ambition climatique à travers le monde devaient persister alors que l'UE relève ses objectifs ». Elle « prend également acte » de la disposition de l'avis politique sur sa proposition visant à protéger le budget de l'Union en cas de défaillance généralisée de l'État de droit et « convient de la nécessité d'élaborer un mécanisme véritablement opérationnel qui ne pénalise pas les bénéficiaires finaux du soutien de l'UE ». Prenant l'exemple de la réaction européenne à la crise sanitaire provoquée par la pandémie de Covid-19, la Commission estime que « seul un accord sur le cadre financier post-2020 permettra aux nouveaux programmes de démarrer immédiatement et de contribuer aux efforts de relance d'après-crise ».

Malheureusement, la Commission ne prend pas la peine de répondre aux développements de l'avis politique consacrés aux migrations, au Fonds européen de la défense, à la politique spatiale, à la recherche, etc. Elle esquive également la question de l'association des parlements nationaux aux travaux de la conférence sur l'avenir de l'Europe, se limitant à « se félicite[r] de l'intérêt exprimé par le Sénat » pour cette conférence...

La réponse de la Commission à l'avis politique sur l' usage de la langue française dans les institutions européennes est, ici encore, décevante. En effet, la commission des affaires européennes pointait des éléments très précis, par exemple la rédaction ou la traduction rapide en français des documents officiels et informels d'importance, la traduction en français des sites Internet des institutions, organes et agences de l'Union européenne, l'utilisation plus fréquente du français dans le travail interne des institutions ou encore la rédaction d'emblée en français des modifications des traités européens auxquelles pourrait conduire la prochaine conférence sur l'avenir de l'Europe.

Or, la Commission n'a apporté quasiment aucune réponse concrète à ces interrogations. Dans un premier temps, elle se limite, comme trop souvent, à formuler des remarques générales dénuées de caractère opérationnel. Par exemple, elle se dit « convaincue que les langues parlées dans les États membres font partie intégrante du patrimoine culturel des citoyens européens » et « demeure fondamentalement attachée au principe du multilinguisme et à sa promotion, car elle considère qu'il est indispensable pour la légitimité démocratique et la transparence de l'Union que les citoyens puissent communiquer avec ses institutions et lire la législation de l'Union dans leur langue nationale, et participer au projet européen sans être confrontés à la barrière de la langue ». C'est pourquoi elle « promeut activement l'usage et la connaissance des langues officielles et de travail de l'Union européenne, y compris la langue française ».

Si la Commission « prend très au sérieux les craintes exprimées par le Sénat concernant la disponibilité rapide et en bon français des documents des institutions », sa réponse relève les actions visant à promouvoir l'usage des langues officielles, dont le français, mais ne prend pas en compte les points précis soulevés par l'avis politique. Elle reconnaît d'ailleurs implicitement que la traduction n'est pas sa priorité première : « L'objectif de la Commission est de trouver un équilibre raisonnable entre les nombreuses langues parlées par les citoyens de l'Union et des considérations pratiques telles que le coût des traductions ». Elle précise : « Les sites web des représentations de la Commission dans les États membres où le français est une langue officielle sont publiés en français ». Elle indique aussi que « toutes les campagnes de communication de la Commission ciblant le grand public (citoyens européens) sont diffusées dans les 24 langues officielles de l'UE ou dans les langues des États membres dans lesquels une campagne est en cours ». Ce faisant, elle semble mettre toutes les langues officielles de l'Union sur un pied d'égalité. Or, cela n'est pas exact : d'abord, l'anglais, on le sait, occupe une place majeure et croissante dans les activités de l'Union ; ensuite, le français est l'une des trois langues de travail de la Commission et des COREPER, l'une des deux langues de travail en usage au Conseil et l'unique langue du délibéré au sein du système juridictionnel de l'Union.

Pour ce qui concerne le régime linguistique interne des institutions européennes, tel qu'établi par le règlement 1/1958 portant fixation du régime linguistique de la Communauté économique européenne, la Commission note que sa compétence « se limite à déterminer les modalités d'application de ce régime linguistique pour ce qui la concerne. Au sein de la Commission, chacun est libre de s'exprimer dans une ou plusieurs des langues officielles et de travail. En particulier, il n'y a pas de restrictions internes à la rédaction des documents en français ».

Enfin, pour la conférence sur l'avenir de l'Europe, la Commission « a proposé une plate-forme multilingue en ligne garantissant la transparence des débats et favorisant une participation étendue à ceux-ci. Le suivi des conclusions et recommandations des différents débats de la conférence se fera conformément au régime linguistique en vigueur dans les institutions concernées. Les « Dialogues avec les citoyens » (dont plus de 110 ont eu lieu en France entre 2015 et 2020) sont toujours organisés dans la langue de l'État membre ciblé, en français là où la langue française est langue officielle. Tous les événements dans le cadre de la conférence sur l'avenir de l'Europe suivront le même principe ou offriront une interprétation dans les langues des participants ».

Cette réponse consiste finalement à retracer les pratiques existantes, mais ne donne aucune perspective sur la façon d'améliorer l'usage de la langue française dans les institutions européennes. Elle constitue une invitation au statu quo .

L'avis politique sur le mandat de négociation du nouveau partenariat Union européenne-Royaume-Uni a reçu également une réponse présentant une faible valeur ajoutée. En effet, la Commission rappelle le contexte et les principes des négociations devant aboutir à un accord, qui ont démarré le 2 mars 2020 et se sont soldées par un accord le 24 décembre dernier. Néanmoins, elle n'apporte pas d'informations utiles sur le contenu de ces négociations ni sur les avancées obtenues, à la date de sa réponse, sur les différentes rubriques mentionnées dans l'avis politique, telles que le partenariat économique, la pêche, les services financiers, la propriété intellectuelle, la protection des consommateurs, le changement climatique et l'environnement, les transports, la sécurité intérieure et la coopération judiciaire, la politique étrangère, de sécurité et de défense, le mécanisme de règlement des différends ou encore l'Irlande du Nord.

Ainsi, la Commission note que « l'Union européenne a continuellement réitéré son souhait de construire un partenariat futur qui soit le plus proche et le plus ambitieux possible avec le Royaume-Uni, pays qui demeure et restera un pays voisin, ami et allié de l'Union. [...] cette relation future devra nécessairement prendre en considération le nouveau statut du Royaume-Uni depuis le 31 janvier 2020, celui d'un pays tiers avec un équilibre de droits et d'obligations qui ne peut être équivalent à celui d'un État membre de l'Union ». Elle rappelle que « les directives de négociation forment un ensemble et visent à un accord unique basé sur trois axes principaux » :

- un partenariat économique allant bien au-delà du commerce, incluant un accord sur le commerce des biens sans tarifs ni quotas, et incluant toute une série de secteurs allant de l'action climatique à la pêche, de l'énergie au transport, de la propriété intellectuelle à la mobilité. Sur les services financiers, « il n'y aura pas de négociations mais des décisions unilatérales de l'Union en matière d'équivalence ». La Commission évoque également, mais sans développer, l'existence de « garanties robustes » visant à « assurer le maintien de nos engagements respectifs dans la durée, notamment s'agissant des normes européennes en matière d'aides d'État, de fiscalité, de droits sociaux, d'environnement, de santé et de changement climatique, et empêcher tout retour en arrière ». Par ailleurs, la Commission assure le Sénat « que le level playing field et la pêche restent des éléments indissociables de notre futur partenariat économique pour permettre la conclusion d'un accord d'ensemble » ;

- un partenariat en matière de sécurité intérieure, fondée sur un équilibre des droits et obligations correspondant au statut du Royaume-Uni en tant que pays tiers en dehors de Schengen, mais en tenant compte des défis de sécurité communs et de la proximité géographique exigeant notamment des engagements en matière de respect des droits fondamentaux. Ce partenariat en matière de sécurité inclut également la coopération en matière de politique étrangère, de défense et de sécurité extérieure. Le Royaume-Uni a d'ores et déjà indiqué qu'il ne souhaitait pas s'engager dans des négociations sur ce sujet à ce stade ;

- un cadre institutionnel et de gouvernance unique, essentiel pour la crédibilité de l'accord. Ce cadre couvre tous les domaines de coopération économique et sécuritaire, incluant des mécanismes de dialogue et consultation politique, ainsi qu'une boîte à outils composée de mécanismes efficaces de règlement des différends et de mise en application.

Tout au plus, cette réponse montre qu'il n'y a pas de divergences de principe entre les positions des négociateurs européens et celles de la commission des affaires européennes.

La Commission indique ensuite que, « au-delà de ces négociations sur l'avenir, nous devons continuer, collectivement, de suivre avec attention la mise en oeuvre de l'accord de retrait, agréé puis ratifié par l'Union et par le Royaume-Uni, dans toutes ses dimensions, et notamment le Protocole sur l'Irlande et l'Irlande du Nord et les dispositions relatives à la protection des droits des citoyens » car il s'agit d'un « test important » de la confiance mutuelle nécessaire dans la négociation sur le futur partenariat.

Enfin, elle évoque la préparation de la sortie effective du Royaume-Uni du marché unique et de l'union douanière, à la fin de la période de transition, soit le 31 décembre 2020. Elle estime en effet que, « même avec un accord de libre-échange ambitieux, la situation sera qualitativement différente du commerce sans friction que nous connaissons aujourd'hui ». Elle cite différents exemples à ce titre : l'imposition de contrôles sur tous les produits britanniques entrant dans le marché unique, la perte du passeport financier pour les services financiers britanniques ou encore la fin de la reconnaissance mutuelle, notamment en matière de certification industrielle.

Si la Commission conclut sa réponse sur un engagement de transparence, de dialogue et de poursuite de l'association étroite et régulière des parlements nationaux à ces négociations, force est de constater que les informations qu'elle apporte à cet avis politique sont formulées en termes bien trop généraux.

Alors que, dans son avis politique relatif au suivi du respect de l'État de droit en Europe dans le contexte de la pandémie de Covid-19 , la commission des affaires européennes avait formulé des positions précises sur de nombreux sujets, la réponse de la Commission en reste aussi à des généralités. La Commission indique qu'elle « effectue et continuera d'effectuer jusqu'à leur levée un suivi attentif des mesures d'urgence mises en place dans l'ensemble des États membres et de leur incidence sur les valeurs démocratiques incarnées par l'Union européenne », toute mesure d'urgence devant être limitée à ce qui est nécessaire et strictement proportionné.

La Commission prend également note des préoccupations exprimées par la commission des affaires européennes quant à la nécessité d'encadrer soigneusement l'utilisation des applications numériques de traçage des contacts dans le cadre de la lutte contre la pandémie, notamment sous l'angle de la protection des données à caractère personnel. À cet égard, la Commission rappelle les différents textes qu'elle a adoptés sur ce sujet, en particulier ses recommandations successives (« boîte à outils commune » sur les applications mobiles et protection des données). Elle note que, « sans préjudice des prérogatives de la Commission en tant que gardienne des traités, le suivi et l'application effective de la législation en matière de protection des données incombent au premier chef aux autorités de contrôle et aux juridictions nationales auxquelles il appartient de contrôler la conformité des opérations de traitement des données effectuées durant la crise avec la législation européenne ». D'ailleurs, la réponse de la Commission ne dresse aucun bilan, même succinct, de la mise en place de telles applications dans le contexte de la pandémie, ni des leçons à en tirer (difficultés éventuelles et solutions retenues). Par ailleurs, la Commission indique que son premier rapport annuel sur la situation de l'État de droit dans l'ensemble des États membres, présenté en septembre dernier, présente une évaluation de l'impact de certaines de ces mesures extraordinaires. Toujours est-il que sa réponse à l'avis politique ne donne aucune information en la matière.

Concernant l'avis politique tendant à préserver la pérennité des compagnies aériennes immatriculées dans l'Union, tout en garantissant les droits des passagers aériens , la Commission n'a pas vraiment répondu aux difficultés soulevées par la commission des affaires européennes. Elle s'est limitée à rappeler que son objectif « a toujours été de garantir le bon équilibre entre la protection des droits des consommateurs et la pérennité de l'industrie européenne du transport aérien ». Elle énumère également les mesures prises « pour soulager les entreprises concernées » par les conséquences du confinement décidé pour lutter contre la pandémie de Covid-19, en particulier dans les domaines du tourisme et des transports, telles que le nouveau cadre temporaire pour les aides d'État, la levée temporaire de l'obligation d'utiliser des créneaux horaires aéroportuaires, la modification temporaire du règlement (CE) n° 1008/2008 sur les règles communes pour l'exploitation de services aériens dans la Communauté, la communication sur le rétablissement de la liberté de circulation et la suppression des frontières intérieures ou encore des lignes directrices sur le rétablissement progressif des services de transport et de la connectivité dans le prolongement de la feuille de route européenne pour la levée des mesures de confinement liées au coronavirus.

Pour ce qui concerne plus spécifiquement les droits des passagers, la Commission rappelle qu'en vertu du règlement (CE) n° 261/2004, en cas d'annulation de vol, les compagnies aériennes doivent offrir aux passagers le choix entre remboursement ou réacheminement. La Commission précise que, « comme le réacheminement n'est pas une option viable dans la plupart des cas durant la crise du Covid-19, les passagers doivent être remboursés ». Cependant, les compagnies aériennes ont la possibilité d'offrir des bons d'achat au lieu du remboursement en numéraire, mais uniquement avec l'accord explicite des passagers. Pour la Commission, « une révision du règlement (CE) n° 261/2004, fût-elle temporaire, n'a pas été jugée opportune ni praticable, notamment du fait de la complexité juridique inhérente aux effets rétroactifs - le Parlement européen partageant cet avis ». Elle ne justifie pas davantage son refus d'une révision temporaire de ce règlement, pourtant demandée par la commission des affaires européennes comme par le gouvernement français, se limitant à rappeler sa recommandation du 13 mai 2020 sur les bons d'achat.

Les différents aspects de l'avis politique relatif à la lutte contre la cybercriminalité ont certes tous reçu une réponse, mais la Commission est restée excessivement générale dans ses propos, au point qu'aucune information utile n'a été fournie à la commission des affaires européennes.

La Commission note que, selon des enquêtes, « les Européens considèrent [la cybercriminalité] comme un problème majeur pour la sécurité de l'Union européenne et sont de moins en moins confiants quant à leur capacité à préserver leur sécurité en ligne », ajoutant : « Il est probable que la pandémie de Covid-19 a exacerbé la menace que représente la cybercriminalité, les criminels profitant de vulnérabilités accrues ». La Commission rappelle que la sécurité figure en bonne place dans ses orientations politiques pour les années 2019 à 2024, y compris la nécessité d'intensifier la coopération transfrontière pour combler les failles de la lutte menée contre les formes graves de criminalité et le terrorisme. Elle rappelle également ses engagements au titre de sa stratégie pour l'union de la sécurité 2020-2025, présentée fin juillet dernier, notamment pour faire face à la menace de la cybercriminalité, qui évolue sans cesse. Enfin, elle estime que l'Union européenne est désormais dotée d'un cadre complet pour bâtir une cybersécurité solide et lutter efficacement contre la cybercriminalité.

La Commission indique partager la position de la commission des affaires européennes sur la nécessité d'une approche associant toutes les parties prenantes concernées, y compris donc les autorités répressives et judiciaires des États membres, qui ont un rôle à jouer dans la lutte contre la cybercriminalité. Elle souligne aussi le rôle des agences européennes dans ce domaine. Elle considère apporter « un soutien constant à Europol et Eurojust en faisant en sorte qu'ils obtiennent des ressources suffisantes pour être en mesure d'avancer dans la réalisation de leurs objectifs prioritaires » et note que le projet de budget général de l'Union pour 2021 « propose de nouveau une augmentation notable du budget des deux agences », sans toutefois fournir de chiffres. De même, la révision du mandat d'Europol, présentée en décembre dernier, vise notamment à renforcer le rôle de cette agence en matière de recherche et d'innovation.

La Commission rappelle les missions de l'unité de l'Union européenne chargée du signalement des contenus sur Internet (IRU) en vue de l'évaluation et de la suppression de contenus à caractère terroriste et celles du Centre européen de lutte contre le terrorisme d'Europol. Toutefois elle n'apporte aucune information nouvelle sur le sujet, se limitant à faire observer que « la base de données européenne de contenus illicites doit encore être développée » et qu' « Europol a prévu une mise à niveau du système au cours de l'année 2021 », ce que la commission des affaires européennes savait déjà. Elle se contente aussi de « prendre acte » de la suggestion portée par l'avis politique d'étendre la portée des travaux à d'autres types de contenus illicites.

La Commission convient de la nécessité d'améliorer encore le signalement de la cybercriminalité et des infractions telles que la fraude en ligne et de fournir une aide aux victimes. Elle reconnaît que le développement de plateformes facilitant les signalements, comme la plateforme française PHAROS, devrait être encouragé « dans le respect, également, des dispositions particulières des instruments juridiques de l'UE applicables ». La Commission se dit « disposée à soutenir la mise en place ou le renforcement de telles initiatives, y compris transfrontières, par un financement spécifique », sans plus de précisions, notamment chiffrées.

La Commission reconnaît l'importance d'améliorer les activités de formation pour contribuer au développement des connaissances et de l'expertise nécessaires en matière de cybercriminalité au sein des autorités répressives de toute l'Europe, et mentionne son soutien à l'Agence de l'Union européenne pour la formation des services répressifs (CEPOL), ainsi qu'à des formations spécialisées au sein du Groupe européen de formation et d'enseignement sur la cybercriminalité.

La Commission dit se réjouir du soutien exprimé par l'avis politique à l'action de l'Agence de l'Union européenne pour la cybersécurité (ENISA) en vue d'un cadre européen de certification en matière de cybersécurité. Elle confirme la signature du protocole d'accord de 2018 entre l'ENISA, le Centre européen de lutte contre la cybercriminalité d'Europol, l'Agence européenne de défense (AED) et CERT-EU. Elle reste toutefois plus qu'évasive sur la manière de renforcer concrètement la coopération entre l'ENISA et d'autres agences compétentes en matière de justice et d'affaires intérieures, se limitant à approuver cet objectif.

Sur le Parquet européen, la Commission « prend acte » des suggestions concernant le rôle possible qu'il pourrait jouer dans la lutte contre la cybercriminalité. Elle estime que la priorité est de veiller à ce que le Parquet européen soit opérationnel d'ici à la fin novembre 2020, mais « reconnaît » que les compétences de ce dernier peuvent, dans les conditions énoncées à l'article 86, paragraphe 4, du TFUE, être étendues à d'autres formes de criminalité grave ayant une dimension transfrontière, ce qui a déjà été évoqué au sujet des infractions terroristes transfrontières, en particulier par la Commission Juncker. La réponse ne permet toutefois pas de savoir si cette position est reprise par la Commission actuelle.

La question, pourtant cruciale, de l'accès aux preuves électroniques pour les enquêtes pénales ne donne lieu à aucune information, la Commission se limitant à « prendre acte » de la demande de la commission des affaires européennes sur l'adoption d'un régime européen de conservation des données. Elle indique que « ce type de régime soulève des questions quant à la protection de la vie privée » et qu' « elle évaluera la marche à suivre en fonction de l'issue des affaires pertinentes actuellement examinées par la Cour de justice de l'Union européenne », ce que l'avis politique avait déjà souligné.

La Commission se contente aussi de reprendre les dispositions de l'avis politique relatives aux perspectives transfrontières de la lutte contre la cybercriminalité, en particulier les négociations en cours visant à compléter la convention de Budapest par un second protocole additionnel et la coopération avec le Conseil de l'Europe. Mais, là encore, la réponse ne comporte aucune information nouvelle.

Enfin, sur les échanges entre l'Union européenne et le Royaume-Uni dans le domaine de la lutte contre la cybercriminalité après le Brexit, la Commission note qu'ils « sont couverts par les négociations en cours sur l'avenir de notre relation, dans le cadre du vaste partenariat de sécurité, complet et équilibré, qui est envisagé », sans donner de détails sur le sens des négociations en la matière.

Si la Commission partage le point de vue exposé dans l'avis politique tendant à préserver la souveraineté de l'Union européenne dans le domaine énergétique , sa réponse demeure évasive, voire incantatoire.

Elle relève que « les États-Unis sont un partenaire important de l'Union européenne dans des domaines clés d'intérêt commun, dont la sécurité énergétique » qui fait d'ailleurs l'objet d'échanges réguliers entre l'Union européenne et les États-Unis. Elle estime néanmoins, à juste titre, que l'Union « seule peut décider des règles qui s'appliquent aux opérateurs économiques européens dans ce domaine ».

C'est pourquoi elle se dit « profondément préoccupé[e] » par le recours unilatéral toujours plus grand aux sanctions par les États-Unis, notamment par la décision du Département d'État américain de mettre à jour les lignes directrices relatives à l'article 232 du Countering America's Adversaries Through Sanctions Act' ( CAATSA ). La position européenne sur les sanctions américaines visant des entreprises européennes qui mènent des activités économiques légitimes et conformes au droit européen « est sans équivoque », d'autant plus que « l'application extraterritoriale de sanctions est contraire au droit international ». De surcroît, la Commission fait observer que, contrairement aux pratiques antérieures, elle n'a pas été consultée par les autorités américaines lors de l'adoption des nouvelles lignes directrices du CAATSA .

La Commission conclut en indiquant que, en collaboration avec le Service européen pour l'action extérieure, elle « continuera à s'engager activement avec le Congrès américain et l'administration américaine pour défendre les intérêts européens ». Elle ne dit cependant rien de la façon dont elle compte s'y prendre pour atteindre cet objectif.

Le dialogue politique avec la Commission européenne reste ainsi trop souvent formel, n'apportant pas toujours à la commission des affaires européennes du Sénat les réponses qu'elle attend.


* 14 Irregularity Management System.

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