III. LA COOPÉRATION JUDICIAIRE
La coopération judiciaire internationale en matière de lutte contre la délinquance financière est à la fois plus intégrée et moins intégrée que la coopération policière. En effet depuis 2021 un organisme commun aux États membres de l'Union européenne est en fonction, le Parquet européen chargé de défendre les intérêts financiers de l'Union. Pour autant le système Eurojust est bien moins intégré que ne l'est Europol. Les initiatives bilatérales menées par la France restent donc déterminantes au travers de la mise en place des magistrats de liaison.
A. EUROJUST
Le pilier justice et affaires intérieur destiné à promouvoir la coopération policière et judiciaire en matière pénale de l'Union européenne a, en seize ans d'existence (de l'entrée en vigueur du traité de Maastricht à celle du Traité de Lisbonne) produit des résultats dont la commission d'enquête a pu mesurer l'efficacité quotidienne. Au premier rang de ceux-ci figure le mandat d'arrêt européen, créé en 2002235(*), qui crée un mécanisme purement judiciaire entre États membres pour les arrestations et met fin aux procédures d'extradition.
La coordination des actions judiciaires en matière pénale est aujourd'hui assurée par Eurojust, l'Agence de l'Union européenne pour la coopération judiciaire en matière pénale. Cette plateforme unique basée à La Haye permet les échanges entre les magistrats des différents États membre et la mise en place d'actions judiciaires coordonnées.
Particulièrement intéressant pour la commission d'enquête Eurojust a étendu son mécanisme de coopération aux États hors de l'Union dont douze ont signé des accordés et envoyé au sein de l'agence des magistrats de liaison. Souvent candidats à l'adhésion à l'Union, ces États font preuve de leur volonté de participation à la lutte commune en matière pénale et notamment contre la délinquance financière et la criminalité organisée. L'approfondissement de ces relations paraît essentiel à la commission d'enquête.
B. LE PARQUET EUROPÉEN
Entré en fonction le 1er juin 2021, le Parquet européen a pu en quatre ans faire la preuve de son efficacité. Comme l'a souligné lors de son audition le procureur européen Frédéric Baab « lorsqu'un parquet spécialisé est créé dans un domaine, cela crée de fait une nouvelle priorité d'action publique, comme cela s'était produit avec le Parquet national financier (PNF). » La création du Parquet européen a donc fait de la lutte contre la fraude aux intérêts financiers de l'UE une priorité d'action publique à part entière. Les magistrats européens ont su se saisir de la mission de lutte contre la fraude au intérêts financiers de l'Union européenne et traite aujourd'hui 114 dossiers en France contre quatre en 2021.
Au 1er janvier 2025, l'activité globale du Parquet européen recouvre 2 666 enquêtes en cours, pour un préjudice global au budget européen estimé à près de 25 milliards d'euros. En 2024, il a procédé à des gels d'avoir à hauteur de 2,4 milliards d'euros.
Les 24 procureurs européens, travaillant ensemble au sein de 15 chambres permanentes qui constituent les cellules décisionnelles du Parquet ont ainsi fait la preuve de la capacité de l'institution à mener un travail qui soit à la fois collégial, opérationnel et respectueux du cadre judiciaire de chacun des États membres participants. Le parquet soumet en effet ses affaires aux juges du siège de chaque État, en France le tribunal judiciaire de Paris.
Les dossiers ouverts par les procureurs européens délégués sont attribués, à tour de rôle, aux chambres permanentes, lesquelles prennent les principales décisions d'action publique. Bien que les enquêtes soient conduites sur le terrain par les procureurs européens délégués, ceux-ci doivent régulièrement - tous les six ou neuf mois, selon l'importance ou la sensibilité du dossier - remettre un rapport d'action publique à la chambre permanente saisie. Ce mécanisme assure un contrôle effectif, depuis le niveau central à Luxembourg, sur les enquêtes locales.
Il s'agit donc d'un véritable mécanisme de lutte contre la fraude organisée aux finances de l'Union et ce à l'échelon pertinent au niveau pour espérer atteindre le fonctionnement des réseaux transnationaux.
* 235 Décision-cadre du conseil du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres.