III. DES CONTRÔLES ENCORE LARGEMENT INSUFFISANTS

A. DEUX ADMINISTRATIONS CONTRÔLENT LE FABRIQUÉ EN FRANCE

La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) contrôle la loyauté du marquage Made in France au sens des règles de l'origine non préférentielle, mais également les allégations connexes, éventuellement accompagnées par l'usage de symboles de la France (drapeau, carte de France, Tour Eiffel, coq), les allégations « régionales », les labels...

Comme de nombreux parquets ne disposent pas de section dédiée au droit de la consommation et que les infractions sur la provenance sont relativement méconnues, les transactions pénales sont incitées « au maximum pour éviter des audiencements plus chronophages et coûteux ».

La direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) ne dispose pas de moyens spécifiquement affectés au contrôle du marquage de l'origine défini par l'article 39 du code des douanes.

Lors d'un contrôle, les agents des douanes vérifient tous les marquages, qu'ils soient apposés sur les emballages ou sur les produits eux-mêmes. Le terme de marquage est large : il comprend du texte, des couleurs, des dessins. Un produit non fini peut porter par avance au moment de l'importation un marquage « fabriqué en France », s'il est destiné à subir ultérieurement en France, avant commercialisation, une transformation substantielle. Dans ce cas, l'importateur devra prouver que la transformation à réaliser en France est bien de nature à conférer une origine française au produit.

La présence d'une mention litigieuse entraîne soit l'apposition d'un correctif, soit la suppression des indications délictueuses, en vue d'obtenir la mainlevée des marchandises. Si l'importateur n'est pas en mesure d'apporter ce correctif, la marchandise doit être détruite ou réexportée.

B. QUELQUES MILLIERS DE CONTRÔLES POUR DES CENTAINES DE MILLIONS DE PRODUITS

Suite à l'annonce de « 10 000 contrôles en 2024 », par la DGCCRF, de l'origine française des produits alimentaires en 2024, 8 398 établissements ont été concernés et ont fait l'objet de 9 620 visites. Un taux d'anomalie de 34 % a été constaté dans 2 857 établissements. 1 802 établissements ont fait l'objet d'avertissements pour leur rappeler les règles applicables, 588 d'une injonction pour se mettre en conformité et 562 établissements ont fait l'objet de procès-verbaux pénaux ou administratifs.

Les contrôles en matière non alimentaire sont anecdotiques sur le plan quantitatif : en 2024, 1 200 établissements ont été contrôlés pour un taux d'anomalie de 15 %. Les anomalies portaient principalement sur une origine fausse ou confusionnelle, et ont fait l'objet de 98 avertissements, 72 d'injonctions de cessation de pratique illicite et 27 PV pénaux dont 5 transmis au Parquet.

Si 22 millions de produits contrefaits ont été saisis en 2024 en France, les autorités italiennes indiquent en avoir bloqué 800 millions. Les contrôleurs de la Garde des finances italienne sont quatre fois plus nombreux que les effectifs des douanes françaises (63 000 contre 16 500) et dotés d'outils juridiques plus efficaces.

À l'égard des plateformes de commerce, la DGCCRF dispose depuis 2020 d'un pouvoir de réquisition numérique13(*), exercé notamment en août 2020, à l'égard de Wish, qui proposait 95 % d'appareils électriques, jouets, bijoux non conformes, et 45 à 90 % dangereux.

Cette possibilité de déréférencement que confie l'article L. 521-3-1 du code de la consommation confie à la DGCCRF, à fait suite à une enquête de son service national d'enquête (SNE) ouverte en septembre 2020 et concernant la sécurité des produits vendus sur cette plateforme. Parmi les 140 produits retenus dans l'échantillonnage, pour la plupart importés, les agents de la DGCCRF ont relevé que 95 % des jouets étaient non conformes, dont 45 % dangereux, que 95 % des appareils électriques étaient non conformes, dont 90 % dangereux et que 62 % des bijoux fantaisie étaient dangereux. Par ailleurs, les procédures de retraits et de rappels de produits ne répondaient pas aux exigences applicables en la matière.

Au mois de juillet 2021, la DGCCRF a donc enjoint à la plateforme Wish de se conformer à ses obligations en cessant de tromper les consommateurs sur la nature des produits vendus, sur les risques inhérents à leur utilisation et sur les contrôles effectués, dans le délai de deux mois qui lui avait été octroyé. La plateforme ne s'étant pas conformée à ses obligations, la DGCCRF a demandé au mois de novembre 2021 le déréférencement du site et de son application. D'autres sites de commerce électronique ont fait l'objet de mesures similaires pour pratiques commerciales trompeuses, tandis que 16 000 contrôles de site internet ont été réalisés.

Il convient enfin de souligner que le Conseil constitutionnel, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité par la société ContextLogic Inc - société exploitant Wish - a jugé que le dispositif d'injonction prévu à l'article L. 521-3-1 du code de la consommation était conforme à la Constitution dans sa rédaction résultant de la loi DDADUE du 3 décembre 2020.

Rapport n° 614 (2022-2023), déposé le 17 mai 2023 de la commission des finances du Sénat sur le projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces.

Par ailleurs, un contrôle récent des douanes par sondage de l'entier contenu de produits expédiés par avion-cargo par un opérateur chinois a révélé que 97 % des produits n'étaient pas conformes à la législation européenne, en matière de sécurité des produits notamment...

C'est ainsi que la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (FEVAD) a saisi en février 2024 le ministère de l'Économie car les acteurs français du commerce en ligne « ont aujourd'hui le sentiment de ne pas se battre à armes égales face à ces nouveaux acteurs dont les pratiques interpellent au regard de leur conformité à nos règles, notamment en matière protection des consommateurs, de lutte anti-contrefaçon et de respect des normes environnementales ». La FEVAD a demandé «  à mettre en oeuvre tous les moyens nécessaires afin de contrôler l'activité de ces acteurs internationaux opérant de l'étranger, avec la même rigueur et la même diligence que celles exercées, et c'est bien légitime, dans le contrôle des entreprises opérant sur le territoire national » et que « les manquements qui pourraient être constatés lors de ces contrôles soient sanctionnés avec la même fermeté que celle appliquée aux acteurs nationaux afin d'assurer une concurrence équitable pour l'ensemble des commerçants opérant en France. Au-delà du simple respect du principe d'équité envers nos entreprises nationales, il en va de la sécurité et santé publique, de la protection des consommateurs, de celle des titulaires d'autres droits ainsi que de la sauvegarde de nos emplois dans le commerce ».

Les contrôles les plus massifs sont le fait des consommateurs eux-mêmes : la plateforme publique SignalConso, recueille ainsi chaque année 300 000 signalements de consommateurs. Accessible sur internet ainsi que sur smartphone, elle n'est cependant pas exclusivement dédiée au contrôle de l'origine des produits mais accueille également les cas de litiges de consommation.


* 13 https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042615686

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