B. LA FIN D'UN CYCLE SANS SOLUTION POLITIQUE PÉRENNE ET MARQUÉE PAR LA DISTENSION DES FILS DU DIALOGUE ENTRE LES PARTIES

1. Au terme d'un cycle politique ouvert il y a 34 ans, l'absence de solution pérenne
a) Malgré un relatif consensus politique quant à l'achèvement d'un cycle politique, des visions antagonistes perdurent quant à l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie

Quel que soit le regard porté par les acteurs politiques et les juristes sur la clôture effective du processus engagé par les accords de Matignon et de Nouméa, les auditions et entretiens menés par les rapporteurs en Nouvelle-Calédonie ont permis de constater la fin, si ce n'est de ce processus, du moins d'un cycle politique débuté trente-quatre ans auparavant .

Selon Sonia Backès, lors de son audition en qualité de présidente de la Province Sud, « l'accord de Nouméa est terminé ».

Du côté des indépendantistes, malgré les contestations relatives au troisième scrutin pour l'autodétermination, il n'est pas contesté que la Nouvelle-Calédonie arrive à la fin du processus initié il y a trente-quatre ans. Ainsi, comme l'a souligné Jacques Lalié, président de la province des Iles, lors de son audition, « nous arrivons à une nouvelle étape ».

Or, malgré d'incontestables avancées, ce processus n'a pas permis de dégager de solution politique consensuelle et définitive quant à l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie . Les rapporteurs n'ont pu que le constater, les différents mécanismes mis en place par l'accord de Nouméa n'ont pas fait émerger une vision pleinement partagée au sein de la population calédonienne quant à l'avenir institutionnel de l'archipel.

Premièrement, l'organisation de trois consultations relatives à l'autodétermination n'a pas permis de sortir d'un vote qualifié d'« identitaire » par les chercheurs . En effet, pour Alain Christnacht, « l'espoir exprimé dès les accords de Matignon et renouvelé avec l'accord de Nouméa, c'était précisément de sortir d'un déterminisme ethnique opposant les Kanaks, pour l'indépendance, et tous les autres, contre » 24 ( * ) . Or, pour Sylvain Brouard et Samuel Gorohouna, chercheurs au CEVIPOF et au LARJE, « le premier déterminant du vote pour le « oui » est l'appartenance

communautaire et singulièrement à la communauté Kanak puis Océanienne », et ce lors des trois consultations 25 ( * ) .

Ainsi, comme le conclut Alain Christnacht, « au terme des trois référendums , le pari initial - à savoir sortir à terme du clivage ethnique - n'a pas vraiment été tenu ».

Plus encore, ce processus n'a pas épuisé les revendications de chacune des parties , et singulièrement celles des partis politiques indépendantistes en faveur de l'accession à la pleine souveraineté.

À l'issue du dernier scrutin, Roch Wamytan, président du congrès de la Nouvelle-Calédonie a déclaré que « les deux groupes sont renvoyés dos à dos » et confirmé sa vision politique selon laquelle « la Nouvelle-Calédonie conserve sa vocation à être indépendante, un jour » 26 ( * ) .

À l'inverse, du côté non-indépendantiste, Sonia Backès, présidente de la province Sud, réagissait en affirmant que « la question de l'appartenance à la République ne se pose plus . Ce qui va se poser, c'est la construction d'un projet de société et il nous appartient de le construire tous ensemble » 27 ( * ) .

Les auditions des principaux représentants des partis indépendantistes et non-indépendantistes conduites par les rapporteurs ont montré que ces positions exprimées à l'issue du scrutin n'ont pas connu d'évolution notable depuis .

Ainsi, les représentants du Parti de libération kanak (Palika) et de l'Union progressiste en Mélanésie (UPM) rencontrés au cours du déplacement, en particulier Paul Néaoutyine, Victor Tutugoro et Jean-Pierre Djaïwé, ont rappelé, dans des termes identiques, que « les consultations n'éteignaient pas la revendication à l'indépendance ». Cette affirmation est partagée par les représentants de l'Union-Calédonienne, en particulier Roch Wamytan pour qui « un combat de quarante ans ne s'arrêtait pas avec le troisième référendum ».

De la même manière, lors de son audition, la confédération Ensemble ! a rappelé que « le processus référendaire est terminé », position partagée par Virginie Ruffenach.

Deuxièmement, l'organisation politique calédonienne demeure largement déterminée par les débats institutionnels . Le débat politique est ainsi polarisé par le positionnement vis-à-vis de l'indépendance, qui demeure un critère d'identification fort pour l'ensemble des formations et du personnel politiques calédoniens. Les principaux responsables politiques continuent de porter des visions antagonistes de l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie au cours des campagnes électorales locales mais également nationales .

Ainsi, toutes les strates de l'organisation politique calédonienne sont organisées selon ce clivage :

- les maires de Nouvelle-Calédonie sont représentés par deux associations, l'association des maires de Nouvelle-Calédonie et l'association des maires français de Nouvelle-Calédonie, auxquels ils adhérent en fonction, à une exception près, de leur positionnement quant au maintien ou non de la Nouvelle-Calédonie dans la République française ;

- aucune des trois provinces de Nouvelle-Calédonie, qui ont été découpées afin de permettre une répartition du pouvoir politique entre les partis indépendantistes au Nord et dans les Iles Loyauté et non-indépendantistes au Sud de la Nouvelle-Calédonie , n'a connu d'alternance politique au cours des trente dernières années ;

- le congrès de la Nouvelle-Calédonie est structuré autour de groupes politiques classés selon leur positionnement par rapport à la question de l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie , à l'exception du parti de l'Éveil Océanien. Ce dernier, bien que refusant de se positionner sur cette question, ne s'extrait toutefois pas de cette summa divisio puisque, par la voix de son président, Mickael Tukumuli, auditionné par les rapporteurs, il « prône un équilibre entre les deux forces qui ne peut se réaliser que par la répartition du pouvoir politique » entre les partis indépendantistes et non-indépendantistes au sein du congrès et du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ;

- le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, bien qu'il repose sur un fonctionnement collégial, est structuré selon les mêmes forces politiques .

Quant aux élections nationales , les dernières campagnes pour les élections présidentielle et législatives ont illustré, une nouvelle fois, le clivage politique et ethnique existant en Nouvelle-Calédonie .

Ainsi, selon Sylvain Brouard, chercheur au CEVIPOF, « lorsque l'on appréhende l'électorat kanak à partir de la proportion d'électeurs de statut civil coutumier au niveau des bureaux de vote, l'estimation de l'abstention et des bulletins blancs ou nuls lors des 1 er et 2 nd tours de l'élection présidentielle est, respectivement, de 96 et 99 % » et est ainsi « peu ou prou deux fois plus élevé que parmi les électeurs de statut civil commun » 28 ( * ) .

Troisièmement, si la société civile aspire à ce que de nouveaux thèmes, principalement économiques, éducatifs et sociaux, prennent la place qui leur revient dans le débat politique calédonien, force est de constater que n'a pas émergé de celle-ci une solution spontanée - et indépendante des formations et du personnel politiques - aux divisions que connaît ce territoire . La période ouverte par les accords de Matignon et prolongée par l'accord de Nouméa n'a ainsi pas permis de dégager par elle-même une vision politique partagée au sein de la société calédonienne qui s'imposerait, le temps aidant, avec la force de l'évidence.

Bien au contraire, selon Sylvain Brouard, chercheur au CEVIPOF, la confiance des Calédoniens dans l'avenir s'est dégradée au fil du processus de consultation sur l'autodétermination : « la défiance est aujourd'hui [en mars 2021] prédominante : 44 % de notre échantillon est plutôt ou très inquiet. Son niveau n'était que de 27 % en septembre 2020 » 29 ( * ) .

Au surplus, la démarche dite « d'écoute profonde » menée en 2021 avant la troisième consultation à l'autodétermination a mesuré le niveau de confiance dégradé au sein de la population calédonienne : 52 % des Calédoniens se sont déclarés inquiets ou très inquiets quant à l'avenir et au développement de la Nouvelle-Calédonie contre seulement 30 % se déclarant confiants 30 ( * ) .

Alors qu'un cycle politique semble se clore, les rapporteurs constatent qu'il n'aura pas apporté toutes les réponses espérées . S'il est loin d'avoir été vain, en ce qu'il a contribué à apporter à ce territoire une paix civile dont la nécessité ne saura jamais être rappelée avec suffisamment de force, il n'a pas permis de résoudre les difficultés politiques qui ont justifié son engagement trente-quatre ans plus tôt.

b) Les institutions politiques et administratives issues des accords souffrent aujourd'hui de défauts soulignés par l'ensemble des parties

Les auditions menées par les rapporteurs ont révélé les fragilités du système institutionnel institué par les accords de Matignon et de Nouméa, détaillé par la loi organique du 19 mars 1999 précitée . Les institutions créées par les accords de Nouméa font en effet l'objet de critiques nourries de la part tant des acteurs politiques que des représentants des acteurs économiques, sociaux, culturels, environnementaux, et de services de l'État en Nouvelle-Calédonie, illustrant la nécessité de réformes institutionnelles.

Deux types de critiques ont ainsi été systématiquement évoqués au cours des auditions.

Le premier concerne la répartition des compétences entre les institutions de Nouvelle-Calédonie, qui n'est pas jugée aujourd'hui pleinement satisfaisante .

Ainsi, l'ensemble des acteurs auditionnés a déploré l'enchevêtrement des compétences telles que réparties entre les différentes institutions de Nouvelle-Calédonie par la loi organique de 1999, source d'inefficacité des politiques publiques, de surcoûts et d'un défaut de lisibilité tant pour les citoyens que les acteurs politiques et économiques.

Concernant les transferts de compétences, comme l'ont rappelé toutes les personnes interrogées sur ce sujet, le transfert de l'État à la Nouvelle-Calédonie de la compétence du contrôle de légalité , alors même qu'il est rendu possible par l'article 27 de la loi organique de 1999, n'est pas souhaité tant les garanties nécessaires à l'exercice d'un contrôle respectueux de l'État de droit sont difficiles à mettre en oeuvre .

De la même manière, les difficultés rencontrées dans l'exercice par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie de certaines compétences transférées, en particulier le droit civil et le droit commercial, semblent justifier, en particulier pour les acteurs économiques, une recentralisation de ces compétences.

Par ailleurs, la répartition actuelle des compétences entre les institutions calédoniennes est, selon certains acteurs auditionnés, source d'inefficacité et de difficultés concrètes pour les citoyens .

À titre d'exemple, les organisations syndicales ont unanimement dénoncé les difficultés à instituer une plateforme unique d'offres d'emplois publics abondée par l'ensemble des collectivités territoriales de Nouvelle-Calédonie. Les acteurs économiques réunis dans le consortium NC Eco ont particulièrement insisté sur le morcellement du droit de l'environnement en Nouvelle-Calédonie qui, relevant d'une compétence provinciale, varie d'une province à l'autre et complexifie les activités économiques.

La deuxième série de critiques porte sur les règles financières, budgétaires et comptables, et en particulier la clé de répartition, applicables en Nouvelle-Calédonie. Un consensus semble exister localement sur la nécessité de leur rénovation afin, notamment, de renforcer l'efficacité des dépenses publiques et de redresser la situation financière et budgétaire de la Nouvelle-Calédonie.

En outre, les deux associations des maires présentes en Nouvelle-Calédonie ont convergé dans leur souhait de doter les communes de Nouvelle-Calédonie d'une autonomie financière et d'outils d'intercommunalité similaires à ceux dont peuvent bénéficier les communes de l'hexagone.

2. La fin du processus est marquée par la distension des fils du dialogue entre les parties

Si le cadre posé en juin 2021 par le Gouvernement quant aux futures négociations sur l'avenir institutionnel semblait initialement facteur de consensus , les auditions menées par les rapporteurs ont montré l'érosion de l'adhésion des partis indépendantistes au cadre proposé par le Gouvernement pour les futures négociations et la distension des fils du dialogue entre les parties .

En effet, dès avant la tenue de la troisième consultation à l'autodétermination et soucieux de « la clarté sur "le jour d'après" » 31 ( * ) , le Gouvernement, par la voix du ministre des outre-mer, alors Sébastien Lecornu, le 2 juin 2021, a fixé le cadre qu'il envisageait pour négocier l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie.

Les déclarations du Gouvernement relatives aux négociations
sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie du 2 juin 2021

Le Gouvernement a, par une déclaration de l'ancien ministre des outre-mer Sébastien Lecornu, le 2 juin 2021 32 ( * ) , posé le cadre des futures négociations sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, détaillant les principes directeurs des négociations, leur contenu, leur format et leur calendrier.

Sur les principes devant guider la suite des négociations, le Gouvernement avait alors déclaré :

« Si la discussion sur l'avenir institutionnel doit nécessairement commencer avant la troisième consultation, elle ne pourra trouver sa validation définitive qu'après.

« En effet, la discussion politique devra se poursuivre pour acter les nouvelles institutions de la Nouvelle-Calédonie, que celles-ci s'inscrivent dans l'indépendance (en cas de “oui”) ou dans la République française (en cas de “non”).

« Cela ouvre donc une nouvelle période de discussion, d'une durée limitée, qui sera consacrée à la préparation d'un projet et devra aboutir à sa validation, par consultation.

« (...) Au terme de cette période de discussion, une consultation devra intervenir pour approuver les futures institutions de la Nouvelle-Calédonie : il s'agira, alors, d'un référendum de projet ».

Le contenu des futures négociations devait inclure « les sujets vitaux pour l'avenir de la Nouvelle-Calédonie :

« - La réalisation de l'audit sur la décolonisation prévue par le comité des signataires du 2 novembre 2017, selon des modalités qui devront être remises à jour ;

« - La résorption des inégalités, au service de la cohésion de la population, en comprenant une réflexion sur l'évolution de la fiscalité ;

« - Le système éducatif, creuset des générations futures et vivier des savoirs dont la Nouvelle-Calédonie a besoin ;

« - La nécessaire diversification de l'économie calédonienne ;

« - La poursuite du rééquilibrage, selon des modalités qui devront évoluer pour atteindre mieux ses objectifs ;

« - La poursuite de la construction d'une identité calédonienne partagée, irriguée de la culture des Kanak, peuple premier, et de l'apport des populations arrivées par la suite ;

« - La place de la Nouvelle-Calédonie dans son environnement régional et, le cas échéant, dans la stratégie indopacifique portée par la France ;

« - La définition d'un chemin coutumier pour oeuvrer à la réconciliation des mémoires ».

Quant au format , le Gouvernement proposait « pour conduire ces échanges, (...) un cadre ad hoc de discussion avec les forces politiques calédoniennes ».

Concernant le calendrier , il était proposé :

- tout d'abord, « la mise en oeuvre de la période de discussion et de stabilité à partir du 13 décembre 2021 » ;

- puis « l'organisation, avant le 30 juin 2023, du référendum de projet pour l'approbation des nouvelles institutions calédoniennes ».

Néanmoins, ledit cadre souffre aujourd'hui de l'érosion de l'adhésion des partis indépendantistes, et ce pour deux principales raisons.

Premièrement, le refus du report de la date de la troisième consultation exposé ci-dessus a été un facteur important de défiance des partis indépendantistes vis-à-vis de l'État et de sa neutralité dans le processus .

Les partis indépendantistes l'ont tous affirmé en des termes identiques au cours de leurs auditions, ce choix relève selon eux d'un « passage en force » et « d'un parti pris de l'État pour les loyalistes » .

Cette position a par la suite été réaffirmée publiquement par les partis indépendantistes, notamment par l'Union Calédonienne qui, dans un communiqué de presse, a indiqué que « le Président Macron ayant décidé de sortir l'État de sa neutralité et d'épouser le point de vue de nos adversaires opposés à l'indépendance, il est clair que l'État français se place comme porte-parole des non-indépendantistes et réinvestit son statut d'État colonisateur » 33 ( * ) .

Deuxièmement, depuis la proclamation des résultats, la phase de discussion annoncée n'a pas été initiée et n'a cessé d'être repoussée par l'État : la reprise du dialogue a été repoussée une première fois en raison des élections présidentielle et législatives d'avril et juin 2022 puis semble de nouveau repoussée à une date ultérieure par le Gouvernement.

En effet, au lendemain des élections législatives, le 20 juin 2022, le déplacement de l'ancienne ministre des outre-mer Yaël Braun-Pivet prévu pour le 24 juin a été annulé , la ministre s'étant portée candidate à la présidence de l'Assemblée nationale.

Par la suite, le 16 juillet, le déplacement annoncé pour le 26 juillet 2022 des ministres de l'intérieur et des outre-mer et délégué aux outre-mer, Gérald Darmanin et Jean-François Carenco, a été annulé . Le Gouvernement a finalement fait le choix de réunir le comité des signataires en septembre prochain à Paris avant d'envisager tout déplacement ministériel en Nouvelle-Calédonie 34 ( * ) .

Cette décision ne semble pas avoir été concertée avec les parties calédoniennes. Elle ne répond d'ailleurs pas à l'attente exprimée par le FLNKS d'un dialogue bilatéral avec l'Etat préalablement à l'engagement de discussions tripartites entre l'Etat et les parties calédoniennes.

Le comité des signataires de l'accord de Nouméa

Prévu au point 6.5 de l'accord, le comité des signataires réunit, comme son nom l'indique, les signataires de l'accord. Il poursuit une triple mission :

« - prendre en compte les avis qui seront formulés par les organismes locaux consultés sur l'accord ;

« - participer à la préparation des textes nécessaires pour la mise en oeuvre de l'accord ;

« - veiller au suivi de l'application de l'accord ».

Réuni sur convocation du Gouvernement et à sa discrétion, le comité des signataires a été réuni dix-neuf fois depuis le 2 mai 2000. Sa dernière réunion date du 10 octobre 2019. À l'issue de chacune de ses réunions, un relevé de conclusions est rendu public.

Sa composition est évolutive : il réunit deux délégations composée des signataires historiques (présents en tout ou partie) mais également les parlementaires et représentants des institutions de Nouvelle-Calédonie. Sont parfois également conviés les représentants des forces politiques représentées par un groupe au congrès de la Nouvelle-Calédonie et les représentants d'associations de maires.

Ainsi, ces récentes annonces n'ont pas permis la reprise espérée du dialogue entre les parties , le FLNKS ayant affirmé son refus de participer à ladite réunion à Paris, estimant que la reprise du dialogue devait avoir lieu, comme l'exprimait Daniel Goa, président de l'UC, « ici chez nous » - en Nouvelle-Calédonie 35 ( * ) . L'Union progressiste en Mélanésie a déclaré que « les conditions dans lesquelles se présentent les reprises de discussions sur l'avenir du pays ne conviennent pas », réaction partagée par le Palika dénonçant « un coup de force de l'État » 36 ( * ) . Position réaffirmée au cours du dernier congrès exceptionnel du FLNKS, le 24 juillet 37 ( * ) .

Dans ce contexte empreint de divergences sur la reprise du dialogue entre les parties, la nomination de Sonia Backès , le 5 juillet 2022, au sein du Gouvernement et plus particulièrement comme secrétaire d'État rattachée au ministre de l'intérieur et des outre-mer, ainsi que ses récentes déclarations relatives à sa participation au sein de la délégation non-indépendantiste aux prochaines négociations, suscite des réactions tant du côté des indépendantistes que de certains non-indépendantistes 38 ( * ) .

Ainsi, Daniel Goa, président de l'Union Calédonienne, s'interroge sur « le flou dans le message », tandis que Jean-Pierre Djaïwé, porte-parole du Palika, qualifie cette nomination d'« acte politique qui confirme bien la volonté du président de la République de maintenir la Nouvelle-Calédonie dans la France », remettant en cause « l'impartialité de l'État » 39 ( * ) . Enfin, pour Virginie Ruffenach, vice-présidente du Rassemblement-Les Républicains, « il faut clarifier la situation car la base des discussions n'est pas saine » 40 ( * ) .

Si la ministre s'est défendue en indiquant « comprendre très bien que ça puisse poser question » et en rappelant que son « portefeuille (...) n'a strictement rien à voir avec la Nouvelle-Calédonie », les rapporteurs souhaitent rappeler que l'impartialité de l'État dans ce dossier est l'une des garanties fondamentales et qu'en la matière, la théorie des apparences trouve à s'appliquer . Il appartiendra dès lors à chacun, dans l'exercice des différentes fonctions, de maintenir, par des actes concrets, la confiance des parties comme de la population dans les négociations.

Force est donc de constater qu'à l'issue d'un processus trentenaire de dialogue, les fils du dialogue sont, aujourd'hui, sinon rompus, à tout le moins distendus entre les trois parties prenantes aux accords de Matignon puis Nouméa : l'État, les indépendantistes et les non-indépendantistes.

Tout doit être mis en oeuvre pour prévenir un retour à la violence politique qu'heureusement aucun protagoniste n'envisage. Il est donc essentiel de ne pas laisser croire que le dialogue politique est dans une aporie. Dès lors, la seule méthode dont dispose l'ensemble des acteurs calédoniens pour cheminer rapidement vers une évolution institutionnelle consiste à renouer un dialogue qui semble s'être éloigné. Le retard de plus d'un an déjà pris pour l'engagement des discussions envisagées par le Gouvernement en juin 2021 et la cristallisation des antagonismes entre forces politiques calédoniennes consécutive à la consultation du 13 décembre 2021 réduisent les chances d'aboutir à un accord en temps utile pour permettre la nouvelle consultation annoncée pour juin 2023 au plus tard, ce qui risque de rendre également très difficile l'organisation des élections provinciales de 2024, élections dont le corps électoral est l'un des enjeux du dialogue à venir. L'urgence d'un accord est également économique car les incertitudes actuelles sur l'avenir de la Nouvelle Calédonie fragilisent l'investissement, l'activité et l'emploi.


* 24 Audition par la commission des lois du Sénat le 7 juin 2022, le compte rendu est disponible à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20220613/lois.html#toc5 .

* 25 Sylvain Brouard et Samuel Gorohouna, « Comportements référendaires en Nouvelle-Calédonie : Régularités et changements lors des scrutins des 4 novembre 2018 et 4 octobre 2020 », Cahiers du LARJE, n° 2021-2, décembre 2021. L'article est consultable à l'adresse suivante : https://larje.unc.nc/wp-content/uploads/sites/2/2021/12/2021-2-S-Gorouhan-et-S-Brouard-B.pdf .

* 26 Opcit, p. 11.

* 27 Réactions recueillies par NC la 1 ère , « les loyalistes se félicitent de la victoire du non et les indépendantistes restent discrets mais contestent le scrutin », 13 décembre 2021. L'article est consultable à l'adresse suivante : https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvellecaledonie/référendum-les-loyalistes-se-felicitent-de-la-victoire-du-non-les-independantistes-restent-discrets-mais-contestent-le-scrutin-1179166.html

* 28 Note transmise par Sylvain Brouard, chercheur au CEVIPOF de Sciences Po, « Élections présidentielle 2022 : comportements électoraux en Nouvelle-Calédonie ».

* 29 Sylvain Brouard, « Analyse des évolutions des attitudes éléctorales en Nouvelle-Calédonie, septembre 2020 - mars 2021 ». Note consultable à l'adresse suivante : https://www.nouvelle-caledonie.gouv.fr/content/download/8084/62345/file/Analyse%20longitudinale%20CEVIPOF.pdf .

* 30 La démarche d'écoute profonde, étude menée à la demande du ministère des outre-mer, mai 2021. Les résultats sont disponibles à l'adresse suivante : https://www.nouvelle-caledonie.gouv.fr/Publications/Contributions-a-la-consultation-de-la-societe-civile-sur-l-avenir-institutionnel/La-demarche-d-ecoute-profonde .

* 31 Déclaration de M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer, sur l'avenir de la Nouvelle-Calédonie, à Paris le 2 juin 2021. Elle est accessible dans son intégralité à l'adresse suivante : https://www.vie-publique.fr/discours/280324-sebastien-lecornu-02062021-nouvelle-caledonie .

* 32 Opcit, p. 1 et 2.

* 33 Communiqué de l'Union Calédonienne, 11 juillet 2022, consultable à l'adresse suivante : https://drive.google.com/file/u/1/d/1SEl7vqscGnA4M-TFM7L98KN6kogdbGlh/view .

* 34 « Nouvelle-Calédonie : réunion du Comité des signataires à Paris en septembre 2022 », communiqué de presse du ministère de l'intérieur et des outre-mer, 16 juillet 2022.
Le communiqué de presse est consultable à l'adresse suivante :
https://www.interieur.gouv.fr/actualites/communiques/nouvelle-caledonie-reunion-du-comite-des-signataires-a-paris-en-septembre .

* 35 Les partis indépendantistes membres du FLNKS ont dans leur ensemble affirmé, par voie de presse, leur refus de participer au comité des signataires organisé à Paris en septembre 2022.
« Le FLNKS ne participera pas à un Comité des signataires à Paris »,
Les Nouvelles Calédoniennes , 18 juillet 2022. L'article est consultable à l'adresse suivante : https://www.lnc.nc/article/nouvelle-caledonie/politique/le-flnks-ne-participera-pas-a-un-comite-des-signataires-a-paris .

* 36 Ibid .

* 37 « Le FLNKS n'ira pa Comité des signataires et prépare ses bilatérales », NC la 1 ère , https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvellecaledonie/le-flnks-n-ira-pas-au-comite-des-signataires-et-prepare-ses-bilaterales-1306608.html .

* 38 « Je serai là, que ça fasse plaisir ou non à certains », interview de Sonia Backès publiée le 11 juillet 2022 dans Les Nouvelles Calédoniennes.

* 39 Un comité des signataires de l'accord de Nouméa probablement en septembre, Outremer360, 8 juillet 2022, https://outremers360.com/bassin-pacifique-appli/nouvelle-caledonie-un-comite-des-signataires-de-laccord-de-noumea-probablement-en-septembre

* 40 Déclarations de Virginie Ruffenach sur la chaine télévisée NC la 1 ère le 11 juillet 2022. https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvellecaledonie/nomination-de-sonia-backes-presidence-du-congres-bilan-electoral-ce-qu-on-peut-retenir-de-l-entretien-de-virginie-ruffenach-vice-presidente-du-rassemblement-les-republicains-et-presidente-du-groupe-avenir-en-confiance-au-congres-1302784.html

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