B. RÉTABLIR UNE CONCURRENCE LIBRE ET NON FAUSSÉE
Le pouvoir d'achat est actuellement maintenu par l'importation de produits à bas coût. Cette politique économique est mortifère pour les entreprises européennes. L'Europe doit choisir entre « être un continent de producteurs ou simplement des pays consommant des produits venant de l'étranger » comme l'a indiqué M. Amir Reza-Tofighi, président de la CPME lors de la table-ronde organisée par la délégation aux Entreprises le 29 avril sur « les entreprises françaises dans la guerre commerciale »40(*).
Il faut donc « des décisions rapides et impactantes » sans lesquelles, nous courrons à la catastrophe, de nombreux producteurs français et européens risquant de disparaître. Il serait alors vain de vouloir défendre et promouvoir le « fabriqué en France » ! Les États-Unis imposent des frais radicalement dissuasifs. La stratégie de dumping des plateformes chinoises leur a permis une conquête ultra-rapide, en 18 mois, de 11 % du marché en ligne et d'aspirer les données numériques des consommateurs, sans doute leur principal objectif. De nombreuses entreprises françaises et européennes sont menacées de faillite à très court terme. Imposer un minimum de droits de douane pour chaque colis extra-communautaire constitue une mesure d'urgence vitale économique. Le Sénat a adopté, le 2 juin 2025, un amendement à la proposition de loi sur l'impact environnemental de l'industrie textile qui soumet les colis de moins de 150 euros et de moins de 2 kilos à une taxe comprise entre 2 et 4 euros. L'Union européenne doit reprendre rapidement cette disposition. À moyen terme, il sera nécessaire d'étendre la taxe carbone (mécanisme d'ajustement carbone aux frontières) aux produits de consommation courante.
Le renforcement du contrôle des plateformes étrangères proposant des produits à bas coût est urgent. C'est la raison pour laquelle votre délégation aux Entreprises propose, d'une part, de saisir l'Autorité de la concurrence du sujet des reventes à perte de la part des plateformes de commerce en ligne, notamment chinoises. Par ailleurs, elle souhaite qu'il soit demandé à l'Union européenne de lancer une procédure antidumping41(*) contre les plateformes de commerce en ligne chinoises et d'enquêter42(*) sur des subventions octroyées par des pays non membres de l'UE à des entreprises actives sur son territoire et de lutter contre leurs effets négatifs, afin de rétablir une concurrence loyale entre les produits importés des pays tiers et les produits fabriqués dans l'Union européenne.
À terme, la politique concurrentielle européenne doit être refondée afin d'intégrer la nouvelle stratégie industrielle de l'Union européenne de réduction de la dépendance dans des domaines stratégiques43(*), et de permettre de développer la notion d'empreinte territoriale, c'est-à-dire l'impact d'un achat local en termes d'emplois ou de recettes fiscales supplémentaires.
Le principe des clauses miroirs, désormais acquis en matière agricole, devrait être étendu en matière industrielle, afin de garantir le respect, par les produits importés, des mêmes règles que les produits fabriqués en Europe. Certes, ce principe existe juridiquement. Les produits importés doivent prendre en compte les normes et standards en vigueur dans le pays d'origine, mais aussi les exigences légales françaises et européennes. Applicable également aux places de marché, la directive 2019/771 relative à certains aspects des contrats de vente de biens, impose une garantie légale minimale de 2 ans pour tous les biens de consommation, y compris ceux importés de pays tiers. Cependant, son applicabilité concrète demeure virtuelle, tant les obstacles (identification du responsable, délais de recours) sont nombreux. L'existence du dropshipping (vente d'un produit d'un fournisseur tiers) affaiblit la portée de la protection du consommateur, même si, en théorie, le vendeur est responsable de tout défaut de qualité et de livraison, même si c'est le fournisseur qui se charge de l'expédition du produit. La création d'une véritable garantie légale européenne unifiée, qui s'appliquerait de manière identique dans tous les pays de l'Union européenne, et l'amélioration de l'information sur les places de marché avec l'indication obligatoire de la garantie légale de conformité, contribueraient à améliorer considérablement la protection des consommateurs dans le cadre des achats transfrontaliers, y compris pour les produits importés de pays tiers.
* 40 https://videos.senat.fr/video.5319109_6810c4165435a
* 41 En application du Règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping de la part de pays non membres de l'Union européenne et en complément de la procédure lancée le 27 mai pour pratiques trompeuses ou abusives.
* 42 En application du Règlement (UE) 2022/2560 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2022 relatif aux subventions étrangères faussant le marché intérieur.
* 43 Sur 5 200 produits importés dans l'Union, la Commission en a identifié 137 pour lesquels l'UE était très dépendante - la moitié provenant de Chine.