TRAVAUX EN COMMISSION

Examen du rapport en commission (15 mars 2022)

Réunie le 15 mars 2022, la commission a examiné le rapport d'information sur la réforme du marché carbone européen et voté sur les propositions des rapporteurs.

M. Jean-François Longeot , président . - Mes chers collègues, nous allons examiner le rapport d'information relatif à la réforme du marché carbone européen.

Ce rapport s'inscrit dans la continuité de la proposition de résolution européenne portant sur le paquet « Ajustement à l'objectif 55 », adoptée au début de ce mois par la commission des affaires européennes et qui fait suite à un travail approfondi des trois commissions concernées, dont la nôtre. Pour rappel, le paquet « Ajustement à l'objectif 55 » rassemble douze textes, règlements et directives, visant à réduire de 55 % les émissions de gaz à effet de serre de l'Union européenne d'ici 2030 par rapport à leur niveau de 1990.

Le rapport d'information que nous allons examiner s'intéresse spécifiquement à l'un de ses volets : le marché carbone européen, dont la réforme, pour le moins technique, est complétée par la mise en place de deux outils de protection : le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF) et le Fonds social pour le climat.

Je souligne que les orientations et les propositions du rapport qui vont vous être exposées par nos deux rapporteurs, Guillaume Chevrollier et Denise Saint-Pé, sont parfaitement cohérentes avec le contenu de la proposition de résolution européenne, en voie de devenir résolution du Sénat d'ici à quelques semaines.

M. Guillaume Chevrollier , rapporteur . - Le rapport d'information que nous vous présentons cet après-midi développe les orientations de la proposition de résolution européenne sur l'un des volets du paquet « Ajustement à l'objectif 55 » : la réforme du marché carbone européen et les projets associés de mises en place d'un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières et d'un fonds social pour le climat.

La grande majorité des recommandations que nous proposons dans ce rapport - 10 sur 14 - sont explicitement inscrites dans la proposition de résolution européenne. Les autres recommandations sont totalement cohérentes avec le texte adopté il y a quelques jours.

Je commencerai par les éléments relatifs à la réforme du marché carbone existant.

Pour rappel, afin de réduire d'ici 2030 les émissions de gaz à effet de serre de 55 % par rapport à leur niveau de 1990, la Commission européenne propose une réduction des émissions des secteurs relevant du marché carbone européen - l'énergie, l'industrie et le transport aérien - à l'horizon 2030 de 61 % par rapport aux niveaux de 2005, soit une augmentation de 18 points par rapport à l'objectif précédemment assigné à ces secteurs. La révision de la directive vise à ajuster les paramètres du marché carbone européen à ce nouvel objectif, en prévoyant une réduction accélérée du nombre de quotas mis en circulation, en ciblant mieux les quotas distribués à titre gratuit, tout en renforçant les règles de la réserve de stabilité de marché pour garantir une plus grande visibilité aux acteurs économiques quant à l'évolution du prix de la tonne de CO 2 et en accroissant les moyens du fonds d'innovation pour financer le développement des technologies innovantes. Il est par ailleurs prévu une extension du marché carbone au transport maritime.

Comme nous l'avons rappelé dans la proposition de résolution européenne, nous accueillons favorablement les grands axes de ce projet, nécessaires à l'atteinte des objectifs climatiques de l'Union européenne.

Nous souhaitons toutefois que la proposition de la Commission européenne soit complétée par un outil pour donner plus de visibilité aux acteurs économiques sur l'évolution du prix du CO 2 , dans un contexte marqué par une envolée des prix de l'énergie. Nous proposons donc de renforcer les outils de stabilisation du coût du carbone sur le marché par l'instauration d'un corridor de prix ou la possibilité de prélever des quotas de la réserve de stabilité en cas d'augmentation importante du prix moyen d'allocation.

Par ailleurs, nous nous félicitons des propositions de réforme du marché concernant les transports aérien et maritime, mais nous aimerions renforcer l'ambition du texte à plusieurs égards.

Tout d'abord, dans le transport maritime, nous appelons à faire de l'intégration partielle des émissions des trajets internationaux au marché carbone un levier de négociation en vue d'aboutir à une régulation ambitieuse sous l'égide de l'Organisation maritime internationale (OMI).

Dans le transport aérien, nous souhaitons que la fixation de prix planchers sur les billets d'avion soit permise afin de lutter contre le dumping social et environnemental de certaines compagnies et d'accélérer le report modal vers le train, conformément à la volonté législative exprimée dans la loi « Climat et résilience » à l'initiative de notre commission.

Autre proposition : il nous semble important d'étudier l'effet conjugué des mesures du paquet « Ajustement à l'objectif 55 » en matière de fuites de carbone dans le transport aérien. Les études actuelles sont relativement rassurantes : en l'état, le paquet proposé par la Commission européenne ne devrait pas conduire à un affaiblissement des hubs de l'Union européenne aux dépens des hubs orientaux d'Istanbul ou de Dubaï. Dans l'éventualité où ces risques de fuites viendraient à se réaliser à l'avenir, nous estimons que des mesures de protection adéquates et proportionnées, s'appuyant par exemple sur le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, pourraient être mobilisées.

De surcroît, nous constatons que les mesures du paquet « Ajustement à l'objectif 55 » n'offriront un cadre de régulation que pour les émissions des vols européens, notamment puisque la fin de quotas gratuits au titre du marché carbone d'ici 2027, proposée par la Commission européenne, contribuera à une tarification du carbone pour les seuls vols intra-Union européenne. Les trajets internationaux, en dehors du marché carbone, ne seront couverts que par le mécanisme Corsia, particulièrement peu ambitieux car les compagnies aériennes des États participants ne seront contraintes d'acheter des crédits de compensation carbone que pour les émissions supérieures au niveau enregistré en 2019. Corsia ne commencera donc à être opérant et porteur d'effets qu'à la date où le trafic aura retrouvé son niveau d'avant la crise sanitaire, au mieux en 2024. Par ailleurs, le prix des crédits de compensation associés au Corsia devrait être particulièrement faible, en tout état de cause inférieur aux prix désormais pratiqués. Nous appelons donc à renforcer la régulation environnementale des trajets aériens internationaux pour compléter le mécanisme Corsia, particulièrement peu ambitieux et, pour l'heure, inopérant.

Enfin, si la commission estime très positif que les recettes du marché carbone soient plus largement orientées vers le financement de la transition climatique, elle regrette que la question du financement demeure l'un des grands angles morts du paquet « Ajustement à l'objectif 55 », et formule deux propositions structurantes à cet égard : élaborer une stratégie européenne globale de financement à la hauteur des besoins et envisager, le cas échéant, le regroupement des différents fonds qui contribuent à l'atteinte des objectifs climatiques du continent ; adapter les règles du pacte de stabilité et de croissance pour encourager les États membres à mobiliser les moyens budgétaires en direction de la décarbonation de l'économie européenne.

Mme Denise Saint-Pé , rapporteur . - J'en viens à la proposition de la Commission européenne visant à instaurer un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, idée portée par la France, particulièrement par le Sénat, depuis de nombreuses années. Le mécanisme doit permettre l'instauration d'un prix du CO 2 applicable à certains importateurs et aligné sur les prix du marché du système d'échange de quotas d'émission de l'Union européenne (SEQE-UE). Il est conçu comme une alternative à l'allocation de quotas gratuits en tant qu'outil de lutte contre les risques de fuites de carbone.

Nous formons le voeu que ce mécanisme contribue, dans les secteurs couverts, à protéger de manière efficace les industries européennes dans leurs efforts de décarbonation, et permette l'extinction progressive des quotas gratuits sur le marché carbone européen, sans induire de risques de fuites de carbone.

Notre appréciation de la proposition de la Commission européenne est globalement favorable, même si nous estimons qu'elle pourrait être complétée pour mieux atteindre sa cible environnementale, industrielle et diplomatique.

Tout d'abord, nous sommes très réservés sur le calendrier envisagé. En l'état, le mécanisme n'entrerait en vigueur qu'en 2026, et l'extinction totale des quotas n'interviendrait pas avant 2036, après une réduction annuelle du nombre de quotas de 10 %.

Il y a là un paradoxe : l'une des mesures principales d'un paquet qui se fixe pour horizon la fin de la décennie produira la majorité de ses effets dans la décennie suivante ! En étalant à ce point l'entrée en vigueur du MACF, la Commission européenne prend en effet le risque de reporter une part importante du verdissement des industries européennes sur la décennie suivante. L'enjeu n'est pas seulement climatique. Il est également industriel : retarder l'effort demandé aux installations du continent n'est pas rendre service à l'industrie européenne, la construction des filières innovantes rendue inévitable par la contrainte climatique nécessitant une réorientation massive des capitaux et des investissements. C'est pourquoi, compte tenu des enjeux climatiques et industriels, nous proposons d'avancer l'extinction totale des quotas gratuits à 2030, au lieu de 2036.

Par ailleurs, nous estimons que des produits de base supplémentaires pourraient être intégrés au mécanisme d'ici 2026, à condition d'être en mesure de calculer l'intensité carbone de ces importations.

De plus, nous constatons que les entreprises exportatrices européennes pourraient souffrir, en l'état du dispositif, d'une perte de compétitivité, en raison d'une augmentation du prix des produits de base couverts par le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières et concernés par l'extinction progressive des quotas gratuits. Nous appelons donc la Commission européenne à étudier l'opportunité d'une extension du mécanisme, d'ici 2026, à certains produits finis particulièrement exposés à un risque de fuites de carbone. De plus, la proposition de la Commission européenne ne tient pas compte - pour l'heure - des émissions indirectes des produits couverts, c'est-à-dire celles qui sont issues de la production d'électricité nécessaire à leur fabrication. Ces émissions pourraient être intégrées dans le périmètre du mécanisme, pour garantir une véritable égalité de traitement entre les industries européennes et étrangères.

Enfin, nous estimons nécessaire de faire du mécanisme un levier de la diplomatie climatique européenne. Nous formulons, à cet égard, deux propositions.

La première vise à utiliser la période transitoire précédant l'entrée en vigueur du mécanisme pour rapprocher, voire lier le marché carbone européen à d'autres systèmes d'échange de quotas d'émission équivalents. Ces pays seraient alors exonérés de taxation carbone sur leurs exportations vers l'Union européenne. Par ce biais, nous pouvons inciter les pays tiers à mettre en place des outils de tarification du carbone proches de ceux qui ont été développés dans l'Union européenne.

Nous demandons par ailleurs de mobiliser l'intégralité des recettes du mécanisme pour accompagner les pays les moins avancés et les pays voisins de l'Union européenne affectés par sa mise en place, par exemple sous la forme des contrats de partenariat climatique, sur le modèle de l'accord conclu pendant la COP 26 avec l'Afrique du Sud. L'objectif est de préserver des relations essentielles à l'avancée des négociations climatiques et de faire en sorte que le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières ne soit pas perçu par les pays en développement comme un repli protectionniste de l'Union européenne.

Il nous reste enfin à aborder l'épineux sujet du projet de marché carbone dans les secteurs du bâtiment et du transport routier.

Nous avons constaté que la création de ce nouveau marché carbone suscite de fortes inquiétudes, partagées par un large panel d'instances auditionnées, acteurs économiques comme organisations non gouvernementales. Les craintes sont multiples. La première a trait au risque social : le signal-prix pourrait pénaliser à court terme les classes moyennes et populaires, sans que les solutions bas-carbone puissent être mobilisées assez rapidement pour le contrebalancer. Il y a par ailleurs une incertitude sur le bénéfice environnemental du dispositif : le prix du CO 2 devrait atteindre des niveaux trop élevés pour qu'il soit réellement efficace dès 2026, date d'entrée en vigueur envisagée du nouveau marché, et que l'on espère baisser significativement les émissions d'ici la fin de la décennie.

Cependant, nous sommes conscients du défi que représente la décarbonation des secteurs du bâtiment et du transport routier. Nous estimons donc qu'une opposition au nouveau marché carbone ne devrait pas conduire à affaiblir l'ambition climatique du paquet. C'est pourquoi nous appelons les instances européennes et la France à veiller à la cohérence climatique d'ensemble du paquet « Ajustement à l'objectif 55  », en s'assurant, par exemple, que les prescriptions relatives à l'efficacité énergétique des bâtiments et aux transports soient relevées dans l'hypothèse où la proposition de création d'un marché carbone pour ces secteurs serait écartée par les États membres et par le Parlement européen.

En tout état de cause, nous estimons qu'il est nécessaire de prévoir des ajustements, des garanties et des compensations dans l'hypothèse où la proposition de création d'un marché carbone pour les secteurs du bâtiment et du transport routier viendrait à être maintenue. Une exclusion des particuliers du dispositif pourrait être envisagée ; elle devrait alors être compensée par des alternatives afin de maintenir le paquet à hauteur de l'objectif de 55 %. Ensuite, un prix plafond sur ce nouveau marché pourrait être instauré pour en renforcer la stabilité. Enfin, il semble nécessaire d'allouer des moyens supplémentaires à l'accompagnement des ménages les plus précaires en cas de maintien du dispositif pour les particuliers, compte tenu des moyens trop limités du fonds social pour le climat proposé par la Commission.

M. Jean-François Longeot , président . - Je félicite les rapporteurs du travail qu'ils ont réalisé et de leurs propositions.

M. Jean-Michel Houllegatte . - Je remercie les rapporteurs et me félicite que notre commission affiche une ambition. C'est extrêmement important.

Nous apportons notre marque de fabrique, en cohérence avec la proposition de résolution qui a été votée.

Au reste, l'expertise qui a ainsi été développée permet d'étudier les chemins du possible pour essayer d'améliorer encore les mesures susceptibles d'être prises au titre du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières. À cet égard, notre commission est tout à fait dans son rôle.

M. Jean-François Longeot , président . - En effet, les propositions traduisent bien l'ambition que nous avons.

Nous allons désormais procéder au vote sur les propositions des rapporteurs.

La commission adopte les recommandations proposées par les rapporteurs et autorise la publication du rapport de la mission d'information sur la réforme du marché carbone européen dans le cadre du paquet « Ajustement à l'objectif 55 ».

M. Jean-François Longeot , président . - Je me réjouis du consensus qui se dégage.

Je rappelle enfin que la proposition de résolution européenne sur le paquet « Ajustement à l'objectif 55 » adoptée par la commission des affaires européennes deviendra résolution du Sénat le 5 avril prochain. Je m'en félicite.

Audition sur les enjeux de la présidence française de l'Union européenne en matière environnementale et son impact sur le Green deal (5 janvier 2022)

Réunie le mercredi 5 janvier 2022, la commission a mené une audition sur le thème : « Enjeux de la présidence française de l'Union européenne en matière environnementale : comment la France peut-elle impacter le Green deal ».

M. Jean-François Longeot , président . - Avant d'ouvrir notre table ronde, permettez-moi de vous adresser mes meilleurs voeux pour cette nouvelle année.

Lancé en décembre 2020, le Pacte vert constitue un ensemble d'initiatives politiques et législatives visant notamment à accompagner l'Europe sur le chemin de la neutralité climatique d'ici 2050 avec un objectif intermédiaire de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55 % d'ici 2030 par rapport à 1990. Il se compose de stratégies transversales ainsi que d'un paquet climat de règlements et de directives présenté en juillet, puis complété en novembre et décembre 2021. Cette initiative politique inédite doit connaître des avancées décisives au cours de l'année 2022, notamment lors du premier semestre, période pendant laquelle la France assure la présidence du Conseil de l'Union européenne.

Le Pacte vert va considérablement influencer les politiques environnementales de notre pays et les législations nationales à venir. Par son ampleur et son caractère systémique, il devrait marquer en profondeur la vie de nos concitoyens.

Le rôle que la France est susceptible de jouer dans l'avancée du Pacte vert constitue notre point d'attention. Pour aborder ce sujet, nous accueillons : Pascale Joannin, directrice générale de la Fondation Robert Schuman, Nicolas Berghmans, chercheur sur l'énergie et le climat à l'Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI) et Phuc-Vinh Nguyen, chercheur sur les politiques énergétiques françaises et européennes à l'Institut Jacques Delors que je remercie vivement de leur présence.

Cette table ronde ouvre un cycle d'auditions consacrées au Pacte vert et à la présidence française de l'Union européenne qui se poursuivra cet après-midi par une audition de la ministre de la transition écologique. Cette réflexion est menée en lien avec la commission des affaires européennes dont les travaux devraient aboutir au dépôt d'une proposition de résolution européenne consacrée au volet climat du Pacte vert. Je salue tout particulièrement Marta de Cidrac et Jean-Yves Leconte désignés par la commission des affaires européennes pour travailler sur cette proposition de résolution. Notre commission sera naturellement étroitement associée à sa rédaction et à son adoption prévue pour la fin du mois de février. À cet effet, un rapporteur sera désigné à la fin de cette table ronde.

Les enjeux de la présidence française de l'Union européenne en matière environnementale sont au coeur du sujet qui nous réunit ce matin.

J'aimerais tout d'abord vous interroger sur l'approche française dans le cadre de ces négociations. Un rapport d'expert remis au Gouvernement en novembre dernier recommandait à la France de faire preuve de plus d'humilité et de concertation pendant sa présidence. Le rapport préconisait en résumé de faire « plus de Robert Schuman et moins de Victor Hugo » . Comment la France peut-elle continuer à être force de proposition, comme elle l'a souvent été dans l'histoire de la construction européenne, sans provoquer de tensions ou de ressentiments chez ses partenaires, ce qui serait évidemment très préjudiciable à l'avancée du Pacte vert ?

Sur le fond, les points d'attention sont très nombreux et vous pourrez y revenir plus en détail en réponse aux questions posées par les membres de notre commission.

Dans un premier temps, focalisons-nous sur la clé de voûte de l'édifice : la réforme du marché carbone européen et la mise en place d'un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières. La réforme du système d'échange de quotas d'émissions (SEQE ou European Union Emission Trading Scheme - EU ETS en anglais) passe par la fin progressive de l'allocation des quotas gratuits et répond à une attente forte tendant à ce qu'un signal d'ampleur européenne soit enfin donné. En revanche, plusieurs pays, mais aussi de nombreuses organisations non gouvernementales (ONG), s'opposent actuellement à l'extension de l'ETS au bâtiment et au transport, en raison des risques importants que cette extension ferait peser sur les ménages les plus précaires. Si l'ETS venait à ne pas être étendu au bâtiment et au transport routier, quelles pourraient être les solutions alternatives afin d'accélérer la décarbonation de ces deux secteurs qui sont aujourd'hui les plus émetteurs dans notre pays ?

La mise en place d'un mécanisme d'ajustement aux frontières préconisée par la France depuis de nombreuses années doit être accueillie comme une excellente nouvelle, mais, pour garantir son effectivité et sa pérennité, l'Union européenne doit maintenant s'assurer de sa compatibilité avec les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et plus largement de son acceptation par ses partenaires. Comment la France peut-elle accompagner l'avancée de ce dossier et lever les réticences de plusieurs États fortement exportateurs tout en s'assurant de l'ambition du mécanisme ?

Madame, messieurs, je vous laisse la parole.

M. Nicolas Berghmans, chercheur, énergie et climat, IDDRI . - Tout d'abord, je vous remercie pour cette invitation.

La présidence française du Conseil de l'Union européenne arrive à un moment clé pour le Pacte vert. Avec celui-ci, douze dossiers législatifs sont sur la table pour transformer l'économie européenne. Un des objectifs de la présidence française sera de faire avancer certains de ces dossiers, peut-être même tous. La France a fait du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières une priorité, mais il conviendra d'avancer sur l'ensemble des dossiers pour parvenir à trouver le compromis européen nécessaire. Cette situation invite à réfléchir à l'ambition à se fixer.

En ce domaine, il faut rester raisonnable et parvenir à des avancées concrètes sur le plan diplomatique au cours des six prochains mois plutôt que de viser une victoire sur un seul dossier. Néanmoins, il faudra avancer et avancer vite. L'Union européenne s'est engagée à Glasgow, lors de la 26 e conférence des parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP 26) à revenir en 2025 avec un nouvel objectif climat pour 2035. Le temps est donc compté puisque le paquet climat, qui est la mise en oeuvre de l'objectif renforcé à 2030, devra être fini pour laisser la place à la discussion sur les mesures à prendre pour la période 2030-2035.

Que doit faire la France pour trouver des compromis européens ? Elle peut tout d'abord former des alliances. La solution peut sembler banale, mais les positions des États membres au Conseil offrent une diversité suffisamment large pour en créer de nouvelles. De plus, sur le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, les positions ont évolué depuis la première mise en débat de cette proposition en 2017. À cette époque, beaucoup de pays y étaient réticents ; aujourd'hui, beaucoup s'y intéressent. Lors des dernières élections outre-Rhin, les principaux partis allemands se sont, par exemple, prononcés en faveur de ce mécanisme. Pour autant, beaucoup de points de détail restent à régler, notamment concernant les exportations et l'épineuse question du périmètre de secteurs couverts par le mécanisme. Pour ces raisons, il sera essentiel d'animer une discussion ouverte sur ces points.

La position de l'Europe vis-à-vis de l'extérieur sera aussi un point clé. Pour le moment, l'Europe n'est pas arrivée avec une position forte vis-à-vis de ses partenaires extraeuropéens concernant la mise en place de ce mécanisme d'ajustement. Trouver des alliés en dehors de l'Europe est pourtant primordial. Par exemple, les pays les moins avancés ou les pays en développement pourraient tirer bénéfice d'un accès privilégié ou d'une mise en place progressive de ce mécanisme pour leurs exportations, voire d'un fléchage de l'utilisation des recettes de ce mécanisme vers des politiques de décarbonation ou d'aide à la décarbonation sur leurs territoires.

Par ailleurs, vis-à-vis des règles de l'OMC, si le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières se met en place, il faudra prouver qu'il s'agit d'un mécanisme environnemental, ce qui suppose de réduire les allocations gratuites dans le système européen d'échange de quotas carbone. Le dossier des exportations sera également à analyser puisque, selon l'OMC, toute subvention aux exportations est considérée incompatible avec le droit de l'OMC. La mise en place de ce mécanisme soulève aussi la question de la compétitivité de certaines productions industrielles en dehors de l'Europe, argument avancé par certains pays qui voient venir avec crainte la mise en place de ce mécanisme.

Je propose à ce stade de laisser la parole aux autres intervenants avant d'enchaîner sur d'autres points.

M. Phuc Vinh Nguyen, chercheur sur les politiques énergétiques et environnementales françaises et européennes, Institut Jacques Delors . - Je tiens tout d'abord à vous remercier pour l'organisation de cette table ronde qui s'inscrit à un moment crucial dans le cadre des négociations climatiques à l'échelle de l'Union européenne.

Avant de répondre à votre question demandant comment la France peut continuer à être force de proposition, rappelons tout d'abord que la présidence française du Conseil de l'Union européenne ne veut pas dire que nous arriverons à trouver des compromis en six mois ni que nous arriverons à solutionner l'ensemble des dossiers sur la table. En revanche, il appartient à la France de continuer à faire avancer les négociations le plus rapidement possible dans une logique d'ensemble, car le Pacte vert constitue un ensemble très cohérent. Il existe en effet des interdépendances fortes entre chacun des dossiers. En effet, à partir du moment où vous décidez de placer la priorité sur le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, d'autres dossiers avanceront mécaniquement comme celui du marché carbone européen ou encore celui du Fonds social pour le climat.

En appui de ma démonstration, je souhaite vous projeter un document qui rend compte des instruments climatiques dont dispose l'Union européenne aujourd'hui et qui liste les propositions mises en avant par la Commission européenne. Ce panorama illustre la densité du paquet et rend compte du fait que nous ne pourrons pas obtenir des résultats concrets sur l'ensemble des dossiers. C'est aussi pour cela que la priorité devra être placée sur certains dossiers, ce qui leur conférera une visibilité et offrira la possibilité de faire avancer le paquet de manière cohérente.

L'ETS permet de renchérir les émissions de CO 2 des industries électro-intensives et des industries productrices d'électricité. Le marché carbone européen fixe actuellement un prix proche de 80 euros la tonne de CO 2 , ce qui est une excellente chose, car cette mesure a permis d'encourager nos voisins européens à décarboner la production d'électricité. L'Allemagne, par exemple, est passée d'une forte consommation de charbon à une très forte consommation d'énergies renouvelables (plus de 40 % du mix électrique).

Pour autant, le marché carbone européen n'est pas parfait, car les industriels bénéficient d'un système d'allocations gratuites, aujourd'hui trop importantes, qui ne les incitent pas à décarboner leur mode de production. L'ambition est donc de réformer ce système et de réduire progressivement le nombre d'allocations gratuites. La France, qui promeut une politique industrielle à l'échelle de l'Union européenne, doit faire entendre sa voix pour pousser les industriels à s'orienter vers une économie décarbonée. Aujourd'hui, les pays représentant plus de 80 % du PIB mondial se sont engagés sur l'objectif de neutralité carbone, c'est-à-dire que le marché de l'acier de demain sera celui de l'acier vert, que le marché futur du ciment sera celui du ciment bas carbone. En prévision de ces mutations, la réforme doit inciter les industriels à changer progressivement leurs modes de production via une réduction des allocations gratuites pour que ces industries s'inscrivent en cohérence avec la demande future, sans que les futures productions d'acier, de pâte à papier, de ciment ne soient importées de pays qui n'auraient pas d'ambitions aussi fortes en matière environnementale.

La Commission européenne propose également une extension du marché carbone au secteur du transport routier et au bâtiment. Cette orientation signifie que les consommateurs paieront plus cher leur litre de carburant à la pompe ou leur facture du chauffage en vertu du principe pollueur/payeur.

L'Institut Jacques Delors a commencé à approfondir ces sujets. Nous sommes très sceptiques quant à la mise en place d'une telle réforme, car, en France, la crise des « Gilets jaunes » a montré que toute réforme doit être acceptable socialement. La question sociale est par conséquent un des points que la France doit mettre en avant, car la mise en oeuvre du marché carbone européen doit s'accompagner d'une redistribution sociale. Pour cela, l'allocation des nouveaux revenus issus du marché carbone, directement tirés des particuliers, devra favoriser une transition plus juste, notamment pour permettre l'acceptation de la réforme.

Quant à l'alternative à l'extension du marché carbone européen, elle passe par une réglementation plus forte. C'est tout l'enjeu des négociations : soit l'on mettra « tous ses oeufs dans le panier » du marché, soit dans celui de la réglementation. Les propositions actuelles de la Commission européenne sont très ambitieuses, mais les États membres, dont la France, ont la possibilité de pousser à davantage d'ambitions. Or si cette ambition accroît la réglementation (comme la rénovation des bâtiments, le déploiement de la mobilité électrique, etc.), il sera possible de ne pas mettre en place le marché carbone européen. C'est aussi une solution qui permettra de ne pas faire supporter le coût de la transition énergétique directement sur les factures des particuliers et c'est certainement un des points qui sera discuté lors de la présidence française de l'Union européenne.

Mme Pascale Joannin, directrice générale de la Fondation Robert Schuman . - Je vous remercie pour votre invitation. Je ne reviendrai pas sur les propos tenus par les deux précédents orateurs, mais j'insisterai sur deux points essentiels pour la présidence française du Conseil de l'Union européenne.

Premièrement, cette présidence est celle du Conseil de l'Union européenne qui est la chambre haute de l'organisation européenne. Toutefois, il faudra rechercher aussi des conciliations avec le Parlement européen, qui en est la chambre basse. Il conviendra donc de trouver un consensus entre les 27 États membres au niveau du conseil et, parallèlement, négocier avec le Parlement européen puisque tout règlement ou directive a besoin des deux chambres dès lors que l'on se place dans le cadre de la procédure législative ordinaire.

La transition verte est la priorité affichée depuis décembre 2019 par la présidente Ursula von der Leyen. Cette transition touchera tous les secteurs, dont l'énergie. Je me réjouis donc que l'Union européenne ait fait un pas le 1 er janvier pour réintégrer le nucléaire, qui est une énergie bas carbone, dans la taxonomie même si certains de nos partenaires européens demeurent très effrayés par ce mode de production. Rappelons cependant que le nucléaire permet à la France de jouir d'une certaine autonomie énergétique tout en proposant une énergie peu chère et bas carbonée.

La transition verte touche aussi à la mobilité et aux transports. Nous avons parlé du transport routier, mais nous pouvons parler aussi du transport maritime et aérien. Tous les secteurs du transport doivent se questionner sur les transformations à opérer. Air France a lancé de premières initiatives avec un avion utilisant un carburant alternatif. Plusieurs solutions sont sur la table et il faudra déterminer quelles solutions répondent le mieux aux besoins.

La transition verte vise aussi l'agriculture et je sais que l'agriculture est un thème cher aux sénateurs ici présents. Dans ce secteur d'activité, l'arrêt de l'utilisation des pesticides est louable, mais il ne faudrait pas que la conséquence soit de mettre à mal notre agriculture exportatrice dès lors que les autres pays ne seraient pas soumis à la même réglementation. Il faut plutôt faire en sorte que les autres rejoignent les positions qui sont les nôtres pour que la concurrence soit juste, libre et non faussée.

Les dossiers sur la table concernent aussi la finance verte et ses conséquences sur l'investissement dans les industries comme le ciment ou l'acier qui ne sont pas encore bas carbone.

Face à tous ces enjeux, il faut aller vite, mais de manière raisonnable - je dirai même - de manière pragmatique et réaliste pour embarquer tous les Européens, citoyens et parties prenantes, pour que tous acceptent cette transformation de l'économie. En effet, il ne s'agit pas d'une transition qu'il faut réussir, mais bel et bien d'une transformation. Pour la mener à bien, il faudra faire preuve de pédagogie et associer le maximum pour ne pas courir le risque d'une non-acceptabilité des changements. Si tel n'est pas le cas, il sera avancé le fait que la transformation coûte cher, que les ménages n'en ont pas les moyens. Dans ce mouvement, il faudra résolument veiller à éviter toute fracture énergétique ou fracture verte entre les différentes populations.

Mettre en place un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières suppose de parler avec les autres parties, comme l'ont dit mes collègues avant moi. L'Union européenne a certes dessiné un projet très ambitieux, mais il n'est pas partagé par tous à travers le monde. Si nous visons la neutralité carbone en 2050, les Chinois l'ambitionnent en 2060 et les Indiens en 2070. L'enjeu de la présidence française du Conseil sera donc de discuter aussi avec nos partenaires extraeuropéens, dont nos partenaires africains lors du sommet qui se tiendra au mois de février, mais aussi nos partenaires asiatiques pour que les décisions qui seront prises par les Européens soient le plus possible partagées. L'enjeu des prochains mois sera donc aussi de convaincre nos partenaires non européens lors des prochaines discussions internationales qui vont s'ouvrir. Plusieurs rendez-vous sont déjà programmés sur toute l'année 2022 et les Français, dans un premier temps, puis les Tchèques qui nous succéderont au deuxième semestre, auront à préparer des positions. Dans ce domaine, la France devra tirer profit de son statut, de son influence au niveau international, de sa position de membre permanent au Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations unies (ONU) pour faire entendre nos arguments et faire en sorte que nos partenaires rejoignent les positions européennes.

Ce sont donc ces deux volets - les négociations au sein de l'Union européenne, au Conseil d'abord, puis au Parlement européen, et celles en dehors de l'Union européenne - qu'il faudra viser afin que les dossiers puissent avancer, même si les discussions ne sont pas finalisées dans les six mois à venir.

M. Jean-François Longeot , président . - Je vous remercie. Je vais donner la parole à mes collègues qui ont des questions à vous poser.

M. Jean Bacci . - Nous envisageons d'investir des milliards d'euros pour décarboner notre économie et nous comptons beaucoup sur la forêt pour stocker le carbone et produire des matériaux décarbonés, mais encore faudrait-il consacrer quelques millions d'euros pour protéger notre forêt ! Sur la base de l'exploitation des données portant sur les derniers incendies ayant eu lieu dans le Var en 2021, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et AtmoSud ont estimé que l'incendie d'un hectare de forêt méditerranéenne dégageait 46 tonnes de CO 2 . Or, pendant la reconstitution de cette forêt, ce sont entre 80 à 100 tonnes de CO 2 qui ne sont pas stockées. Cet été, 7 000 hectares ont brûlé en quatre jours, soit environ l'équivalent des émissions dégagées par la circulation dans l'agglomération marseillaise pendant un an et demi. Au niveau du pourtour méditerranéen, toutefois, ce ne sont pas 7 000 hectares qui ont brûlé, mais 220 000 hectares. Il est donc important d'agir au niveau de l'Union européenne pour que soit constituée une force aérienne d'intervention qui pourrait venir en appui des forces nationales, d'autant que nos canadairs ont aussi été utilisés, pendant l'été 2021, en Grèce comme en Algérie et en Espagne. De plus, sans être dans un état critique, force est de reconnaître que la maintenance de nos avions devient difficile et que les lignes de production de canadairs sont arrêtées et ne pourraient être réactivées que si un marché important est lancé. Je pense que l'Europe a un rôle à jouer.

M. Jean-Michel Houllegatte . - Vous n'avez pas répondu à la question posée par le président Longeot dans son introduction lorsqu'il vous interrogeait sur la création d'un nouveau marché carbone en 2026 pour le transport routier et le chauffage des bâtiments, proposition qui soulève aussi des interrogations de la part des ONG et même de certaines personnalités politiques. Pascal Canfin, député européen, pointait en effet lui-même que le gain pour le climat serait très faible pour un coût politique certainement très élevé. Certes, des mécanismes de compensation vont être mis en place, mais quels sont selon vous les critères d'une transition juste ? La transition juste touche à la fois des territoires, qui peuvent être touchés par des mutations comme ceux qui accueillent les centrales à charbon, mais aussi les populations, et souvent les plus fragiles. Aussi que pensez-vous du Fonds social pour le climat ? Comment faudra-t-il l'activer et l'alimenter ? Comment est-il possible de dépasser ce paradoxe qui fait que les mécanismes de redistribution sont plutôt situés au niveau des États membres tandis que les décisions sont prises au niveau de l'Union européenne ? Comment favoriser une bonne articulation entre ces mécanismes ?

M. Éric Gold . - La France affiche certaines ambitions de réduction dans l'utilisation des produits phytosanitaires. Le Président de la République a d'ailleurs affirmé vouloir une sortie accélérée des pesticides dans le cadre de la présidence française. Il fait référence notamment à la directive européenne sur l'utilisation durable des pesticides qui prévoit que les États membres adoptent des plans d'action nationaux pour fixer leur objectif quantitatif, leur cible, leurs mesures et le calendrier. Ce sujet est bien sûr source de tensions dans le secteur agricole ainsi que chez les producteurs de produits phytosanitaires qui comprennent mal que la France puisse interdire seule la production sur son territoire quand les produits sont facilement disponibles de l'autre côté de nos frontières. Comment analysez-vous la position de la France à ce sujet ? Sous quel angle la France pourrait-elle porter cette question comme une priorité avec des chances de réelles avancées ?

M. Jean-François Longeot , président . - Je vous invite à répondre à cette première salve de questions.

M. Nicolas Berghmans . - Le paquet « Fit for 55 » propose une modification sur les puits de carbone dont font partie les forêts. Jusqu'à maintenant, les États membres devaient maintenir leur niveau de carbone séquestré dans leurs puits naturels alors que le paquet « Fit for 55 » les engagera à séquestrer une quantité supérieure. D'ici 2030, 2,2 % de la réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55 % devront être portés par les puits de carbone naturels. Cette ambition soulève des questions, tout d'abord celle de la répartition de l'effort pour parvenir à cet objectif. Certains États membres sont inquiets, en particulier ceux de l'est et du sud de l'Europe alors qu'ils voient se multiplier les incendies. Cependant, la présidence française de l'Union européenne pourra aussi jouer le rôle de mettre sur le devant de la scène de nouveaux sujets pour inspirer ensuite des législations et réglementations, mais aussi inciter à la mise à disposition de moyens, notamment pour la protection des forêts. Dans ce domaine, la Commission européenne a déjà commencé à travailler sur un mécanisme incitatif visant à renforcer la séquestration carbone dans les puits carbone naturels. À cette fin, nous pourrions imaginer réutiliser les revenus issus des mécanismes existants pour inciter à la séquestration carbone dans des puits naturels. Cependant, un objectif ambitieux a été posé et il faut s'interroger sur les moyens de l'atteindre.

Concernant le mécanisme ETS, lors de sa deuxième phase, une crainte importante était l'incapacité du marché à donner un prix suffisant au carbone. En effet, le prix de la tonne de CO 2 a longtemps été bas avant d'atteindre un prix de 80 euros la tonne, aujourd'hui. Ce prix à la tonne correspond à un équivalent de 25 ou 30 centimes sur le litre de carburant en cas d'extension du marché au transport. Face à cela, la question de la redistribution se pose. Ce que propose l'Europe, c'est d'utiliser une partie des recettes du mécanisme pour que les États les redistribuent à leur guise. Les États pourront alors redistribuer cet argent directement à leur population ou financer des actions de plus long terme. À mon avis, c'est cette dernière option qu'il faut favoriser, notamment pour financer la rénovation énergétique qui est une solution de long terme pour lutter contre la variation des prix de l'énergie. Ces revenus peuvent aussi servir à financer l'électrification des transports, pas nécessairement en accordant une aide pour chaque achat, mais en soutenant un mécanisme de prêt dès lors que l'accès au crédit pour l'achat d'un véhicule automobile électrique est le premier frein à l'équipement. Par ailleurs, le Fonds social climat doit entrer en vigueur en 2025, avec le marché carbone, alors qu'il faut encourager dès maintenant la rénovation énergétique comme l'évolution du parc automobile sachant que ces deux mutations s'inscrivent sur un temps long. Une option serait peut-être alors d'avancer certains financements en puisant dans les recettes générées par le marché carbone existant qui offre des moyens compte tenu de la hausse du prix de la tonne de carbone.

Lors de sa présidence, la France peut aussi impulser une réflexion sur l'après-Plan de relance européen. En effet, faut-il relancer un deuxième endettement européen en commun ? Faut-il exclure les dépenses climat du calcul des déficits publics ? La France dans le cadre de sa présidence pourrait se saisir de toutes ces questions pour envisager les voies et moyens d'investir après la fin du plan de relance en 2023.

M. Phuc Vinh Nguyen . - Le Fonds social pour le climat a vocation à entrer en vigueur en 2025, soit un an avant la possible extension du nouveau marché carbone européen, ce qui permet de dire que la Commission européenne a cerné le potentiel abrasif de cette extension puisqu'elle tente de limiter l'impact d'une éventuelle hausse des prix sur les consommateurs. Nous pensons qu'il faut adopter le Fonds social pour le climat le plus rapidement possible, et ce même si nous venions à abandonner l'idée d'une extension du second marché carbone, car les recettes de l'actuel marché carbone européen sont beaucoup plus importantes, grâce notamment à l'ambition déployée dans le Green Deal, ce qui doit permettre de financer une partie du Fonds social pour le climat et d'utiliser ces recettes pour financer des politiques ambitieuses et adaptées aux besoins de chaque État membre. En effet, ce n'est pas la Commission européenne qui dictera à chaque État membre quoi faire, mais chaque État pourra prendre ses propres décisions en fonction de sa situation propre. Par exemple, la Suède qui est très peu concernée par la pauvreté énergétique car les bâtiments y sont très bien isolés pourrait utiliser ces fonds pour investir sur les interconnexions permettant d'exporter son électricité. Chaque État membre devra être libre dans sa manière de redistribuer ces sommes dans une logique de compensation sociale.

La communication de la Commission européenne du 14 décembre 2021 à destination des États membres les invite aussi à apporter une réponse sur le front social dans la perspective du Conseil européen de mars 2022. Cette communication aborde le thème de la transition juste et souligne que de nouveaux dispositifs de formation devront être mis en place au bénéfice des travailleurs des industries polluantes dont les métiers vont être supprimés ou réduits en nombre, comme l'industrie automobile qui va perdre une partie de ses emplois. Dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne, la France aura un rôle à jouer pour que les conclusions du Conseil européen de mars soient ambitieuses sur le plan social et que la transition juste ne soit pas un voeu pieux, mais une réalité.

Vous avez aussi évoqué les propos de Pascal Canfin sur la possible extension du mécanisme, mais les discussions en cours n'aboutiront pas avant juillet au sein du Parlement européen. Ce calendrier permettra peut-être à la position française d'être prise en compte, mais les trilogues n'interviendront pas avant septembre. Il faut rappeler aussi qu'il existe un trio de présidences, qui suppose que la France travaille de concert avec les Tchèques, puis avec les Suédois, et c'est en cela que la Présidence française de l'Union européenne ne se limite pas à six mois. Elle se poursuivra aussi dans la manière dont nous pourrons accompagner nos partenaires. Alors que la présidence française sera marquée par des élections nationales importantes, il faudra aussi s'appuyer sur l'administration et les hauts fonctionnaires pour assurer une continuité ainsi que sur le Sénat qui pourra être le garant d'un suivi de la présidence française de l'Union européenne.

Mme Pascale Joannin . - La forêt représente environ 43 % de la superficie de l'Union européenne, mais, aujourd'hui, seuls sept États ont une politique forestière compatible avec les engagements pris par l'Europe. Il existe en revanche un mécanisme de sécurité civile au niveau européen et une solidarité qui se met en place lorsque des États membres connaissent des cataclysmes. Il faudra peut-être renforcer ce mécanisme et densifier le corps de sécurité civile d'autant plus que, comme l'a souligné le sénateur Bacci, nos canadairs quasiment en fin de vie devront être remplacés.

La transformation de l'économie par le numérique et par l'écologie doit être acceptée par le plus grand nombre et le Fonds social européen pour le climat doit s'assurer que des populations ne soient pas les laissées pour compte de la transition et deviennent ainsi de fervents opposants aux transformations. Au contraire, ces mutations doivent être partagées et non imposées.

Je souhaiterais répondre aussi à la question posée sur l'utilisation des produits phytosanitaires, car il s'agit là d'une vraie compétence de l'Union européenne. Il a été fait référence à une directive en vigueur, la directive Sud. Il convient de faire en sorte que l'agriculture soit la plus verte possible par l'intermédiaire notamment de la nouvelle politique agricole commune (PAC). Ces réformes vont dans le bon sens, mais nous devons discuter avec nos partenaires européens, car les questions agricoles figurent parmi les questions les plus sensibles et les agriculteurs ne doivent pas se sentir lésés, car on leur imposerait des règles qui ne seraient pas celles des Américains ou des Chinois. En effet, la non-utilisation des produits phytosanitaires ne doit pas conduire à fausser la concurrence ni à offrir les marchés à d'autres pays, alors même que l'agriculture européenne est exportatrice dans des pays qui luttent contre la malnutrition. C'est ce point qui m'amène à dire que l'orientation prise dans le domaine des produits phytosanitaires est vertueuse, mais tout en prenant garde à ses répercussions.

M. Jean-François Longeot , président . - Cette précision est en effet importante.

Mme Marta de Cidrac . - La France a fait de l'ajustement carbone aux frontières une priorité de sa présidence. C'est un changement significatif en Europe et une véritable avancée diplomatique. Cependant, trouver un accord sur le sujet en six mois paraît très ambitieux, a fortiori avec nos échéances électorales nationales. En réalité, ces six mois d'action seront raccourcis. De plus, certains États européens souhaiteraient revoir ces ambitions à la baisse et nous ne pouvons pas dire qu'il existe un consensus autour de ces avancées.

L'un des points d'achoppement au Parlement comme au Conseil concerne la fin des quotas gratuits, corollaire à l'introduction de l'ajustement carbone aux frontières afin de rester conforme aux règles de l'OMC. La France, comme d'autres pays, plaide pour une extinction progressive jusqu'en 2030, mais tous les acteurs ne sont pas sur la même ligne. Est-il réaliste de penser qu'un accord sera trouvé sur l'ajustement carbone aux frontières lors de la présidence française ? Précipiter les négociations ne conduira-t-il pas à un accord a minima et donc à de très nombreux « trous dans la raquette » ? Quel est l'état des positions et des négociations sur la fin des quotas gratuits au Conseil et au Parlement ?

M. Gilbert-Luc Devinaz . - La volonté de produire de l'énergie décarbonée a remis sur le devant de la scène l'énergie nucléaire. Si les centrales nucléaires produisent de l'énergie décarbonée, elles ont des conséquences sur l'environnement, avec le réchauffement des cours d'eau et la question du traitement des déchets nucléaires. Aussi comment remettre la question de la biodiversité au coeur de l'accord vert européen qui est aujourd'hui très climatico-centré ?

Alors que nous arrivons en France à la fin d'un quinquennat, je souhaiterais aussi pouvoir profiter de votre éclairage pour mesurer l'écart entre déclaration et action. Selon vous, le Président de la République fait-il partie des dirigeants qui ont freiné l'ambition de l'accord vert européen ou a-t-il été l'un des moteurs de la transition écologique en Europe ?

M. Joël Bigot . - Vous annoncez que la présidence française arrive à un moment clé pour décarboner notre économie, mais aussi qu'il faut privilégier une logique d'ensemble et embarquer tous les Européens. Après la crise des « Gilets jaunes », la France est consciente que l'enjeu climatique ne peut pas ignorer l'enjeu social. La lutte contre le réchauffement climatique ne peut donc s'envisager sans prendre en compte la précarité des ménages, comme vous l'avez rappelé concernant la mobilité et la rénovation énergétique des logements. Quelles sont, selon vous, les pistes que la France doit faire valoir pour une ambition écologique articulée à la lutte contre les inégalités ?

Monsieur Nguyen a aussi indiqué plus tôt qu'il faudrait peut-être envisager une réglementation plus forte. Le règlement européen établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique du 30 juin 2021 édicte vouloir atteindre « de manière juste, socialement équilibrée, équitable et efficace en termes de coûts l'objectif de température à long terme fixé par l'Accord de Paris » . La formule est à mon sens trop floue et ne garantit pas une prise en compte optimale de l'enjeu social. Pour vous, quelles sont les garanties qu'il faut accoler à ces déclarations ? Pensez-vous que des mesures contraignantes peuvent être adoptées ? Je rappelle que le haut conseil a plaidé pour que soit réalisé un suivi des engagements internationaux afin de mieux orienter les investissements et offrir une visibilité aux acteurs. Comment passer de l'incitation à une réglementation plus forte sur la base d'un cahier des charges permettant de mesurer l'état des lieux ?

M. Guillaume Chevrollier . - Le Pacte vert a pour ambition d'opérer une transformation de l'économie européenne et de permettre une réindustrialisation de l'Europe, et en particulier de la France. Pour cela, vous dites que la France doit nouer des alliances, cependant qu'en est-il de l'alliance entre la France et l'Allemagne ? Comment pourrons-nous trouver des convergences sur la politique énergétique, et notamment sur la taxonomie ?

Dans le domaine de l'agriculture, le Pacte vert prévoit une initiative dite « de la ferme à la table », mais cette ambition ne s'est pas accompagnée d'une étude d'impact sur les conséquences de ces orientations sur l'agriculture européenne, ce qui soulève des inquiétudes notamment chez les agriculteurs français. Il avait notamment été évoqué une baisse de 10 % de la production agricole européenne. Avez-vous des informations à ce sujet ?

Par ailleurs, quel impact aura, selon vous, l'élection présidentielle en France pendant la Présidence française du Conseil de l'Union européenne ?

M. Jean-Yves Leconte . - Est-il raisonnable d'envisager la rénovation thermique sans mettre en place parallèlement un marché carbone pour le bâtiment ?

Les outils pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de 55 % et au-delà sont d'agir sur les coûts, notamment via le marché carbone, et de créer de la norme. Ce sont des compétences européennes, mais les États membres souhaitent garder la main sur les compensations sociales, c'est-à-dire que nous avons des politiques européennes pour atteindre des objectifs tandis que les compensations restent nationales. Est-il raisonnable de poursuivre dans ce schéma déséquilibré ? Au contraire, faut-il envisager des politiques de compensation plus européennes ?

Lors des auditions que nous organisons avec Marta de Cidrac, nous nous sommes rendu compte que beaucoup d'acteurs considéraient que l'ensemble des propositions est un bloc interdépendant sans possibilité de négocier de manière isolée. Cependant, pourrons-nous réellement avancer si nous considérons que le tout forme un bloc que l'on ne peut pas dissocier ?

M. Nicolas Berghmans . - Sans dire qu'il faut tout traiter d'un bloc, je pense qu'il fait sens de regarder ensemble quelques mesures. Par exemple, le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, la réforme du marché carbone et l'extension à de nouveaux secteurs forment sans doute un ensemble à étudier conjointement, ne serait-ce que parce que les paramètres sont liés entre eux. En effet, la fin des allocations gratuites doit aller de pair avec l'entrée en vigueur du mécanisme d'ajustement carbone.

Cependant, peut-être des choix sont-ils à effectuer pour faire avancer certains dossiers quitte à traiter les autres dans une autre temporalité. Pour autant, les 12 dossiers présentés en juillet dernier, puis ceux présentés en décembre, devront être passés en revue.

Concernant la rénovation énergétique, vous avez raison : pour investir dans la rénovation énergétique, il faut un signal prix. Ce signal existe déjà puisqu'il existe des taxations sur l'énergie, mais la question est de savoir s'il faut inclure l'habitat dans le marché carbone et ainsi renchérir le prix payé par le consommateur final. Un équilibre est à trouver : on ne peut pas faire simplement de la réglementation ou simplement de la tarification carbone, mais viser une combinaison des instruments.

En outre, il faudra aussi placer l'effort pour orienter en priorité les actions vers la rénovation des passoires thermiques et vers l'aide aux ménages les plus modestes. C'est une politique que l'Europe essaie de mener depuis longtemps, mais il n'en demeure pas moins vrai que 7 millions de logements restent des passoires thermiques en France, même si ce nombre est une estimation. Bien évidemment, la rénovation thermique des bâtiments prend du temps. De plus, l'objectif est que ces logements ne puissent plus être loués sur le long terme. Aussi, si le signal prix n'est pas suffisant et n'incite pas les citoyens à mener des travaux de rénovation, alors il faudra peut-être renforcer les moyens alloués à la rénovation énergétique via les revenus carbone ou d'autres ressources. C'est une vraie question de politique publique qui se pose à l'échelle des États membres.

J'ajouterai aussi quelques mots sur l'alliance franco-allemande. La question de la part du nucléaire dans la production d'électricité est certes en débat entre les partenaires. À mon sens, ce qui est proposé par la Commission européenne est une recherche de compromis entre les points de vue français et allemand. Je regrette pour ma part l'inclusion du gaz dans la taxonomie, car nous savons que le gaz naturel est un moyen de produire de l'électricité qui émet à long terme des gaz à effet de serre. Toutefois, il faut relativiser le poids de la taxonomie, car celle-ci vise à orienter les investissements vers des fonds durables, mais elle ne guidera qu'une partie des financements. Que la taxonomie inclue le nucléaire et le gaz ou non n'empêchera pas certains pays d'investir dans le nucléaire ou le gaz. Ce qui importera en revanche, ce sont les règlements, le niveau du prix carbone, la réforme du marché carbone, mesures qui auront des impacts directs sur la production d'électricité et sur les productions industrielles. Ces éléments seront ceux qui seront cruciaux pour la décarbonation de l'économie européenne.

Concernant la fin des quotas gratuits, une position a été prise au niveau du Parlement européen à la suite du rapport d'initiative qui défend le maintien des allocations gratuites. À mon sens, cette position est problématique, car elle mettrait le système en porte à faux par rapport aux règles de l'OMC avec un cumul entre les allocations gratuites et un prix payé par les importateurs, c'est-à-dire la mise en place d'une double mesure pour lutter contre les fuites de carbone. J'espère que cette position sera revue. Hormis quelques pays à l'est de l'Europe, je n'ai pas entendu beaucoup d'États membres soutenir fortement le maintien des allocations gratuites. C'est aussi la position française qui a été très claire dès le début et qui a joué un rôle important en proposant le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières. C'est un sujet dont il faudra suivre l'évolution des discussions au niveau du Parlement européen et qui doit inviter le Conseil de l'Union européenne à tenir sur cette question pour ne pas ajouter de difficultés, car il faudra bien réduire les allocations gratuites en parallèle de la mise en place du mécanisme.

M. Phuc Vinh Nguyen . - Vous nous interpellez sur le fait que la compensation reste au niveau national et non européen, mais il est difficile pour la Commission européenne, notamment pour des questions de moyens humains, mais aussi pour des questions d'acceptabilité, de prendre en compte toutes les considérations nationales. Les États membres veulent aussi garder la main sur ces questions. À terme, devrons-nous viser une plus forte intégration sur ces questions ? Je pense que la question pourra se poser lorsque nous aurons un retour sur les politiques mises en place. À mon avis, une telle mesure sera difficile avant 2030.

Concernant les conséquences des élections présidentielles, je rappelle que le code électoral dispose que les ministres devront respecter un devoir de réserve à partir de la fin du mois de mars. La représentation permanente de la France à Bruxelles devra prendre le relais dans les négociations. À partir de là, nous n'aurons plus de figures médiatiques pour incarner la présidence française, mais le travail de fond se poursuivra. De plus, il faut rappeler que la précédente présidence française de l'Union européenne avait déjà eu à traiter d'un paquet climat, c'est-à-dire que la France dispose d'ores et déjà d'une expérience sur ces questions. Par conséquent, même si le pilotage ne sera plus aussi visible, la haute administration et les fonctionnaires resteront aux manettes.

Sur la taxonomie, je partage le point de vue exprimé par Nicolas Berghmans. La taxonomie suscite aujourd'hui le débat, car elle confronte deux modèles de mix de production électrique. Cependant, la taxonomie est une « goutte d'eau » dans la lutte contre le changement climatique. Si le nucléaire avait été exclu de la taxonomie, les États membres auraient quand même eu la possibilité d'investir dans le nucléaire. La taxonomie va donc potentiellement faciliter ces investissements, mais elle n'est en rien un blanc-seing et chaque État membre restera maître de son mix électrique en vertu des dispositions des traités.

Une question a également été posée sur le suivi des mesures. À ce sujet, je rappelle que la loi Climat européenne propose la mise en place de l'équivalent d'un Haut conseil pour le climat au niveau européen. Cette instance permettra un meilleur suivi des réglementations. Le modèle qui pourrait être utilisé comme source d'inspiration est le modèle mis en place au Royaume-Uni où le Haut conseil, créé il y a une dizaine d'années, dispose de fonds et peut contrôler l'impact environnemental des législations. En France, le Haut conseil pour le climat est de création beaucoup plus récente. L'initiative prise au niveau européen peut être jugée pertinente, car elle permettra de faire remonter l'ensemble des préconisations nationales des États membres et d'émettre des recommandations au travers d'un comité d'experts désignés pour quatre ans. Ces recommandations pourront être reprises par le Parlement européen. C'est donc un garde-fou sur le contrôle démocratique et la bonne prise en compte de la dimension environnementale dans toutes les futures réglementations.

Vous nous interpellez aussi sur la manière dont nous pouvons juger de l'action du Président de la République sur ces questions. De manière impartiale et apolitique, je commencerai par souligner les avancées qui sont faites sur ces questions. Est-ce que toutes ces avancées sont imputables au président Macron ? Non. Est-ce qu'une partie peut être mise à son crédit ? Certainement. L'emprunt européen en réponse à la crise sanitaire a notamment permis d'esquisser une plus grande intégration européenne. Par ailleurs, l'objectif de réduction de 55 % a été poussé par Emmanuel Macron pour avancer une position pour la COP 26. Au niveau national, en revanche, nous pouvons relever que l'ambition européenne n'a pas été reprise dans la loi issue des travaux de la convention citoyenne pour le climat, ce qui est dommageable. Nous pouvons espérer que le futur président ou la future présidente de la République retiendra cet objectif de réduction de 55 %, ramené en France entre 43 et 50 % selon les modélisations actuelles, pour lancer diverses mesures.

Enfin, je pense qu'il est raisonnable de viser un accord sur le mécanisme d'ajustement carbone pendant la présidence française de l'Union européenne, mais cet accord pourrait être accolé de certains astérisques. En fait, ce mécanisme d'ajustement est intimement lié à la réforme du marché carbone européen. Nous pourrions donc viser un wording , c'est-à-dire des conclusions d'ensemble, qui permette d'esquisser un accord modulo certaines questions plus épineuses qui pourraient être tranchées dans le cadre de négociations ultérieures sur le marché carbone européen puisque ces négociations seront plus longues notamment, car plusieurs États membres y émettent des réserves. Pour autant, un accord semble accessible d'autant que la France qui affiche cette ambition depuis longtemps a préparé le terrain en commençant les négociations en amont et a annoncé vouloir faire de ce mécanisme d'ajustement - appelé taxe carbone à tort - son ambition. Il ne serait donc pas incongru de voir émerger un accord sur ces questions.

Mme Pascale Joannin . - Le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières fait partie des négociations importantes pour l'Union européenne, car les revenus tirés de ce mécanisme doivent à terme constituer une nouvelle source de ressources pour l'Union européenne et ainsi affaiblir le poids des contributions nationales au budget européen. Il apparaît donc important de trouver une solution, mais je ne suis pas certaine que nous puissions parvenir à un accord pendant la présidence française. Cela étant dit, il existe manifestement une volonté politique du côté du Président de la République française qui est le plus européen de tous les dirigeants.

Concernant nos alliances, nous n'aurons pas d'autres choix que de nous entendre avec nos amis allemands. Ce n'est pas sur le climat que nos antagonismes sont les plus forts ; les discussions pourraient être plus vives sur d'autres dossiers comme ceux portant sur la stratégie de défense ou l'économie et les règles budgétaires. Toutefois, le nouveau chancelier allemand Olaf Scholz a réalisé son premier voyage en France ainsi que la ministre des affaires étrangères, qui avait initialement envisagé d'autres destinations. Ce symbole démontre que le couple franco-allemand reste déterminant. Si l'on souhaite une position commune du Conseil face au Parlement européen, il faut que la France et l'Allemagne soient dans le même camp, sinon aucun accord ne sera possible.

En France, des élections législatives suivront les élections présidentielles de 2022. Il a cependant été fait le choix de ne pas modifier le calendrier de la présidence tournante après le Brexit, alors qu'il était possible de l'amender. La présence des Français sera donc intense jusqu'au 25 mars 2022 avant les élections du mois d'avril. Cependant, il faut rappeler que la France n'est pas le seul État concerné par des élections. La Hongrie, le Portugal, mais aussi d'autres pays organiseront des élections au premier semestre et les discussions pourront en être plus difficiles à planifier. Ce calendrier électoral entraînera des pauses liées aux élections ou à la formation des gouvernements. Je rappelle ici que les Néerlandais ont mis neuf mois à former leur gouvernement.

Une question a été posée plus tôt sur l'impact des orientations prises en matière agricole. Une étude des services de la Commission européenne montre que l'application de la réglementation européenne impacterait très fortement les producteurs céréaliers, notamment de blé. Je pourrai faire suivre cette étude à la commission, le si vous le souhaitez. Bien entendu tous les céréaliers sont montés au créneau pour dire que ce n'était pas acceptable. L'Europe existe depuis 71 ans et constitue un modèle qui fonctionne, mais ce modèle exige un travail constant puisqu'il faut travailler avec les 26 autres États membres qui ont d'autres particularités et d'autres besoins.

Je souhaite aussi rappeler, concernant la concomitance de la présidence française du Conseil et les élections, que la présidence française de 1995 s'était tenue lors d'une alternance électorale de même nature sans empêcher sa bonne tenue.

Enfin, concernant la taxonomie, il me semble heureux que le nucléaire y soit intégré. Ce n'est peut-être pas si important, mais l'exclure aurait obéré beaucoup de choses. La France n'a pas été la seule à pousser cette décision, mais 14 autres pays ont signé une tribune en ce sens. Le premier EPR qui verra le jour en Europe est situé en Finlande. Des centrales nucléaires sont installées à la frontière slovène et croate. Pour ne pas être tributaires du gaz russe ou d'Asie centrale, beaucoup de pays préfèrent disposer d'une autonomie énergétique avec le nucléaire. Cette question est plus large que la question environnementale, car elle pose la question de l'autonomie stratégique, géopolitique et géoéconomique. Elle pose aussi la question de la place de l'Europe dans le monde face à des partenaires chinois et américains qui proposent d'autres modèles. La question posée est de savoir ce que nous devons faire pour que le modèle qui est le nôtre, dans toutes ses dimensions, puisse être valorisé pour que les citoyens européens soient fiers. Rappelons en effet que le triptyque de la présidence française repose sur ces trois mots : relance, puissance et appartenance.

Mme Angèle Préville . - Il est annoncé que le marché carbone européen générera de belles ressources propres. Cependant, qui établit ces principes, si ce n'est des experts économiques ? Pourquoi ne pas prendre en compte la dimension sociale dès la conception du dispositif ? En procédant de la sorte, il nous est demandé de tenir compte après coup de l'acceptabilité, de la redistribution sociale, alors que nous devrions le faire à la base. De plus, lorsque la redistribution intervient dans un second temps, elle n'est jamais complètement opérante compte tenu du non-recours aux droits. Cette mécanique risque finalement d'accroître les inégalités. En tout cas, c'est le cas en France où la pauvreté a progressé ainsi que la précarité énergétique qui est une réalité vécue par des millions de Français.

Concernant la taxonomie, j'ajouterai que le gaz n'est pas une énergie verte et ne le sera jamais, car il est émetteur de gaz à effet de serre. Cette question renvoie aussi à la définition d'une « énergie verte » : est-ce une énergie qui ne pollue pas l'environnement ? Auquel cas, l'énergie nucléaire pose la question de la gestion des déchets issus du cycle nucléaire sur des milliers d'années.

M. Rémy Pointereau . - Que pense Madame Joannin de ces entreprises hollandaises ou allemandes qui viennent solliciter des agriculteurs français ayant des terres à faible potentiel céréalier pour leur proposer de louer leurs terres pour du reboisement pour des sommes allant de 1 000 à 2 000 euros l'hectare ? Ces propositions vont à l'encontre de la préservation des terres agricoles. Certains agriculteurs indiquent qu'ils sont intéressés par ces propositions, mais ces reconversions se feront aussi au détriment de notre autonomie alimentaire. Certes, ces opérations concernent des terres à faible potentiel, mais elles gardent quand même un intérêt économique.

M. Jean-François Longeot , président . - Ces approches ne sont pas uniquement du fait des pays membres de l'Union européenne, mais également d'entreprises chinoises qui approchent les agriculteurs français.

M. Ronan Dantec . - Comment les Chinois et les Américains vont-ils se positionner face au mécanisme d'ajustement carbone aux frontières ? Rappelons-nous que, sur l'ETS Aviation, la mobilisation des Chinois avait été très forte.

Le Pacte vert aborde-t-il la question des marchés publics qui sont totalement encadrés par la législation européenne et qui sont un outil très puissant de transition, notamment les marchés publics passés par les collectivités ? Ces marchés publics sont-ils inclus dans l'agenda européen ?

Mme Pascale Joannin . - La France défend mieux son agriculture que nos partenaires néerlandais ou allemands, par exemple, et nous devons veiller à ce que notre choix d'une agriculture forte et exportatrice ne soit pas entravé par les pays qui soldent leur agriculture. Je suis disposée à vous rencontrer pour regarder ce dossier.

Comme je l'ai indiqué plus tôt, nous devrons avoir une position commune pour échanger avec nos partenaires extérieurs. Nous pourrons défendre les intérêts qui sont les nôtres et obtenir une réciprocité de nos interlocuteurs. Ce sera « donnant donnant ». La négociation devra être équilibrée et prendra peut-être du temps, mais elle est à portée de main, car nous avons déjà obtenu des avancées dans le passé. Les Chinois revendiquent d'être la première puissance du monde en 2049 selon leur modèle. De plus, leur calendrier n'est pas le nôtre sur la neutralité carbone. Il faudra donc être vigilant et ne pas être naïf pour garantir que nous ne serons pas les seuls à faire des efforts.

M. Phuc Vinh Nguyen . - Il me semble nécessaire d'éviter de dire que l'on va créer de nouvelles ressources propres pour rembourser la dette covid, ce qui reviendrait à taxer à cette fin les consommateurs européens. La création éventuelle de ressources propres doit permettre de favoriser la transition énergétique.

Beaucoup d'ONG, d'associations de consommateurs et certains industriels étaient opposés au marché carbone européen, mais la Commission européenne a néanmoins pris la décision d'emprunter cette voie et c'est ici qu'est intervenue la création du Fonds social pour le climat. Cette genèse montre que la Commission ne prend pas en compte ces questions de manière systémique, mais qu'elle est néanmoins à l'écoute. De plus, la présidence de la France peut être l'occasion de mettre au coeur la question sociale.

Concernant la pauvreté énergétique, la crise des prix des énergies fossiles, et notamment du gaz, a des conséquences importantes sur les factures payées par les ménages, mais cette crise ne peut pas être résolue dans l'immédiat au niveau européen. Ce sont les États membres qui disposent des moyens pour atténuer les effets de cette hausse. En France, le gel des tarifs réglementés de ventes (TRV) poursuit cet objectif ainsi que la distribution du chèque inflation. Certains pays comme la Grèce subventionnent les premiers kilowattheures d'électricité, d'autres comme l'Italie suppriment certaines taxes. L'Union européenne n'a pas la compétence pour agir directement, mais le Pacte vert est le moyen de résoudre cette crise sur le moyen terme parce que, en développant massivement les énergies renouvelables, en accélérant la rénovation des bâtiments, en proposant des moyens de transport alternatifs, nous pourrons sortir de cette dépendance aux énergies fossiles.

S'agissant enfin du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, les États-Unis et la Chine ne seront pas les seuls pays à prendre en compte, mais il faudra regarder aussi du côté des principaux exportateurs des produits et services - aluminium, fer, électricité, engrais, ciment - concernés par le mécanisme. Par exemple, l'acier peut être importé de Turquie, d'Ukraine ou de Russie. Ce sont donc bien tous nos partenaires internationaux avec lesquels il faudra discuter.

M. Nicolas Berghmans . - Certes, il ne faut pas regarder uniquement vers les États-Unis et la Chine, car la Chine, ou d'autres États, pourront former des alliances avec des États qui nous sont proches, d'où l'intérêt de parler avec des pays en développement et avec nos voisins. Nous pensons ici naturellement à la Turquie ou à la Russie.

Par ailleurs, le mécanisme d'ajustement carbone prévoit des exemptions pour les pays qui mettent en place des mesures équivalentes. Aujourd'hui, les seules mesures équivalentes sont des mesures de tarification carbone. Or la Chine a déjà mis en place un marché carbone, ne couvrant pas tous les secteurs industriels visés par l'Europe, mais qui pourrait s'étendre à terme, et pourrait prétendre à être exemptée du mécanisme d'ajustement au prétexte qu'elle met en place une taxation carbone sur ses émissions industrielles au niveau domestique. Aux États-Unis, en revanche, il n'existe pas de mesures fédérales de tarification carbone, mais uniquement des mesures dans certains États. La situation politique est très bloquée et laisse peu d'espoir à l'avènement d'une telle tarification aux États-Unis sous l'administration Biden. Pour autant, les États-Unis, mais aussi le Canada ont fourni des signaux laissant entendre qu'ils seraient prêts à travailler sur un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières à plus long terme, ce qui suppose qu'ils arrivent à résoudre la question de la tarification carbone sur leurs territoires.

Les marchés publics constituent un levier intéressant, notamment pour faire émerger les matériaux bas carbone de rupture, puisque la commande publique peut permettre à certaines industries de franchir une étape. Je pense notamment à la production d'acier bas carbone ou de ciment bas carbone. Il est essentiel d'enclencher dès maintenant ces nouvelles technologies pour parvenir à la neutralité d'ici 2050 sachant que les cycles de l'industrie sont très longs. Il n'existe pas un agenda européen sur cette question de la commande publique, mais l'Europe ne fixerait pas de barrières à la possibilité de lancer des commandes publiques dédiées pour avantager les matériaux bas carbone. Dans ce domaine, certains pays avancent vite, en particulier l'Allemagne où l'accord de coalition affirme clairement que la commande publique sera le premier marché des investissements dans l'acier vert ou les cimenteries vertes. Au-delà des textes législatifs en discussion, il faudra favoriser un alignement européen sur les standards pour créer une dynamique et un marché unifié. En effet, si nous partons avec des standards différents, un blocage sera à attendre avec des pays et industriels qui défendront des modèles différents.

M. Olivier Jacquin . - Avec une présidence française de l'Union européenne pendant une élection de premier plan, le temps utile dont la France disposera sera de fait limité à deux ou trois mois.

Je souhaite également en écho aux propos du président revenir sur le sujet de dissertation proposé également aux étudiants de Sciences Po de Nancy et qui porte sur l'intérêt de s'inspirer de Robert Schuman plutôt que de Victor Hugo. Je trouve cette mise en perspective assez intéressante d'autant plus que la France apparaît souvent, vu de l'étranger, comme une donneuse de leçons.

M. Étienne Blanc . - Dans le grand enjeu de la décarbonation de l'économie, il me semble que la place du nucléaire est prépondérante, mais cette filière pose la question majeure du traitement des déchets. Le Centre européen de recherche nucléaire, situé en partie en Suisse, mais aussi en France, développe des technologies nouvelles, notamment autour du thorium et du refroidissement au plomb. Les Américains et les Russes considèrent que c'est une filière essentielle. Elle peut permettre notamment de produire des réacteurs nucléaires de petite dimension mieux adaptés à une couverture de l'ensemble du territoire. À l'occasion de la présidence française, des programmes de recherche spécifiques et des accompagnements seront-ils proposés autour de ces technologies nouvelles afin de relancer notamment une filière nucléaire française qui est aujourd'hui un peu en panne ? Au début de sa mandature, le Président de la République annonçait la fermeture de réacteurs nucléaires, mais il termine cette même mandature en annonçant qu'il va relancer une filière nucléaire, notamment sur de petites unités de production. Nous aimerions donc des éclaircissements et savoir si une stratégie européenne sera mise en place au service d'une dynamique nouvelle.

M. Phuc Vinh Nguyen . - Sur le nucléaire, nous pouvons imaginer au mieux qu'une coalition d'États membres se mette en place pour faire émerger un programme de recherche nucléaire, car nous n'arriverons jamais à un accord unanime des 27 États membres. La France envisage d'organiser en mars 2022 un sommet sur la finance durable, portant notamment sur le rôle qu'occupera le nucléaire dans l'économie de demain et dans la décarbonation de l'industrie. En revanche, nous ne devons pas nous attendre à une prise de position ou à un consensus quand on voit comment le dossier de la taxonomie a été repoussé de plus d'un an compte tenu des divergences entre les États membres.

Une autre remarque était relative à la qualité de la parole de la France lors de l'élection présidentielle. Nos partenaires européens sont déjà au fait d'une éventuelle instrumentalisation et le président du Conseil européen, Charles Michel, a indiqué qu'il serait vigilant pour éviter une instrumentalisation de la présidence française de l'Union européenne à des fins électorales. Nous pouvons aussi compter sur l'expérience des représentants français à Bruxelles pour tenter d'adoucir ou de tempérer une image qui est bien souvent jugée arrogante vis-à-vis de nos partenaires. Cette question renvoie aussi à celle de la promotion de la langue française au sein de l'Union européenne. À ce sujet, je précise que le Pacte vert européen a été publié le 14 juillet 2021 en anglais, mais la traduction française n'a été disponible que le 19 septembre. Le français comme langue officielle a donc encore du chemin à parcourir pour être reconnu comme l'équivalent de l'anglais. Un des axes de la présidence française de l'Union européenne sera peut-être aussi de relancer l'usage du français dans les institutions européennes.

En revanche, je ne me risquerai pas de disserter sur la question posée comparant une position « à la Schuman » ou une position « à la Victor Hugo ».

Mme Pascale Joannin . - Je souhaite ajouter quelques mots sur l'approche Schuman en ma qualité de directrice de la Fondation qui porte son nom. Sa méthode est celle des petits pas, des avancées concrètes, des solidarités de fait. Certes, ces progrès se font pas à pas, mais sans rupture. Cette méthode Schuman a peut-être été oubliée ces derniers temps par volonté d'aller vite et d'embarquer tout le monde. Cependant, l'Europe, depuis sa création, avance à petits pas et doit continuer à le faire sans exclure ni mettre de côté. Cette méthode mérite donc d'être davantage mise en application en 2022, car les pas concrets sont aussi un moyen d'emporter l'adhésion et de démontrer que l'Europe est utile. Nous fêterons d'ailleurs le 9 mai prochain le 72 e anniversaire de sa déclaration fondatrice. Plus globalement, nous pouvons peut-être nous inspirer de cette méthode sur la question nucléaire. Il existe un important programme de recherche Horizon Europe développé dans le cadre pluriannuel et il n'est donc pas exclu que l'Europe soutienne la recherche.

M. Jean-François Longeot , président . - Au nom de la commission, je remercie nos invités pour la qualité de leurs réponses. Nous mesurons toute l'ampleur du travail qui est à réaliser et la volonté farouche qu'il faudra pour faire avancer ce Pacte vert. À l'aube d'une échéance électorale importante, la présidence française intervient à un moment crucial.

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