D. SÉCURISER LES PRÉROGATIVES DE LA DOUANE EN MATIÈRE DE « VISITE » DES MARCHANDISES, DES MOYENS DE TRANSPORT ET DES PERSONNES

Concernant plus généralement les pouvoirs étendus de contrôle et de saisie des services douaniers, plusieurs personnes entendues dans le cadre de la mission d'information ont souligné l'importance des prérogatives spécifiques de la Douane, notamment en matière de fouille et de saisies . Elle peut par exemple intercepter des flux financiers, souvent liés à du blanchiment de produits illicites et à de la fraude aux finances publiques, ou encore visiter des locaux à usage professionnel et saisir des documents se rapportant à des délits douaniers. Surtout, et au-delà du contrôle des flux de marchandises illicites, les pouvoirs de contrôle propres aux agents des douanes sont liés tant au recouvrement des contributions indirectes et de la TVA à l'importation qu'à la perception de droits de douane et à la protection des intérêts financiers de l'Union européenne.

Or, entre le début et la fin des travaux de la mission d'information, le Conseil constitutionnel a déclaré non conformes à la Constitution les dispositions de l'article 60 du code des douanes, relatif à la prérogative de « visite » des agents des douanes 80 ( * ) et inscrit dans notre droit, à contenu inchangé, depuis 1948 81 ( * ) . Aux termes de cet article, pour l'application des dispositions du code des douanes et en vue de la recherche de la fraude, les agents des douanes peuvent procéder à la visite, c'est-à-dire à la fouille, des marchandises, des moyens de transport et des personnes .

La Cour de cassation avait, par sa jurisprudence, assorti l'exercice de cette prérogative de garanties pour les personnes contrôlées . Ainsi, les agents de la douane :

- ne peuvent pas procéder à la visite d'un véhicule stationné sur la voie publique ou dans un lieu accessible au public libre de tout occupant ;

- ne peuvent pas procéder à une fouille à corps de la personne contrôlée ;

- ne peuvent pas maintenir la personne contrôlée à leur disposition au-delà du temps strictement nécessaire à leur mission ;

- ne sont autorisés à recueillir que les déclarations faites en vue de la reconnaissance des objets découverts ;

- peuvent appréhender matériellement les indices recueillis lors du contrôle, mais à la stricte condition de procéder à leur inventaire immédiat, de s'abstenir de tout acte d'investigation les concernant, de les transmettre dans les meilleurs délais à l'officier de police judiciaire compétent pour qu'il procède à leur saisie et à leur placement sous scellés et de s'assurer, dans l'intervalle, qu'ils ne puissent faire l'objet d'aucune atteinte à leur intégrité.

Dans sa décision QPC du 22 septembre 2022, le Conseil a toutefois considéré que le législateur n'avait pas assuré une « conciliation équilibrée entre, d'une part, la recherche des auteurs d'infractions et, d'autre part, la liberté d'aller et venir et le droit au respect de la vie privée » en ne « précisant pas suffisamment le cadre applicable à la conduite de ces opérations » , pour lesquelles il n'est pas tenu compte « des lieux où elles sont réalisées ou de l'existence de raisons plausibles de soupçonner la commission d'une infraction ».

Ainsi, nonobstant les garanties apportées par la jurisprudence de la Cour de cassation, le Conseil constitutionnel a estimé que « les dispositions ne soumettaient la mise en oeuvre du pouvoir de visite à aucune condition propre à en circonstancier l'application » 82 ( * ) et les a déclarées non conformes à la Constitution. Il a néanmoins reporté au 1 er septembre 2023 l'abrogation de ces dispositions , les mesures prises avant la publication de cette décision ne pouvant être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité.

Il est donc proposé de modifier l'article 60 du code des douanes pour tenir compte de la déclaration de non-conformité de ses dispositions à la Constitution . Si le Gouvernement a déposé, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2023, un amendement portant une demande d'habilitation à légiférer par ordonnance, le rapporteur privilégie un dispositif « en dur » dès la loi de finances pour 2023, en assortissant le droit de visite des garanties nécessaires . Pour ce faire, les modifications proposées s'appuieraient sur l'encadrement apporté aux autres prérogatives de la Douane - par exemple pour le droit de visite des navires, dont les dispositions avaient déjà dû être modifiées, elles-aussi après leur censure par le Conseil constitutionnel 83 ( * ) - et sur les garanties énoncées par la Cour de cassation dans sa jurisprudence.

Recommandation n° 12 ( Parlement ) : afin de répondre à leur déclaration de non-conformité à la Constitution par le Conseil constitutionnel, modifier les dispositions de l'article 60 du code des douanes relatif au droit de visite des agents de la Douane en assortissant l'exercice de cette prérogative de toutes les garanties juridiques nécessaires.


* 80 Décision n° 2022-1010 QPC du 22 septembre 2022.

* 81 Décret n° 48-1985 du 8 décembre 1948 portant refonte du code des douanes, pris sur le fondement de la loi n° 48-1268 du 17 août 1948 relative au redressement économique et financier.

* 82 Commentaire de la décision n° 2022-1010 QPC du 22 septembre 2022.

* 83 Décision n° 2013-357 QPC du 29 novembre 2013.

Page mise à jour le

Partager cette page