II. LE FLOU DU FABRIQUÉ EN FRANCE POUR LES CONSOMMATEURS COMME POUR LES ACTEURS ECONOMIQUES

A. LE FABRIQUÉ EN FRANCE, UNE NOTION COMPLEXE À DÉFINIR

En matière alimentaire, depuis le 1er avril 2020, lorsque l'étiquetage fait apparaître l'origine d'une denrée alimentaire et que celle-ci diffère de celle de son ingrédient primaire5(*), l'indication de l'origine de l'ingrédient en question est obligatoire. Elle l'est également pour les fruits, les légumes et les viandes, et depuis 2025 pour de nouveaux produits6(*).

En matière non alimentaire, le marquage de l'origine est facultatif. Il est laissé à l'initiative du professionnel, qui doit toutefois être en mesure de justifier son allégation. La commercialisation de marchandises comportant un signe ou une indication quelconque de nature à faire croire qu'elles ont été fabriquées en France ou qu'elles sont d'origine française alors qu'elles ne le sont pas, est prohibée. La douane contrôle les importations et la DGCCRF la commercialisation sur le territoire national.

Les règles de l'origine non préférentielle selon les douanes

L'origine préférentielle sert à appliquer un taux de droits de douane réduit (dans le cadre des relations préférentielles de l'UE avec certains pays) ou nul.

L'origine non préférentielle, qui correspond à la nationalité économique d'une marchandise, doit être distinguée de la provenance, notion géographique, qui renvoie au flux physique de la marchandise.

L'origine non préférentielle permet d'appliquer le tarif extérieur commun (le taux de droits de douane) à une marchandise pour l'entrée sur le territoire douanier de l'UE et de procéder au marquage de l'origine d'une marchandise dans l'UE. L'origine non préférentielle est applicable si une entreprise souhaite apposer un marquage d'origine sur ses produits. L'origine non préférentielle d'un produit est le dernier pays où a lieu une transformation.

Deux cas de figure peuvent se présenter lors de la détermination de l'origine d'une marchandise :

1/ Si le produit est élaboré dans un seul pays : on parle de produit « entièrement obtenu » (en pratique, des produits agricoles ou minéraux).

2/ Si le produit élaboré à partir de matières premières originaires de plusieurs pays ou dont le processus de fabrication fait intervenir plusieurs pays, c'est la nature de l'opération réalisée dans le dernier pays de transformation qui va déterminer l'origine non préférentielle du produit. Le produit doit ainsi subir, dans le dernier pays, une « transformation substantielle », c'est-à-dire une transformation donnant naissance à un produit nouveau ou correspondant à un stade important de fabrication.

Cette dernière transformation substantielle est définie par des critères spécifiques permettant de déterminer le degré substantiel d'une ouvraison ou d'une transformation conférant l'origine aux produits. Ces critères sont définis par des règles d'origine spécifiques applicables à chaque catégorie de produits. Pour déterminer si une transformation substantielle a lieu, il convient d'identifier les matières non originaires du pays où a lieu cette transformation, puis de leur appliquer la règle d'origine correspondante.

Lorsqu'un marquage de provenance est apposé sur un produit en France, il doit être conforme aux règles de l'origine non préférentielle du code des douanes de l'Union.

Un produit importé peut être qualifié de « fabriqué en France ». Comme le reconnaît la DGDDI : « le recours aux règles douanières, basées sur la notion de dernière transformation substantielle, est effectivement parfois critiqué pour son manque de clarté ou d'ambition à l'égard du « fabriqué en France » car le respect de ces règles ne signifie pas que le produit est 100 % français (c'est-à-dire qu'il a été fabriqué en France uniquement avec des matières françaises) ». Il peut donc y avoir confusion pour le consommateur qui en lisant « fabriqué en France » ou « origine France » croirait que le produit est 100 % français. En outre, ces règles permettant de déterminer l'origine varient d'un produit à l'autre. Les services de l'État utilisent trois types de critères :

1.  le changement de position tarifaire (code différent pour le produit fini et les matières utilisées pour sa fabrication) ;

2.  le critère de la valeur ajoutée (un certain pourcentage de valeur ajoutée doit avoir été réalisé en France lors de la fabrication du produit fini) ;

3.  le critère de l'ouvraison spécifique (une opération bien définie doit avoir été réalisée lors de la fabrication du produit fini).

Les règles nationales doivent s'articuler avec les règles sur l'origine non préférentielle du code des douanes de l'Union européenne, lequel renvoie à l'annexe 22-01 du règlement d'exécution et, pour les produits non repris à l'annexe, dans un tableau publié sur le site Europa7(*). Ces normes européennes couvrent 900 pages du Journal officiel de l'Union européenne. Comme le reconnaît la Direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) : « La réglementation sur l'origine non préférentielle peut effectivement sembler complexe à un opérateur économique », en particulier pour les PME et TPE. Une circulaire du 13 mai 2016 est censée rendre le dispositif plus lisible, mais elle est elle-même absconse pour des acteurs économiques comme en témoigne cet extrait :

« Une marchandise a donc toujours une origine non préférentielle et possède de surcroît une origine préférentielle si l'échange commercial intervient dans le cadre d'une relation préférentielle (ALE, APE ou concession unilatérale) et que la marchandise répond aux règles spécifiques d'octroi de cette origine ».

La DGDDI accompagne les acteurs économiques de façon personnalisée, par les cellules conseil aux entreprises (CCE). Lorsqu'une entreprise souhaite s'assurer que son produit peut porter un marquage « fabriqué en France », elle a la possibilité, depuis 2016, de déposer auprès du Service de l'Origine et du Made In France (SOMIF) une demande, facultative et gratuite, afin d'obtenir un avis réglementaire qui lui permet de savoir si son produit respecte les règles de l'origine préférentielle. Cette « information sur le Made in France » (IMF) repose sur une base déclarative, sans vérification préalable, et ne constitue ni une certification officielle ni une preuve d'origine juridiquement opposable. Seulement 850 IMF ont été délivrées en 2024 (en hausse de 20 % sur un an). Six fonctionnaires sont chargés de répondre, au cas par cas, à la question de savoir si un produit peut être qualifié de « fabriqué en France ». La réponse est complexe en raison de l'enchevêtrement des normes juridiques nationales et européennes, de la difficulté à déterminer économiquement l'origine française d'un produit en raison de l'insertion de la France dans les chaînes de valeur mondiales.


* 5 Défini comme l'ingrédient entrant pour 50 % ou plus dans la composition d'une denrée ou le / les ingrédients qui sont habituellement associés à la dénomination de cette denrée par le consommateur. Si l'étiquetage d'un gâteau revendiquant une origine française alors que la farine mise en oeuvre dans sa fabrication ne serait pas produite en France, l'étiquetage doit renseigner le consommateur sur l'origine de la farine.

* 6 Les noix, noisettes, amandes, pistaches, etc. sans coques, le safran, les fruits séchés : pruneaux, abricots secs, raisins secs, figues sèches, les produits sommairement préparés (exemple : blanc de poireaux, demi-choux), les produits prêts à l'emploi dits « fraîche découpe ».

* 7  https://ec.europa.eu/taxation_customs/table-list-rules-applicable-products-following-classification-cn_fr

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