II. UN TERRITOIRE QUI RENCONTRE DES DIFFICULTÉS POUR RELEVER CE DÉFI DU VIEILLISSEMENT

A. À REBOURS DE LA POLITIQUE MAINTIEN À DOMICILE, LA MARTINIQUE DOIT ACCROÎTRE SON OFFRE DE PLACES EN ÉTABLISSEMENTS

À rebours du virage domiciliaire, la Martinique doit ouvrir des places en établissements. Cette situation n'est pas nouvelle, un plan de rattrapage avait déjà été lancé dans les années 2000 mais ces ouvertures de places deviennent indispensables.

C'est un autre point d'alerte à l'issue de ce déplacement. En Martinique, l'offre de places en institution reste limitée. En 2017, la Martinique compte 49 places en hébergements et 45 places en lits médicalisés pour 1 000 personnes âgées de 75 ans et plus. Ces taux d'équipement sont nettement plus faibles que ceux relevés dans l'Hexagone, où ils sont respectivement 124 %o et 104 %o.

Par ailleurs, le parc des Ehpad est très vieillissant, comme la délégation sénatoriale l'a constaté lors de ses visites. Certains établissements sont très vétustes voire délabrés et ne répondent pas aux normes en vigueur. Ainsi, l'un des plus importants Ehpad de l'île, adossé au CHU, propose encore des chambres à quatre lits dotées d'une douche pour huit patients. Si cet exemple est extrême, les sénateurs ont pu voir lors de leurs visites sur le terrain des locaux qui ne sont pas adaptés aux besoins des personnes âgées dépendantes, avec des chambres trop exiguës par exemple pour y loger des personnes à mobilité réduite. De plus, le climat impose une contrainte dans la gestion et l'entretien du bâti, l'entretien courant est plus contraignant, impose des interventions beaucoup plus fréquentes que sous un climat tempéré.

Le nombre de places en établissements étant limité et les besoins en croissance, les tarifs des institutions pour personnes âgées dépendantes ont tendance à être plus élevés, ce qui pénalise une population dont le niveau de vie est inférieur à la moyenne nationale.

Le taux d'équipement en places dans les services de soins infirmiers à domicile - services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) et services polyvalents d'aide et de soins à domicile (Spasad) - pour 1 000 personnes âgées de 75 ans et plus est également très bas : 13 places pour 1 000 personnes âgées de 75 ans et plus en 2017. En Guadeloupe, ce taux est de 22 %o et de 21 %o en France métropolitaine.

La stratégie de développement de l'offre médico-sociale dans le champ des personnes âgées et en situation de handicap retenue par les autorités locales ne se limite pas à une démarche visant uniquement à rattraper un taux d'équipement cible.

L'enjeu, au-delà du maillage territorial est de disposer de l'offre la plus pertinente, en termes de type de prestations comme de capacité de prise en charge. L'action des acteurs locaux s'envisage donc dans une perspective de réponses territorialisées aux besoins exprimés par la population. Les objectifs visés sont les suivants :

- lutter contre le phénomène de multiplication de structures non autorisées ;

- offrir aux familles des lieux de prise en charge à taille humaine avec un reste à charge moins important ;

- offrir des solutions d'hébergement temporaire pour permettre le répit des aidants, notamment en sortie d'hospitalisation et éviter des retours à domicile non préparés ;

- mieux articuler les services entre les Ehpad et les dispositifs d'accompagnement (plateformes, lieux de répit, aide aux aidants...) ;

- ouvrir les Ehpad sur leur environnement (tiers lieux...).

Le paysage médico-social est en cours d'ajustement. Le vieillissement de la population impose une restructuration importante de l'offre de service pour les personnes âgées. Cette restructuration doit anticiper l'augmentation des besoins liés au vieillissement de la population, l'accroissement de l'âge des aidants, une offre de service insuffisante tant sur le plan du maintien à domicile que des places en établissement.

Le projet régional de santé et le schéma de l'autonomie doivent ainsi poursuivre plusieurs objectifs :

- rénover ou remplacer l'existant ;

- anticiper une augmentation des besoins annoncée par les prévisions démographiques même si, pour le moment, elle n'est pas à l'origine d'une pression forte ;

- traiter un problème de répartition géographique des solutions sur le territoire.

Visite du centre hospitalier Ernest WAN-AJOUHU

La visite aux centres hospitaliers de Saint-Esprit et de Saint-François synthétise ces différents points. Placés sous une direction commune ces deux établissements ont lancé un projet médico-soignant qui va aboutir à la reconstruction du CH de Saint Esprit.

Ce projet intercommunal répond à trois besoins :

- le caractère impérieux de la désaffectation des bâtiments dont l'état de délabrement avancé est susceptible d'exposer les patients et les personnels aux risques d'inondation, de sismicité et à l'amiante ;

- la nécessité de combler les lacunes de l'offre de soins et de l'offre médico-sociale de la population de cette partie de l'île qui est à l'écart des axes routiers principaux ;

- la mise en commun de fonctions logistiques (cuisine centrale, pharmacie, transports).

Ce projet prévoit un Ehpad de 33 places et un SSIAD de 40 places destiné à pallier le faible taux d'équipement en places sur l'île et à anticiper le vieillissement de la population du sud de l'île.

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La création d'un gérontopôle permettrait de rassembler les acteurs du bien vieillir et d'améliorer la qualité de vie des personnes âgées. Cette création permettrait de disposer d'un centre-ressources pour répondre aux besoins des acteurs du secteur (institutionnels, chercheurs, entreprises, patients, familles, etc.), et de dynamiser la recherche et promouvoir la santé des personnes âgées.