B. LA MISE EN oeUVRE DE LA RÉFORME : UN DÉPLOIEMENT DANS LA PRÉCIPITATION, EN DÉPIT DES INQUIÉTUDES SUR SES EFFETS SUR LA POLICE JUDICIAIRE

1. Au-delà de la police judiciaire, une volonté de décloisonner l'ensemble de la gouvernance de la police nationale

Afin de remédier à ces insuffisances, le ministère de l'intérieur a mis en place à partir de 2020 un projet de réorganisation de la police nationale. Celui-ci était directement inspiré des conclusions du livre blanc sur la sécurité intérieure, qui appelait à une réforme d'ampleur de la police nationale autour de deux ensembles : une réorganisation à tous les niveaux territoriaux autour de filières métiers et le rassemblement, dans une entité unique au niveau départemental - la DDPN - de l'ensemble des directions actives. L'objectif était de mettre fin au cloisonnement de la police nationale en harmonisant les différentes structures existantes à tous les échelons territoriaux et en plaçant, au niveau départemental, l'ensemble des filières sous l'autorité d'un directeur unique rattaché au préfet.

Le projet était ainsi décrit dans le livre blanc sur la sécurité intérieure : « le modèle d'évolution envisagé préconise d'unifier la gouvernance de la Police nationale en regroupant les métiers au sein de filières animées à chaque échelon territorial par un directeur. ; cela se traduira par une réorganisation au niveau central de la DGPN autour de directeurs nationaux chargés d'animer chacun des métiers de la police ; un mouvement de déconcentration résolu du modèle de gouvernance ainsi rénové sera par ailleurs engagé ; les directeurs départementaux de la police nationale se subsisteraient aux actuels directeurs territoriaux (sécurité publique, police judiciaire, police aux frontières, etc.) »12(*).

La réforme de la gouvernance de la police nationale présentée
dans le livre blanc de la sécurité intérieure13(*)

« Instituer des directeurs territoriaux uniques de la police nationale : Dans les territoires, des directions territoriales de la police nationale seraient créées au niveau départemental et au niveau zonal, regroupant les effectifs de police de chacune des filières sur le modèle des 3 directions territoriales de la police nationale qui sont expérimentées depuis janvier 2020 en Outre-mer.

« Les modalités de répartition des compétences s'établiraient comme suit :

« - les directions départementales de la police nationale disposent de l'autorité hiérarchique et assurent la gestion « opérationnelle » des personnels et des moyens (en lien avec les SGAMI) ;

« - les directions « filières » nationales jouent un rôle d'animation et de coordination sur les agents relevant de leurs filières respectives.

« Ce projet ambitieux permettrait de conforter l'échelon territorial et notamment l'autorité des préfets de zone et de départements, tout en favorisant le rôle d'animation des filières par les directions nationales elles-mêmes dégagées des contraintes de gestion, sur le modèle de celui du SCRT.

« Eu égard au poids des contraintes territoriales et au risque de dilution des spécialités au profit des missions généralistes, il est impératif, comme c'est le cas pour le RT, que les règles d'emploi de chacun des filières ainsi que les modalités de régulation et d'arbitrage soient codifiées dans des doctrines écrites dont la DGPN serait garante en dernier ressort. »

Les conséquences de cette nouvelle organisation sur la police judiciaire étaient particulièrement importantes, dès lors qu'elle supposait de mettre fin à la césure traditionnelle entre les services traitant de la petite et de la moyenne délinquance - rattachés à la DCSP - et ceux de la police judiciaire « historique », compétente pour le haut du spectre et intervenant pour l'essentiel à un niveau supra-départemental - rattachés à la DCPJ. Si la nouvelle organisation projetée ne constituait pas nécessairement un bouleversement pour d'autres filières, son application à la filière judiciaire posait en revanche des défis organiques et géographiques inédits.

2. Une réforme mal préparée à l'origine de vives contestations

Loin de faire l'unanimité, la mise en oeuvre de la réforme de l'organisation de la police nationale portée à partir de 2020 par le ministre de l'intérieur Gérald Darmanin a attiré contre elle de virulentes critiques, tant sur le fond que sur la forme. Sans remettre en cause le bien-fondé d'une réforme, la commission des lois avait ainsi dressé en mars 2023 un constat sévère sur la conception et les conditions de mise en oeuvre de ce projet.

a) De nombreuses défaillances dans la préparation de la réforme, sur la forme comme sur le fond

De premières insuffisances avaient été relevées dès les prémices de la réforme. Si la mise place d'une expérimentation préalable de la nouvelle organisation à partir de 2020 dans sept territoires d'outre-mer et dans huit départements hexagonaux14(*) procédait d'une intention louable, force est de constater que celle-ci était trop limitée pour pouvoir en tirer de réels enseignements. Les expérimentations hexagonales s'étant notamment déroulées à droit constant et à partir d'une « lettre de mission » relativement sibylline, les marges de manoeuvre des DDPN préfigurateurs étaient structurellement limitées. Il en a résulté des modèles extrêmement disparates, la mise en oeuvre concrète de l'expérimentation reposant de facto sur la seule bonne volonté des acteurs locaux. Si l'expérimentation pouvait être assimilée à une « coquille vide » dans certains départements, d'autres s'en sont saisis de manière plus volontariste. Ainsi, les rapporteurs avaient considéré « qu'au vu des limites intrinsèques de ces expérimentations, il n'était pas possible d'en tirer des conclusions définitives sur l'opportunité d'une généralisation immédiate ; [ces dernières ayant] néanmoins le mérite de mettre en évidence les bénéfices qui peuvent être attendus de la réforme autant que l'ampleur des défis qui devront être surmontés pour la mener à bien ».

En dépit de ces éléments d'alerte, le ministère de l'intérieur a entendu généraliser les DDPN à l'ensemble du territoire national à compter du 1er janvier 2023, soit à moins de deux ans de l'échéance olympique de Paris 2024. Or, cette annonce manifestement prématurée s'est doublée d'une préparation défaillante.

Sur le fond, en effet, les contours précis du projet sont longtemps restés flous, contribuant à alimenter les inquiétudes des services ne disposant d'aucun élément pour apprécier ses conséquences potentielles sur leur quotidien. Ce point apparaît d'autant plus surprenant qu'un courrier du DGPN en date du 28 août 202115(*) présentait pourtant bien une esquisse de la nouvelle organisation.

Sur la forme, la commission avait relevé dans son rapport d'information précité du 1er mars 2023 l'existence d'un important déficit de concertation dans la première phase de mise en oeuvre de la réforme, tant vis-à-vis des personnels de la police judiciaire que de l'autorité judiciaire. La stratégie de communication peu lisible du ministère de l'intérieur et les réajustements successifs du projet, annoncés par voie de lettre ou d'interview, ont par ailleurs grandement renforcé le sentiment d'improvisation qui entourait cette première phase du projet.

La généralisation des DDPN : une préparation défaillante
et une mise en oeuvre désordonnée

Sénat, rapport d'information n° 384 (2022-2023) de Nadine Bellurot et Jérôme Durain sur l'organisation de la police judiciaire dans la police nationale, 1er mars 2023

· Sur le fond, un projet encore inabouti : « Compte tenu du calendrier très ambitieux de la généralisation, cette insuffisance originelle des travaux préparatoires n'a pu être surmontée en temps utile. Les rapporteurs ne peuvent que constater que le modèle dont la généralisation était proposée posait plus de questions qu'il n'apportait de réponses. L'absence de tout document écrit et exhaustif de présentation de la réforme est à cet égard révélatrice. Si le DGPN a présenté les grandes lignes de la réorganisation devant la commission des lois le 28 septembre 2022, le détail du projet est longtemps resté nébuleux. Les personnes entendues par les rapporteurs ont quasi-systématiquement regretté cette asymétrie d'information, à l'instar du procureur général près la Cour de cassation qui a indiqué que « le projet étant toujours en cours de construction il restait délicat d'apprécier ses contours exacts et ses effets concrets » ou du syndicat Unité SGP Police/FSMI-FO de la police nationale qui a insisté sur le fait que cette réforme n'était, à date, « basée que sur des annonces et de l'oralité ».

« Cette situation a alimenté les spéculations sur les objectifs réels de la réforme et a d'emblée joué en sa défaveur auprès des personnels. De fait, ces derniers ne disposaient pas des éléments requis pour apprécier les répercussions de la réorganisation sur leur situation individuelle - que ce soit en termes d'affectation, de missions ou de rémunération - et l'acceptabilité du projet en a fortement pâti ».

· Sur la forme, un déficit de concertation et une communication erratique : « la stratégie de communication déployée par le ministère de l'intérieur n'a fait que renforcer la confusion et les inquiétudes autour de la réforme. Les rares informations disponibles sur la teneur de la réforme ont ainsi été distillées par voie de presse ou par l'intermédiaire de lettres relativement laconiques, le tout sans cohérence évidente. [...] Les rapporteurs jugent ce choix initial de communication, descendant et en dehors des canaux officiels, discutable si ce n'est contreproductif. Combinée au flou persistant sur le fond de la réforme, cette communication plaçant les personnels devant le fait accompli a indubitablement favorisé le développement des oppositions ».

· Une conduite peu lisible du projet de réorganisation : « Au-delà des erreurs initiales, la mise en oeuvre du projet de réorganisation a manqué de cohérence et de lisibilité. Si la phase d'expérimentation est marquée par une relative continuité, la conduite de la généralisation s'est révélée beaucoup moins fluide. De fait, elle s'apparente plus à une succession d'ajustements en réaction aux contestations qu'au déroulé d'une stratégie claire suivant un calendrier prédéterminé ».

b) Une réforme à l'origine de nombreuses inquiétudes et d'une contestation croissante

Dans ce contexte, les oppositions à la réforme sont progressivement montées en puissance, en particulier au sein de la police judiciaire. Une association nationale de la police judiciaire (ANPJ) a tout d'abord été créée en août 2022 en réaction au projet de généralisation des DDPN. De nombreuses actions de protestation ont ensuite été conduites par les effectifs de la DCPJ, dont l'ampleur s'est révélée d'autant plus surprenante que ceux-ci sont traditionnellement réputés pour leur discrétion. Dans une rare unanimité, l'autorité judiciaire s'est jointe à la contestation avec, par exemple, des prises de position remarquées de l'ancien procureur général près la Cour de cassation François Molins16(*) ou du Conseil supérieur de la magistrature17(*).

De fait, les inquiétudes soulevées par la réforme et retranscrites dans le rapport d'information de la commission du 1er mars 2023 étaient nombreuses. S'agissant de la police judiciaire, elles avaient trait notamment au risque de dilution de cette filière hautement spécialisée dans une structure unique « noyée » sous le flot de la délinquance du quotidien. La crainte d'un déport des enquêteurs de la DCPJ vers le traitement de la petite et moyenne délinquance était à cet égard particulièrement prononcée. Ainsi, le risque d'un affaissement de la compétence spécialisée d'une police judiciaire par ailleurs déjà en crise était régulièrement évoqué. Le choix du département comme échelon de référence de la nouvelle organisation a par ailleurs suscité nombre d'incompréhensions, la criminalité organisée s'étendant de facto sur des ressorts géographiques bien plus étendus.

Du point de vue de l'autorité judiciaire, les inquiétudes tenaient notamment à ce que l'institution d'un interlocuteur unique au niveau départemental puisse remettre en cause le libre choix du service d'investigation, à un potentiel amoindrissement du pouvoir de direction et de contrôle des enquêtes ainsi qu'à un risque pour la préservation de l'indépendance des enquêtes les plus sensibles et du secret des investigations.

En réaction à ces oppositions, plusieurs garanties avaient été apportées par le ministre de l'intérieur comme le législateur. Dans une lettre adressée aux personnels de son ministère le 9 octobre 2022, Gérald Darmanin avait ainsi affirmé, d'une part, qu'il ne serait « pas demandé aux enquêteurs de PJ de mener les enquêtes actuellement dévolues à la sécurité publique » et, d'autre part, que « la cartographie de l'actuelle DCPJ ne sera pas modifiée ». Répondant aux craintes exprimées par l'autorité judiciaire, il y précisait par ailleurs que « les enquêtes continueront de s'effectuer sous la direction du procureur de la République, et pendant la phase d'instruction, du juge d'instruction ». Le rapport annexé à la loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI) mentionnait quant à lui quatre garanties de même nature :

- la prise en compte des particularités de la police judiciaire (« au niveau départemental, le pilotage en fonction des priorités sera affirmé par la généralisation des DDPN, sous réserve des spécificités de la police judiciaire ») ;

- la préservation du coeur de métier des agents de la DCPJ (« aucun policier affecté à la DCPJ ne sera conduit, par cette réforme, à changer de direction ou de mission sans son accord ») ;

- la prise en compte des conclusions des trois missions administratives et parlementaires alors en cours sur le sujet (« la réforme sera mise en oeuvre en s'appuyant sur les conclusions de la mission d'information sur l'organisation de la police judiciaire menée par la commission des lois du Sénat, de la mission d'information sur la réforme de la police judiciaire dans le cadre de la création des directions départementales de la police nationale menée par la commission des lois de l'Assemblée nationale et de la mission confiée à l'inspection générale de l'administration, à l'inspection générale de la police nationale et à l'inspection générale de la justice relative au bilan des expérimentations déjà menées dans les territoires ») ainsi que l'association des personnels (« Les représentants du personnel de la police nationale, issus des élections professionnelles de décembre 2022, seront obligatoirement consultés ») ;

- la préservation du libre choix du service enquêteur (« conformément aux articles 12 et 12-1 du code de procédure pénale, les magistrats conserveront le libre choix du service enquêteur »).

Si ces éléments ont, dans une certaine mesure, contribué à atténuer les tensions liées à la généralisation des DDPN, ils n'ont pas effacé les difficultés structurelles auxquelles celle-ci se heurtait. Par conséquent, la commission a considéré en mars 2023 que le calendrier annoncé le 14 février 2023 par Gérald Darmanin n'était « ni réaliste ni raisonnable ». Sans remettre en cause le bien-fondé de la réforme, elle a alors appelé à la mise en place d'un moratoire jusqu'à l'automne 2024, afin de ne pas mettre en péril la sécurisation des JOP 2024. Ce moratoire aurait permis de poser en temps masqué les jalons indispensables à la réussite de la réforme, à savoir la mise en place de réelles préfigurations, la préparation des 180 textes règlementaires nécessaires à son déploiement, la mise en cohérence de l'architecture numérique des différents services amenés à se rassembler ou encore les opérations de rapprochement immobiliers nécessaires à la nouvelle organisation.

3. En dépit des alertes, une réforme mise en oeuvre à marche forcée et dans une certaine confusion

Cette proposition de moratoire a été immédiatement écartée par le ministère de l'intérieur, qui a maintenu le calendrier initial. Loin de remettre en cause le principe même de la réforme de la réorganisation de la police nationale, l'objectif de cette proposition était pourtant bien de lui donner toutes les chances de réussite. Au-delà du fait que des engagements avaient été pris dans le cadre de la LOPMI pour prendre en compte les conclusions des missions parlementaires sur le sujet, le choix de l'ancien ministre de l'intérieur de maintenir coûte que coûte le calendrier fixé s'est avéré particulièrement regrettable. Comme l'ont confirmé la majorité des personnes auditionnées, la généralisation des DDPN a de fait été mise en oeuvre à marche forcée et dans une grande confusion.

Selon les données communiquées par la DGPN18(*), plusieurs phases de préfiguration distinctes peuvent être identifiées, selon l'échelon territorial concerné :

- l'installation des nouvelles directions nationales s'est faite au premier semestre 2023 : les directeurs nationaux préfigurateurs ont été nommés le 1er février tandis que les projets de doctrine d'organisation et de fonctionnement des filières métiers ont été diffusés le 19 avril. Cette phase s'est achevée avec l'entrée en vigueur du décret n° 2023-530 du 29 juin 2023 portant organisation de l'administration centrale de la DGPN. Les anciennes directions centrales sont officiellement devenues des directions nationales à cette date19(*) ;

- la préfiguration de l'organisation zonale est intervenue dans un second temps : elle n'a débuté qu'au 15 mai 2023 avec la prise de fonction de six préfigurateurs. Ces derniers ont livré leur projet définitif d'organisation zonale au 30 juin 2023. Leurs adjoints ont quant à eux été nommés le 27 juillet 2023, deux mois après la diffusion des fiches de poste et pour des prises de fonction à compter du 1er septembre 2023. Conformément à l'article 21 du décret n° 2023-1013 du 2 novembre 2023 relatif aux services déconcentrés et à l'organisation de la police nationale, cette nouvelle architecture zonale est entrée en vigueur au 1er décembre 2023, quelques semaines avant l'échelon départemental ;

- la mise en place des DDPN n'a quant à elle débuté qu'au second semestre 2023 : l'installation des DDPN et DIPN a respecté le même calendrier que pour les directeurs zonaux adjoints. La nouvelle organisation est toutefois entrée en vigueur de manière différée au niveau départemental, au 1er janvier 2024. Cette date a marqué l'entrée en vigueur définitive de la nouvelle organisation de la police nationale.

Ce calendrier resserré n'a pas permis d'accompagner la réforme des démarches pédagogiques indispensables à son acceptation par les personnels. Cela est d'autant plus regrettable que cette condition avait été identifiée dès l'été 2021, le courrier précité de Frédéric Veaux au ministre de l'intérieur du 28 août 2021 étant sans ambiguïté sur ce point : « la réforme nécessitera beaucoup d'explications et d'accompagnement auprès du corps

préfectoral, de l'autorité judiciaire, mais également des personnels et de leurs représentants ;
au-delà de ce très important aspect pédagogique, des considérations règlementaires imposent un délai de réalisation incompressible ».

Des efforts supplémentaires de concertation ont fini par être consentis par le ministère de l'intérieur à partir de l'été 2022. Selon les données publiées par la DGPN, près de 150 rencontres ont été organisées avec les organisations syndicales pendant la période de mise en oeuvre de la réforme et 19 avec les services de la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) du ministère de la justice. Outre le fait que ce surcroît de pédagogie n'est intervenu que tardivement et en réaction à des oppositions déjà cristallisées, force est de constater qu'il n'a pas permis de mettre en place les conditions nécessaires à un déploiement fluide de la nouvelle organisation.

S'il n'est pas anormal en soi que le déploiement d'une réorganisation de cette ampleur nécessite une période d'adaptation, la plupart des personnes auditionnées par les rapporteurs ont fait état d'une transition particulièrement désordonnée. À titre d'exemple, le syndicat Alternative Police-CFDT a souligné une mise en oeuvre de la nouvelle organisation « trop abrupte », la cessation d'activité précoce des anciennes directions centrales ayant « privé les services de l'ancienne PJ de toute communication et coordination, d'où des loupés opérationnels ». Un constat similaire a été établi par l'ANPJ au cours de son audition, qui a relevé que « la mise en oeuvre de cette réforme, outre l'impréparation flagrante, s'est heurtée au timing contraint lié à l'organisation des jeux Olympiques ». Selon ses estimations, « la mise en place effective de la réforme a entraîné une perte moyenne de 10 à 15 % des effectifs allant parfois jusqu'à 33 % dans certains départements ; la réorganisation des divers services administratifs s'est faite dans la douleur et sur une période assez longue ».

Des observations similaires ont été présentées par les acteurs du monde judiciaire auditionnés, à l'instar de la conférence nationale des procureurs de la République (CNPR) qui a relevé une association « disparate » des parquets et « souvent tributaire des relations interpersonnelles entretenues localement, voire des démarches proactives des procureurs pour être informés ». Plus préoccupant encore, la CNPR mentionne le fait, à la décharge des DDPN, « qu'ils aient eux-mêmes peiné à obtenir des informations précises sur la réforme, dans des conditions permettant un partage efficient de l'information ». Le constat est plus catégorique dans le cas du syndicat de la magistrature, qui a considéré devant les rapporteurs que « le ministère de la Justice, ni aucune instance judiciaire n'ont accompagné ce changement, obligeant chaque parquet et service d'instruction à se rapprocher de ses interlocuteurs habituels en zone police afin d'obtenir les organigrammes et cartes actualisées - et de recréer de nouveaux circuits sécurisés ».


* 12 Livre blanc de la sécurité intérieure, p. 7.

* 13 Livre blanc de la sécurité intérieure, p. 174.

* 14 Quatre vagues d'expérimentations ont été lancées au 1r janvier 2020 (Guyane, Mayotte et Nouvelle-Calédonie), au 1er janvier 2021 (Pas-de-Calais, Pyrénées-Orientales et Savoie), au 1er janvier 2022 (généralisation à l'ensemble des territoires ultra-marins) et au 1er mars 2022 (Calvados, Hérault, Oise, Puy-de-Dôme et Haut-Rhin).

* 15 Non communiqué à la première mission d'information sénatoriale de 2022-2023.

* 16 Auditionné par la commission des lois le 9 novembre 2022, celui-ci avait néanmoins pris acte des garanties apportées postérieurement par le Gouvernement, tout en maintenant ses réserves sur certains aspects de la réforme (compte rendu disponible à cette adresse : http://www.senat.fr/compte-

rendu-commissions/20221107/lois.html)

* 17 Communication du 26 octobre 2022.

* 18 Pour une présentation exhaustive du calendrier de la réforme, se référer à la frise chronologique transmise par la DGPN et figurant en annexe 1.

* 19 Leurs directeurs ont été nommés au conseil des ministres du 13 juillet 2023.

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