II. LA NÉCESSITÉ DE FAIRE FACE À DES ENJEUX MULTIPLES

A. L'ENJEU ENVIRONNEMENTAL IMPOSE DE REPENSER L'OCCUPATION DE L'ESPACE FRANÇAIS

1. Préserver les espaces agricoles, naturels et forestiers
a) La mesure incertaine de l'artificialisation des sols
(1) Une artificialisation qui a fortement progressé

Si l'artificialisation des sols correspond à une réalité vue et vécue sur le territoire et caractérisée par l'extension des aires urbaines, la définition et le comptage du phénomène sont difficiles. L'artificialisation ne se limite pas à la construction de bâtiments, à la macadamisation de voiries ou à la pose de dalles de béton sur le sol. Il existe plusieurs outils et plusieurs méthodes de quantification qui ont chacun leurs limites et font varier les estimations de taux d'artificialisation des sols du simple au double. Les données chiffrées évoquées ci-après seront, sauf exception signalée, celles du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), chargé de piloter l'Observatoire de l'artificialisation des sols42(*).

La France n'est pas le pays européen dont les sols sont les plus artificialisés, devancée largement par les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg, où le taux d'artificialisation dépasse les 10 %, mais aussi par l'Allemagne, l'Italie ou encore le Danemark. Pour autant, et malgré la vaste superficie de la France hexagonale, avec environ 3,5 millions d'hectares artificialisés soit 6,4 % de notre territoire, nous nous situons au-dessus de la moyenne européenne. Ramené à notre population, notre taux d'artificialisation des sols se situe 15 % au-dessus de l'Allemagne et 57 % au-dessus de l'Espagne43(*).

L'inquiétude suscitée par la consommation de terres agricoles pour installer des infrastructures, des équipements, des pôles logistiques, des centres commerciaux ou de nouveaux quartiers d'habitation s'est exprimée lors des débats parlementaires portant sur chacune des lois agricoles votées ces dernières années (2010, 2014, 2018). On évoque la disparition de l'équivalent d'un département agricole tous les 10 ans. Le référé de la Cour des comptes de juillet 2020 consacré aux leviers de la politique foncière agricole chiffrait l'artificialisation à 596 000 hectares en 10 ans44(*) (soit plus de 1 % de la surface de la France métropolitaine) ce qui correspond à la perte de terres agricoles mais excède certainement la réalité des opérations d'urbanisation et d'aménagement, une partie des pertes de terres agricoles correspondant en effet à des phénomènes d'abandon de surfaces exploitées, qui reviennent à l'état dit « inculte ».

En réalité, ce sont 280 000 hectares au total qui ont été grignotés sur la nature et les terres agricoles sur la période 2009-2019, soit entre 20 000 et 30 000 hectares par an, ce qui est déjà beaucoup.

Le rythme de l'artificialisation a été particulièrement rapide ces dernières décennies, puisque l'on estime que, depuis 1981, la surface des espaces artificialisés en France a progressé de 70 %, alors que la population n'augmentait sur la même période que de 19 %.

L'habitat occuperait environ 42 % des sols artificialisés (dont près de la moitié sont des jardins ou autres espaces enherbés et nus45(*), les infrastructures de transport (routes, voies ferrées) 28 %, les infrastructures de services et de loisirs 16 % (dont un tiers pour les services publics : écoles, hôpitaux) et les activités économiques (entrepôts, commerces, usines) 14 %.

Contrairement aux idées reçues, qui laissent penser que la construction de nouvelles infrastructures ou de nouvelles zones d'activités expliquerait principalement l'artificialisation des sols, ces deux catégories n'ont contribué respectivement qu'à 16 % et 5 % de l'augmentation moyenne annuelle. De nouvelles routes ou de nouveaux entrepôts en sortie d'autoroute sont des opérations spectaculaires qui consomment d'un coup de vastes espaces, mais c'est en réalité la construction de logements qui contribue aujourd'hui à 50 % de l'artificialisation de nouvelles surfaces.

Le logement a ainsi un impact fort sur le rythme d'artificialisation des sols. La manière de construire de nouvelles habitations est une variable clef : privilégier le logement individuel conduit mécaniquement à « consommer » beaucoup d'hectares.

L'artificialisation a un caractère diffus, pour ne pas dire insidieux : elle est le corollaire de la périurbanisation et de l'extension des aires urbaines : on construit un peu partout, souvent par adjonction de zones nouvelles aux petits espaces urbains déjà existants.

Comment mesurer les surfaces artificialisées et leur progression ?

Plusieurs bases de données permettent de chiffrer l'artificialisation des sols et de mesurer la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers.

- Le CORINE Land Cover (Coordination of Information on the Environment Land Cover), base de données de l'Agence européenne de l'environnement (AEE) s'appuie sur l'interprétation de données satellitaires pour évaluer l'occupation biophysique des sols, mais elle est faite tous les 6 ans seulement ;

- Le Teruti-Lucas (Utilisation du territoire - Land Use/Cover Area frame statistical Survey) est une base de données nationale lancée en 1981, reposant sur un échantillon de parcelles enquêtées sur le terrain et alimentant les statistiques européennes d'Eurostat, mais elle manque d'exhaustivité ;

- La base des fichiers fonciers s'appuie sur les données fiscales cadastrées, qui enregistrent les changements d'usage des sols, en particulier le passage d'un espace naturel, agricole ou forestier en terrain à bâtir, mais cette base appréhende imparfaitement la notion d'artificialisation puisqu'elle intègre les terrains à bâtir (pas encore artificialisés) et exclut les infrastructures non bâties (qui pourtant contribuent à artificialiser les sols).

Chacune de ces sources présente ses limites, raison pour laquelle un Observatoire national de l'artificialisation des sols a été créé, géré par le Cerema46(*). La loi Climat et Résilience de 2021 a donné pour mission à cet observatoire la mise en place d'une nouvelle base de données sur l'occupation du sol à grande échelle (OCSGE).

(2) Un rythme d'artificialisation qui se ralentit mais certains territoires mis davantage sous pression.

Comme souvent, l'inquiétude liée à un phénomène se manifeste quand le phénomène lui-même s'affaiblit. Si la consommation pour l'urbanisation d'hectares supplémentaires gagnés sur l'agriculture, la forêt ou les espaces naturels était de l'ordre de 1,5 % par an des années 1980 à 2010, ce taux est tombé à 1 %, voire un peu moins sur la dernière décennie et le nombre d'hectares supplémentaires artificialisés chaque année tombe de plus de 30 000 par an à désormais un peu plus de 20 000. Le rythme de l'artificialisation ralentit.

Pour autant, certaines régions (Bretagne, Pays-de-la-Loire, Île-de-France, Normandie) et, au sein des régions, certains territoires, comme les territoires littoraux de l'Atlantique et de la Méditerranée ou encore les espaces périurbains autour des grandes agglomérations (Paris, Lyon, Lille, Bordeaux, Nantes, Rennes) connaissent une forte pression foncière conduisant à l'urbanisation de nouvelles zones (voir carte).

Dans certains espaces, les limites de ce qu'il est possible d'urbaniser sont quasiment atteintes (littoral de la Côte-d'Azur), ce qui conduit à ouvrir à l'artificialisation des espaces limitrophes (arrière-pays Varois). En Île-de-France, la combinaison de prix élevés du foncier et de contraintes limitant l'urbanisation de nouvelles zones conduisent à développer de nouveaux quartiers ou de nouvelles zones d'activités dans les départements limitrophes de la région : Oise, Eure-et-Loir, ...

Consommation annuelle d'espaces naturels agricoles et forestiers (en ha)

Source : Cerema

Localisation (par commune) des consommations d'espaces naturels et forestiers

Source : Cerema

b) Une artificialisation qui devient problématique

On pourrait se satisfaire de l'artificialisation de surfaces croissantes et de l'étalement urbain, et c'est d'ailleurs ce que l'on a fait pendant des décennies, d'autant plus que notre pays est finalement assez vaste. En outre, construire est vu dans les communes périurbaines comme un signe de dynamisme, permettant d'accueillir une population supplémentaire qui justifie le maintien des classes des écoles rurales, voire l'ouverture de classes supplémentaires, ainsi qu'une progression des recettes fiscales de taxe foncière et des dotations de fonctionnement apportées par l'État. Enfin, les particuliers ou les entreprises qui s'installent y trouvent leur compte en échappant à la hausse des prix du foncier au coeur et en proche périphérie des grandes agglomérations et peuvent accéder à des mètres carrés moins chers que ceux déjà bâtis ailleurs.

Mais le prix à payer en termes d'environnement et d'effets pervers sur le cadre de vie commence à apparaître et justifie de lutter désormais contre l'étalement urbain en préservant au maximum les terres agricoles, les surfaces naturelles et forestières, voire en faisant entrer davantage la nature dans les villes. Une expertise commune de l'INRA et de l'Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux (Ifsttar), désormais intégré à l'Université Gustave-Eiffel de Marne-la-Vallée, a mis en évidence tous ces effets négatifs47(*).

L'artificialisation constitue d'abord une menace larvée pour l'agriculture. Se voyant retirer une parcelle précédemment exploitée, un agriculteur peut voir la rentabilité de son exploitation se dégrader. Certes, le propriétaire de terrain agricole rendu constructible (qui n'est pas toujours l'agriculteur-exploitant) en retire une plus-value considérable, à peine atténuée par les taxes sur les plus-values de cession mises en place ces dernières années. Mais le terrain retiré de la « ferme France » réduit peu à peu le potentiel agricole de notre pays et pénalise l'installation des jeunes en faisant monter de proche en proche le prix des terres agricoles, celles les plus près des agglomérations pouvant faire l'objet de spéculation, en espérant leur classement en zone constructible. Lors de son audition, la professeure Monique Poulot alertait sur la perte de potentiel agricole lié au grignotage des terres sur les dernières décennies.

L'artificialisation réduit également la captation du carbone par les végétaux, affaiblissant notre arsenal de lutte contre le réchauffement climatique. À travers la photosynthèse des plantes, les sols absorbent en effet de la matière organique. Le sommet de Paris pour le climat de 2015 a fixé comme objectif d'augmenter la capacité de stockage de carbone dans les sols de 0,4 % par an (initiative 4 pour 1000). La généralisation de cette pratique permettrait de stopper les émissions de CO2 dans l'atmosphère, c'est-à-dire d'atteindre la neutralité carbone, mais également d'améliorer la fertilité des sols dans une démarche gagnant-gagnant. Mais outre des modifications de pratiques agricoles, la réussite de cette stratégie passe par la préservation de sols non artificialisés.

L'artificialisation pose ensuite un autre problème : elle dégrade la perméabilité des sols et accroît les risques d'érosion et de ruissellement. D'une manière générale, des sols imperméabilisés perturbent le cycle de l'eau, captent moins bien les polluants et assurent mal les échanges thermiques avec l'air environnant. Dans les espaces très minéralisés que sont les villes, la réduction de la part des surfaces en herbe contribue à faire augmenter la chaleur lors des épisodes caniculaires. On parle d'ilots de chaleur urbains. Un aspect assez méconnu des effets négatifs de l'artificialisation réside dans l'augmentation du bruit : alors que les végétaux absorbent les ondes sonores, le bâti ou les sols durs les renvoient et génèrent une pollution sonore persistante.

L'artificialisation est aussi au banc des accusés de la perte de biodiversité. Alors que, d'après les écologues, le 21e siècle marque l'entrée dans l'ère de la 6e extinction de masse caractérisée par une perte massive et rapide de biodiversité pouvant mener à la disparition de 75 % des espèces animales connues, sans compter les pertes de biodiversité marine ou de biodiversité végétale, les aménagements que nous réalisons détruisent des habitats naturels et des continuités écologiques. Cela ne signifie pas qu'il faille stopper toute opération d'artificialisation, mais la recherche d'une plus grande compacité et d'un moindre impact semble indispensable.

Effet indirect de l'étalement urbain, la progression de la dépendance aux déplacements motorisés n'est pas non plus sans poser problème : il s'agit là d'un poste de coût important des ménages - environ 14 % de leur revenu disponible est consacré aux transports, dont les trois quarts à la voiture -, d'une source massive d'émission de gaz à effets de serre (GES) et autres polluants atmosphériques, en attendant la généralisation de la voiture propre, enfin d'un facteur de dégradation de la qualité de vie des Français, qui doivent passer de nombreuses heures dans leur véhicule et souvent dans les bouchons sur le trajet domicile-travail.

L'artificialisation est souvent non réversible ou alors à des coûts de renaturation exorbitants. C'est pourquoi il est préférable de déployer une stratégie de prévention de l'artificialisation de nouvelles surfaces, plutôt que de correction a posteriori des excès que nous aurions pu commettre.

c) Zéro artificialisation nette (ZAN) : une thérapie de choc
(1) L'objectif d'utilisation économe de l'espace s'impose progressivement dans le débat public

La prise de conscience des méfaits d'un étalement urbain excessif a fait émerger l'idée d'un aménagement de l'espace plus économe en surfaces artificialisées, en même temps que montait la préoccupation de remettre de la nature dans les villes.

Reconstruire la ville sur la ville paraît ainsi préférable à l'extension des espaces urbanisés, même si cela n'est pas simple. Densifier est ainsi plutôt « mal vu » par les populations, pour qui les grands ensembles sont synonymes d'échec des politiques urbaines depuis la Seconde Guerre mondiale, sans voir aussi que la densification a ses vertus, en termes d'accès aux services publics ou encore en réduction des temps et coûts de déplacement.

Pourtant, des marges de manoeuvre réelles existent. Les espaces urbains sont en effet largement sous-utilisés. Outre les logements vacants, qui sont, il est vrai, plutôt situés dans la diagonale du vide, où la demande en bâti supplémentaire est faible, le gisement des économies d'artificialisation réside dans les nombreuses friches urbaines issues de l'abandon d'activités industrielles. En 2016, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) dénombrait 100 000 hectares de friches urbaines à reconvertir48(*). Les évaluations réactualisées seraient aujourd'hui de l'ordre de 150 000 hectares, soit presque une décennie d'artificialisation. Le village olympique pour les Jeux Olympiques de Paris 2024 est ainsi construit sur une ancienne friche industrielle à Saint-Ouen en Seine-Saint-Denis. Le Cerema recense 8 200 sites en friche pouvant faire l'objet d'une reconversion49(*).

Il s'agit évidemment d'équilibrer économiquement les opérations, en prenant en compte les coûts de dépollution (désamiantage des bâtiments existants, mais aussi nettoyage des sols et sous-sols). En ce sens, dans le cadre du Plan de relance, le Gouvernement avait mis en place en 2021 un Fonds friche qui a rencontré un réel succès et a même dû être réabondé.

D'autres marges de manoeuvre existent encore à travers la destruction d'ilots d'habitation vétustes et peu denses comme il en existe dans de nombreuses zones périphériques, pour les remplacer par de nouveaux quartiers, en articulant ces opérations avec une nouvelle offre de transports collectifs. Cette démarche est portée dans certaines agglomérations denses, comme en petite couronne francilienne.

(2) La mise en oeuvre de l'utilisation économe de l'espace dans les documents d'urbanisme

Alors que l'objectif politique affiché et valorisé dans les documents d'urbanisme est plutôt le développement de nouveaux logements, de nouvelles zones d'activités pourvoyeuses d'emploi ou encore de nouveaux équipements et aménagements publics, un tournant s'est opéré depuis la fin des années 2000. La lutte contre l'étalement urbain a commencé à irriguer les politiques d'urbanisme dont les règles se sont progressivement durcies.

La loi ALUR50(*) de 2014 a ainsi affirmé l'objectif de réduction de la consommation d'espace et imposé une justification renforcée des surfaces consommées. La loi ELAN51(*) de 2018 a inscrit cet objectif dans les principes généraux du droit de l'urbanisme qui s'imposent aux collectivités territoriales.

Déjà les SRADDET (ou le SDRIF en Île-de-France, le PADDUC en Corse et les SAR outre-mer)52(*) devaient « prendre en compte l'objectif de sobriété foncière »53(*). En témoignent en Île-de-France les SDRIF adoptés à partir du début des années 2000. De leur côté, depuis la loi Grenelle de 2010, les SCoT devaient déjà fixer des objectifs chiffrés de réduction de la consommation d'espace et peuvent conditionner l'ouverture d'un nouveau secteur à l'urbanisation à l'utilisation de terrains déjà situés en zone urbanisée. D'une manière générale les différents documents et plans d'aménagement et d'urbanisme sont des outils mobilisés aux différents échelons territoriaux, de façon plus ou moins prescriptive, pour réduire la consommation des espaces et limiter l'urbanisation en étalement urbain.

(3) L'instauration par la loi d'un objectif ambitieux : le ZAN.

Avec sa « feuille de route pour une Europe efficace dans l'utilisation des ressources » de 2011, la Commission européenne avait mis sur la table un objectif de suppression d'ici 2050 de toute augmentation nette de la surface des terres occupée au sein de l'Union européenne.

En France, l'objectif de « zéro artificialisation nette » est apparu dans le cadre du « plan biodiversité » présenté par le Gouvernement d'Édouard Philippe en 2018. Dans une très intéressante étude menée en 2019, France Stratégie54(*) estimait possible de se fixer pour but d'atteindre le ZAN dès 2030 en réduisant de 70 % l'artificialisation brute et en « renaturant » 5 500 hectares de terres artificialisées par an. D'après les auteurs de cette étude, cela passait cependant par des mesures assez énergiques et contraignantes pour les collectivités territoriales et les porteurs de projets.

C'est ce chemin qui a été choisi par le Gouvernement de Jean Castex en faisant voter en 2021 la loi Climat et Résilience55(*), qui fixe un cap un peu plus lointain mais consacre la notion de ZAN. Il s'agit de réduire l'artificialisation de 50 % entre 2021 et 2031 par rapport à la période 2011-2021 et de compenser totalement en 2050 toute artificialisation par de la renaturation, c'est-à-dire d'atteindre le ZAN. Pour parvenir à ce résultat, la loi crée différents outils : les documents d'urbanisme doivent décliner le ZAN à leur niveau. Les documents d'urbanisme devront fixer une densité minimale des constructions. La loi prévoit aussi de mettre fin aux aménagements de nouvelles zones commerciales de plus de 10 000 m² et durcit les dérogations pour les zones commerciales plus petites56(*). Elle favorise la reconversion de friches. L'enjeu est de réduire la consommation de foncier, mais aussi de répondre à d'autres enjeux, celui du paysage et du cadre de vie (les zones commerciales périphériques étant assez hideuses), celui du rééquilibrage du commerce vers les coeurs de ville, ou encore l'objectif de limitation des déplacements motorisés.

(4) Ne va-t-on pas trop loin ?

Dans son principe, le ZAN va certainement dans le bon sens. Nos voisins en Europe s'engagent eux aussi dans la lutte contre l'artificialisation des sols et la protection de leurs espaces naturels, agricoles ou forestiers.

Mais les modalités d'application ont suscité de fortes interrogations, voire des craintes des élus locaux. Une consultation faite par le Sénat à la mi-2022 a mis en évidence que seulement 18 % d'entre eux estimaient avoir les moyens humains et techniques d'appliquer la réforme. La mission conjointe de contrôle associant quatre commissions du Sénat, pilotée par Valérie Létard et Jean-Baptiste Blanc, a ainsi travaillé à l'automne 2022 sur le sujet57(*) et pointe des difficultés qu'il importe de lever en modifiant la loi.

Les règles de comptabilisation de l'artificialisation sont bien trop floues pour pouvoir être appliquées rapidement. Une clarification du comptage est le préalable à toute mise en oeuvre du ZAN.

La différenciation et la territorialisation défendues par le Sénat dans la mise en oeuvre du ZAN sont mises à mal par les décrets d'application qui organisent une application uniforme et mathématique dans les Régions. La mise à jour des documents d'urbanisme est par ailleurs imposée à marche forcée, empêchant de mener des concertations locales permettant d'aplanir les éventuels conflits.

Il faut noter également que la charge du ZAN pèse sur les seules collectivités territoriales, alors que des projets de l'État (grands ports maritimes, canal Seine-Nord, LGV) vont être fortement consommateurs d'espaces, de l'ordre de 15 % de l'enveloppe nationale d'artificialisation.

Si les sénateurs ne proposent pas de remettre en question le principe du ZAN, l'impératif d'en adapter les modalités d'application s'est traduit par le vote le 16 mars 2023 d'une proposition de loi58(*) adoptée à une large majorité mais ayant peu de chances d'être adoptée à l'Assemblée nationale.

Véritable casse-tête de la transition écologique, le ZAN risque de tourner à la cacophonie, si la manière de le mettre en oeuvre n'est pas clarifiée. La légitimité de contraintes supplémentaires peut en outre paraître faible à certains territoires qui ont déjà fait des efforts, ou à l'inverse à des territoires qui connaissent de véritables difficultés de développement et dont la possibilité de trouver un nouveau souffle dépend de la réalisation d'aménagements et d'équipements nouveaux.

Le risque est donc fort que le ZAN soit assez mal appliqué, que sa mise en oeuvre suscite des tensions locales et qu'il soit vu davantage comme une contrainte que comme une opportunité de mieux aménager les territoires. Il y a donc urgence à accompagner la réforme d'efforts de pédagogie et à ménager certaines souplesses, par exemple en permettant aux collectivités d'échanger entre elles des droits ZAN.

2. Décarboner nos déplacements et notre énergie
a) Mieux organiser l'espace pour mieux gérer nos déplacements

La manière d'occuper notre espace est indissociable de la question des mobilités du quotidien et de l'enjeu de décarbonation des transports.

Le secteur des transports est en effet le premier contributeur aux émissions de gaz à effet de serre (GES) en France. Il émettait en 2021 environ 30 % de nos GES, soit 126 Mt COeq devant l'agriculture (19 %), le résidentiel (18 %), l'industrie manufacturière et la construction (19 %) ou encore l'industrie de l'énergie (10 %) et le traitement des déchets (4 %)59(*). Au sein du secteur des transports, les déplacements en voiture particulière représentent 53 % des émissions de GES, contre 27 % pour les véhicules lourds et 15 % pour les véhicules utilitaires légers.

L'étalement urbain induit davantage de déplacements motorisés pour les besoins du quotidien entre domicile et travail, mais aussi pour l'accès au panel de services pour les ménages concernés : transport jusqu'à l'école et jusqu'aux lieux de consommation, activités de loisir. L'emploi étant de plus en plus concentré dans les grandes agglomérations60(*), on observe une déconnection entre lieux d'emploi et lieux de vie. Du fait de la densité réduite des systèmes de transport collectif en dehors des coeurs d'agglomération hors Île-de-France, la décarbonation des transports ne peut pas passer par ce canal. Par ailleurs, si la pratique du vélo se développe, c'est surtout en ville, sur des trajets courts et relativement sécurisés.

Les besoins de déplacement suscitent également de forts besoins d'aménagements en infrastructures de transport. C'est « l'effet rebond » de l'étalement urbain. Routes, échangeurs, ronds-points sont de très gros consommateurs de terrains et génèrent aussi des coûts d'entretien importants pour les collectivités territoriales, essentiellement les communes et les départements : sur environ 1 million de km de routes, 673 000 sont des voies communales et 377 000 des routes départementales. Selon l'Assemblée des Départements de France (ADF) le poste budgétaire « routes » (fonctionnement et investissement réunis) s'élève à une moyenne de 71 euros par habitant et par an61(*).

Une sorte de cercle vicieux s'installe entre étalement urbain et développement d'infrastructures de transport routier : plus il y a de lieux d'habitation ou d'activités, plus on crée des routes et plus ces routes se développent, plus on peut faire de l'étalement urbain. Chaque sortie d'autoroute est aujourd'hui un paradis pour les zones logistiques et une source de recettes fiscales pour les collectivités territoriales.

Car au-delà de la circulation des personnes à laquelle on s'est intéressé en premier lieu, celle des marchandises a un impact fort sur l'environnement et sur le cadre de vie. Elle a connu une augmentation constante, constituant le dernier maillon de la mondialisation des échanges. Elle représentait en 2021 334,5 milliards de tonnes-kilomètres, dont 87 % se fait par la route, et progresse de 2 à 3 % chaque année. Le remplacement de la route par le transport fluvial ou le fret ferroviaire, beaucoup moins émetteur de CO2, se heurte à des obstacles que la France n'a toujours pas réussi à surmonter. La souplesse et les faibles coûts du transport routier lui donnent un avantage compétitif important sur les autres modes.

Les acteurs du secteur, en particulier l'association France Logistique62(*) présidée par l'ancienne ministre des transports Anne-Marie Idrac, ont bien conscience de la nécessité de faire évoluer le transport de marchandises sur le territoire national. Le Livre Blanc de France Logistique, publié en 2022, encourage une modernisation rapide des flottes de transport, mais envisage aussi d'encourager le transport combiné, de mieux planifier les implantations logistiques sans totalement bloquer leur développement, car avec un taux de vacance inférieur à 2 %, le risque est plutôt de voir les emplois logistiques et les implantations se faire à l'étranger le long de nos zones frontalières et donc de perdre les emplois et recettes fiscales, tout en ayant les nuisances du transport routier qui transitera quand même par nos autoroutes.

France Logistique appelle aussi à ne pas négliger la problématique du dernier kilomètre. À cet égard, la mise en place de ZFE dans les villes ne peut se faire sans réflexion sur la livraison des biens et services indispensables aux magasins, services et aux particuliers.

Plusieurs leviers peuvent être activés pour mieux articuler les espaces entre eux et minimiser l'impact des déplacements sur l'environnement. Moins se déplacer est une première piste. L'idée de « dé-mobilité » a été avancée par le rapport d'Olivier Jacquin pour la délégation à la prospective du Sénat sur les mobilités dans les espaces peu denses en 2040, publié en 202163(*). Il ne s'agit pas d'empêcher les individus de se déplacer, mais d'encourager la frugalité, la sobriété - comme en matière énergétique - et surtout de remplacer les déplacements subis par les déplacements choisis. Le développement du télétravail peut ainsi favoriser un moindre recours aux déplacements pour motifs professionnels, même s'il ne faut pas en surestimer l'impact : le télétravail ne peut concerner qu'au plus 30 % environ des actifs, comme le montre un autre rapport de la délégation à la prospective du Sénat, de Céline Boulay-Espéronnier, Cécile Cukierman et Stéphane Sautarel, publié lui aussi en 202164(*).

Moins émettre de polluants atmosphériques est une seconde piste. L'Union européenne en a fixé le cap, en prévoyant l'interdiction de la commercialisation des véhicules légers à moteur thermique à l'horizon 2035, sauf s'ils utilisent des carburants alternatifs. Il reste à savoir à quel rythme les véhicules thermiques anciens seront retirés de la circulation au profit de nouveaux véhicules électriques ou à hydrogène, en évitant une situation à la cubaine, l'interdiction de l'importation d'automobiles dans l'île après la révolution castriste de 1959, ayant amené à entretenir jusqu'à aujourd'hui une flotte de voitures américaines d'ancienne génération.

Le remplacement des mobilités motorisées et individuelles par des mobilités douces, y compris dans les espaces périurbains et ruraux, et par des mobilités partagées (auto-partage, covoiturage), est aussi évoqué par le rapport Jacquin, dès lors que l'organisation de transports collectifs s'avère trop cher et inadapté. À cet égard, l'adaptation des voiries pour sécuriser les circulations douces est indispensable et sera particulièrement lourde. Les plans vélo des collectivités ont en effet d'abord concerné les coeurs d'agglomération. Une deuxième étape doit maintenant s'intéresser aux périphéries et aux zones rurales.

Une autre piste consiste à inverser les logiques de déplacement. C'est ce que fait la livraison à domicile qui s'est développée depuis 20 ans avec le commerce électronique et Internet. En remplaçant les déplacements de 15 à 20 clients vers un magasin par un livreur approvisionnant ces mêmes clients, on consomme moins de carburant - car on fait moins de kilomètres en optimisant une chaîne de livraison que si chaque client se rendait à un lieu fixe - moins d'espace qu'une surface de vente classique et on génère moins de dépenses de voirie et d'équipement. On peut regretter le remplacement des commerces physiques par un modèle économique et social de livraison dont l'entreprise Amazon, leader mondial et national du commerce électronique, constitue le fer de lance. Mais force est de constater qu'en plus de s'avérer pratique pour nombre de consommateurs, ce qui lui a permis de représenter désormais 13 % du commerce de biens en France, et bien plus encore dans certains domaines comme les livres ou les équipements électroniques, il peut s'appuyer sur des avantages réels en termes d'impact environnemental65(*), comme le soulignaient les représentants de la société Amazon lors de leur audition au Sénat.

Quels que soient les leviers utilisés, la décarbonation des déplacements constitue un impératif environnemental qui impose de repenser à la fois les infrastructures de transport et la manière d'organiser les flux entre les différentes parties du territoire.

b) Mieux utiliser le territoire pour mieux produire et mieux consommer notre énergie

L'enjeu énergétique s'est désormais installé au premier plan des préoccupations politiques. Nous avons vécu avec l'idée qu'une énergie peu chère et facilement disponible serait accessible partout avec finalement assez peu de contraintes. Nous avons aussi vécu avec l'idée que notre dépendance au pétrole et dans une moindre mesure au gaz importés, si elle dégradait notre balance commerciale, ne constituait pas une faiblesse majeure.

Dans un pays où les centrales nucléaires assurent 40 % de la consommation d'énergie primaire66(*) et où l'hydroélectricité issue des grands barrages construits principalement entre 1950 et 1980 assuraient 50 % de la production des énergies renouvelables (EnR), la recherche de nouvelles solutions n'a pas été une priorité forte.

Pour autant, deux paramètres ont contribué à rebattre les cartes. D'une part, les engagements internationaux pris par la France pour atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050, affirmés dans l'Accord de Paris à l'issue de la COP21 de 2015 et déclinés au sein de la stratégie nationale bas carbone (SNBC) définie en 2015 et du plan climat présenté par Nicolas Hulot, alors ministre de l'environnement, en 2017, amènent à accélérer le déploiement des EnR. Il s'agit de contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique global.

D'autre part, la montée des prix de l'énergie et la prise de conscience de notre fragilité stratégique à l'occasion de la guerre en Ukraine exigent d'accélérer la transition énergétique pour réduire notre dépendance aux énergies fossiles massivement importées.

Notre manière d'occuper le territoire doit donc davantage répondre à l'enjeu énergétique, à la fois en utilisant l'espace dont nous disposons comme une ressource, mais aussi en optimisant notre utilisation de l'espace pour réduire nos consommations énergétiques. C'était la stratégie mise en oeuvre en 2014 à travers l'appel à initiatives des territoires à énergie positive pour la croissance verte (TEPCV), dans lesquels 430 acteurs locaux, principalement des EPCI, couvrant au total les deux tiers de la population française, se sont engagés entre 2014 et 2017.

(1) Le territoire comme ressource énergétique

L'aménagement du territoire pour produire de l'énergie propre s'est historiquement effectué à travers les grands barrages hydroélectriques des Pyrénées et des Alpes, ceux du Massif central et ceux aménagés sur les cours d'eau du pays notamment ceux du fleuve ayant le débit le plus important, le Rhône. Si la capacité hydroélectrique du pays peut encore augmenter de l'ordre de 20 %, ce ne sera pas à travers nombre de grands aménagements mais plutôt en déployant des équipements de petite hydroélectricité et en modernisant les usines existantes.

La mobilisation des territoires pour les EnR passe plutôt par l'installation d'éoliennes et de panneaux photovoltaïques, ainsi que l'utilisation de la biomasse.

(a) Les éoliennes.

La construction d'éoliennes n'a démarré en France qu'au début des années 2000 et de manière assez modeste, avec un ralentissement des nouvelles installations au début des années 2010. Un nouvel élan a été donné à la filière avec la SNBC de 2015, permettant d'augmenter régulièrement la capacité de production électrique pour atteindre fin 2021 près de 8 % de la consommation d'électricité de l'hexagone pour une puissance raccordée de près de 19 000 MW, l'objectif dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) 2018-2028 étant d'atteindre presque 40 000 MW (soit 40 GW) en combinant éolien terrestre et éolien en mer67(*).

L'énergie éolienne s'est déployée de manière inégale sur le territoire : les Hauts-de-France et le Grand Est disposent de la moitié de la puissance installée, loin devant l'Occitanie, la Nouvelle-Aquitaine, le Centre-Val-de-Loire, les Pays-de-la-Loire et la Bretagne. D'autres régions, l'Île-de-France, la région Provence-Alpes-Côte-d'azur ou encore Auvergne-Rhône-Alpes se sont bien moins engagées dans le développement éolien68(*).

Si l'installation d'éoliennes permet de produire de l'électricité et de valoriser des territoires ruraux parfois assez pauvres, les 9 000 éoliennes installées au sein d'un peu plus de 2 000 parcs éoliens69(*) en France font l'objet de réserves au nom de la préservation des paysages. Certains choix d'implantation, par exemple sur des lignes de crêtes, pertinents pour maximiser la récupération d'énergie issue des vents dominants, ne l'étaient pas du tout du point de vue esthétique. La construction de parcs éoliens en mer, comme celui installé au large de Saint-Nazaire, plus puissants et plus massifs, suscite les mêmes critiques.

Un coup d'arrêt a été mis par la justice en 2022 au Parc de Noyal-Muzillac dans le Morbihan, pourtant autorisé en 2018 mais considéré comme « portant atteinte au caractère des lieux avoisinants et aux paysages naturels » et comme « présentant pour la protection des paysages et la commodité du voisinage des inconvénients excessifs ». Confronté de plus en plus à un problème d'acceptabilité, l'installation d'éoliennes fait l'objet de procédures plus lourdes depuis l'adoption de la loi Climat Résilience d'août 2021 et doit désormais être prévue par les documents d'urbanisme (PLU) depuis la loi 3DS (loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale) du 21 février 2022.

(b) Les panneaux photovoltaïques

L'énergie solaire est moins avancée mais progresse plus vite et atteint désormais une capacité d'un peu plus 13 000 MW, permettant de couvrir 3 % de la consommation électrique annuelle. Elle aussi s'appuie sur le territoire.

Logiquement, le parc installé se concentre sur les régions les plus ensoleillées : Nouvelle-Aquitaine, Occitanie et Provence-Alpes-Côte-d'azur. Mais le potentiel de développement existe partout, et les initiatives originales se multiplient. Il prend des formes très diverses : ombrières sur les parkings, couverture de bâtiments, ferme photovoltaïque au sol, voire panneaux flottants sur plan d'eau.

L'installation de panneaux au sol a longtemps été freinée par le refus de consommer des terres agricoles, même si contrairement à la réalisation de bâtiments ou de routes, installer des panneaux photovoltaïques est une opération facilement réversible pour rendre les terres à la nature. La loi Climat et Résilience d'août 2021 a exclu expressément les fermes photovoltaïques du calcul des surfaces artificialisées.

En outre, elle rend obligatoire l'installation de panneaux photovoltaïques ou de couvert végétalisé sur une partie des toitures des bâtiments d'activité commerciale de plus de 500 m² (contre 1 000 m² avant 2021)70(*) à partir de 2024. D'après l'étude d'impact de la loi, ce serait entre 450 et 540 000 m² de toitures qui pourraient être concernées. La mise en oeuvre effective de cette mesure nécessitera certainement un renforcement des structures de ces bâtiments, compte tenu du poids des panneaux et des installations techniques correspondantes.

Une telle obligation pourrait utilement être étendue aux bâtiments d'activité autres que commerciaux71(*), ainsi qu'à certains bâtiments d'habitation. Enfin, le déploiement de panneaux photovoltaïques supplémentaires pourrait se faire le long d'infrastructures de transports existantes : routes, canaux de navigation. L'émergence de panneaux verticaux, captant la lumière à des moments différents que les panneaux horizontaux, constituerait d'ailleurs une solution complémentaire équilibrant les productions énergétiques sur la journée.

(c) Les autres pistes

La valorisation énergétique du territoire peut passer par bien d'autres voies comme l'utilisation de la biomasse ou la méthanisation de déchets ménagers ou agricoles.

Des précautions sont toutefois à prendre pour éviter les dérives. D'une part, l'installation de petits équipements de production d'énergie peut provoquer des nuisances, et poser les mêmes problèmes d'acceptabilité que les éoliennes, par exemple. Il en va en particulier de la méthanisation, génératrice de pollution olfactive.

En outre, la méthanisation fait l'objet de critiques lorsque les méthaniseurs sont alimentés par des cultures énergétiques spécialement dédiées, détournant la production agricole de sa vocation première de production de nourriture pour les humains ou pour les animaux.

(2) Exploiter les gisements d'économie d'énergie du territoire

Si répondre à l'enjeu énergétique conduit à mobiliser les territoires pour produire de l'énergie, à l'autre bout de la chaîne, on doit aussi mobiliser les territoires pour économiser l'énergie. Techniquement, les progrès faits sur les matériaux et techniques de construction permettent de créer des bâtiments passifs. Les normes de construction dans le neuf obligent de toute façon à construire en minimisant les consommations énergétiques, mais elles ne s'appliquent pas au stock de bâtiments déjà construits.

La recherche d'économie d'énergie sur les territoires passe en réalité par un plan massif de rénovation thermique des bâtiments. On estime en effet à 4,8 millions de logements le nombre de « passoires thermiques » en France, soit 17 % du parc total.

La rénovation thermique des bâtiments vise à la fois un objectif environnemental, le secteur résidentiel représentant un cinquième de la consommation énergétique nationale, mais aussi un objectif social et économique, en réduisant les factures des habitants.

Cette stratégie a été entreprise avec la loi de transition énergétique de 2015, qui a fixé l'objectif de 500 000 logements rénovés chaque année. Le plan de relance a dégagé 6,7 milliards d'euros de crédits en 2021 et 2022, dont les deux tiers fléchés sur la rénovation des bâtiments publics et un tiers sur le dispositif « MaPrimeRenov » à destination des particuliers.

En créant d'un côté des aides et d'un autre des contraintes pour les propriétaires de passoires thermiques qui ne pourront plus les mettre en location à partir de 2025, l'ambition est de mobiliser largement l'ensemble du territoire pour améliorer globalement la qualité du bâti du point de vue de l'isolation thermique.

La montée en charge de cette politique a cependant produit des effets pervers qu'il faut désormais corriger, notamment la multiplication de pratiques frauduleuses d'entrepreneurs indélicats au détriment des consommateurs. Alors que les crédits du plan de relance s'essoufflent, un nouvel élan doit être désormais donné à la rénovation thermique des bâtiments en priorisant les territoires au bâti plus ancien et les populations qui ne peuvent financer seules les travaux de rénovation.


* 42 Référence également utilisée dans l'étude d'impact du projet de loi Climat et Résilience voté par le Parlement en 2021.

* 43 Les chiffres de taux d'artificialisation des sols et de consommation d'espaces agricoles, naturels ou forestiers pour l'urbanisation sont issus de l'étude d'impact du projet de loi Climat et Résilience voté par le Parlement en 2021.

* 44  https://www.ccomptes.fr/system/files/2020-11/20201110-refere-S2020-1368-leviers-politique-fonciere-agricole.pdf

* 45 Selon France Stratégie (rapport ZAN 2019).

* 46 https://artificialisation.developpement-durable.gouv.fr/

* 47  https://www.inrae.fr/sites/default/files/pdf/artificialisation-des-sols-synthese-en-francais-1.pdf

* 48  https://expertises.ademe.fr/urbanisme-durable/urbanisme-amenagement/passer-a-laction/reconversions-friches-urbaines

* 49  https://www.cerema.fr/fr/actualites/cartofriches-plus-8200-sites-friches-repertories

* 50 Loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové.

* 51 Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique.

* 52 Schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET), Schéma directeur de la région Île-de-France (SDRIF), Plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC) et Schémas d'aménagement régional (SAR) sont tous des documents de planification à l'échelle régionale, qui fixent des objectifs et définissent les grandes règles d'aménagement et de développement du territoire sur leur périmètre.

* 53 Article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT).

* 54  https://www.strategie.gouv.fr/publications/objectif-zero-artificialisation-nette-leviers-proteger-sols

* 55 Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

* 56 Il faut noter que cette disposition ne devrait pas avoir d'effet massif puisque sur la période 2018-2021, soit avant même le vote de la loi, le nombre de dossiers présentés à la Commission nationale de l'aménagement commercial (CNAC) avait tendance à se réduire et celle-ci ne donnait un avis favorable que sur à peine la moitié des dossiers qui lui étaient soumis, qu'il s'agisse d'extensions de zones existantes ou de créations nouvelles. Sur la période 2018-2021, seulement 6 projets de création de zone commerciale de plus de 10 000 m² avaient reçu un avis favorable.

* 57  http://www.senat.fr/commission/mcc_zan.html

* 58  http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl22-205.html

* 59  https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-transports-2023/20-emissions-de-gaz-a-effet

* 60 Une note de l'INSEE de 2022 note qu'entre 1975 et 2018, la part des zones d'emploi concentrant plus de 200 000 emplois, hors Île-de-France a augmenté de près de 4 points, et celle des petites zones de moins de 50 000 emplois a baissé de 3 points : https://www.insee.fr/fr/statistiques/6208142

* 61  https://www.departements.fr/wp-content/uploads/2018/11/Fiche-info-les-routes-d%C3%A9partementales_octobre-2020.pdf

* 62  https://www.francelogistique.fr/

* 63  http://www.senat.fr/notice-rapport/2020/r20-313-notice.html

* 64  https://www.senat.fr/notice-rapport/2021/r21-089-notice.html

* 65 L'impact environnemental global du e-commerce est cependant difficile à chiffrer, comme l'indique une note de France Stratégie de 2021 : https://www.strategie.gouv.fr/publications/un-developpement-durable-commerce-ligne

* 66  https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-energie-2022/

* 67  https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-energies-renouvelables-2022/

* 68 Voir le dernier panorama de l'électricité renouvelable publié par le Syndicat des énergies renouvelables :  https://www.syndicat-energies-renouvelables.fr/wp-content/uploads/basedoc/pano-2021-t4.pdf

* 69  https://fee.asso.fr/pub/observatoire-de-leolien-2022/

* 70 Article L. 111-18-1 du code de l'urbanisme.

* 71 Pour mémoire, on recense un peu plus de 2 millions de m² d'entrepôts logistiques en France.