C. LES MAGISTRATS DE LIAISON, DES RELAIS INDISPENSABLES DONT LES MOYENS DOIVENT ÊTRE DÉVELOPPÉS.

Créés en 1993 à la suite d'une initiative du juge Falcone qui avait souhaité le développement de postes de magistrats susceptibles de faciliter la coopération entre les pouvoirs judicaires nationaux pour lutter contre la mafia, les magistrats de liaison ont fait en trente ans la preuve de leur remarquable dévouement pour empêcher que criminels et délinquants puissent rechercher l'impunité hors des frontières de la France. Le ministère français de la Justice possède le plus vaste réseau de magistrats déployés à l'étranger. Ces magistrats de liaison, nommés sur la base d'un accord avec un ou plusieurs États, ont pour objectif premier de faciliter l'entraide judiciaire internationale, que ce soit en matière pénale ou en matière civile, même si le pénal, dans la plupart des postes, constitue la majorité de leurs activités. Les magistrats de liaison sont des magistrats judiciaires mis à disposition du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères. Ils sont aujourd'hui au nombre de 20, dont 11 ayant une compétence régionale s'étendant à au moins deux pays. Le réseau couvre ainsi 61 pays sur quatre continents. La délégation aux affaires européennes et internationales, la DAEI du ministère de la Justice, cible les États à l'origine des trafics et les lieux de blanchiment pour implanter deux nouveaux postes de magistrats de liaison.

C'est ainsi que récemment ont été créés des postes à Dubaï, aux Émirats arabes unis, à Sainte-Lucie, pour les Caraïbes, et prochainement, en Colombie. Par réciprocité, la Délégation aux affaires européennes et internationales accueille à Paris et à Lille - un magistrat de liaison du Royaume-Uni est en poste à Lille - 13 magistrats de liaison étrangers. Mis à disposition et non détaché par le ministère de la Justice, le magistrat de liaison est soumis à l'autorité de l'ambassadeur français installé dans le pays d'accueil. Il est donc placé sous la double tutelle du ministère de la Justice et du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères. Outre les ambassadeurs et les numéros 2 des ambassades, les premiers interlocuteurs des magistrats de liaison sont généralement les attachés de sécurité intérieure, commissaires de police ou lieutenants-colonels de gendarmerie, en charge notamment de la coopération pénale, mais également les attachés douaniers ou les officiers de liaison. Ils peuvent aussi être sollicités pour leur conseil et leur réseau par les différents services de l'ambassade. Le magistrat est épaulé par un assistant administratif, souvent à temps partiel, donc une très petite équipe. Pour étoffer un peu l'équipe autour de ce magistrat, la chancellerie envisage depuis peu de recruter des assistants dans le cadre du volontariat international administration, comme le font déjà le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères, le ministère de l'Économie et des Finances, pour étoffer les équipes des services économiques au sein des ambassades, par exemple. Un premier poste de VIA a été créé aux côtés du magistrat de liaison aux États-Unis. Le magistrat de liaison dispose parfois d'un bureau secondaire au sein du ministère de la Justice du pays d'accueil, mais c'est assez marginal, c'est surtout en Europe et aux États-Unis.

Outre les difficultés de moyens il convient de relever la lenteur des négociations de nouveaux accords bilatéraux de coopération pénale, plus modernes et donc plus efficaces : par exemple, après négociation en automne 2022 avec le Kosovo, qui a manifesté sa volonté de signer avant les élections générales de 2025, la France n'a toujours pas donné de réponse positive en ce sens.

La toute première mission des magistrats de liaison est de faciliter l'entraide judiciaire internationale « active » (demandes adressées par la France) en matière pénale : commissions rogatoires internationales adressées par les juges d'instruction, demandes d'entraide pénales internationales émises par les procureurs, dénonciations officielles transmises par les parquets français aux juridictions étrangères, demandes d'extradition, de transfèrement de condamnés... Ils peuvent conseiller les magistrats français dans la rédaction de leurs demandes en fonction des spécificités locales, répondre aux questions des magistrats locaux sur ces dossiers, activer leur réseau pour assurer le suivi et faciliter l'avancement des demandes, tenir informés l'administration centrale du ministère de la justice et les parquets qui les saisissent et, de façon plus générale, faciliter les relations avec tous les acteurs qui comptent dans le ou les pays de leur zone de compétence.

Cette mission qui nécessite donc de développer et d'entretenir un solide réseau local. Les magistrats se trouvent ainsi en position de cheville ouvrière permettant de surmonter par leur connaissance de l'environnement juridique et leur réseau les difficultés procédurales. Cette action qui favorise l'intercompréhension et donc la coopération est nécessaire, utile et efficace mais se heurte parfois aux enjeux politiques et diplomatiques qui freine l'entraide judiciaire.

Les ministres entendus par la commission d'enquête ont assuré leur engagement pour favoriser l'action des magistrats de liaison et la commission d'enquête les encourage à poursuivre en ce sens et à s'assurer que les magistrats disposent des moyens matériels d'assumer les lourdes fonctions qui leur sont confiées.

Recommandation de la commission d'enquête : Afin de développer et de faciliter l'action des magistrats de liaison :

- Assurer un suivi des traités bilatéraux en matière fiscale et financière afin d'intégrer les dispositions favorisant la coopération en matière de lutte contre la délinquance financière ;

- Doter les magistrats de liaison d'assistants sur l'ensemble des postes ;

- Mieux former les ambassadeurs et les diplomates aux enjeux de la coopération judiciaire et spécialement de la lutte contre le blanchiment.

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