C. L'ORGANISATION ISSUE DE LA RÉFORME : UN ORGANIGRAMME QUI N'EST PAS MOINS COMPLEXE QU'AUPARAVANT

La nouvelle organisation de la filière judiciaire au sein de la police nationale instituée par les décrets n° 2023-530 du 29 juin 2023 portant organisation de l'administration centrale de la DGPN et n° 2023-1013 du 2 novembre 2023 relatif aux services déconcentrés et à l'organisation de la police nationale est décrite comme suit dans la doctrine de la DNPJ, formalisée dans un document daté du 6 février 2024 transmis aux rapporteurs :

- un échelon central repositionné sur un rôle essentiellement stratégique : le DNPJ est chargé, sous l'autorité du DGPN, de l'animation et de la coordination de l'ensemble de la filière judiciaire. En cette qualité, il fixe les instructions nationales et détermine la doctrine de la filière dont il est le garant de l'application uniforme sur l'ensemble du territoire national. Il exerce une autorité hiérarchique sur les services centraux opérationnels de la DNPJ20(*), chargés de lutter contre les menaces criminelles du très haut du spectre, et une autorité fonctionnelle sur les autres services de la filière ;

- un nouvel échelon zonal principalement dédié à la coordination : s'agissant de la filière judiciaire, celui-ci relève du service zonal de police judiciaire (SZPJ), dirigé par un directeur zonal adjoint de la police nationale en charge de la police judiciaire (DZA-PJ)21(*). Selon la doctrine de la DNPJ, cet échelon « est dédié à l'animation, la coordination et au contrôle de l'activité de la filière police judiciaire » dans l'ensemble de la zone. Le DZA-PJ est en outre décrit comme « le garant de l'application des instructions nationales et de la doctrine métier ; il apporte conseil, aide et assistance aux directeurs départementaux et interdépartementaux de la zone en matière de police judiciaire ; il veille à l'adaptation de la répartition des moyens humains et matériels pour la filière ». Lui-même sous l'autorité hiérarchique du DZPN et fonctionnelle du DNPJ, il exerce une autorité fonctionnelle sur les services de police judiciaire relevant de sa zone de compétence ;

- un niveau départemental dédié à l'opérationnel : les missions de police judiciaire sont exercées par l'un des 49 services interdépartementaux de police judiciaire (SIPJ) ou des 43 services départementaux de police judiciaire (DSPJ). Les chefs des SIPJ sont à la fois les responsables de la filière judiciaire sur le département siège de leur implantation et du dispositif de lutte contre la criminalité organisée et spécialisée à l'échelle interdépartementale, tandis que le SDPJ est compétent sur des affaires strictement départementales Dans le détail, ces services comprennent une division du pilotage opérationnel (DPO) chargée de l'animation de la filière et plusieurs divisions opérationnelles. En premier lieu, les SIPJ comportent systématiquement en leur sein une division de la criminalité organisée et spécialisée (DCOS), composée de brigades d'enquêtes spécialisées par thématiques et chargées de traiter les affaires du haut du spectre ou d'une sensibilité particulière (dites « de niveau 3 »), ainsi que des services spécifiques dont l'action dépasse le champ du département, telles que les brigades de recherches et d'intervention (BRI). Les SDPJ et les SIPJ comportent également, en principe une division de la criminalité territoriale (DCT), organisée de la même manière et chargée de traiter les affaires de dimension départementale (dites « de niveau 2 »), ainsi qu'une division de l'action judiciaire (DAJ). Les SDPJ et SIPJ sont respectivement placés sous l'autorité hiérarchique du DDPN ou du DIPN, et sous l'autorité fonctionnelle du DZA-PJ. Il. Les SIPJ et SDPJ exercent une autorité fonctionnelle sur tous les services locaux de police judiciaire (SLPJ) implantés dans le département ;

- au niveau local, des SLPJ hiérarchiquement rattachés au chef de circonscription de police nationale (CPN) dépendant lui-même du DDPN/DIPN, mais sous l'autorité fonctionnelle du chef du SDPJ/SIPJ : il existe un SLPJ par CPN, soit 306. Ils sont chargés du traitement des affaires commises sur le territoire de la circonscription, correspondant à la délinquance du quotidien (affaires dites « de niveau 1 ») et en général composés d'une division de l'enquête et d'une division de l'action judiciaire.

Cette nouvelle organisation était décrite en des termes élogieux par l'ancien DGPN Frédéric Veaux dans sa lettre précitée du 28 août 2021 : « La nouvelle organisation proposée cumulerait l'autorité fonctionnelle de directions nationales spécialisées et l'autorité hiérarchique complète du directeur général et des chefs territoriaux en s'attachant à rendre le dispositif plus simple, plus lisible et plus efficace ». À rebours de cette présentation résolument optimiste, la mission d'information ne peut que constater que l'organigramme mis en place depuis un an et demi n'est pas moins complexe que le précédent, loin s'en faut. La coexistence systématique de l'autorité fonctionnelle et hiérarchique rend l'ensemble difficilement lisible, y compris pour les intéressés. Si le principe de cette nouvelle organisation pouvait légitimement sembler satisfaisant d'un point de vue intellectuel, sa mise en pratique a en réalité créé au moins autant de difficultés qu'elle n'en a résolues. Outre la complexité intrinsèque de cet organigramme et sa mise en place dans des délais contraints, il s'est en effet révélé relativement perturbant pour des personnels de la police nationale qui ne composaient traditionnellement qu'avec l'autorité hiérarchique.

Schéma simplifié de la nouvelle architecture de la filière judiciaire
dans la police nationale

* Office anti-stupéfiants (Ofast), sous-direction anti-terroriste (SDAT), sous-direction de la criminalité organisée et de la délinquance spécialisée (SDCODS), sous-direction de la lutte contre la criminalité financière (SDLCF), office anti-cybercriminalité, service central des courses et des jeux (SCCJ), service d'information, de renseignement et d'analyse stratégique sur la criminalité organisée (Sirasco), service interministériel d'assistance technique (Siat).

** Division de la criminalité organisée et spécialisée, division de la criminalité territoriale, division du pilotage opérationnel.

*** Antenne Sirasco, antenne ou détachement Siat, brigade de recherche et d'intervention (BRI), groupe interministériel de recherche (GIR), centre de coopération policière et douanière (CCPD).

Source : commission des lois du Sénat


* 20 À savoir l'office anti-stupéfiants, la sous-direction anti-terroriste, la sous-direction de lutte contre la criminalité organisée et la délinquance spécialisée, la sous-direction de la lutte contre la criminalité financière, l'office anti-cybercriminalité et le service central des courses et des jeux.

* 21 Lui-même sous l'autorité hiérarchique du directeur zonal de la police nationale qui, à l'instar du DDPN ou du DIPN, a compétence pour l'ensemble des filières métiers au niveau de la zone.

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